Ville moyenne, depuis longtemps comme bon nombre de cites de France, Valenciennes mene une vie moyenne. Avoir ete... et n'etre plus, les villes sont comme les etres. Jadis productrice d'une fine dentelle rare, haut lieu d'un negoce prospere, " Athenes du Nord " nourriciere d'enfants aussi illustres que Watteau ou Carpeaux, capitale, voici encore quinze ans de cela d'un bassin d'emplois debordant, Valenciennes a mal au coeur. Les dentelles sont sous verre. Le musee est desert. Le grand commerce n'est plus que petit. L'epuisement du charbon et la mort de l'acier ont saigne a blanc son arrondissement, et pis, delite le socle de ses elites. Cette ville n'a plus que son passe pour pleurer. Les grandes maisons bourgeoises des boulevards circulaires peuvent bien encore abuser l'automobiliste de passage trop presse. Mais Valenciennes est a l'image de son hotel de ville mis par terre sous les bombes de 1940 : imposante facade restauree flamande cachant la mauvaise greffe d'un immeuble mal fichu. Ainsi est Valenciennes ou, pourrait-on plus justement dire, etait Valenciennes. Aux municipales de mars dernier s'est produit un seisme d'amplitude 6 sur l'echelle locale de la politique. Cette ile de droite, cernee par une maree rouge, confia son destin pendant des decennies a Robinson-Pierre Carous - senateur RPR, qui mena toujours cette ville a son train, - elu des 1947 et qui se decida a confier les cles, en 1986, a son jeune Vendredi, avocat et RPR comme lui, Olivier Marliere. Plus de quarante ans de gestion pepere et secrete, suscitant plus l'ennui que l'envie. Quarante ans de pouvoir sans controle stoppes d'un seul coup d'un seul par un gamin de Paris, Jean-Louis Borloo. Avocat lui aussi, debarque quelque temps plut tot pour reparer certaines entreprises locales, reprendre le club de foot en perdition et s'emparer au bout du compte d'une ville desesperee. Il etait jeune et cabochard. Il ne parlait pas d'etiquette mais de bonne volonte. Il reclamait du courage et invoquait l'espoir. Plus de 70 % des electeurs valenciennois lui firent confiance, parant le nouveau venu des redoutables lauriers du messie. Depuis lors, cette ville, sous son impulsion, semble vouloir secouer les puces de l'immobilisme et des connivences en tout genre. Car ici, comme dans ces villes de province que rien ne semble pouvoir jamais deranger, s'est forgee, au fil des annees, une sorte d'alliance des quatre P. P comme politique. Quarante ans de pouvoir monocolore creent des habitudes, forcement de mauvaises habitudes. P comme police quand celle-ci echange trop volontiers l'exigence du tricolore pour les besoins de la couleur politique du cru ou quand, selon un systeme parfaitement au point, elle sollicite avec trop d'insistance, pour les besoins de son amicale, les commercants de la ville pour les cadeaux de Noel et autres fetes des meres. P aussi comme presse locale, toujours respectueuse du pouvoir, fut-il place a droite ou a gauche. Quand, avec une longue frequentation des notables, elle prend leurs propos pour argent comptant. P enfin comme pegre, quand celle-ci beneficie de solides appuis, tandis que, pour que l'habitant dorme en paix, sont recenses avec minutie vols a la roulotte ou prises au collet du Maghrebin du coin. A ce jeu classique du " je te tiens, tu me tiens par la barbichette ", cette loge des quatre P peut noyer toute une ville dans un brouillard opaque, confortable, placer toute la bonne petite societe locale au-dessus de tout soupcon. Valenciennes aurait sans doute pu encore demeurer longtemps dans ces brumes, si un commissaire nouvellement arrive, au cuir tanne par pas mal de crapahutages, ne s'etait mis en tete de vouloir tout simplement faire son metier. Si le procureur de la Republique, debarque depuis dix-huit mois de Corse, ne s'etait resolu a eclaircir tous les mysteres de la ville. Si le juge d'instruction, sortant tout droit de l'ecole, n'etait presse de passer de la theorie a la pratique. Si enfin un journaliste d'un des deux titres locaux, Nord Matin, n'avait decide d'en finir avec la frilosite ambiante. L'affaire dont toute la ville parle aujourd'hui commence a la mi-juillet quand le nouveau commissaire entreprend de proceder a l'arrestation d'Emile Verie qu'on croyait definitivement reconverti dans la restauration et qui se croyait surtout, lui, definitivement a l'abri. Le bel Emile etait un personnage de la cite. Cet homme au passe trouble avait depuis longtemps enseigne sur rue, en tant que proprietaire d'un des restaurants cotes de la ville. Sa fille avait servi de bonne chez Mr le senateur et maire. Emile pouvait en outre se targuer d'avoir des amis bien places. Qui pouvait l'inquieter ? Proche un temps de l'ancien SAC, bien implante jadis en ville sous le couvert du concessionnaire du garage Peugeot, relaye depuis par l'actif syndicat maison de la CSL dans les usines automobiles du secteur, Emile ne ratait aucun deplacement d'un leader gaulliste et vivait en toute impunite. Le commissaire divisionnaire de Valenciennes, Rene Lega, tresorier national du Syndicat national des commissaires de police, qui n'est guere seduit par la gauche, n'avait d'ailleurs lui-meme jamais songe a l'inquieter, jusqu'a ce que son subordonne ne profite de ses vacances pour le faire. En ce jour de juillet, Michel Bourdeaux devait, sans le savoir, prendre un fil d'une quenouille d'affaires qu'il n'a pas encore, loin de la, fini de devider a ce jour. Emile Verie est d'abord inculpe pour recel et complicite de vol. Son dossier, qui aurait pourtant eu le temps, depuis vingt ans, de s'epaissir est introuvable au commissariat. Emile, son epouse et son fils sont tous trois aujourd'hui a la prison de Loos-les-Lille, l'enquete montrant que cette famille ne donne pas dans l'amateurisme. Recels de bijoux, proxenetisme, trafic d'influences, les accusations sont multiples. Un scanner est retrouve dans l'arriere-salle du restaurant, revelant un systeme d'ecoute branche sur la police, mais aussi, avant et apres la campagne electorale, sur les communications telephoniques de la voiture de Jean-Louis Borloo. Il peut etre facilement prouve que Le Pot d'etain a une double enseigne. Respectable le jour. Inquietante la nuit, puisque s'y tiennent des reunions qui interessent des policiers. Debut octobre, l'affaire touche le proprietaire du Cafe de la Mairie a Conde-sur-Escaut, Gerard Arnetaux, a son tour inculpe. L'homme, comme on dit dans la region, est aussi " quelqu'un ". President d'une importante societe de chasse frequentee par bon nombre de personnalites locales, il vient surtout de prendre sa retraite du poste de patron de la brigade territoriale de recherches du groupement de gendarmerie de Valenciennes. Nord Matin commence a parler d'un " scandale retentissant ", tandis que son concurrent, la Voix du Nord, prefere ne point s'apesantir sur le sujet. La ville papote. Les langues commencent a se delier. La vague monte. Un trafic d'influences est soupconne entre l'ancien gendarme et un sous-brigadier du commissariat de Valenciennes, secretaire en titre du ministere public. L'IGPN vient secretement enqueter sur place. Le sous-brigadier partira en retraite dans trois mois... Les amis d'Emile, navres de ce qui arrive, commencent a parler. La bonne societe valenciennoise se met a trembler. Un des principaux assureurs de la ville, branche sur le fonds de commerce de la Prevention routiere, pourrait etre inquiete pour recel d'or fondu. L'ancienne equipe municipale risque egalement d'etre atteinte. Pegre, police, politique, le cercle se referme. Des affaires de fausses factures liees a la gestion d'Olivier Marliere et de Pierre Carous commencent aussi a etre levees. Une fontaine, sur la place d'Armes, bien onereuse, un parking qui ne fut pas gratuit, des terrains en centre-ville curieusement negocies, toute la ville est en emoi. " Il faut secouer tout cela ", assurent les uns. " Vous verrez que tout cela ne sera, au total, qu'une montagne accouchant d'une souris ", promettent les autres. S'il ne s'agissait que d'une souris, comment comprendre les difficultes rencontrees par le commissaire Bourdeaux aupres de sa hierarchie ? Son enquete, c'est la nuit qu'il doit la diligenter par un travail de fourmi fastidieux. Le jour, on se charge de l'occuper avec le tout- venant. Au commissariat, la base discretement commence a respirer d'aise. La tete se plaint de ce " cow-boy " qui refuse la loi du milieu et donc du silence. Le journaliste de Nord Matin, Christian Nogent, est compare par les mecontents ou les inquiets au mieux a Sherlock Holmes, au pis a " un fouilleur de merde ". Lui pretend faire tout simplement son travail. La moralisation de la vie locale est decidement un vaste chantier. Les Nord Matin, chaque dimanche depuis le debut de ce mois, s'arrachent comme des petits pains. La population, sevree depuis si longtemps, a soif de savoir. La ville moyenne veut se grandir. La democratie et la transparence ont de ces exigences ! Dans sa mairie, Jean-Louis Borloo veut laisser l'enquete suivre son cours bien que des reponsables du RPR soient venus le prier de faire arreter les frais. Presentees par Mr Pierre-Charles Krieg (RPR) et Jean-Pierre Fourcade (UDF), president et premier vice-president du conseil regional d'Ile-de-France, les orientations budgetaires pour 1990 ont ete repoussees, le mardi 24 octobre, par la conjonction des suffrages du PS (soixante-cinq elus), du PC (vingt) et du Front national (dix-neuf). Le meme phenomene avait eu lieu l'an dernier a propos des orientations budgetaires pour 1989. Les socialistes - qui ont emis un vote plus "politique", au moment ou le gouvernement Rocard a l'Assemblee nationale etait sous le coup d'une motion de censure, que reellement motive sur le fond - ont denonce le "manque de souffle de ce budget", l'"indecision" de la majorite RPR-UDF sur la politique des lycees et de la formation professionnelle, car "il aurait ete possible d'aller plus vite et plus loin" et enfin l'insuffisance des credits au chapitre du logement. Mr Krieg, pour sa part, a eu beau jeu de s'interroger sur "le double langage du groupe socialiste qui, en repoussant ces orientations budgetaires, refuse d'envisager d'eventuelles implications financieres des dispositions proposees par le premier ministre pour l'Ile-de-France, le 13 octobre". "Qu'en pensera le conseiller regional Michel Rocard?", a-t-il ajoute. Selon le president du conseil regional, le PS vient egalement "de refuser d'honorer les engagements du contrat de plan Etat-region negocie avec le gouvernement socialiste et signe le 31 mai pour la periode 1990-1993 ". Le rejet des orientations budgetaires n'a pour le moment qu'une portee purement formelle. La session budgetaire proprement dite est prevue a la mi-janvier. Rappelons que le budget regional (7,6 milliards de francs en 1989) devrait, selon les previsions, passer a 9,2 milliards en 1990 et a 10,2 milliards en 1991. Pour l'an prochain, les orientations budgetaires prevoient, en consequence, une augmentation de 15 % des taux de la fiscalite directe. L'enquete sur l'attentat du DC-10 d'UTA, confiee au juge d'instruction Jean-Louis Bruguiere, progresse lentement. L'explosion en vol de l'appareil, le 19 septembre 1989, a rendu extremement difficile le travail des enqueteurs, qui n'ont pu identifier que soixante-cinq personnes sur les cent soixante et onze victimes. Plusieurs hypotheses sont aujourd'hui discutees, qu'il s'agisse de la situation politique au Congo ou des relations franco-iraniennes, voire franco-syriennes. Mais aucune n'emporte la conviction. Seules certitudes : l'explosif utilise n'etait pas du semtex comme on l'avait d'abord suppose mais de la pentrite ; la valise piegee a ete embarquee a Brazzaville et non a N'Djamena. Lorsque les policiers parisiens du neuvieme cabinet de delegations judiciaires charges d'identifier les victimes du DC 10 d'UTA lurent sur la liste des passagers remise par la compagnie le nom de Jacques Renaudat, les plus anciens d'entre eux sursauterent. Cet homme d'affaires de cinquante-trois ans qui, dans l'avion, en premiere classe, etait assis au cote de Mahamat Soumaila, ministre tchadien du plan, n'etait-il qu'un homonyme de ce mauvais garcon connu de leurs services pour avoir autrefois frequente trop assidument quelques-unes des celebrites de la French Connection ? De rapides verifications ne laisserent bientot aucun doute : Mr Jacques Renaudat etait bien Jacky Renaudat, ex-truand fiche au grand banditisme depuis 1973. Lui qui avait toujours su eviter le sort de ses amis, trop souvent victimes de brutaux reglements de comptes, figurait parmi les cent soixante et onze passagers morts dans l'attentat le plus sanglant qui ait jamais endeuille l'aviation francaise. Depuis les annees 60, lorsque sa mere tenait encore le Trou des Halles, bistrot du ventre de Paris, Jacky Renaudat avait fait du chemin. Il etait alors connu des policiers pour de modestes affaires de violence et de cheques. Evitant les trop lourdes condamnations, il monta bientot en grade, tata du proxenetisme, puis vira vers le trafic de drogue et le racket. A l'epoque, la police judiciaire le soupconnait d'etre l'un des " petits soldats " qui, pour le compte des freres Perret, disputaient a coups de revolver le controle du faubourg Montmartre au clan Zemmour. Surtout, Renaudat vivait dans le sillage de Lucien Sans, truand, certes, mais aussi barbouze enrolee au SAC lors des derniers soubresauts de la guerre d'Algerie. Or le 2 mai 1967, Lucien Sans, dit Bouboule, etait mitraille par deux inconnus alors qu'il se rendait au Don Camillo, cabaret parisien ou les anciens des services speciaux avaient leurs habitudes. Bouboule s'en tira mais l'incident fit reflechir Jacky Renaudat. Quelques annees plus tard, il avait intelligemment change son fusil d'epaule, traitant desormais de carambouilles, d'affaires financieres et de fausses factures, domaines nettement moins exposes que la drogue ou le vol a main armee. Jacky Renaudat devait bientot prendre pied sur le marche africain, habile commissionnaire proposant ses services a qui pouvait les retribuer. Un tel passe a naturellement fait reflechir les policiers charges de l'enquete sur l'attentat contre le DC 10. Jacky Renaudat, comme l'ont ecrit plusieurs journaux, etait-il sur le point de vendre a l'OLP des armes libyennes saisies par les Tchadiens ? Et, dans l'affirmative, cette transaction pourrait-elle expliquer l'attentat ? Sur le premier point, les policiers invoquent le manque d'elements et refusent de se prononcer. Sans doute ce silence est-il aussi a rapprocher de l'identite du voisin de Jacky Renaudat, ce ministre tchadien dont les hautes fonctions rappellent que le commerce des armes comporte souvent une dimension politique peu compatible avec la publicite ? Sur le second point, en revanche, les enqueteurs sont moins reserves, doutant presque unanimement que la volonte d'eliminer Jacky Renaudat puisse etre a l'origine de l'attentat. " Renaudat voyageait sous sa veritable identite, fait remarquer l'un d'eux, et sa famille, qui l'attendait a Paris, s'est manifestee aupres d'UTA des l'annonce de la disparition de l'avion. " Autant d'elements qui, aux yeux des enqueteurs, paraissent peu compatibles avec la discretion qui s'attache d'ordinaire aux transactions sensibles. S'y ajoute le sentiment indefinissable qu'un tel attentat serait disproportionne par rapport au but recherche : " On pouvait toujours le tuer seul, ici, rencherit un policier. Ce ne sont pas les professionnels discrets qui manquent. " Quoi qu'il en soit, cette piste-la devra aussi etre exploree, ne serait-ce que pour etablir qu'il s'agit vraiment d'une voie sans issue. Les hypotheses ne sont pourtant pas multiples. Une fois ecartee - avec vehemence - celle un instant soulevee d'une explosion accidentelle provoquee par d'imprudents agents de la DGSE embarques avec du materiel explosif, il n'en reste en realite que deux. Selon la premiere, l'attentat pourrait etre en relation avec la situation politique qui prevaut au Congo. Bien qu'ils manifestent a ce sujet un certain septicisme, les enqueteurs se sont quand meme rendus recemment a Nancy, ou residaient quatre citoyens congolais victimes de l'attentat. Dans cette meme ville, habitent egalement plusieurs des opposants au president congolais Denis Sassou Nguesso. Il n'en a pas fallu plus pour proceder a quelques verifications. Toutes les autres hypotheses ressortissent a la situation moyen-orientale. Avec le sentiment d'agiter des evidences rebattues, les enqueteurs evoquent l'Iran, le hezbollah pro-iranien ou encore la Syrie, parties dont aucune n'aurait goute les estivales et timides manoeuvres de la flotte francaise au large du Liban. Ils rapprochent l'attentat du DC 10 d'UTA de celui du Boeing de la Panam, rappellent les soupcons qui pesent sur le FPLP-CG et sur la Syrie. Le traditionnel contentieux franco-iranien, qu'il s'agisse du dossier Eurodif ou d'Anis Naccache, toujours detenu, est parfois egalement mis en avant. Mais rien n'est fiable et l'on se garde surtout d'exprimer de quelconques certitudes. L'efficacite politique d'un attentat, les specialistes de la lutte anti terroriste le savent mieux que personne, suppose que le signataire soit clairement identifie et que son message soit dechiffre sans ambiguite. Or tel n'est pas le cas, tout au moins dans les services interesses. " Si un tel message a ete envoye, il ne nous est pas parvenu ", y assure-t-on sans exclure pour autant la possibilite qu'il soit arrive " plus haut ".De meme dement-on avec vigueur que les services francais aient ete precisement informes, quelques jours avant le drame, par des services etrangers, israeliens ou americains, qu'un attentat etait en preparation. " Les mises en garde de ce type sont notre ordinaire, assure encore un responsable, et tous les jours nous parviennent, de nos homologues du monde entier, des messages helas trop vagues pour nous permettre d'intervenir. Tel nous annonce que selon ses renseignements des attentats auraient ete decides par une quelconque organisation ; tel autre nous assure qu'un terroriste doit prochainement embarquer a destination de Paris. Tant qu'on ne sait pas qui, quand et ou, tout cela est rigoureusement inexploitable. " Reste alors, en l'absence de l'improbable renseignement qui permettrait l'explication immediate, la routine du travail policier, l'examen des debris, les tests scientifiques et, sur place, l'harassante enquete de terrain. C'est bien celle-la que le juge d'instruction Jean-Louis Bruguiere, accompagne de Mme Laurence Le Vert, chef de la 14e section du parquet, et de quelques policiers de la PJ et de la DST sont alles observer, courant octobre, au Congo d'ou etait parti le DC 10 d'UTA et au Tchad ou il avait fait escale. Recus a Brazzaville par les ministres des transports et de la justice, a N'Djamena par ceux de la justice, des transports et de l'interieur, la delegation francaise a pu constater aussi bien l'irritation des responsables locaux devant l'implicite mise en cause par la presse de leurs responsabilites que l'absence de serieuses mesures de securite dans leurs aeroports. L'enquete, cependant, progresse lentement. Il est maintenant certain que l'explosif dont s'etaient servis les terroristes etait de la pentrite et non du semtex, specialite tchecoslovaque dont il avait ete trop rapidement fait etat. Utilisee parfois en Corse, ou par le mysterieux groupuscule anarchiste Black War, ou bien encore lors de plusieurs attentats revendiques par le CSPPA, en 1986, la pentrite decouverte sur l'avion d'UTA etait amalgamee a une pate plastique conditionnee en feuilles. Une presentation de type ancien et qui, selon les specialistes, semble aujourd'hui abandonnee. Les prelevements effectues par les ingenieurs du laboratoire central de la prefecture de police permettent aussi d'affirmer que la bombe etait placee dans une valise embarquee a Brazzaville. L'examen du conteneur charge dans la capitale congolaise, comme celui du conteneur embarque a l'escale de N'Djamena, dans la soute avant situee sous le compartiment des premieres classes, a permis aux enqueteurs d'en avoir la certitude. Le premier portait en effet des traces de poudre sur les faces internes ; le second, crible de debris metalliques, etait " marque " sur les faces externes. Il est egalement etabli que la disposition des bagages en soute ne permettait pas a un eventuel terroriste d'ouvrir a N'Djamena le conteneur embarque a Brazzaville pour y deposer une bombe. Plusieurs policiers francais sont demeures a Brazzaville pour tenter, en liaison avec leurs collegues africains, de remonter cette premiere et pour le moment seule serieuse piste. Les deputes ont adopte en premiere lecture, jeudi 26 octobre, le budget de l'agriculture et de la foret et le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), presentes au nom du gouvernement par Mr Henri Nallet, ministre de l'agriculture. Seul les socialistes ont vote pour, les communistes se sont abstenus, les groupes RPR, UDF et UDC ont vote contre. Les credits affectes au budget de l'agriculture et de la foret s'elevent pour 1990 a 37,5 milliards de francs, soit une hausse de 3,5% par rapport a 1989, et representent 3,07% du budget general de l'Etat. Les credits du BAPSA s'elevent a 76,6 milliards de francs (en hausse de 4,9% par rapport a 1989). L'annonce, dans l'apres-midi, de nouvelles aides financieres importantes en faveur des agriculteurs victimes de la secheresse, a permis a Mr Nallet de faire adopter un budget, qui semblait initialement condamne a etre " reserve " comme l'avaient ete, mercredi 25 octobre, ceux de la communication et des anciens combattants. L'abstention, attendue un moment cote centriste, est finalement venue des communistes, qui, tout en denoncant la " politique d'austerite du gouvernement dans le droit fil de celle de la CEE " en matiere agricole, ont toutefois voulu tenir compte des efforts consentis pour la secheresse. Mr Henri Nallet jubilait. "Ah ! vous avez pris un coup cet apres-midi, avec mes annonces sur la secheresse, lancait-il dans un large sourire a l'un de ses interlocuteurs du RPR. Et vous avez du mal a justifier devant les agriculteurs que vous votez contre un budget qui comprend de telles dispositions. Alors, vous fouillez dans les recoins..." Le ministre de l'agriculture avait soigneusement orchestre son effet. On disait son budget battu d'avance, contraint a la reserve. Des agriculteurs en colere, accompagnes de quelques blancs moutons, avaient manifeste devant l'enceinte du Palais-Bourbon et s'etaient meme empoignes avec les forces de l'ordre. Bref, rien n'allait plus. Sauf que Mr Nallet n'avait pas encore abattu toutes ses cartes. Il a meme pris un plaisir certain a ne devoiler son joker que tardivement. Apres avoir repondu tranquillement a toutes les objections soulevees par les differents orateurs sur son projet de budget pour 1990, il a annonce, en fin d'apres-midi, que le premier ministre venait de decider un effort complementaire d'environ 1,6 milliard de francs en faveur du fonds national des calamites pour aider les agriculteurs victimes de la secheresse. "Ainsi, tout ce que vous avez demande est decide", a-t-il declare, l'air faussement ingenu, aux deputes stupefaits assis sur les bancs de l'opposition. "Ils en restent secs !", constatait ironiquement Mr Alain Calmat (app. PS, Cher). Beaux joueurs, ces memes deputes, une fois remis de leur surprise, se sont tous succede au micro pour saluer comme il convenait cette manne inattendue. Secheresse mise a part, restait tout de meme un budget a eplucher. En augmentation de 3,5% par rapport a 1989 alors que les depenses de l'Etat progressent dans le meme temps de 5,3%, il n'offrait pas, a priori, d'evidentes qualites. Alors, de joueur, le ministre s'est fait magicien. Une parfaite maitrise technique de son sujet et une diplomatie politique a toute epreuve lui ont permis de reussir ce tour de force de presenter comme un " grand " budget des credits que le groupe RPR avait denonces, par la voix de Mr Bernard Scheiner (Bas-Rhin), comme "une simple actualisation des depenses, compte tenu de l'inflation", tandis que l'orateur du groupe UDF, Mr Paul Chollet (Lot-et-Garonne), parlait de "resignation et de stagnation". Quant au rapporteur special de la commission des finances, Mr Yves Tavernier (PS, Essonne), il avait prudemment estime que ce budget conciliait "le possible et le raisonnable". Fidele a son credo, Mr Nallet s'est tout d'abord employe a fustiger les "pleureuses" qui hantent toujours les debats budgetaires concernant l'agriculture. "Non, ce n'est pas un secteur sinistre ! Non, l'agriculture n'est pas la construction navale. (...) Et ce n'est pas un service a leur rendre que de pleurer sans arret sur ces pauvres agriculteurs qui souffrent. Certes il y en a qui souffrent, et il faut les aider, mais d'autres se portent bien." Il va meme falloir, a ajoute le ministre, que "certains changent leur discours". Des preuves ? Elles se ramassent a la pelle, selon Mr Nallet. Dans la lecture des resultats du recensement general de l'agriculture, par exemple. Publie - fort opportunement - ces dernieres semaines, il revele que "les jeunes continuent de s'installer" et ce, "quel que soit le niveau des prix ou celui du revenu agricole". Le recensement fait etat de vingt mille installations chaque annee. Plus jeunes (13% des chefs d'exploitation ont moins de trente-cinq ans, tandis que 13% ont plus de soixante-cinq ans contre 16% en 1979), les agriculteurs sont aussi plus performants : ils sont plus qualifies techniquement, utilisent des ordinateurs, tiennent une comptabilite reguliere, investissent mieux et s'adaptent beaucoup plus facilement aux besoins du marche. Quant a la surface des exploitations agricoles, contrairement aux inquietudes exprimees au nom du groupe communiste par Mr Pierre Golberg (Allier), "on ne constate aucune tendance au gigantisme " et les concentrations ont lieu essentiellement sous la forme de societes d'agriculteurs, en particulier de GAEC. Les "predictions alarmistes" sur la desertification des terres doivent-elles aussi etre revues, a observe Mr Nallet. En dix ans, seul 1% de la surface agricole serait retourne a la friche. C'est donc "une image plutot moderne" de l'agriculture que donne ce recensement. Une image qui permet aussi de demontrer au contribuable francais que "depuis dix ans, son argent n'a pas ete gaspille". Mais cette vision optimiste ne saurait certes pas faire oublier les handicaps structurels de l'agriculture : une pyramide des ages, notamment, qui en depit d'un reequilibrage a la base reste encore pour un temps "demesurement gonflee" a son sommet et une profession qui, faute d'adaptation, connait encore dans certains secteurs de "graves difficultes". Ce double constat justifie donc, selon Mr Nallet, les deux orientations principales de son budget. Tout d'abord, "favoriser l'emergence de cette agriculture nouvelle" par un effort substantiel en faveur de l'enseignement agricole (11% de depenses supplementaires et la creation de deux cent vingt-deux emplois nouveaux dans le public, 11% de plus egalement pour les dotations a l'enseignement prive) ; par un renforcement de l'aide a l'installation des jeunes agriculteurs (853 millions de francs de credit, soit 100 millions de plus qu'en 1989) ; par la creation d'"un environnement economique favorable" en modernisant les exploitations, les marches et les filieres (les credits de recherche-developpement en matiere agroalimentaire augmentent de 20%). Mais le budget doit egalement assurer la "solidarite nationale". Cela passe par un renforcement des credits en faveur des agriculteurs en difficulte (500 millions contre 300 millions en 1989) et par un effort particulier de l'Etat pour le financement du regime agricole de securite sociale. La compensation du regime general au regime agricole atteint 22 milliards de francs en 1990 (soit une hausse de 13%) et la subvention de l'Etat s'eleve a plus de 11 milliards (soit plus de 6,8%). Le Parlement, a precise Mr Nallet, devrait en outre examiner au cours de cette session, le projet de reforme du financement de la securite sociale agricole, qui prevoit la mise en place d'une nouvelle assiette de cotisations sociales payees par les producteurs. C'est justement sur la lancinante question des cotisations sociales agricoles que l'opposition a concentre ses critiques. Tout en reaffirmant son accord avec les principes de la reforme du financement des cotisations qui sera proposee sous peu au Parlement, Mr Ambroise Guellec (UDC, Finistere), a observe que, a court terme, les subventions de l'Etat au BAPSA restaient insuffisantes. Le groupe centriste avait d'ailleurs fait de l'augmentation de cette participation de l'Etat (a hauteur de 400 millions de francs) la condition de son abstention sur ce budget. L'ensemble des deputes de l'opposition s'est egalement prononce en faveur d'une reforme de l'impot sur le foncier non bati, actuellement fonde sur le revenu cadastral et a ce titre "source d'inegalite". Mr Edmond Alphandery (UDC, Maine-et-Loire), a d'ailleurs annonce qu'il defendrait, lors de la discussion des articles non rattaches, un amendement tendant a plafonner l'impot sur le foncier non bati. Partisan d'une reduction de cet impot, Mr Nallet a declare approuver la proposition de reforme. L'annonce des mesures "ponctuelles" sur la secheresse n'a donc pas empecher les deputes de l'opposition de denoncer les insuffisances "structurelles" des credits de l'agriculture. Mais ce vote politique sur un budget traditionnellement juge strategique n'a rien enleve a l'extreme courtoisie des debats. Et Mr Germain Gengenwin (UDC, Bas-Rhin) a meme exprime son "regret" de ne pas pouvoir se prononcer favorablement sur le budget d'"bon ministre de l'agriculture"... Avec lui, le Foreign Office - a l'egard duquel la " Dame de fer " nourrit beaucoup de mefiance - retrouve a sa tete un diplomate de carriere et une personnalite qui, pour etre loyale, ne fait pas partie du cercle des plus proches fideles du premier ministre, comme Mr Major, par exemple. A cinquante-neuf ans, Mr Hurd voit se realiser sa grande ambition. Enfin. Car on dit que Mme Thatcher lui aurait une premiere fois refuse ce poste tant desire sous pretexte qu'elle le jugeait un peu trop pro-europeen a son gout. Mr Hurd a commence sa carriere a Pekin en 1954, avant d'etre nomme aux Nations unies a New-York (1956-1960) puis a Rome (1960-1963). En 1966, il quitte le service diplomatique pour se tourner vers la politique et militer au sein du Parti conservateur ou il devient secretaire particulier de Mr Edward Heath, alors leader de l'opposition, avant que d'etre premier ministre. Avoir ete un collaborateur de celui qui est aujourd'hui l'un des plus farouches detracteurs de la " Dame de fer " continue de donner a Mr Hurd une reputation de " marginal " au sein de l'actuel cabinet, si tant est que ce mot puisse encore avoir un sens dans la mesure ou Mme Thatcher, depuis dix ans, a ecarte la plupart des ministres qui ne partageaient pas ses vues, notamment les moderes de l'" ecole Heath ", a l'exception de Mr Peter Walker (ministre charge du Pays de Galles). C'est certainement au 10, Downing Street, en assistant Mr Heath, artisan de l'adhesion de la Grande-Bretagne a la Communaute, que Mr Hurd a acquis son image d'" Europeen ". Elu depute en 1974, il continuera, a la Chambre, de suivre plus particulierement les questions communautaires. En 1979, il est nomme secretaire d'Etat au Foreign Office. En 1983, il occupe le meme rang au Home Office (interieur) et ce n'est qu'un an apres qu'il devient membre du cabinet en prenant la penible charge de l'Irlande du Nord que tout homme politique britannique redoute de se voir proposer. Il saura faire ses preuves dans cette tache en etant le principal promoteur, cote britannique, de l'accord anglo-irlandais de 1985 (qui donne au gouvernement de Dublin un certain droit de regard dans les affaires d'Ulster) et en sachant vaincre les reticences de Mme Thatcher a ce sujet. Mr Hurd revient au Home Office, cette fois comme ministre, en 1985, ou sa moderation et sa ponderation seront de nouveau appreciees alors que Mme Thatcher persiste a avoir pour priorite de faire strictement respecter " la loi et l'ordre ". Mr Hurd sait temperer les ardeurs des " ultras ", si bien qu'on lui reprochera d'avoir manque de fermete dans la repression des emeutes dans les quartiers pauvres d'immigres ou sur les stades saisis par le " hooliganisme ". A signaler aussi que l'affable et courtois Douglas Hurd a toujours affirme clairement son rejet de la peine de mort au retablissement de laquelle Mme Thatcher est favorable. Au sein du HCR, Mr Jean-Pierre Hocke s'etait fait la reputation d'un homme autoritaire, parfois cassant. Les nominations qui bouleversaient l'organigramme et auxquelles il avait procede etaient regulierement critiquees. Age de cinquante et un ans, il a fait toute sa carriere dans le tiers-monde ou il a debute dans le milieu humanitaire au Biafra a la fin des annees 60, alors qu'il etait representant en Afrique d'une marque automobile francaise. Apres des etudes en sciences economiques a l'universite de Lausanne, Mr Hocke se rend au Nigeria a la tete d'une societe d'import-export. Il rentre au Comite international de la Croix-Rouge de Geneve (CICR) en 1968, ou il occupe, avec brio, les fonctions de chef de delegation au Nigeria puis au Liban. Bon organisateur, sachant s'adapter aux situations difficiles, il devient alors responsable de l'action du CIRC pour tout le sous-continent indien, notamment en 1971, lors du conflit entre l'Inde et le Pakistan. Il accede ensuite au poste de directeur des operations du CICR, fonction qu'il occupera jusqu'en 1985. Il se montre toujours aussi energique, notamment lors de la guerre d'octobre de 1973 entre l'Egypte et Israel, au moment de la chute de Saigon en 1975, lors du conflit Iran-Irak et pendant la grande secheresse en Ethiopie en 1984. En 1985, sa designation pour remplacer le Danois Poul Hart- ling a la tete du HCR ne pose guere de probleme, de meme que sa reelection il y a un an. Mais, selon des fonctionnaires du HCR, son caractere autocratique ainsi que l'absence de concertation dans sa direction ont rapidement sape son prestige au sein du HCR. Sa chute est intervenue a la suite de revelations faites par la presse, avec laquelle il n'avait jamais entretenu de bons rapports. L'Autrichien Gerald Hinteregger, nomme jeudi 26 octobre par interim au poste de haut-commissaire pour les refugies par le secretaire general de l'ONU, occupe actuellement le poste de secretaire executif de la commission economique des Nations unies pour l'Europe (CEE-ONU). Mr Jean-Pierre Hocke, haut-commissaire des Nations unies pour les refugies, a demissionne de ses fonctions, jeudi 26 octobre. Il sera remplace, a titre provisoire, par Mr Gerald Hinteregger, actuel secretaire executif de la Commission economique des Nations unies pour l'Europe (CEE-ONU). Mr Jean-Pierre Hocke a justifie sa decision de demissionner de son poste dans une lettre adressee au secretaire general de l'ONU, Mr Javier Perez de Cuellar. " Ces deux dernieres annees, des attaques anonymes et publiques ont ete portees contre moi et l'institution. La derniere en date (rapport anonyme) revet un caractere de gravite extreme dont je ne peux accepter ni la methode ni le contenu ", ecrit Mr Hocke. Il ajoute que " la divulgation de ce document et d'autres dans le passe, de l'interieur de la maison, porte gravement atteinte au HCR dans son ensemble ". " Au moment ou vous avez decide d'intensifier l'enquete que vous avez initiee, je ne veux en aucune maniere, par ma presence a la tete du HCR, compliquer l'investigation en cours ", ajoute- t-il en priant le secretaire general de le liberer de son mandat a partir du 1er novembre. Le document anonyme auquel se refere Mr Jean-Pierre Hocke est un dossier volumineux parvenu a plusieurs missions diplomatiques a Geneve, ainsi qu'a la presse. Le magazine " Rundschau ", de la Television suisse alemanique, l'avait, le premier, porte a la connaissance du public. Ce dossier, pieces comptables a l'appui, accuse Mr Hocke d'avoir voyage en avion en premiere classe pour ses deplacements intercontinentaux, alors que ce privilege est reserve au seul secretaire general des Nations unies. Mr Hocke se faisait ensuite rembourser les supplements par rapport a la classe " affaires " par un fonds finance par le Danemark et la Suede, et destine en fait a l'education des refugies. Depuis 1987, Mr Hocke est accuse d'avoir puise pour 300 000 dollars dans ce fonds. A la suite de ces revelations, le Danemark avait demande une enquete a Mr Perez de Cuellar, celle que Mr Hocke dit ne pas vouloir entraver par sa presence a la tete du HCR. Le Danemark a aussi demande expressement que tout l'argent de ce fonds soit desormais consacre a l'education des refugies. Cette affaire est intervenue apres quatre annees d'une gestion pour le moins controversee et fortement critiquee. En janvier 1988, Mr Hocke avait notamment fait detruire les 130000 exemplaires d'un numero de Refugies, le mensuel du HCR, dont le contenu n'avait pourtant rien de subversif ou de polemique (le Monde du 15 janvier 1988). Depuis, aux prises avec de tres graves difficultes financieres, comme la plupart des autres organisations humanitaires, le HCR connaissait egalement une crise de confiance. Reuni du 5 au 13 octobre dernier, le comite executif du programme du HCR avait cree un groupe de travail, que certains ont accueilli comme un organisme destine a mettre sous surveillance la gestion de Mr Hocke. Cinq policiers ont ete tues et au moins quarante autres blesses, dont une quinzaine grievement, dans la nuit du jeudi 26 au vendredi 27 octobre, lors d'un attentat a l'explosif commis contre un car de police a Medellin. La deflagration a ete provoquee par une charge de 30 kilogrammes de dynamite. Cette attaque n'a pas ete revendiquee, mais les observateurs estiment qu'elle est imputable aux " barons " de la drogue, dont la principale organisation est precisement le cartel de Medellin. Cette organisation s'est lancee dans une guerre totale contre le gouvernement du president Virgilio Barco, qui a refuse officiellement tout dialogue avec les trafiquants de drogue. Deux policiers en faction devant le consulat d'Equateur a Medellin avaient, en outre, ete tues jeudi matin par des inconnus circulant en taxi. Ces actions criminelles portent a 31 le nombre de morts et a 125 le nombre des blesses lors des 224 attentats commis par les narco-terroristes durant les deux derniers mois. Emoi dans les couloirs du palais de justice a Lille. On a derobe l'original de l'acte de naissance du general de Gaulle. La page, a la date du 23 novembre 1890, a ete arrachee du registre d'etat civil et remplacee par une photocopie. Le registre, conserve au greffe du tribunal de Lille, devait etre transfere l'an prochain aux archives departementales du Nord, au terme du delai legal de cent ans. Il avait ete recemment descendu au sous-sol du palais en attendant son transfert. C'est a cette occasion que le greffier a eu la curiosite de regarder l'acte de naissance du fondateur de la Ve Republique et de constater le forfait... Fort heureusement, il existe un second exemplaire du registre d'etat civil, entrepose, celui-la, a la mairie de Lille. Voici plusieurs semaines, le procureur s'etait inquiete de la presence du precieux registre et avait attire l'attention sur la necessite de prendre quelques precautions quant a la preservation du document, a l'approche de la celebration du centieme anniversaire de la naissance du general. Les services d'etat civil avaient alors juge bon de mettre le registre sous clef. Une semaine plus tard, ils recevaient un second appel du procureur leur faisant part du vol perpetre au palais de justice... Il semble que le vol ait pu etre commis entre la fin de l'annee derniere et le mois de septembre. L'oeuvre d'un admirateur inconditionnel ou celle d'un collectionneur sans scrupule ? Une enquete a ete ordonnee et confiee au SRPJ de Lille. L'acte ecrit a la plume, date du 23 novembre 1890, indique que, Henri, Charles, Alexandre de Gaulle " a presente un enfant de sexe masculin ne le 22 novembe a 4 heures du matin en la maison sise rue Princesse " portant les " prenoms de Charles, Andre, Joseph, Marie ". Les temoins etaient un medecin et un cocher. A l'approche de la celebration du centenaire, la psychose du vol a meme laisse courir la rumeur selon laquelle l'un des deux originaux de l'acte de bapteme du general avait disparu. En fait, il n'en est rien et le Pere Deledicque, cure de la paroisse Saint-Andre a Lille, l'a confirme. C'est en realite l'acte de bapteme 'un autre celebre lillois qui a disparu, celui du cardinal Lienart. - Poursuivi par le parquet du tribunal d'instance d'Auxerre pour avoir qualifie, notamment, de " cow-boys " deux policiers qui l'avaient intercepte alors qu'appele en urgence il se rendait aupres d'un malade (le Monde du 30 septembre), le docteur Jacques Ribier a ete condamne, le jeudi 26 octobre, a 5 000 F d'amende et 2 F francs symboliques de dommages et interets. Le medecin a decide de faire appel. Le general Jean Favreau a ete tue par un homme seul qui voulait lui voler son vehicule. Alain Guibert, vingt et un ans, meurtrier presume de l'ancien gouverneur militaire de Paris, a ete arrete dans l'apres-midi du mercredi 25 octobre par le SRPJ de Bordeaux, a Verdelais (Gironde). Le jeune homme, sans emploi, habitant chez ses parents a Saint-Germain-du-Puch, avait deja ete condamne trois fois par le tribunal correctionnel de Libourne : en fevrier 1989, pour menaces de mort sous conditions ; en juin 1989, pour violences et voies de fait avec premeditation ; enfin, le 3 octobre dernier, soit quatre jours avant le meurtre du general, Alain Guibert avait ete condamne a six mois de prison ferme pour coups et blessures volontaires. Il avait comparu libre devant le tribunal et ne devait purger sa peine qu'apres expiration du delai legal d'appel. Le samedi 7 octobre, Alain Guibert avait repere la Mercedes de Jean Favreau a la gare de Libourne. Dans l'intention de la voler, il avait fait du stop et avait demande au general de le deposer a un lieu-dit en rase campagne, a mi-chemin entre Libourne et la residence du general a Saint-Denis-de-Pile. Rapidement il avait devoile ses intentions mais, semble-t-il, sans etre pris au serieux par le general. C'est ce qui aurait contribue au denouement tragique. Alain Guibert a ete inculpe, vendredi matin, d'homicide volontaire, de vol de vehicule et d'extorsion de fonds. - Les deux suspects interpelles a Grenoble en possession de la voiture et d'objets appartenant a l'avocat assassine, Me Charles Reverand, sont passes aux aveux, jeudi 26 octobre. Bertrand Guerin et Vincent Ferreira, qui avaient ete invites a diner au domicile de l'avocat avant de l'agresser, ont ete inculpes d'homicide volontaire et ecroues. Mr Jean-Marie Le Pen a declare, lors d'une conference de presse, jeudi 26 octobre, que la revendication du port du voile par " les islamistes etrangers " est une illustration de la " colonisation de la France ". Il a d'autre part annonce le lancement d'une campagne d'information sur le theme de " l'identite nationale ". Le president du Front national, qui etait jusqu'a present l'un des rares hommes politiques a ne pas encore s'etre prononce sur cette question, a estime que " les membres du bureau executif du PS ont invente l'eau seche " en affirmant leur attachement a la laicite tout en tolerant le port du voile. Pour Mr Le Pen, cette affaire, qui est la " partie emergee d'un iceberg ", illustre les " dangers de l'immigration ". Mr Le Pen a lance un appel aux Francais pour qu'ils " ouvrent les yeux sur la realite " : a la " colonisation du peuplement " s'ajoute une " colonisation culturelle et religieuse ". Selon lui, admettre " la presence de communautes etrangeres dans notre pays ouvre a leurs pays d'origine un droit de regard et de pression sur nous ". Le president du FN a chiffre a deux cent cinquante mille par an le nombre d'immigres nouveaux et a estime que " la classe politique partage a egalite les responsabilites quant au phenomene de l'immigration ". Le " flux migratoire " ne sera stoppe que lorsque l'on aura supprime la " demagogie egalitariste ", a-t-il estime. Mr Le Pen, qui a rappele que la politique du FN est la politique de la " preference nationale ", a exhorte les Francais a etre " vigilants ". Son mouvement, qui reunit son conseil national samedi, va engager " une grande campagne de sensibilisation (...) autour de la defense de (l') identite nationale ". Le projet d'amnistie generale etait "l'une des conditions des accords de Matignon", a declare, vendredi 27 octobre, Mr Jacques Lafleur, a son retour en Nouvelle-Caledonie. "Cela fait partie de ce que j'avais accepte, non pas clandestinement, mais comme l'une des conditions qui m'etaient posees (...) ; moi-meme, j'avais pose d'autres conditions", a rappele le depute RPCR, qui reagissait pour la premiere fois a l'adoption de ce projet de loi par le conseil des ministres. "Je m'etonne, a-t-il ajoute, que lorsqu'on aborde ce sujet tout le monde paraisse surpris." "Beaucoup en profitent pour relancer une polemique", a estime Jacques Lafleur, qui a denonce "ceux qui n'ont pas beaucoup d'electeurs et qui vont a l'evidence chercher a developper ce sujet pour "ratisser" aupres d'un certain nombre de personnes qui n'attendent qu'une chose : que les choses aillent mal de nouveau pour essayer de regner". Selon le president du RPCR, cosignataire des accords de Matignon, "jouer avec le sang, faire de l'agitation autour de cette amnistie, c'est prendre le risque de voir un jour d'autres victimes tomber". Ce rappel a la parole donnee n'a pas empeche Mr Pierre Mazeaud depute RPR de Haute-Savoie, de se declarer "oppose sur le fond et sur la forme" au projet d'amnistie et d'annoncer la saisine du Conseil constitutionnel du texte. Les ecologistes ont indique, jeudi 26 octobre, que la declaration prononcee la veille, par Mr Lionel Jospin, ministre de l'education nationale, "si elle n'a pas regle l'ensemble du probleme ni apaise les passions, a donne l'occasion, en permettant le port du voile en classe, d'accorder la priorite a la tolerance". Reaffirmant "leur attachement aux differences culturelles", les Verts considerent qu'on ne saurait "au nom d'une conception etroite de la laicite, refuser l'acces de l'enseignement public a des jeunes filles qui, par conviction religieuse, s'estiment moralement obligees de porter le foulard coranique". Le debat qui divise les socialistes sur l'attitude a adopter face aux manifestations d'appartenance confessionnelle a l'ecole a mis en evidence leur indecision sur les problemes de la laicite, d'une part, de l'immigration, d'autre part. Certains dirigeants ou deputes du PS avaient en tete, ces derniers jours, la querelle scolaire de 1984 et le desastre auquel le pouvoir avait, alors, echappe de peu. D'autres se souvenaient de l'election municipale de Dreux, qui avait vu la droite et l'extreme droite faire cause commune contre les immigres. L'ecole et l'immigration avaient ete les deux armes principales efficacement utilisees contre la gauche par l'opposition. Sur ces deux themes, les socialistes s'etaient reveles demunis. Leur conception de l'education comme service public unifie et laique heurtait l'aspiration de la societe, dans ce domaine, a la liberte, au pluralisme et au respect du choix des parents. Face au racisme, leur antiracisme de principe se nuancait, souvent, d'un " realisme " qui faisait la part belle aux arguments de l'adversaire. Dans les deux cas, le salut, pour les socialistes, leur etait venu hors de leurs rangs. SOS-Racisme, d'un cote, avait trouve l'antidote a la demagogie de l'extreme droite et d'une partie de la droite. De l'autre, les animateurs du mouvement etudiant et lyceen de la fin de 1986, ceux de l'UNEF-ID et des coordinations, avaient redonne vie a la defense d'une education ouverte a tous et egalitaire. Les socialistes ont beneficie de ces deux mouvements, mais ils n'en ont pas tire les lecons. Dans l'affaire des voiles islamiques, Mr Lionel Jospin a adopte a l'egard du PS une methode quelque peu terroriste, qui ne lui a pas si mal reussi, puisque le bureau executif, tout en affirmant son hostilite aux " manifestations ostentatoires d'appartenance religieuse " a l'ecole, a admis que le " traitement des cas individuels " ne peut se faire que par le " dialogue " (et non par l'exclusion), recommande aux chefs d'etablissement par le ministre de l'education nationale, et que " nul enfant ne doit etre prive de son droit a l'education ". L'unanimite qui s'est faite sur ce texte ne peut dissimuler, cependant, que, si la position de Mr Jospin est acceptee comme la seule possible dans l'immediat, les dirigeants du PS n'y voient pas le dernier mot de l'histoire. Ils tiennent peut-etre, la, un vrai theme de debat pour le congres de Rennes, en mars 1990. Sont en discussion, d'abord, deux conceptions de la laicite. Selon l'une, qu'inspire la tradition de la IIIe Republique, la laicite est une pedagogie, qu'exerce l'Etat republicain sur les futurs citoyens, soustraits, dans l'espace scolaire, autant que faire se peut, aux particularismes sociaux, culturels, politiques, regionaux, religieux auxquels les soumet le hasard de la naissance. Selon l'autre conception, la laicite est un principe de neutralite, commandant l'accueil des enfants a l'ecole avec toutes les differences qui les separent les uns des autres, mais qui, aussi, les caracterisent et contribuent a former leur personnalite. La premiere conception reste le fond de l'ideologie socialiste, et,particulierement, de celle des enseignants socialistes. Elle a ete defendue par des " laicistes " de toujours, comme MM Jean Poperen et Andre Laignel, par Mr Jean-Pierre Chevenement et, de facon plus nuancee, par Mr Pierre Mauroy. Elle l'a ete, aussi, par Mr Laurent Fabius, que l'on aurait cru plutot proche de la these du " droit a la difference ", defendue par SOS-Racisme. C'est, en effet, du cote des dirigeants ou des anciens dirigeants du mouvement des "potes" - MM Harlem Desir et Julien Dray - que l'on trouve les partisans de la "nouvelle" laicite, mais aussi parmi les amis de Mr Jospin, bien sur, qu'appuie un inclassable, Mr Jean-Michel Belorgey. Le president de la commission des affaires sociales de l'Assemblee nationale est de ceux qui vont le plus loin dans l'idee d'une ecole ouverte a toutes les differences et permettant a chacun d'y vivre et d'exprimer celles qui tiennent a son milieu d'origine. Derriere la question de la laicite, ou a cote, se pose celle de l'immigration, qui oppose, la aussi, deux conceptions et deux methodes. Pour Mr Chevenement et ses amis de Socialisme et Republique, comme pour Mr Poperen, la solution du probleme est dans l'integration comprise comme assimilation, par les immigrants, des normes republicaines, autrement dit dans la naturalisation. Les rocardiens semblent, majoritairement, partager cette position, vers laquelle penchent, aussi, Mr Fabius et ses amis. En sens inverse, les jospinistes, de meme que MM Dray et Melenchon, sont resolument partisans d'une integration "a deux vitesses", distinguant citoyennete et nationalite dans la mesure ou ils preconisent d'accorder aux etrangers le droit de vote aux elections locales. On retrouve la l'opposition entre l'idee de l'appartenance a la Republique francaise comme adhesion a des principes universels, qui renvoient les differences a la sphere du prive, et celle d'une France multiculturelle, tolerant des facons differentes de se situer dans l'ensemble social. En dernier ressort, c'est le probleme de la nation ou de l'"identite" francaise qui est pose a travers ces debats. Etre francais, est-ce adherer a des principes ou participer d'une culture, eventuellement issue de ces principes ? La question travaille les esprits depuis le debut des annees 80, a droite comme a gauche. Certains socialistes se demandent si leur parti sera capable de l'aborder a son congres, qui y trouverait, alors, matiere a une confrontation ideologique susceptible d'interesser la "societe civile". Bien que Mr Pierre Joxe ait affirme, apres la reunion du comite interministeriel, que le gouvernement poursuit " la meme strategie " dans son traitement des problemes de l'ile, le gouvernement de Mr Michel Rocard entame, deja, en realite, la " troisieme epoque " de sa politique corse. Premiere epoque : apres la reelection de Mr Francois Mitterrand, en mai 1988, Mr Pierre Joxe, de nouveau ministre de l'interieur, recupere ce dossier qu'il connait bien. Une politique volontariste, fondee sur un subtil melange de fermete et de comprehension, obtient des succes indeniables, symbolises par le retour a la paix civile qu'assure la prolongation de la treve des actions militaires decidee par l'ex-FLNC des juin 1988. Deuxieme epoque : le conflit des fonctionnaires de Corse eclate a la fin de l'hiver 1988-1989. Face a la revendication d'une prime d'insularite, le gouvernement s'en tient a la ligne de stricte rigueur budgetaire pronee par le ministere des finances. Mr Joxe, qui defendait une politique plus adaptee a la situation, se cantonne, desormais, a son strict role de ministre du maintien de l'ordre. Tactique d'usure, gestion " technocratique " du conflit, qui negligent la specificite insulaire, finissent par avoir raison des grevistes et debouchent sur l'organisation de tables rondes confiees a un haut fonctionnaire, Mr Michel Prada. Troisieme epoque. Matignon se saisit vraiment du dossier corse et Mr Joxe revient dans le jeu. Alors que Mr Rocard, au printemps, n'avait guere fouille ce complexe dossier - tant les revendications avancees lui semblaient irrealistes - une veritable " cellule ", sous la responsabilite de Mr Yves Lyon-Caen, directeur adjoint du cabinet, s'occupe maintenant de la Corse a Matignon, en liaison avec la place Beauvau. Quant au rapport Prada, il a suscite un tolle quasi general. Le colloque sur les iles, a Ajaccio, la reunion du comite interministeriel consacrent le retour en force de Mr Joxe. Ce dernier prend, en fait, le contrepied des orientations definies par Mr Prada. Fidele a sa demarche anterieure, le ministre insiste sur la specificite " de la Corse, un cas " a part " dans l'ensemble francais. Mr Joxe souligne, au titre des enseignements du colloque d'Ajaccio, que toutes les iles europeennes d'importance font l'objet de mesures " derogatoires ". C'est " sur cette base " que le gouvernement a l'intention de travailler. Mr Prada suggerait, lui, de regler les problemes de la Corse par " les moyens les plus ordinaires ". Pour le haut fonctionnaire, la Corse etait " une region insulaire de petite dimension ". Pour le ministre, la Corse est " la seule region insulaire de France "... Cette difference d'approche transparait dans les principales decisions du comite, meme si certaines suggestions de Mr Prada sont prises en compte. Pour le regime des successions, Mr Prada preconisait un retour progressif au droit commun : le gouvernement choisit de maintenir une solution derogatoire. Pour l'education, les orientations du rapport Arrighi de Casanova, fonde sur la reconnaissance de la specificite corse, sont " integralement " reprises. Ce recadrage est-il de nature a satisfaire les Corses, et, notamment, les plus radicaux d'entre eux, les nationalistes ? Apres le traumatisme du conflit du printemps et la deception provoquee par le rapport Prada, l'attente etait tres forte. Or, d'une certaine facon, le gouvernement demande aux Corses d'attendre encore. Certes, des directions ont ete arretees, notamment en matiere de transport. Mais en matiere economique et culturelle, nombre de decisions sont renvoyees a un prochain comite interministeriel. Ce nouveau delai tient, en partie, dit-on au gouvernement, a la complexite des problemes, au degre de " maturation " different, sur l'ile, des questions posees et aussi a une volonte d'assurer maintenant un suivi regulier du probleme corse, de preference a un "feu d'artifice" de mesures sans lendemain. Ce delai tient aussi a des debats internes au gouvernement, par exemple, sur l'opportunite de la "co-officialite" du corse avec le francais, mesure defendue, en prive, par Mr Arrighi de Casanova. Le ministere de l'economie a, de son cote, ete un peu lent a repondre aux sollicitations de Matignon et de la place Beauvau. Encore que Mr Pierre Beregovoy ait participe, sans Mr Michel Charasse, au comite interministeriel, compte tenu des prises de position anterieures du ministre du budget sur le probleme corse... A propos du debat institutionnel, le gouvernement se montre tres ouvert vis-a-vis de ceux qui pensent que la seule facon de sortir du cercle vicieux est de responsabiliser les insulaires, c'est-a-dire de leur accorder l'autonomie interne. Le gouvernement se felicite que les champs de consensus aient progresse en Corse. Pourtant, sur place, les premieres reactions sont tres negatives. Echaudes par les episodes precedents, les nationalistes sont moins sensibles aux sirenes du discours de Mr Joxe. Meme les mesures electorales, qui ulcerent bon nombre de Corses, mais pour lesquelles ils etaient les premiers demandeurs, ne les satisfont pas. En outre, les nationalistes viennent de connaitre une scission. Cet emiettement peut donner, de ce cote-la, une certaine tranquillite au gouvernement. Il peut aussi, a l'inverse, entrainer des surencheres lourdes de perils. Si differentes orientations ont ete arretees, de nombreuses mesures, notamment dans les domaines economique et culturel, sont renvoyes a un prochain comite interministeriel, en decembre. Auparavant, Mr Michel Rocard aura recu tous les parlementaires corses. L'ensemble des mesures prevues, ou deja decidees, s'inspirent de la reconnaissance de la " specifite " corse, a l'oppose des orientations du rapport Prada, qui suggerait de regler les problemes par " les moyens les plus ordinaires ". Sur place, neanmoins, les premieres reactions sont tres negatives, qu'elles viennent des deputes de droite, ou des nationalistes de A Cuncolta Naziunalista. La Federation de l'education nationale (FEN) demande a Mr Lionel Jospin de faire preuve d'une " fermete sans faille " au sujet des foulards islamiques. " Nous attendons avec impatience que le ministere de l'education nationale rappelle dans un texte reglementaire les obligations des eleves et des fonctionnaires ", ecrit Mr Yannick Simbron, secretaire general de la FEN, dans le dernier bulletin hebdomadaire de l'organisation. La FEN, qui juge insuffisante la circulaire de 1937 interdisant tout proselytisme dans l'ecole publique, demande la presentation d'urgence d'un nouveau texte devant le Conseil superieur de l'education nationale. Mr Simbron reclame, d'autre part, un debat parlementaire sur le theme de la laicite, consideree comme " l'un des fondements de la Republique ". " A partir de la, conclut Mr Simbron, nous saurons si le voile n'est qu'une distinction vestimentaire ou s'il s'agit, plus probablement, d'un moyen d'afficher une volonte de proselytisme religieux. " Dans une interview accordee au Figaro, le principal du college de Creil reproche a Mr Jospin de ne pas avoir pris la defense du " fonctionnaire " qu'il est. " Mon sentiment est triple, declare Mr Ernest Cheniere : desarroi, reprobation et inquietude. J'ai vecu sur le terrain le fait que notre institution ne fonctionnait pas et n'arrivait pas a faire respecter ses lois et reglements. A ce titre, j'ai honte pour la France. " De son cote, Mr Guy Bayet, president de la Societe des agreges se demande si les declarations de Mr Jospin ne rendent pas caducs les textes sur la neutralite de l'ecole publique. A l'inverse, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitie entre les peuples (MRAP) et la Federation independante et democratique lyceenne (FIDL) " approuvent " la position de Mr Jospin. Le MRAP qualifie la declaration du ministre de " courageuse et pedagogique ", tandis que la FIDL affirme : " Nous savons que seule l'ecole laique permettra a ces jeunes filles de prendre conscience de leur condition et de s'integrer. La pire des solutions aurait ete l'ouverture d'ecoles coraniques. " Reaction voisine de la part des " Nanas Beurs ", association feministe de jeunes d'origine maghrebine : " En renvoyant les eleves qui portent le hijeb dans la sphere privee de l'ecole religieuse, cela leur fera vivre une oppression supplementaire. Seule l'ecole laique permettra l'emancipation et l'integration ". De son cote, l'association Expression maghrebine au feminin exprime son " ras-le-bol d'etre a la fois les armes des uns et le bouclier des autres. " D'autres " beurettes ", parmi lesquelles Hayette Boudjemah, vice-presidente de SOS-Racisme, et l'actrice Souad Amidou, lancent un appel a l'integration par l'ecole dans un texte signe egalement par Segolene Royal, depute (PS), l'athlete Monique Ewange-Epee, Isabelle Thomas, conseiller a l'Elysee, et Marie-France Casalis, membre du Planning familial : " Nous ne soutiendrons jamais ceux que veulent interdire l'acces au savoir, ecrivent-elles. Ceux-la ne leur laissent pas le choix. " Le ministre de l'interieur a annonce, jeudi 26 octobre, son intention de reviser les criteres d'inscription sur les listes electorales. Mr Pierre Joxe souhaite notamment etablir un lien entre l'inscription et la qualite d'habitant. Le projet de loi devrait etre examine par le Parlement lors de la session de printemps. "Il s'agit de veiller a ce que l'on vote la ou on habite", a explique Mr Pierre Joxe, jeudi 26 octobre, en rendant compte du comite interministeriel sur la Corse qui venait de se reunir. Cette reforme, qui concerne "la France entiere", a continue le ministre de l'interieur, "pourra conduire a une refonte des listes electorales". Un projet de loi, qui, indique-t-on place Beauvau, n'est pas encore redige, devrait etre examine par le Parlement lors de la session de printemps. L'objet d'un tel texte sera de modifier les criteres d'inscription sur les listes electorales. Dans le code electoral, c'est l'article L. 11 qui enumere les conditions requises pour s'inscrire (1). Pour expliquer son desir d'etablir un lien entre l'inscription et la qualite d'habitant, le ministere de l'interieur s'appuie sur plusieurs constatations. Les unes touchent a la multiplication des contestations portant sur les listes electorales, les autres sur la proportion importante, allant jusqu'a 30 % dans certaines communes, des retours de materiel electoral avec la mention, "n'habite pas a l'adresse indiquee". Il est vrai que les commissions administratives chargees, pour chaque bureau de vote, de proceder aux inscriptions, et qui sont composees d'un representant du maire, d'un representant du prefet et d'un representant du juge d'instance, n'opposent que bien rarement des refus aux demandes qui leur sont soumises. De facon generale, les juges d'instance sont plutot enclins a accepter le maintien d'electeurs sur les listes des lors qu'il n'est pas prouve qu'ils n'ont pas le droit d'y figurer... Il y a, toutefois, des exceptions devant des cas flagrants d'inscription abusive. Ainsi, au debut de cette annee et avant les elections municipales de mars dernier, le tribunal d'instance du vingtieme arrondissement de Paris avait radie dix-sept personnes domiciliees a la permanence electorale de Mr Didier Bariani (UDF-rad.), elu et candidat dans cet arrondissement ; de son cote, le tribunal administratif de Bastia avait annule les tableaux rectificatifs de plusieurs communes de Corse-du-Sud et de Haute-Corse. Que les listes electorales soient imparfaites, nul ne peut le contester. Le fait, par exemple, que ne soient pas rayes des listes des electeurs decedes peut faciliter certaines fraudes. Que des electeurs demenageant s'inscrivent dans la commune de leur nouvelle residence et ne signalent pas leur precedente commune d'inscription, meme si la loi leur en fait obligation, est, apres tout, assez frequent. Tout a fait legalement, des electeurs peuvent changer leur inscription pour voter tous les trois ans (au lieu de six) aux elections cantonales. C'est a ces series d'anomalies que Mr Joxe veut mettre fin. S'y ajoute son souci specifique de rendre plus difficile, en Corse, le vote par procuration (environ 20 %). Voter la ou l'on habite est un critere qui apparait simple au ministere de l'interieur, dans la mesure ou, fait-on valoir, le domicile est chose facile a prouver. La prise en compte de ce critere pourra conduire a une refonte generale des listes electorales, qui n'ont pas connu de toilettage systematique depuis leur quasi-etablissement en 1945. Si le projet est adopte, Mr Francois Mitterrand n'aura plus a se rendre a Chateau-Chinon les dimanches d'election. De meme, Mr Jacques Chirac ne pourra plus participer au scrutin a Meymac (Correze). Les exemples de ce genre ne manquent pas. Cette severite pour les electeurs devrait, en bonne logique, s'accompagner d'une certaine rigueur pour les elus eux-memes, afin qu'ils habitent reellement la ou les electeurs leur ont confie un mandat. Les reactions aux intentions de Mr Joxe ne se sont pas fait attendre. Notre correspondant a Bastia en a recueilli plusieurs. Ainsi pour les nationalistes de A Cuncolta Naziunalista, il s'agit de " politique de poudre aux yeux ". Mr Pierre Pasquini, depute (RPR), qualifie de " derisoire ", l'annonce de ce texte. Son collegue du RPR, Mr Jean-Paul de Rocca Serra, la juge " inadmissible ". Mr Emile Zuccarelli, depute (MRG), estime qu'" on peut regretter la mesure concernant le vote de la diaspora " ; le communiste Jacques Casamarta que, avec ces dispositions, " la plupart des Corses seront doublement penalises ". Le projet de Mr Joxe a provoque la meme bronca hostile de la part de Mr Bernard Pons. Le president du groupe RPR de l'Assemblee nationale estime qu'il s'agit la de " complaire a une minorite de nationalistes corses " et annonce que, " comme il le fait chaque fois qu'une liberte est restreinte ou menacee, le RPR (s'y opposera) naturellement ". Quant a Mr Gerard Le Gall, membre adjoint du secretariat national du PS, charge des elections, il se declare plutot " favorable a cet element de moralisation ", mais il regrette que son parti " n'y ait pas ete associe ". Il ajoute qu'un groupe de travail va, comme il l'a demande, se mettre en place, associant le PS et ses groupes parlementaires et des representants du gouvernement pour reflechir sur l'ensemble des modes de scrutin. LE gouvernement de Mr Rocard n'est decidement pas a la hauteur de sa tache. Face aux grands defis que la France doit affronter, il n'a plus ni dessein, ni message, ni volonte. Je n'en prendrai ici que deux exemples. D'abord, celui de l'identite nationale. La controverse qui vient de naitre a propos du port du voile par de jeunes musulmanes a l'ecole n'est que la partie emergee d'un debat beaucoup plus grave, que nous ne pouvons plus eluder : la France sera-t-elle demain une societe eclatee ou s'affronteront des groupes refermes sur leurs integrismes et leurs differences ? Ou cherchera-t-elle a affirmer ce qui fait son genie propre, a savoir les valeurs universelles sur lesquelles se fonde le contrat social entre les Francais, bref ce qu'Alain Finkielkraut appelait recemment dans ces colonnes " la culture comme monde commun " ? C'est tout simplement une question de survie. Il est donc urgent de sortir du piege ou nous nous sommes laisses enfermer ; il faut arreter notre navigation dangereuse entre le Charybde du racisme et le Scylla de l'angelisme multiculturel. Puisque le gouvernement est muet sur ce probleme majeur, l'opposition doit parler et proposer une politique coherente aux Francais. Je pense qu'elle pourrait s'organiser autour des idees suivantes : volonte clairement affirmee d'exercer des controles efficaces aux frontieres et de faire reellement respecter l'interdiction de toute immigration supplementaire ; retablissement des mesures prises, a cette fin, sous le gouvernement de Jacques Chirac, et recemment demantelees ; reforme de l'office des refugies (OFPRA) dont les responsables eux-memes reconnaissent qu'il est devenu une " passoire " ; recherche, avec nos partenaires de la Communaute europeenne, d'un accord prealable a la suppression des frontieres intra-communautaires sur les questions de l'immigration, de la nationalite, de la lutte contre le terrorisme, le grand banditisme et le trafic de drogue ; refonte du code de la nationalite conformement aux conclusions de la commission Marceau Long ; mise en oeuvre, a l'ecole, d'un vaste plan de soutien scolaire specifique a l'intention des enfants d'origine etrangere qui ne sont pas vraiment francophones ; effort accru des collectivites publiques et des associations pour developper l'accueil et l'insertion des etrangers en situation reguliere. N'oublions pas, enfin, que toutes ces mesures resteront vaines si la France et les Francais ne se mobilisent pas pour l'aide aux pays pauvres aussi fortement qu'ils le font a l'heure actuelle pour la defense de l'environnement : le " projet pour un monde solidaire " que le RPR vient de rendre public donne la mesure de l'enjeu et trace les voies de l'action. Palabres ! Deuxieme defi qui laisse Mr Rocard et son gouvernement muets : celui de la democratisation de l'Europe centrale. En tant que Francais, j'ai ete humilie quand j'ai lu les recents propos de Lech Walesa : " L'attitude de la France, a-t-il declare, est un scandale. " Comment ne pas comprendre son indignation qui est, en fait, un cri d'angoisse, et peut-etre encore d'espoir ? Depuis des annees, nous avons tout promis a Solidarite : notre soutien politique, notre aide economique, notre fraternite de culture et de valeurs. Qu'avons-nous fait depuis le moment historique ou la Diete polonaise a investi un premier ministre non communiste ? Palabres ! On pourrait en dire autant de notre attitude a l'egard de la Hongrie. On m'objectera peut-etre que l'opposition ne s'est pas davantage illustree. Ce n'est pas exact. Nous n'avons cesse de reclamer l'envoi d'une aide alimentaire d'urgence a la Pologne pour remplir ses magasins et donner une chance de plus au gouvernement Mazowicki. Plusieurs de nos responsables, notamment Jacques Chirac et Valery Giscard d'Estaing, ont propose des plans precis et realistes d'amenagement de la dette polonaise. Je suis moi-meme en train de mettre sur pied une association denommee Solidarite avec les nouvelles democraties, qui va regrouper des villes, des regions, des departements, des entreprises, afin de financer des bourses et stages qui permettront a des cadres hongrois et polonais de venir dans nos universites ou nos grandes ecoles se former a la gestion de l'entreprise. Mais, dans une affaire comme celle-la, seuls les gouvernements ont les moyens de changer vraiment le cours des choses. Or la France qui exerce, jusqu'a la fin de cette annee, la presidence de la Communaute, n'a pas leve le petit doigt pour proposer une reunion exceptionnelle des Douze. Cette defaillance est une faute que l'Histoire retiendra contre les princes qui nous gouvernent. L'intervention tardive du president de la Republique est apparue hier comme une declaration d'intention qui aurait pris toute sa valeur il y a deux mois, mais qui sonne aujourd'hui comme un aveu d'imperitie et la reponse penaude aux exhortations de nos amis decus. - Comment accompagner concretement la marche des pays d'Europe centrale vers la liberte et la democratie ? - Qu'avons nous a dire aux Allemands qui se posent et nous posent le probleme de la reunification de leur pays ? - Que va devenir l'Europe ? Une vaste zone neutralisee et sous influence ? Ou une communaute vraiment solidaire et autonome, associee aux nouvelles democraties ? Mais pendant ce temps-la, Mr Rocard s'occupe de dossiers autrement importants : la variation de sa courbe de popularite et la preparation du futur congres du Parti socialiste. On me dira que cela ne lui reussit pas trop mal. C'est a voir. Je suis convaincu qu'il y a, au coeur de chaque Francais, intacte et exigeante, une part de fierte nationale. Elle sommeille souvent. Elle finit toujours par se reveiller. Le temps est-il si loin ou la fierte nationale se rebellera contre la mediocrite gestionnaire ? Ce temps sera celui d'une opposition qui n'aura pas eu peur de dire ce qu'elle croit. Le groupe communiste de l'Assemblee nationale a demande, jeudi 26 octobre, la suppression de l'article 49 alinea 3 de la Constitution qui permet d'adopter, sauf adoption d'une motion de censure, un texte sans vote, et celle du Conseil constitutionnel. " Les institutions actuelles conduisent a priver le peuple de sa souverainete et favorisent la domination des forces de l'argent sur la vie nationale ", estiment les deputes communistes qui " se prononcent pour la primaute du Parlement dans les institutions en proscrivant toute forme de pouvoir personnel ". Ils visent " la veritable monarchie presidentielle qui gangrene la vie publique " et le Conseil constitutionnel qui " exerce un controle a posteriori non seulement sur la constitutionnalite, mais sur le contenu des lois ". Mr John Major aura ete le plus ephemere chef de la diplomatie de toute l'histoire de la Grande-Bretagne. Secretaire au Foreign Office depuis juillet dernier seulement, il a ete nomme en catastrophe chancelier de l'Echiquier (ministre des finances) jeudi soir par Mme Thatcher pour combler le vide laisse par Mr Lawson. Presque inconnu du grand public jusqu'a cet ete, il fait desormais figure de successeur potentiel de la " Dame de fer ". Le principal atout, mais aussi la plus grande faiblesse de ce jeune homme de quarante-six ans aux cheveux gris, est d'etre ostensiblement le favori du premier ministre. Le leader travailliste Neil Kinnock a aussitot pose la question en termes plutot desagreables pour l'interesse : celui-ci saura-t-il etre autre chose que le " caniche " de Mme Thatcher ? En d'autres termes, serait-il pret, s'il le jugeait necessaire, a dire " non " au premier ministre ? C'est en tout cas un signe de la deterioration du climat politique : chaque membre du gouvernement est actuellement juge en fonction de sa capacite a resister aux moulinets du sac a main de Mme Thatcher... Le recent sommet du Commonwealth a Kuala-Lumpur n'incite pas vraiment a l'optimisme a ce sujet. Mr Major s'etait publiquement felicite du communique final, qui reiterait la necessite de sanctions contre l'Afrique du Sud. Le secretaire au Foreign Office apprenait au dernier moment que Mme Thatcher venait de rediger toute seule dans sa chambre d'hotel une note qui prenait l'exact contre-pied du communique, ce qui provoquait un tolle parmi les autres membres du Commonwealth. " Sir Geoffrey aurait pressenti qu'elle mijotait quelque chose. Il serait reste a proximite et aurait peut-etre pu limiter les degats ", commentait un diplomate. Mais Sir Geoffrey n'a-t-il pas ete chasse du Foreign Office en juillet precisement pour cela ? Mr Major plait peut-etre a Mme Thatcher non seulement a cause de sa docilite, mais aussi de ses origines. Il n'appartient pas au club de ces gentlemen eduques a Eton qui agacent souvent le premier ministre. Le nouveau chancelier est ne dans une famille pauvre et il a ete au chomage pendant huit mois tout au debut de sa carriere. Curieusement chez cet homme qui affectionne la grisaille dans sa mise comme dans ses propos, ce n'etait pas cependant une famille tout a fait comme les autres. Son pere a ete un moment acrobate de cirque et trapeziste. Mr Major quitte l'ecole a seize ans et exerce divers emplois manuels. Il aurait acquis pendant cette periode de sa vie cette allergie viscerale a l'egard de l'Etat-providence qu'il partage avec Mme Thatcher. Il aurait constate sur le terrain les ravages produits par des aides sociales qui empechent l'individu de se prendre en main et lui otent a la fois responsabilite et fierte. Entre par la petite porte dans la Standard Chartered Bank en 1965, il en gravit les echelons jusqu'en 1979 lorsqu'il est elu au Parlement. Il occupe des fonctions relativement techniques au ministere de l'interieur, a celui de la sante et au Tresor. Il avait obtenu son premier grand poste apres les elections de juin 1987, lorsqu'il avait ete nomme secretaire en chef au Tresor, etant ainsi devenu l'adjoint direct de Mr Lawson. Serpent de mer de la politique economique britannique depuis 1979, la question de l'entree de la livre dans le systeme monetaire europeen (SME) aura finalement declenche - sinon provoque - une crise gouvernementale en Grande-Bretagne. Face au chancelier de l'Echiquier, partisan depuis plusieurs annees de l'integration de la devise britannique au mecanisme de change europeen, Mme Margaret Thatcher minimise son opposition sur le fond mais affirme que le pas ne pourra etre franchi que lorsque la Grande-Bretagne aura maitrise son probleme d'inflation. Mais Sir Alan Walters redevenu conseiller du premier ministre depuis mai dernier, va plus loin en remettant en cause les principes memes du SME (fluctuations limitees des monnaies europeennes entre elles), continuant a proclamer les vertus des forces du marche, et qualifiant le systeme de " a moitie cuit ". En 1979, le Parti conservateur de retour au pouvoir, petri de monetarisme, n'avait aucune raison d'etre attire par le systeme monetaire europeen. Non seulement celui-ci venait d'etre cree (en mars 1979), et l'on ne savait encore quel serait son avenir, mais il representait en outre une contrainte bien peu compatible avec la croyance tres forte des nouveaux dirigeants britanniques dans les vertus du libre marche. Mais alors que le cours des devises europeennes participant au mecanisme de change se stabilisait progressivement, celui de la livre sterling continuait a fluctuer violemment. La decrue des cours du brut, apres le deuxieme choc petrolier, contribuait a l'affaiblir et elle perdait 30 % de sa valeur contre le mark entre 1985 et 1987. Mr Lawson etait alors deja partisan de l'entree dans le SME puisqu'il declarait au moment du reamenagement d'avril 1986 qu'" un taux fixe a l'egard de monnaies de pays qui partagent la meme volonte de reduire l'inflation serait d'un grand secours pour la conduite de la politique monetaire ". Le chancelier parvenait finalement a stabiliser le cours de la livre contre la devise allemande en 1987-1988, aux environs de 3 marks. Cependant, en raison de la necessite de lutter contre l'inflation, les taux d'interet britanniques ont fortement augmente et la livre sterling a progresse dans leur sillage, avant de glisser sous le poids de l'incertitude de la conjoncture et de la poussee du dollar en 1989. Vieux de plusieurs annees, le debat sur l'integration de la livre dans le SME est devenu tres aigu au cours des derniers mois. D'abord parce qu'apres dix annees d'existence du SME, la plupart des pays reconnaissent son succes dans la stabilisation des parites et la lutte contre l'inflation. Depuis la decision espagnole, en juin dernier, d'integrer la peseta au SME, l'isolement de la monnaie anglaise ressort plus nettement ; desormais a ses cotes, seules la drachme grecque et l'escudo portugais ne participent pas au mecanisme, pour des raisons economiques internes difficilement contestables. Mais surtout, la Grande-Bretagne doit se decider a participer ou non a l'Union monetaire europeenne, dont le coup d'envoi sera donne au 1er juillet 1990 ; au sommet de Madrid, en juin dernier, Mme Thatcher a evite la rupture avec ses partenaires, sans pour autant approuver veritablement le processus d'union. La France - le president Mitterrand l'a encore laisse entendre le 25 octobre - est prete a aller de l'avant, meme sans la participation de tous. La Grande-Bretagne se verrait alors durablement ecartee de la cooperation monetaire au sein de la Communaute, ce qui ferait peser des risques importants sur ses performances economiques. Mr Lawson avait, pendant plusieurs annees, deploye des efforts considerables pour persuader son auditoire international que malgre son opposition aux transferts de souverainete rendus necessaires par la realisations de l'Union economique et monetaire, la livre serait prochainement integree au SME. Sa demission fait craindre un durcissement de la position britannique. Des centaines de milliers d'Allemands de l'Est ont participe, jeudi soir 26 octobre, a des rassemblents organises par les municipalites de plusieurs grandes villes de RDA pour debattre publiquement des " problemes pressants " du pays, selon l'expression de l'agence officielle ADN. Le plus important de ces rassemblements a eu lieu a Dresde. Devant 100 000 personnes reunies dans un parc de la ville, le premier secretaire du district, Mr Hans Modrow, qui passe pour l'un des chefs de file de la tendance reformatrice du parti, a estime sous les applaudissements que le processus dans lequel s'etait engage la RDA allait " declencher une transformation revolutionnaire ". D'autres rassemblements de ce type ont eu lieu a Rostock, Gera et Erfurt. Ils se sont termines par des manifestations pacifiques de plusieurs milliers de personnes. A Dresde, le maire, Mr Wolfgang Berghofer, a informe la foule des resultats d'une session extraordinaire de la diete municipale, qui s'etait tenue dans la journee et qui avait abouti a la creation de groupes de travail provisoires avec les contestataires. Depuis le debut de l'annee, le district de Dresde - troisieme ville du pays - a perdu 22 000 de ses 1,8 million d'habitants, du fait de la vague d'emigration vers la RFA, a indique un responsable lors du debat. L'agence ADN a indique que plusieurs des personnes qui ont pris la parole au cours de ces debats publics ont affirme leur appartenance au mouvement d'opposition illegal Neues Forum, ainsi qu'a des " syndicats independants ". Pour la premiere fois, un membre du bureau politique du Parti communiste (SED), Mr Schabowski, chef du parti a Berlin-Est, a rencontre officiellement jeudi des responsables de Neues Forum, Mr Jens Reich, cofondateur du mouvement et professeur de microbiologie, accompagne du physicien Sebastian Pflugbeil. L'entretien a dure deux heures et demie. Dans l'entourage de Mr Schabowski, on indiquait que cette rencontre ne signifiait pas une quelconque reconnaissance du mouvement d'opposition. Mr Schabowski, qui apparait jour apres jour comme un artisan zele de la politique d'ouverture, a annonce, en cooperation avec le maire de Berlin-Est Erhard Krack, la tenue dimanche dans la " capitale " de quatre forums " ouverts a la population pour parler des problemes actuels ". Jeudi matin, le nouveau chef de l'Etat, Mr Egon Krenz, avait eu une conversation telephonique de vingt minutes avec le chancelier Kohl. MM Kohl et Krenz ont souligne leur volonte de " continuer a developper les relations inter-allemandes par la poursuite de la cooperation pratique ", a indique a Bonn la chancellerie federale. L'agence de presse officielle ADN ecrit que la conversation s'est deroulee dans une " atmosphere concrete et contructive ". Selon des membres du SED interroges par l'AFP, les deux hommes pourraient se rencontrer apres la reunion du comite central du SED, prevue du 8 au 10 novembre, pour parler, entre autres, de la mise en place d'un fonds inter-allemand qui permettrait aux Allemands de l'Est de financer leurs voyages a l'etranger. Le chancelier de l'Echiquier, Mr Nigel Lawson, a demissionne jeudi soir 26 octobre. Il a ete immediatement remplace par le secretaire au Foreign Office, Mr John Major. Une heure plus tard, le conseiller economique particulier de Mme Margaret Thatcher, Sir Alan Walters, demissionnait a son tour. Ce dernier etait resolument hostile a l'entree de la Grande-Bretagne dans le systeme monetaire europeen (SME), contrairement a Mr Lawson. Mr Douglas Hurd laisse le portefeuille de l'interieur (Homme Office) a Mr David Waddington pour occuper celui des affaires etrangeres, en remplacement de Mr John Major. Mme Thatcher a commis une grave erreur de jugement en sous-estimant la susceptibilite de son chancelier de l'Echiquier. Trois fois, Mr Nigel Lawson lui a demande jeudi de renvoyer son conseiller economique, Sir Alan Walters, qu'un depute conservateur s'etait permis, deux jours plus tot, aux Communes de comparer a Raspoutine. Trois fois, Mme Thatcher a refuse. Mr Lawson lui faisait alors porter sa lettre de demission. Sir Alan, qui se trouve aux Etats-Unis, abandonnait ses fonctions une heure plus tard. En fin de journee, la " dame de fer " avait perdu a la fois son ministre des finances et son conseiller... Elle a surtout perdu de sa credibilite, et la question de savoir si elle demeure le leader conservateur le mieux a meme de remporter la prochaine election est desormais posee. Sa maniere de gouverner est au centre du debat. Il est curieux en effet qu'elle ait ainsi bouleverse son cabinet trois mois seulement apres l'avoir profondement remanie. Il y a une absence de proportion entre l'effet et la cause. Changer de ministre des affaires etrangeres, des finances et de l'interieur simplement pour tenter de garder Sir Alan ? Ce professeur d'economie est un partisan du libre flottement des monnaies et un adversaire resolu de l'adhesion de la livre au systeme monetaire europeen. L'affrontement avec Mr Lawson, qui cherchait depuis deux ans a faire entrer en douceur la Grande-Bretagne dans le SME, etait inevitable. Mme Thatcher proclamait en public son soutien a son chancelier, mais elle reprenait a son service, en mai, Sir Alan qui avait ete son conseiller de 1981 a 1983 et qu'elle avait fait anoblir. La goutte d'eau qui a fait deborder le vase a ete la publication par Sir Alan, dans un magazine economique americain, d'un article qui constituait un camouflet pour Mr Lawson. Dans sa lettre de demission, celui-ci ecrit : " Il n'est possible de diriger avec succes la politique economique du pays que s'il y a accord total entre le premier ministre et le chancelier de l'Echiquier et que cela apparaisse comme tel. De recents evenements ont confirme que cette exigence essentielle ne pouvait pas etre remplie tant qu'Alan Walters restait votre conseiller economique personnel. " Mr Lawson accuse donc Mme Thatcher, non seulement de ne pas l'avoir soutenu, mais encore de ne pas avoir sauve les apparences. Cette derniere n'est pas moins acide dans sa reponse : " Je regrette tout particulierement que vous ayez decide de partir avant d'avoir termine votre tache. " Mr Lawson a ete semble-t-il ulcere, au cours de ses entrevues successives jeudi avec Mme Thatcher, par l'argument selon lequel il prenait la fuite au plus mauvais moment et esquivait ses responsabilites lorsque l'inflation atteignait 7,6 % et les taux d'interet 15 %. Mme Thatcher " esperait tres sincerement qu'il continuerait son excellent travail en tant que chancelier de l'Echiquier au moins jusqu'a la prochaine election ". Elle eprouve enfin le besoin d'affirmer, ce que toute l'affaire dement, qu'il n'y a pas de difference entre leurs convictions economiques respectives. Face a un homme aussi fier que Mr Lawson, il n'y avait pas de plus sur moyen de provoquer la rupture que de decrire sa demission comme un acte de lachete. Mr Lawson est persuade qu'il est meilleur economiste que Mme Thatcher et que la livre se serait beaucoup mieux portee si le premier ministre n'avait pas sabote ses efforts. Le marche lui a donne raison, au moins dans l'immediat, puisque son depart a aussitot provoque une chute brutale du sterling. Cette journee de jeudi merite d'etre contee. Mr Lawson, qui est le voisin immediat de Mme Thatcher puisqu'il habite au 11 Downing Street, lui rend visite des 9 heures du matin pour lui dire sa mauvaise humeur devant l'article de Sir Alan et lui demander de se separer de ce dernier. Il parle de demission, ce que la " dame de fer " prend fort mal, estimant qu'il s'agit d'une menace inacceptable. Le cabinet se reunit ensuite, comme chaque jeudi, mais est tenu dans l'ignorance totale de la crise. Le chancelier revient a la charge a l'heure du dejeuner, avant que Mme Thatcher ne se rende au Parlement pour la seance bi-hebdomadaire des questions au premier ministre. Le leader de l'opposition l'interroge, lui aussi, sur l'article de Sir Alan. Mme Thatcher repond que " les conseillers conseillent et les ministres decident ". Elle ne souffle mot de la menace de demission de Mr Lawson, ce qui amenera un peu plus tard Mr Tony Benn, le principal tenor de la gauche dure travailliste, a affirmer qu'elle a deliberement induit le Parlement en erreur. Le dernier entretien entre Mme Thatcher et le chancelier a lieu en milieu d'apres-midi. Ce dernier redige sa lettre de demission et la nouvelle commence a filtrer. Les ministres interroges dans les couloirs du Parlement croient d'abord qu'il s'agit d'une plaisanterie tant l'evenement parait improbable apres le remaniement de juillet. Sir Geoffrey Howe, reduit depuis juillet au role essentiellement decoratif de vice-premier ministre, est enfin charge d'informer officiellement le Parlement en debut de soiree. Les travaillistes pavoisent et accueillent par des rires son affirmation selon laquelle il n'y a pas de crise de confiance au sein du gouvernement. Sir Geoffrey declare que la politique economique ne changera pas. Mme Thatcher, qui sait admirablement manipuler la presse a l'occasion, n'a manifestement pas la maitrise de ce timing on ne peut plus malencontreux. L'evenement permet en effet a toute la classe politique de donner son point de vue a chaud pour les journaux televises du soir. " Mme Thatcher n'est plus apte a diriger le gouvernement ", estime le leader de l'opposition travailliste, Mr Neil Kinnock. " Elle est arrogante, dictatoriale et isolee. Elle dit depuis des annees qu'il n'y a pas d'alternative. Il y en a une. Qu'elle s'en aille ! " rencherit le chef de file des liberaux democrates, Mr Paddy Ashdown. A Downing Street, on reconnait que le premier ministre est triste et sous le choc. La reaction est pourtant exceptionnellement rapide. Sans attendre au lendemain, Mme Thatcher nomme Mr John Major chancelier de l'Echiquier. Mr Douglas Hurd passe de l'interieur aux affaires etrangeres, tandis que le chef du groupe parlementaire conservateur, Mr David Waddington, devient ministre de l'interieur. Meme si on s'efforce aussitot, dans l'entourage de Mme Thatcher, de rappeler que Mr Major vient du Tresor et que Mr Hurd est, a l'origine, un diplomate de carriere, il est difficile de ne pas voir dans ce remaniement surprise un replatrage impose par des evenements qui ont echappe au controle du premier ministre. Il semble meme que plusieurs hauts responsables conservateurs, y compris le president du parti, Mr Kenneth Baker, aient fait pression sur Mme Thatcher pour qu'elle se separe quand meme de Sir Alan Walters. Celui-ci n'aurait donc demissionne qu'apres que cette demarche lui aient ete suggeree. Si l'anecdote est exacte, elle ajoute encore a l'atmosphere de crise declenchee par le depart en fanfare de Mr Lawson. - La police bulgare a, selon des temoins, arrete et brutalise, jeudi 26 octobre a Sofia, neuf dirigeants de l'organisation ecologiste independante Ecoglasnost, interpellant par la suite quinze autres membres du groupe. Cette intervention de la police met fin a une periode de relative tolerance des autorites au debut de la conference sur l'environnement organisee par la CSCE depuis le 16 octobre dans la capitale bulgare. Lundi, deja, un opposant bulgare, Mr Bialkov, invite a assister a la conference, avait ete arrete alors qu'il venait de sortir de prison. - Le dramaturge tchecoslovaque, Mr Vaclav Havel, dirigeant de l'organisation independante Charte 77, a du etre hospitalise, pour des raisons inconnues, jeudi 26 octobre a Prague, apres avoir ete interpelle a son domicile. Selon le dissident Vaclav Benda, la police a egalement arrete un autre responsable de la Charte 77, Mme Eva Kanturkova. Ces interpellations visent a empecher une manifestation pour le 71e anniversaire de la creation de la Republique de Tchecoslovaquie, prevue samedi 28 octobre. La Charte 77 et quatre autres mouvements d'opposition ont deja appele la population a se rassembler sur la place Wenceslas pour manifester leur hostilite au regime communiste. - Les dix-huit mille mineurs grevistes de Vorkouta, dans le Grand Nord sovietique, ont decide de reprendre le travail, vendredi 27 octobre, apres une greve de vingt-quatre heures. Le porte-parole des grevistes, Mr Masolovitch, a declare que cette decision avait ete prise " en raison des pressions des medias locaux et de la decision de la direction de nous trainer devant les tribunaux ". Jeudi, Mr Gorbatchev avait declare, a Helsinki ou il effectue un visite officielle, que cette greve " pouvait etre resolue pacifiquement ". Les quatre sous-marins de la classe Golf deployes en mer Baltique et dont Mr Gorbatchev a annonce la destruction avant la fin de l'annee prochaine constituent la partie la plus ancienne de l'arsenal strategique sovietique. Selon l'annuaire britannique Janes et la toute nouvelle edition de la Military Balance, publiee par l'Institut des etudes strategiques de Londres, ces sous-marins sont des submersibles a moteur Diesel d'un tonnage de 2800 a 3500 tonnes, mis en service entre 1963 et 1968, avec un equipage de 87 hommes. Six de ces sous-marins, dits G-II (quatre en Baltique et deux en Extreme-Orient), sont porteurs de missiles SS-N-5 Sark, a raison de trois engins par submersible, soit dix-huit au total. Deploye pour la premiere fois en 1964, le Sark tire a 1400 kilometres une seule charge d'une megatonne, avec une precision - ou plutot une imprecision - qui est celle des annees 60 : avec un " cercle d'erreur probable " de 2800 metres, le missile est deux fois moins precis que le moins precis de tous les autres missiles sovietiques actuels... En raison de sa faible portee, cet arsenal n'avait pas ete comptabilise dans les premiers accords SALT de 1972. Tandis que Mr Gorbatchev exposait a Helsinki son programme de securite en Baltique et en Europe du Nord, les ministres des affaires etrangeres des septs pays membres du pacte de Varsovie ouvraient, jeudi 26 octobre, une session dans la capitale polonaise, la premiere depuis leur reunion du printemps a Berlin-Est, et depuis la constitution d'un gouvernement non communiste a Varsovie. Ouvrant la rencontre, Mr Skubiszewski, ministre polonais des affaires etrangeres, s'est declare " persuade que cette reunion apportera de nouvelles valeurs dans la construction durable d'une Europe indivisee ". " Les autorites polonaises, a-t-il assure, veulent maintenir des liens amicaux avec les pays membres du pacte, qui soient profitables a tous. La Pologne veut fermement respecter les interets mutuels (des pays du pacte), selon les principes d'egalite. " A Washington, d'autre part, le president Bush a recu jeudi Mr Primakov, president du soviet de l'Union du Soviet supreme de l'URSS et nouveau membre suppleant du bureau politique du PC sovietique. Celui-ci a indique avoir remis a son hote une lettre de Mr Gorbatchev evaluant de maniere " tres positive " l'evolution des relations americano-sovietiques. " Un mur nordique et un toit nordique a la maison europeenne commune ", c'est ce qu'ont reussi a batir ensemble la Finlande et l'Union sovietique, a declare Mr Mikhail Gorbatchev en conclusion du discours qu'il a prononce jeudi 26 octobre, a Helsinki, dans la salle de congres Finlandia ou avait ete signe en 1975 l'acte final de la premiere Conference sur la securite et la cooperation en Europe (CSCE). Le geste qu'il fallait faire a l'occasion de sa visite, Mr Gorbatchev l'a fait en reconnaissant officiellement la neutralite de la Finlande. La declaration commune qu'il avait signee une heure auparavant avec le president finlandais, Mr Mauno Koivisto, commencait on ne plus plus clairement par : " La Finlande, pays nordique neutre, qui n'est pas en possession de l'arme nucleaire. " Les Finlandais, qui ont attendu cette reconnaissance depuis plus de quatre decennies, ont salue, selon les termes de leur ministre des affaires etrangeres, Mr Pertti Paasio, ce " document exceptionnel dont la signature est un evenement historique " qui donne " toutes les raisons d'etre satisfait ". Rappelant ensuite dans son discours " la controverse passee autour de l'interpretation de la neutralite finlandaise ", Mr Gorbatchev mit les points sur les i : " Je desire souligner avec la plus grande fermete que l'Union sovietique reconnait sans reserve le statut de neutralite de la Finlande et continuera de le faire dans l'avenir. " Quant au traite d'amitie, de cooperation et d'assistance mutuelle signe en avril 1948, il restera en vigueur dans sa formulation initiale, malgre le caractere aujourd'hui obsolete de certains de ses traits. Finlandais et Sovietiques insistent pour qu'il demeure tel quel, le traite et la neutralite etant les bases, a rappele Mr Gorbatchev, de la politique etrangere de la Finlande. Seul sujet de preoccupation dans les relations entre la Finlande et l'Union sovietique : leurs echanges commerciaux. Les prix du petrole que la Finlande importe d'Union sovietique ont baisse, la decentralisation en cours a Moscou qui permet aux entreprises sovietiques de traiter directement avec leurs clients etrangers fait que la Finlande se voit preferer comme fournisseur d'autres pays, d'Europe occidentale notamment. La aussi pourtant, le traite sur les echanges economiques, signe en 1947, reste en vigueur. L'accord-cadre, renouvele regulierement a l'avance pour cinq ans (cette fois du debut 1991 a la fin 1995), signe jeudi 26 octobre egalement, tient compte de ces difficultes. Toujours sur le plan economique, l'URSS manifeste sa volonte de se rapprocher des deux alliances occidentales, la CEE et l'AELE. Mr Gorbatchev imagine ainsi la creation d'une " commission tripartite europeenne " qui comprendrait des experts representant la CEE, l'AELE et le Comecon. Il souhaite egalement " une utilisation plus active " du Conseil de l'Europe, avec lequel l'URSS vient de nouer ses premiers liens. Sur le plan du desarmement, ensuite, Mr Gorbatchev se tourne la vers ses voisins nordiques pour indiquer qu'apres son discours de Mourmansk, en octobre 1987, l'URSS a pris quelques mesures concretes. " A l'heure actuelle, nous n'avons aucun missile de courte ou de moyenne portee operationnel dans les zones adjacentes au nord de l'Europe. Les systemes nucleaires tactiques de l'Union sovietique sont maintenant deployes dans des regions a partir desquelles ils ne peuvent atteindre l'Europe du Nord, de quelque site que ce soit sur le territoire sovietique ", a-t-il affirme. Il annonce encore que l'URSS est " sur le point de proceder unilateralement a l'elimination de certaines categories d'armes nucleaires basees sur des navires ". Deux sous-marins de la classe Golf ont ete demanteles et les quatre qui restent de cette meme classe connaitront le meme sort d'ici a la fin de 1990. Leurs missiles nucleaires seront egalement detruits et ne seront pas remplaces. " Nous sommes prets a conclure un accord avec les puissances nucleaires et les Etats riverains de la Baltique qui garantirait efficacement a celle-ci un statut de mer denuclearisee. " En ce qui concerne en revanche la presqu'ile de Kola, l'enorme puissance navale sovietique et le potentiel nucleaire qui y est concentre, Mr Gorbatchev estime que cet espace-la n'est plus nordique mais arctique : il ne fera de concession sur la reduction de ces forces " que si la question est abordee sur une echelle globale ". En attendant, il preconise, a l'instar notamment des Norvegiens, des consultations, voire des negociations, en vue d'un accord sur l'information reciproque concernant les accidents en mer, en particulier de sous-marins. Un accord qui devrait etre signe par tous les pays ayant des activites navales dans la region. Mr Gorbatchev souhaite d'ailleurs resserrer la cooperation nordique et propose " l'etablissement d'un groupe parlementaire representant tous les pays concernes pour discuter de tous les problemes regionaux, de la securite aux droits de l'homme ". A l'adresse des Norvegiens, il estime qu'il est temps de jeter un " regard nouveau " sur le long litige concernant la delimitation des eaux territoriales dans la mer de Barents. Autre proposition visant a raffermir la construction de ce " toit nordique " : l'URSS est prete a developper les contacts avec le Conseil nordique en commencant par la tenue d'une reunion entre une delegation du Conseil et un groupe de deputes du Soviet supreme. Pourraient y assister, " a un stade ulterieur ", des deputes des Republiques sovietiques baltes. Celles-ci, en fait, ont deja manifeste leur interet pour une cooperation avec le Conseil nordique, voire une adhesion, mais il leur faudra donc attendre d'en avoir l'autorisation. La question balte n'a d'ailleurs pas ete evoquee a Helsinki lors de la visite du secretaire general, en depit de la presence dans la delegation sovietique du chef du Parti communiste d'Estonie, Mr Vaino Valjas. Aucun commentaire n'a ete fait a ce sujet, ni du cote sovietique, ni du cote de ses hotes finlandais, soucieux de ne pas s'engager ouvertement pour les revendications d'independance dans les republiques voisines. Les presidents finlandais se sont souvent rendus dans la capitale sovietique. Les maitres du Kremlin, eux, ont, jusqu'a present, distille au compte-gouttes leur visite dans la capitale finlandaise : 1960, 1975, 1989. Aussi bien, on se felicite a Helsinki de cette visite repoussee a plusieurs reprises, et qui recompense des annees de patience. Il ne reste plus maintenant aux Sovietiques, apres avoir officiellement accepte que la Finlande soit un pays neutre, qu'a reconnaitre tout aussi officiellement les causes de cette neutralite en revisant une page de l'Histoire contemporaine : ce jour du 26 novembre 1939 ou sept salves de mortier tirees en Carelie avaient donne le pretexte aux Sovietiques - qui avaient mis eux-memes en scene cette " provocation finlandaise " - pour declencher les hostilites contre la Finlande et lui faire payer durement l'independance qu'elle avait voulu conserver. Ce cinquantieme anniversaire n'aura pas non plus ete evoque au cours de la visite de Mr Gorbatchev. Goldsmith contre BAT, Suez contre Compagnie industrielle, Paribas contre Mixte... Les batailles boursieres qui se succedent a un rythme effrene depuis l'ete, pour des montants enormes, entretiennent l'interet des milieux financiers. Au point de faire oublier que la finalite speculative n'est pas la motivation principale de certains acteurs qui prennent part a ces operations, parfois en coulisse: les assureurs. Ainsi, le groupe prive francais AXA, qui, aux cotes de Goldsmith, convoite Farmers, la filiale americaine d'assurances du conglomerat britannique BAT; ou la compagnie publique UAP, qui negocie avec Suez une entree dans le groupe d'assurances Victoire-Colonia, fleuron de la Compagnie industrielle; ou enfin, le numero un allemand et europeen du secteur, Allianz, qui, dans l'ombre de Paribas, a mis le pied dans les activites assurances de la Navigation mixte. L'enjeu: la conquete de reseaux, element determinant de la constitution de groupes d'assurances de taille internationale. Pourquoi livrer bataille pour les reseaux ? Parce que les produits etant fortement banalises - rien ne ressemble plus a une police d'assurance automobile qu'une autre police d'assurance automobile - la distribution, sous toutes ses formes, est le seul moyen de gagner des parts de marche. Toute la strategie de Mr Jean Peyrelevade, president de l'UAP, va dans ce sens. Ainsi s'expliquent le rapprochement avec la BNP pour ecouler ses produits par les guichets bancaires de son allie ; negociation avec Suez pour une entree, meme minoritaire, dans le groupe Victoire qui permettrait a l'UAP de consolider son territoire en France et d'en ouvrir un nouveau, en RFA, grace a Colonia, numero deux ouest-allemand du secteur et la toute derniere acquisition de Victoire. Comme il ne se cree pas de nouveaux reseaux (ce serait trop long et trop couteux), conquerir des parts de marche revient a acheter des reseaux existants. D'ou l'appetit d'un Generali ou d'un Allianz, qui, apres avoir patiente longtemps aux portes de l'Hexagone, se sont engouffres dans la premiere breche qui s'est offerte a eux, l'italien en mettant le pied dans le Midi desormais dans le giron du groupe AXA, l'allemand en achetant la moitie des activites d'assurances de la Navigation mixte. Et si Mr Peyrelevade a tant souhaite la reussite de Suez dans son offensive sur la Compagnie industrielle, s'il negocie avec ce meme Suez sur Victoire, c'est pour barrer la route a ces deux concurrents etrangers. Mais c'est aussi pour etendre son influence sur son propre marche dont il detient 12 %. Un, taille insuffisante pour le numero un national si l'on en croit son PDG : " Pour se developper a l'international, il faut partir d'une base forte dans son pays. " Dans l'assurance, comme dans l'agro-alimentaire ou dans la chimie, le mot d'ordre est a la recherche de la taille optimale plus que de la taille maximale. Les quelques operations recentes de concentration (AXA-Midi, Via-Rhin et Moselle, PFA-GPA...) ne doivent pas faire illusion. Le secteur reste encore incroyablement morcele, notamment dans d'Europe du Sud (France, Espagne, Italie). Dans l'Hexagone, on denombre pres de six cents entreprises d'assurances, " un chiffre tout a fait deraisonnable ", estime Mr Benoit Jolivet, directeur des assurances au ministere de l'economie. Les vingt premiers groupes realisent 80 % du chiffre d'affaires de la branche et les dix premiers 60 %. Le marche ne pourra durablement faire vivre autant d'entreprises, quand bien meme la croissance du secteur serait-elle, comme aujourd'hui, superieure a celle du produit national brut. Il suffit de regarder ce qui s'est passe en RFA ou en Grande-Bretagne. "Il faut etre gros." Une evidence lorsqu'il s'agit de s'attaquer aux risques internationaux (grands risques industriels, maritimes...), mais aussi une necessite sur des marches qui restent pour l'instant nationaux, comme celui des particuliers, fortement lie aux habitudes et a la culture de chaque pays. "Meme sur un marche donne, l'effet de taille joue, preche Mr Claude Bebear, le patron d'AXA-Midi. Il faut une taille minimale pour pouvoir faire de la publicite, pour disposer d'un reseau d'experts qui vous prendra en consideration parce que vous representez pour eux un chiffre d'affaires important, pour recruter des gens de qualite." En revanche, Mr Bebear, pas plus que Mr Peyrelevade, ne croit aux economies d'echelle si familieres aux industriels. "Nous n'avons pas de frais d'etude, de prototype, d'industrialisation..." Quant aux economies d'echelle dans la distribution, elles laissent le directeur des assurances dubitatif: "Il y en aura, mais les assureurs sont condamnes a de tels efforts de reduction des couts que les economies d'echelle qui resulteraient d'une fusion seraient de toute facon marginales", constate Mr Jolivet. Taille critique sur son marche, taille critique sur les marches exterieurs, les deux sont lies. Seuls les grands groupes ont les moyens financiers et humains de s'implanter a l'etranger de facon significative. " En dessous de 2 % vous etes un suiveur. " D'autant qu'un assureur a la strategie internationale ambitieuse ne peut se limiter a l'Europe. " Pour etre une compagnie internationale, il faut etre present aux Etats-Unis, le premier marche avec la moitie des primes mondiales ", affirme Mr Jolivet, meme s'il reconnait que l'internationalisation risque d'etre d'abord a dominante europeenne, 1993 oblige. Mr Bebear, lui, a brule les etapes en s'interessant a Farmers, compagnie californienne d'assurance, avec lequel son groupe n'a pas de synergie immediate - il l'admet lui-meme. Mais c'est une facon d'apprendre un nouveau marche, de repartir les risques, voire de faire un bon investissement financier si Farmers confirme sa rentabilite. Limiter dans un premier temps ses ambitions a l'Europe n'est d'ailleurs pas forcement synonyme d'economies s'il s'agit d'etre present dans les trois ou quatre principaux pays de la Communaute. " Car le paradoxe, souligne Benoit Jolivet, c'est qu'au moment ou la libre prestation de services (qui entrera en vigueur l'an prochain) va permettre a un assureur implante dans un quelconque pays de la Communaute de travailler dans les onze autres, les interesses se mettent a accelerer leurs achats chez leurs voisins. " Un paradoxe qui n'est pas aussi flagrant qu'il en a l'air, dans la mesure ou chacun des pays europeens a ses structures, ses produits et ses habitudes en matiere d'assurance, et que celles-ci ne disparaitront pas d'un coup de baguette magique en 1990. Enfin la course a la taille critique donne aux grandes compagnies un avantage : le volume considerable des actifs geres qui leur assure des recettes et leurs permet d'envisager acquisitions, prises de participations et toutes les operations financieres que l'on vient proposer a un assureur en tant qu'investisseur. Mr Bebear, qui peut se targuer d'etre passe d'une petite societe, les Mutuelles unies a Rouen, a un grand groupe, sait de quoi il parle : " A Rouen, on me refilait toutes les affaires dont les autres ne voulaient pas. Aujourd'hui, sur la place de Paris, il n'y a pas une seule operation d'envergure a laquelle AXA ne soit pas associe. " Et si un assureur peut mettre cette capacite financiere au service de sa propre strategie industrielle en rachetant un autre assureur, n'est-ce pas le meilleur des investissements ? TIENS, il m'a mis une jappee, ce matin, le chef du service etranger. Tu crois pas que ca commence a bien faire, tes billets a la con ? Tu pourrais peut-etre ouvrir ta lucarne sur le monde exterieur et lui offrir une chronique un peu plus classe, au lecteur. Regarde un peu cette interview du bourreau du roi Faycal dans le Khaleej Times, et prends-en de la graine. Faut dire, elle est geniale. Vous voulez que je vous la traduise ? Bon, alors il s'agit de Saeed Al Sayaf, soixante ans. Ses vingt-cinq femmes lui ont donne vingt-quatre enfants, ce qui n'est pas un tres gros rendement. Il exerce ses fonctions en Arabie saoudite depuis 1932. Ses instruments de travail, un sabre pour les hommes et un revolver pour les femmes. - Combien avez-vous coupe de tetes au cours de votre longue et noble carriere ? - Six cents. Et soixante mains. - Qu'est-ce qui est le plus difficile, la mutilation ou la decapitation ? - La mutilation. Couper une tranche de quelqu'un qui va rester en circulation, c'est dur psychologiquement. Faut couper au bon endroit et se servir d'un couteau special a la lame tres effilee. - Qu'est-ce que vous eprouvez apres une execution ? - Un sentiment de plaisir et d'exaltation. Je remercie Dieu de m'avoir permis de punir ceux qui l'ont offense. - Combien vous rapporte chaque tete coupee ? - A mes debuts, 1 000 francs. Davantage maintenant. - Est-ce que les condamnes meurent du premier coup ? - Le plus souvent, oui. Il est bien rare que je sois oblige de m'y reprendre a deux fois. - Pourquoi tuez-vous les femmes par balles, et pas a l'arme blanche ? - Parce que ca m'obligerait a enlever leur voile, a les denuder jusqu'au cou, et, bon, ca, ma religion me l'interdit. Nous y revoila ! Le tchador ! Encore le tchador ! Voie de la raison ou victoire des " archeos " ? L'accord qu'Alain Gomez vient de conclure avec le Credit lyonnais - un des premiers du genre, calque sur ce qui se passe en Allemagne et au Japon - n'a pas fini de defrayer la chronique, tombant en plein debat sur le financement des groupes nationalises en France. Homme de risque, le patron de Thomson n'avait pas hesite en 1983 a affronter directement les socialistes dogmatiques et l'establishment bancaire en prenant en main - avec une equipe de haut vol - le destin financier de son groupe. La cabale qui s'ensuivit faillit lui couter son poste. Aucun faux pas, aucune erreur n'etaient toleres : puisqu'Alain Gomez dinait avec le diable, il fallait qu'il soit " plus blanc que blanc ". N'en deplaise aux Cassandre, la finance a rapporte a Thomson. Et largement : 9 milliards de francs. Une somme coquette quand on voit avec quelle parcimonie l'Etat dote ses entreprises nationales... Et quand on se rappelle le prosaique mot d'ordre qui leur etait donne, en 1983, par les socialistes de la deuxieme generation, convertis en peres la rigueur : " gagner de l'argent ". Aujourd'hui, le contexte financier international dans lequel evolue Thomson change, augmentant les risques, les vrais, ceux qui comptent. Continuer seul devenait dangereux : " J'echange une Maserati contre un camion de trente tonnes ", explique Jean-Francois Henin, l'eminence grise financiere d'Alain Gomez. Autant dire que Thomson troque des resultats brillants mais aleatoires contre un revenu de pere de famille... Une lecture un peu injuste pour le Credit lyonnais, qui trouve dans l'operation son plus gros actionnaire identifie. L'importance de la participation (14 %) prise par le groupe nationalise dans le Credit lyonnais consacre en tous cas le succes de la sphere financiere de Thomson, creee de toutes pieces en six ans. De quoi, peut-etre, couper court aux critiques, qui ont couru si longtemps, a propos de l'equipe de Jean-Francois Henin. " Que voulez-vous, Henin est le Mozart de la finance et en ce bas monde, il y a plus de Salieri que de Mozart... ", plaidait Alain Gomez pour defendre son directeur financier. A la tete de son equipe, celui-ci reussira-t-il a entrer dans le concert du Lyonnais tout en continuant a jouer sa musique de chambre ? L'Association d'entraide des polios et handicapes (ADEP) rappelle que le barreau de Paris assure (un jeudi sur deux, de 10 heures a 12 heures) un service de consultations juridiques gratuites a la permanence parisienne de l'ADEP. Ces consultations sont ouvertes a toutes les personnes handicapees ainsi qu'a leurs familles. Elles sont donnees sur rendez-vous, a prendre aupres de l'association au moins quarante-huit heures a l'avance. Par ailleurs, l'Association nationale des medecins-conseils de victimes d'accidents (ANAMEVA) ouvre un service de preconsultation medicale gratuite. Ces consultations sont ouvertes aux victimes d'accidents, plus generalement aux invalides civils, afin de les eclairer sur l'evaluation de leur invalidite avant expertise. Reservee a des oeuvres de jeunes realisateurs ayant tout au plus trois films a leur actif, la competition " Une certaine idee du cinema " organisee dans le cadre des 3emes Rencontres cinematographiques de Dunkerque a couronne Funerailles, du Japonais Juzo Itami. Le jury de professionnels, copreside par l'actrice Ann-Gisel Glass et par le cineaste Laslo Szabo, l'a finalement prefere a Mina et moi, de Patrick Grandperre. Dans la competition reservee aux longs metrages (au nombre de dix), Funerailles a egalement obtenu le prix du jury, de la presse et le prix Cicæ. Le prix de la mise en scene est revenu a Pense a moi, d'Alain Bergala, celui des interpretes a l'ensemble des acteurs du film le Champignon des Carpates, de Jean-Claude Biette. Quant au choix du public, il s'est porte sur la Femme du livreur de petrole, d'Alexandre Kaidanovsky. La Grand Prix de sculpture de l'Academie des beaux-arts a recompense Xavier Dambrine pour ses creations sur bois. Age de vingt-cinq ans, cet eleve de l'Ecole des beaux-arts obtient une bourse de 240 000 F versee par mensualites pendant un an. Elle lui permettra de preparer une exposition qui sera presentee a Paris et dans plusieurs grandes villes de France. - La Caisse nationale des monuments historiques et des sites organise, les 28 et 29 octobre au chateau de Pierrefonds (Oise), un week-end de fete qui permettra de remonter le temps jusqu'a la construction de la forteresse par Louis d'Orleans. De nombreuses animations seront proposees : circuit insolite dans le chateau, spectacle, concert, rallye, tir a l'arc, etc. (Entree : 22 francs ; tarif reduit : 12 francs ; gratuit pour les moins de sept ans). Autour de ce week-end et pendant toutes les vacances de la Toussaint, les enfants de neuf a treize ans pourront vivre "Un jour au Moyen Age" (sur inscription au 69-49-00-07). - L'Assistance publique-hopitaux de Paris organise, le 8 decembre, un concours d'admission pour les ecoles situees a Paris et dans la region parisienne. Ce concours est ouvert aux titulaires d'un baccalaureat ou titre equivalent, ou de l'examen de niveau pour l'admission en ecole paramedicale ou d'une attestation d'experience professionnelle delivree par une DDRASS (cloture des inscriptions le 17 novembre). Pendant toute la scolarite, l'Assistance publique-hopitaux de Paris offre des contrats logements-etudes. Derriere le rideau bleu qui barre le fond de scene, trois projecteurs de lumiere blanche s'allument tandis qu'apparaissent en decoupe les silhouettes d'une foule affairee et qu'enfle une rumeur de rue. Des la premiere image, on sait que ce Fantasio, premiere mise en scene de Richard Bean, un jeune homme de vingt-quatre ans - l'age de Musset quand sa piece fut publiee - releve bien du theatre, de l'envie, du plaisir, du serieux du theatre. Pas de decor a proprement parler, quelques accessoires ultra-rudimentaires et des costumes simples, bleus pour le roi de Baviere et ses serviteurs, noirs pour les hommes de la rue, Fantasio et ses amis, bourgeois de Munich, blanc pour la robe d'Elsbeth, la princesse qui fait l'objet de tant de convoitises. La scene? Une etendue de sable blond qui se perd dans un ciel de nuit d'ete. Fantasio est, au-dela de son pretexte anecdotique et historique - le mariage contraint de la fille de Louis-Philippe avec Leopold de Belgique en 1832 - une meditation brillante, enlevee, quelquefois severe, sur la jeunesse. Quel avenir peut bien s'inventer un jeune homme crible de dettes dans un monde ou l'argent est roi et l'amour trop souvent un commerce? Quel espoir peut entretenir une jeune fille dechiree entre les devoirs de son rang et l'energie folle qui bouillonne en elle? Mais Fantasio est aussi, Richard Bean le souligne justement, une sorte d'episode commente de la lutte des classes, depuis les impatiences des gens de la rue jusqu'au pouvoir absolu et sans partage des possedants. Cette lecture presque brutale de Fantasio donne au spectacle une actualite passionnante. La jeunesse d'alors comme celle d'aujourd'hui, declassee quelle que soit son origine sociale, en panne d'imagination, sensible aux sirenes du nihilisme, tentee par le cynisme, n'a d'autres solutions que le travestissement, de soi sinon de ses sentiments - c'est le cas de Fantasio (Serge Hazanavicius) et du Prince de Mantoue (Olivier Laubacher) - ou le retour au cocon de l'enfance, comme s'y essaie Elsbeth (Philippine Leroy-Beaulieu). Richard Bean a installe entre la princesse et sa gouvernante (Michele Oppenot) une relation formidable, fantasmagorie qui nous transporte par instants dans un univers qu'aurait aime Lewis Carroll. Et la fin de l'oeuvre est belle qui montre comment deux jeunes gens tres differents peuvent arriver a s'entendre par-dela les barrieres. Jamais Philippine Leroy-Beaulieu, belle, comme a l'habitude, d'une inventivite et d'un gout du risque etonnants, n'avait paru si heureuse au theatre, depuis ses premiers pas sous la direction de Roger Planchon au TNP. A ses cotes, Michele Oppenot joue de ses graves pour un role a facettes, complexe, entre extravagance et denuement, superbe. Serge Hazanavicius ne maitrise pas encore parfaitement les difficultes du role-titre, manquant un peu de surete dans la voix et d'autorite dans ses gestes, mais sa presence est evidente. Daniel Tarrare (le Roi de Baviere) charpente solidement le quadrige des gens de pouvoir ou le tandem Olivier Laubacher-Vincent Ferniot (Marinoni, aide de camp du prince de Mantoue) s'illustre dans l'humour pur. Le premier est long, aigu, d'une efficacite instantanee. Le second est rond, savoureux, d'une parfaite duplicite. On les croirait tous deux sortis de chez Jerome Deschamps. Les seconds roles, Adama Niane et Terence Leroy-Beaulieu (les Pages), Kamel Abdelli (Spark) et Patrick Sueur (Hartman et Rutten) y vont du charme et du courage de leur inexperience. Accroches a flanc de montagne, quelques villages aborigenes subsistent a Taiwan, banales maisonnettes en brique, toits de tole ondulee, jardinets ornes de clotures en ciment. Au centre de l'agglomeration trone l'eglise. La plupart de ces ethnies ont ete converties au christianisme. Mais cette religion, accomodee a une sauce locale, n'empeche pas la frequentation du chaman en cas de problemes graves. Avec un peu de chance, c'est chez lui que l'on trouve les vestiges d'un art aborigene : poutres sculptees, linteaux travailles de frises, piliers de cases assez massifs et ornes de figures aux reliefs accuses. Les images qui reviennent presque toujours sont celles d'hommes aux bras replies, paumes ouvertes, la tete surmontee de serpents. Un art singulier totalement inconnu en Occident, meconnu en Orient, que nous pouvons decouvrir grace a la Maison des cultures du monde. Une grande poterie a la patine sombre, ornee de deux reptiles, accueille le visiteur. A l'aube des origines, raconte la mythologie paiwan - l'une des ethnies qui vit dans le sud de l'ile chinoise, - le soleil a pondu deux oeufs. Ils furent places dans un pot de terre et couves par deux serpents. De ces oeufs naquirent les premiers Paiwans. Ces reptiles, peres nourriciers de l'humanite, sont omnipresents. On les retrouve sur les poteaux qui soutiennent les maisons comme sur les objets de la vie courante. Ils sont declines de toutes les manieres, en lignes brisees, en spirales, en arcs, en cercles concentriques ou rayonnant comme des soleils. Parfois, ces animaux sont integres au corps humain sous forme de tatouages. C'est visible sur un bas relief d'une qualite exceptionnelle, exposee rue de Nesles : une figure ancestrale, quasi manieriste, rehaussee de peinture. Mais si les themes sont presque toujours les memes, le style a considerablement evolue au fil du temps. Les oeuvres les plus frappantes semblent etre les plus archaiques, comme ce pilier orne d'un visage a peine esquisse ou ces steles de pierres gravees, vieilles d'un millier d'annees. Sur l'une d'elles, on distingue deux graffitis assez legers, un couple de chasseurs echappe d'une toile de Dubuffet. Sur une autre, un entassement, plus marque, de tetes coupees surmontees des inevitables serpents. Un ensemble assez complet d'objets de la vie courante, armes, coupes, boites, pipes, peignes, temoignent de cette civilisation moribonde. D'ici peu de temps, ses derniers representants disparaitront, absorbes par la prolifique masse chinoise. Et leur passage sur notre planete serait totalement effaces si Mr Hsu Ying-chou, un industriel chinois a qui l'on doit les elements de cette exposition, n'avait depuis quarante ans entasse chez lui tous les vestiges possibles de ce passe qui n'interessait absolument pas ses compatriotes. La memoire d'une dizaine de peuples git chez lui, au coeur de Taipeh. Cette collection doit un jour prochain se transformer en fondation ouverte au public. Les Parisiens en ont la prefiguration. Pres d'un an apres une election triomphale et son accession a la tete du gouvernement (le 1er decembre 1988), Mme Benazir Bhutto donne toujours l'impression d'etre un premier ministre en sursis. Un climat d'incertitude continue de prevaloir au Pakistan. Mme Bhutto tente d'imposer son autorite, ce qui la conduit a d'incessantes epreuves de force a la fois avec le chef de l'Etat, Mr Gulam Ishaq Khan, et avec l'opposition incarnee par le tout-puissant chef-ministre du Pendjab, Mr Nawaz Charif. Curieusement, la menace ne vient pas de l'establishment militaire. La mise a l'ecart, en mai dernier, du chef de l'ISI (les services secrets), le general Hamid Gul, n'a provoque aucune grogne au sein de l'armee, car une partie au moins du haut commandement n'approuvait pas le role que lui faisait jouer feu le general Zia dans la guerre d'Afghanistan. De meme, lorsque le premier ministre a mis fin a l'action des services secrets dans la politique interieure, les militaires ont approuve. Mme Bhutto vient de limoger le " patron " de l'Intelligence Bureau, deuxieme organisation de renseignement du Pakistan, sans provoquer la moindre protestation. Mieux : le general Aslam Beg, chef d'etat-major de l'armee, homme insaisissable mais dont le soutien est indispensable au gouvernement, multiplie les professions de foi democratiques. En aout, le general Beg a meme rappele que le role assigne a l'armee est de " maintenir un environnement de securite dans lequel le systeme politique choisi par le peuple puisse fonctionner sans entrave ". Le patron de l'armee s'est, d'autre part, refuse a prendre parti dans la querelle qui oppose Mme Bhutto au chef de l'Etat. Le premier ministre a demis de ses fonctions l'amiral Sirohey, qui avait ete nomme president du comite des chefs d'etat-major en novembre 1988. Mr Ishak Khan s'est oppose a cette decision. Bien qu'officiellement sans affectation, l'interesse occupe toujours son poste... Sans pour autant pretendre a une parfaite neutralite (ancien " baron " de l'epoque Zia, ses sympathies vont naturellement a ceux qui se targuent d'etre les heritiers de l'ancien chef de l'Etat), Mr Ishak Khan a tente de calmer le jeu entre le PPP (Parti du peuple pakistanais) de Mme Bhutto et l'Alliance democratique islamique (IDA) que dirige Mr Nawaz Charif. Celui-ci s'efforce de remplir la promesse qu'il avait faite au lendemain de la victoire du PPP : empecher par tous les moyens la fille d'Ali Bhutto (l'ex-president execute sur ordre du general Zia) de gouverner. Le premier ministre n'aura pas les coudees franches tant qu'un renversement de majorite ne se sera pas produit dans le fief de son adversaire, l'Etat du Pendjab, qui regroupe 60 % de la population pakistanaise. La " guerre " est devenue feroce apres l'arrestation, par le gouvernement federal, de l'ancien gouverneur de la province du Nord-Ouest, le general Fazle Haq, ancien " homme fort " de l'epoque Zia. Motif : le general serait a l'origine de l'assassinat, en juillet 1988, de l'imam Al Husseini, chef de la communaute chiite. Detail : Mr Fazle Haq est a la tete d'une fortune considerable que l'on dit amassee grace au trafic de drogue, l'une des principales activites economiques de la province du Nord-Ouest. Mr Nawaz n'a pas tarde a repliquer : le gouvernement du Pendjab a lance un mandat d'arret (pour meurtre) contre Mr Mukhtar Awan, ministre du travail, qui est toujours en fonction. Enfin, il y a eu l'incident de Lahore, la " capitale " du Pendjab : une descente fiscale au siege d'une usine qui appartient conjointement a un ministre du gouvernement local et aux fils de feu le general Akhtar Abdur Rehman, ancien chef d'etat-major de Zia, decede en meme temps que lui. En represailles, Mr Nawaz a tout simplement emprisonne (pendant quelques jours) les deux officiers de police diligentes par Islamabad. Pour montrer leur force et leur popularite respectives, le PPP et l'IDA organisent des manifestations monstres, si possible dans le fief du camp adverse. Apres le succes d'un vaste rassemblement de soutien pour Mme Bhutto a Lahore, l'avantage semble etre dans le camp du premier ministre. Aujourd'hui Mr Nawaz brandit l'etendard de l'autonomie des Etats contre le " centre ". Au Balouchistan, province controlee par l'opposition et dont la population tribale n'a jamais ete domptee par l'Etat central, le theme est evidemment populaire. Le gouvernement replique en denoncant une tentative " secessionniste " du Pendjab dont le risque, il est vrai, n'est plus tout a fait a ecarter. D'autant que le " cancer " des velleites separatistes gagne le Sind (fief de la famille Bhutto), seul Etat ou le premier ministre disposait jusque-la d'une nette majorite. Le Jiye Sindh, mouvement compose de Sindhis de souche, se promet de " liberer " la province : 9 recemment, au cours d'un rassemblement a Sukkur, les activistes sindhil (qui sont discretement mais activement soutenus par les partisans de Mr Nawaz Charif) se sont livres a un autodafe de drapeaux pakistanais, accusant le PPP de transformer les Sindhi en " esclaves des Americains et des... Mohajirs ". Ces derniers, d'anciens immigrants de l'Inde, de langue ourdoue, occupent une place economique et politique determinante a Karachi, mais aussi sur le plan national. Depuis la victoire electorale de Mme Bhutto, leur mouvement, le MQM, n'a cesse de menacer de " lacher " le PPP et de passer avec ses troupes - les parle-mentaires qui sont necessaires au PPP pour gouverner la province et les quatorze deputes au Parlement national - chez l'" ennemi ". Lundi 23 octobre, le MQM est passe aux actes et a fait allegeance a Mr Nawaz Sharif. Ce renversement d'alliance peut se reveler tres dangereux pour Mme Bhutto dans la mesure ou, avec l'aide de deputes independants, dont le soutien se monnaye, le chef-ministre du Pendjab peut esperer mettre le premier ministre en minorite lors d'un vote de confiance a l'Assemblee nationale. Les Mohajirs estiment ne pas avoir beaucoup de raisons d'etre satisfaits : Mme Bhutto rentre d'une visite officielle au Bangladesh sans que l'epineuse question du retour des refugies biharis (1) ait progresse. Autant les Sindhis, sont violemment hostiles a toute idee de rapatriement, autant les Mohajirs exigent la " justice " pour leurs " freres immigres ". Occupee a colmater les breches d'une unite nationale qui semble parfois bien artificielle, assiegee sans treve par une opposition qui a jure de provoquer sa chute, observee par une armee dont elle a toutes les raisons de se mefier, Mme Bhutto doit, en outre, tenter de favoriser un reglement politique du conflit afghan et aussi instaurer un climat de detente avec l'Inde. Decidement, depuis onze mois, l'avenir de Mme Bhutto ne s'est pas beaucoup eclairci. Pendant cinq ans, entre 1977 et 1981, l'armee de terre francaise n'etait pas en etat de faire la guerre si, par malheur, elle lui avait ete imposee par les circonstances. Cette revelation, on la doit au chef d'etat-major de l'armee de terre durant cette periode, le general Jean Lagarde, aujourd'hui cadre de reserve. Il l'a faite recemment, a l'occasion d'un colloque restreint sur la programmation militaire, dont se fait l'echo le dernier bulletin du Comite national defense-armee-nation (DAN), qui l'organisait. Le general Lagarde, qui avait succede en 1975 au general Alain de Boissieu au poste de chef d'etat-major de l'armee de terre, avait eu comme mission importante de preparer, durant le septennat de Mr Valery Giscard d'Estaing, la programmation militaire 1977-1982 qui a ete approuvee par le Parlement en 1976 et qui fixe, comme tous les textes du meme genre, l'equipement nucleaire et classique des armees. C'est en septembre 1980 que le general Lagarde a quitte ses fonctions, avec six mois d'avance sur le calendrier. Au colloque du DAN, l'ancien chef d'etat-major de l'armee de terre a laisse entendre que, pour assurer le financement des programmes majeurs d'equipement, les gouvernements avaient une facheuse tendance a diminuer les moyens accordes au reste, qui pouvait leur paraitre moins important, c'est-a-dire les programmes secondaires, les munitions ou les carburants, ou l'on peut economiser en toute discretion. " Il y a donc quelques annees, a confie le general Lagarde, alors que des ajustements severes aux lois de programmation de l'epoque avaient ete imposees aux armees, on a dit aussi que les programmes majeurs etaient intacts. Or pendant cinq ans, il manquait quinze mille camions a l'armee de terre qui n'etait donc pas capable de faire la guerre. Dieu soit loue, meme les journalistes accredites (aupres du ministere de la defense et des etats-majors) ne l'ont jamais su ! ". Sans donner la precision avancee aujourd'hui par l'ancien chef d'etat-major, les rapporteurs parlementaires de l'epoque, notamment MM Arthur Paecht, Michel d'Aillieres, Jacques Genton et Yvon Coude du Foresto, avaient stigmatise le retard accumule dans ses commandes par l'armee de terre, qui ne pouvait esperer realiser que 30 a 60 % de ses besoins. Le general Lagarde a considere peut-etre qu'il y avait, depuis, prescription pour faire sa revelation en 1989. Ses successeurs l'imiteront-ils un jour et qui, du gouvernement, du Parlement ou des chefs militaires doit plaider coupable ? - Un Boeing 737 de la compagnie China Airlines s'est ecrase, le 27 octobre, sur une montagne de Taiwan alors qu'il se dirigeait vers l'aeroport de Taipeh. Il n'y aurait aucun survivant parmi les quarante-sept passagers et les sept membres de l'equipage. Selon les services de la navigation aerienne, le pilote aurait vire a gauche peu apres son decollage de Hualien, alors qu'il avait recu la consigne de virer a droite au-dessus de la mer. Cet accident est le plus grave survenu a Taiwan depuis celui d'un appareil de la Far Eastern Air Transport qui avait fait 110 morts en 1981. La Poste mettra en vente generale, le lundi 13 novembre, un timbre a 3,60 F dedie au mathematicien Augustin Cauchy. Augustin-Louis Cauchy (1789-1857) entre a l'Ecole polytechnique en 1805. Il en sort dans le corps des ponts, et exerce ses fonctions d'ingenieur a Paris et a Cherbourg. Ce n'est qu'en 1815 qu'il quitte ses fonctions pour se consacrer pleinement a l'enseignement et a l'etude des mathematiques. Nomme professeur suppleant d'analyse a Polytechnique, il est titularise en 1816 et devient membre de l'Academie des sciences la meme annee. Comme Charles X, il s'exile en 1830. De retour en France en 1838, ce n'est qu'apres la revolution de 1848 qu'il peut reprendre ses cours a la faculte des sciences, poste d'enseignant qu'il conserve jusqu'a sa mort. L'essentiel de l'oeuvre de Cauchy est consacre a l'analyse mathematiqe et a ses applications. Il est a l'origine de la theorie des fonctions d'une variable complexe. Le timbre, au format horizontal 36 X 21,45 mm, dessine par Huguette Sainson, grave par Joseph Rajewicz, est imprime en taille-douce en feuilles de cinquante (notice PTT no 33-1989). Vente anticipee a Paris, les 10 et 11 novembre, de 9 heures a 18 heures, au bureau de poste temporaire " premier jour " ouvert a l'Institut, salle du pavillon de Caen, 23, quai de Conti (6e) ; le 10 novembre de 8 heures a 19 heures, a Paris-Louvre RP, 52, rue du Louvre (1er) ; et a Paris-Segur, 5, avenue de Saxe (7e) ; ainsi que de 10 heures a 17 heures au Musee de la poste, 34, boulevard de Vaugirard (15e). Boites aux lettres speciales. Tel. : (1) 42-47-99-08. Le Mexique et la Revolution francaise. - Les postes mexicaines ont emis, le 14 juillet, un timbre de 1 300 pesos a l'occasion du Bicentenaire de la Revolution francaise. Le motif ? La prise de la Bastille sur fond tricolore. En baignoire. - Le club philatelique et cartophile La Gourguillonnaise participait a sa facon a la 6e descente du Rhone en sanitaires... en assurant le transport de souvenirs philateliques en baignoire, signes par le " commandant de bord" (renseignements : La Gourguillonnaise, BP 7004, 69342 Lyon Cedex 02). Ventes. - Ventes aux encheres organisees par Hector Raassens (St. Katelijnevest 47, B-2000 Antwerpen, Belgique), les samedis 28 octobre et 4 novembre a Anvers, avec forte representation de la Belgique et de l'Allemagne. Date de cloture le 16 novembre pour la vente sur offres organisee par Soluphil (5, rue du Helder, 75009 Paris. Tel. : (1) 42-47-13-41). Deux catalogues : le premier France et Europe le second specialise dans les premieres emissions de Grande-Bretagne. Deux ventes sur offres Tomy-Anka (27, rue du Faubourg-Montmartre, 75009 Paris. Tel. : (1) 47-70-45-72), dates de cloture les jeudis 9 et 23 novembre. Au catalogue, pres de 4 000 lots de France, colonies et monde entier. Marques postales classees par departements et rubrique bibliotheque philatelique. Fureur de lire. - Le Musee de la Poste de Paris participe a l'operation "La fureur de lire" avec une exposition consacree a cent quarante ecrivains en l'honneur desquels, depuis 1924, la Poste a emis un timbre. Ronsard, Colette, Stendhal, Jules Verne... se cotoient ainsi dans une originale galerie de portraits jusqu'au 4 novembre (Musee de la Poste de Paris, 34, boulevard de Vaugirard, Paris 15e. Tel. : (1) 43-20-15-30). Expos-bourses. - Le Musee d'Assier (3, rue Victor-de-Laprade, 42110 Feurs. Tel. : 77-26-05-27) accueille jusqu'a la fin de l'annee une exposition intitulee "De memoire de facteur", qui retrace l'histoire generale de la poste (Bureau de poste temporaire le dimanche 19 novembre). Montreuil (Seine-Saint-Denis) accueille, a la bibliotheque Desnos, salle Fernand-Leger (metro Mairie-de-Montreuil), une exposition, du samedi 28 octobre au mercredi 8 novembre, consacree a la Revolution a travers la poste. Bureau de poste temporaire, les samedi 28 et dimanche 29 octobre, au lycee Herni-IV, 23, rue Clovis a Paris, pour les journees nationales de l'Association des professeurs de mathematiques de l'enseignement publique (APMEP). Souvenirs philateliques aupres de l'APMEP, 26, rue Dumeril, 75013 Paris (carte ou enveloppe 25 F franco piece). Martigues (Bouches-du-Rhone) organise, les 28 et 29 octobre, le challenge Pasteur, championnat de France par equipe regionale reserve aux jeunes avec bureau de poste temporaire (Souvenirs philateliques : 12 F plus port aupres de Juliette Flandin, Saint-Pierre, quartrier de la Platriere, 13500 Martigues). A la tete d'une delegation composee de chefs d'entreprise et de banquiers, de deputes et d'anciens ministres centristes, MM Bernard Stasi, Francis Geng, president du groupe d'amitie France-Pologne de l'Assemblee nationale, Michel Debatisse, Pierre-Bernard Reymond et Jean-Jacques Weber, president du conseil general du Haut-Rhin, Mr Pierre Mehaignerie s'est rendu pour la premiere fois en Pologne. Au cours de cette visite de trois jours (du 21 au 24 octobre) qui l'a menee de Gdansk a Varsovie en passant par les regions de Tarnobrzeg et de Poznan, la delegation francaise a rencontre notamment le president de Solidarite, Mr Lech Walesa, le premier ministre Mr Tadeusz Mazowiecki et le primat de Pologne, le cardinal Josef Glemp. A maintes reprises lors de cette mission d'etude et de contacts, le president du CDS a rappele que " la responsabilite politique et philosophique " des centristes francais etait engagee dans le sort de la Pologne. Politique parce que Mr Mehaignerie se dit convaincu que face a un tel enjeu " l'Etat ne peut tout faire, que c'est au citoyen, au leader politique et au responsable d'entreprise de s'engager rapidement ". Philoisophique : avec retard, les democrates catholiques francais tiennent a affirmer leurs liens privilegies avec Solidarite, conscients qu'il y aurait pour eux, d'un strict point de vue de politique interieure, peril a laisser les socialistes s'engager seuls sur ce terrain de l'entraide internationale. Enfin, ce voyage a ete place sous le signe de l'emotion. La rencontre avec Mr Walesa les rabrouant sans menagement (le Monde du 24 octobre), la messe a l'eglise de Solidarite, Sainte-Brigitte de Gdansk, le recueillement sur la tombe du pere Popieluszko a Varsovie. Au terme de ce voyage, le president du CDS s'est engage a lancer en France avant la fin de cette annee, trois grands types d'actions. Mr Mehaignerie veut provoquer des jumelages de ville a ville, de voivodie a departement, pour la formation rapide des administrateurs locaux. Deuxieme priorite : l'agriculture et l'agro-alimentaire. Une association de presidents de conseils generaux et de maires va se constituer pour l'attribution de bourses de formation aux jeunes agriculteurs polonais et de stages en France l'ete prochain. Enfin, la collaboration economique. Des la semaine prochaine, une equipe de consultants francais sera depechee sur place afin de faire l'inventaire des besoins les plus urgents. Parallelement sera formee en France, avec les premiers concours des chefs d'entreprise presents dans la delegation, une association pour realiser dans quelques regions une centaine de projets concrets. " Si les Polonais sentent cette presence, estime Mr Mehaignerie, ils auront la patience d'attendre des jours meilleurs. " La circulation automobile en Ile-de-France est en passe de devenir impossible. Le boulevard peripherique et la ligne A du RER sont au bord de l'apoplexie. Aussi Mr Michel Delebarre, ministre de l'equipement, a-t-il demande au vice-president delegue du syndicat des transports parisiens (STP) Mr Jacques Rousset, de preparer un plan strategique de deplacements des personnes en region parisienne a un horizon compris entre cinq et vingt-cinq ans. Les causes du probleme sont connues : la population et les emplois se sont desserres dans la Grande Couronne de la capitale, les deplacements de loisir se sont multiplies, les deplacements de banlieue a banlieue (douze millions de deplacements quotidiens contre trois millions deux cent mille a l'interieur de Paris) s'accroissent a toute vitesse. Chacun de ces facteurs pousse le banlieusard a utiliser de plus en plus un vehicule individuel. Resultat : une croissance dutrafic de 6 % de 1986 a 1987 sur les voies rapides de l'Ile-de-France, des bouchons en augmentation de 34 % au cours de la meme periode et un recul de la part de marche des transports en commun. Mr Jacques Rousset devra prendre en compte tous les modes de transport (voitures, taxis, deux-roues, metro, RER, pietons) et meme les problemes de rupture de charge et de stationnement. Il lui est demande d'elaborer en coherence avec le futur schema d'urbanisme regional des propositions concretes d'actions strategiques, pour maitriser le developpement de la circulation automobile et de mieux partager la voirie entre les differents modes de transport. En septembre 1990, on devrait connaitre les details de ce plan destine a redonner a la region parisienne des transports de qualite pour affronter les echeances europeennes et a changer celle-ci en vitrine de la technologie francaise. Parmi les moyens figurera necessairement une politique tarifaire destinee a inciter l'usager a se tourner vers les transports en commun, sans pour autant grever les budgets publics. Antoine Vitez a inscrit Lorenzaccio, d'Alfred de Musset, au programme de la Comedie-Francaise dans une nouvelle mise en scene de Georges Lavaudant. La precedente etait de Zeffirelli. Le role titre etait tenu par Francis Huster, qui l'a d'ailleurs repris dans son propre spectacle au Theatre du Rond-Point (le Monde du 20 mars). Il est remplace par Redjep Mitrovitsa, qui avait joue Lorenzo avec Daniel Mesguich il y a trois ans. Le personnage, comme tous ceux qui approchent le delire et ses enfers, fait partie des grands reves de comedien. Et il faut croire que la piece, bien que parfois malhabile et bavarde, fascine les metteurs en scene. Lavaudant l'avait deja montee a Grenoble dans la petite salle du Rio et en reprise pour son premier spectacle - passablement decale - au Centre dramatique des Alpes. Ce n'etait ni la Renaissance de l'intrigue ni le romantisme de Musset, mais une epoque vaguement contemporaine, en tout cas une image de decadence. Des hommes mi-nus dans des bains de vapeur, et un Lorenzo, incarne par Ariel Garcia-Valdes, cynique mais lumineux. C'etait en 1975. La conception de Lavaudant est a present completement differente. D'abord, montant la piece a la Comedie-Francaise, il a voulu se demarquer de Zeffirelli, de sa mise en scene coloree, de ses incessants mouvements de foule. Surtout, les annees ont passe sur lui et sur la societe. Ses conditions de travail ont change, les contraintes aussi. Ce ne sont plus les difficultes d'argent qui priment, mais l'organisation d'une troupe constituee, soumise a l'alternance des spectacles. Les personnages secondaires ou traites comme tels se fondent litteralement dans une masse moutonniere ou de temps a autres eclate un bref mouvement de colere puerile plus que de revolte. Seuls emergent trois protagonistes, Alexandre de Medicis (Richard Fontana), le Cardinal Cibo (Jean-Luc Boutte) et Lorenzo, qui, chacun a sa maniere, tirent les ficelles d'intrigues a la fois miteuses et cruelles. On pourrait se croire a la cour d'un Norieg a, d'un Ceausescu, de ces demagogues enfermes dans leur bunker-palace, coupes de ce qui se passe dehors et qui se pretendent protecteurs des arts, comme pour acceder a la consideration. Florence la belle est loin. Derriere un rideau de velours rouge sali, dont on ne voit pratiquement plus les ornements, le decor (de Vergier) est un mur noir, parseme d'etoiles d'or eteint, dans lequel s'ouvrent de petites portes obliques. Cote cour, une immense statue renversee, cassee, dont le socle bossele sert de divan, de siege. L'impression de bunker est donnee par ce mur, qui ne laisse presque pas d'espace de jeu. Comme si Lavaudant voulait se debarrasser de sa reputation d'" homme des belles images " et s'interdire toute tentation spectaculaire. Unique fantaisie : le rock qui rythme les entrees dansees. L'austerite n'est pas forcement une bonne idee, parce que les coupures (utiles) effectuees dans la piece accentuent son cote fragmentaire. Si on ne la connait pas, on risque de se perdre parmi ces personnages noyes dans la grisaille de leur mediocrite, et avec qui les acteurs ne parviennent pas a prendre de distance. Mais l'avantage du parti pris est de concentrer l'attention sur les trois " heros ", un peu comme s'il s'agissait d'une piece a trois personnages, interpretee d'ailleurs de facon magistrale. Le spectacle tient sur les epaules du duo Alexandre-Lorenzo. Richard Fontana est un condottiere plus redoutable que ridicule, une force de la nature, un boulimique, un reitre odieux autant que seduisant, un batard qui n'en est pas revenu d'etre la ou il est, vaguement culpabilise et dont les forfanteries, le cynisme criminel cachent a peine les inquietudes. Surtout, il est fascine par le bel adolescent ne avec une cuiller d'argent dans la bouche, reellement raffine, cultive, naturellement pervers, et qui, lui, est fascine par la brutalite epicurienne de l'homme fait pour agir et pour commander. Oiseau noir aux yeux exagerement cernes, poupee aux levres trop dessinees, masque mortel, Redjep Mitrovitsa est le seul a ne pas devoir pousser son personnage aux limites de la caricature. Il porte en lui la beaute funebre de Lorenzo, la force de ses belles mains maigres, sa fragilite de jeune homme sans enfance, sa violence. Cette violence sans faille qu'il donne a Lorenzo. Entre Alexandre et lui existe une attraction qui les depasse, dont ils ne peuvent se defaire, dont ils pressentent le caractere fatal et dont le Cardinal Cibo, qui guette et surveille, saura tirer profit. Jean-Luc Boutte, magnifique, perdu dans la pourpre, visage maigre, oeil rapace, donne le juste ton d'insolence, la juste distance d'ironie envers cette intrigue echevelee, dechirante, et par moments vertigineuse. " Le plus dur dans ce film, ca a ete de marcher dans les chaussures de Tralala. En plus, c'est moi qui les avais choisies !" "Exactement ce qu'aurait choisi une enfant qui veut montrer tout ce qu'elle a, meme si ce n'est pas grand-chose." C'est Hubert Selby, l'auteur du roman, qui donne a Jennifer Jason Leigh la cle de la demarche de la jeune prostituee : " Un guerrier en plein combat, un oiseau qui se cogne au carreau de la fenetre, mais continue... " A la recherche de Tralala, Jennifer Jason Leigh entreprend " un journal intime du personnage " et s'infiltre parmi les prostituees, ne leur posant cependant que " les questions qui peuvent m'aider moi, detaillees, specifiques. De ce qu'elles mangent a leur maniere de se laver apres. " Mais si obsedante que soit la recherche de ses personnages (elle appartient sur ce plan a l'ecole De Niro), " je n'irai jamais me trouver un job dans un peep-show (son prochain role au theatre). Il y a la une frontiere a ne pas franchir. De Niro n'est pas alle tuer une brigade de putes pour jouer Taxi Driver; il a simplement essaye de comprendre l'etat d'esprit. " Pour un acteur, jouer une scene spectaculaire est moins delicat que ces dixiemes de seconde ou son visage en gros plan doit traduire quatre ou cinq emotions a la fois. En l'occurrence, pour Jennifer Jason Leigh, le moment ou un jeune marin en fin de permission lui tend une enveloppe. L'argent qu'elle estime avoir bien gagne ? Non : une lettre d'amour toute bete. " C'est a cause de cette scene que j'ai eu envie de faire le film. Que Tralala puisse recevoir une lettre d'amour et n'y voir qu'humiliation. Sa seule echelle de valeurs qu'elle ait pour l'amour etant jusque-la l'argent. Je suis sortie de Last Exit to Brooklyn avec le sentiment d'avoir recu un coup de poing dans le ventre, et l'envie de serrer quelqu'un dans mes bras. " Le viol collectif de Tralala fut-il penible a tourner ? "Ça a ete une des scenes les plus faciles. Une scene d'action, rien de plus. Et puis, c'est tellement clair qu'elle recherche desesperement ce qui lui arrive. Elle n'a qu'une idee en tete : tuer ce sentiment qui a germe en elle, redevenir ce qu'elle etait, la reine du quartier. Les autres ne visent qu'a l'annihiler, mais elle ne s'en rend pas compte. Jusqu'au moment ou, a moitie morte, la signification de la lettre lui apparait et elle parvient enfin a s'interesser a un autre etre humain. " Le tournage de la scene a pris trois jours. Tout le monde me chouchoutait. Pour ma part, je ne me disais pas, je vais me faire passer dessus par soixante-treize figurants que je n'ai jamais vus de ma vie, dont les bouches vont ecraser la mienne, contre lesquels mes seins vont se frotter... J'etais totalement a l'interieur du personnage." Nee a Hollywood, fille de parents dans le metier, Jennifer Jason Leigh sait depuis toujours que Hollywood " n'est pas une principaute de conte de fees. C'est ma realite. Des l'enfance, j'ai joue la comedie. Pour communiquer, me faire des amis, me sentir vivante. Je ne me suis jamais dit : Reussirai-je ou pas ? Je n'ai jamais pense en termes financiers ou aux difficultes que ca representait. Peut-etre ma naivete m'a-t-elle aidee. Parce que c'est vraiment dur, ce putain de metier ; le rejet y est extreme. " Sa mere fut son ardent supporter " et mon critique le plus feroce ". Son pere, l'acteur Vic Morrow, mourut decapite par un helicoptere en tournant The Twilight Zone. Elle n'entrera pas dans les details de l'affaire, se souvenant plutot du flamboyant et malefique voyou qui, dans Graine de violence, detruisait tout sur son passage. " C'est la premiere chose que j'aie voulu voir apres sa mort - je ne l'avais jamais vu. Et le studio a ete formidable : ils ont immediatement envoye la copie. Il etait superbe, mon pere. Nous n'etions pas tres proches donc nous n'avons jamais vraiment parle. C'est dommage parce que maintenant on ne peut plus reparer. " Jean-Claude Eloy poursuit sa marche solitaire, trop solitaire sans doute, dans l'univers musical d'aujourd'hui. Va-t-il se perdre dans la foret epaisse des traditions du monde ? On se pose la question apres l'oeuvre, ou plutot les fragments qu'il vient de creer pour le Festival d'automne (1). Il s'agit d'un vaste projet intitule " Liberations ", dont le premier cycle est axe sur les femmes ; et avant Therese d'Avila, Alexandra David-Neel, Rosa Luxembourg, Simone Weil, il nous propose une Japonaise " amie de la volupte " et Sappho. Butsumyoe (la ceremonie du repentir des fautes) met en scene une heroine de Saikaku (poete du dix-septieme siecle), une vieille courtisane qui, visitant le temple des Cinq cents Bouddhas, reconnait en chacun l'un de ses anciens amants. Le tres beau texte, en langue ancienne de la region d'Osaka, est interprete comme un grand recitatif " chante, parle, crie ", dont la facture musicale nous paraissent, a nous profanes, entierement japonaise. Quelle que soit la qualite et l'authenticite du chant de Yumi Nara, on ne voit absolument pas l'interet de cette " naturalisation " de Jean-Claude Eloy. Autant dans Shanti ou Gaku-no-Michi, on pouvait considerer l'apport oriental comme un enrichissement, autant ici (et c'etait deja un peu le cas dans Anahata), la personnalite du compositeur semble se dissoudre dans le grand tout oriental... Est-ce pour cela qu'on ne parvient pas a se sentir emu ? Sappho hiketis (Sappho implorante), page plus breve sur des fragments de la poetesse, en grec moderne, nous revele surtout un phenomene vocal : Fatima Miranda (qui accompagnait deja de ses cris et de ses percussions la confession de la courtisane) evoque les delires de cette femme violente et passionnee, en longues courbes jaillissant de ses entrailles, avec des glissands, des tremolos, des hurlements de bete, appuyes sur un formidable arsenal technique qu'Eloy a emprunte aux pleureuses orientales et chanteuses africaines, et dont il donne le glossaire dans le programme. Cet etonnant forcing vocal (auquel Yumi Nara se mele par moments) est accompagne par une belle piece electroacoustique, D'une etoile oubliee, qu'Eloy a d'abord fait entendre seule. Elle est composee sur des resonances de cloches, croirait-on, en realite de gongs et plaques metalliques, qui s'epandent lentement, se multiplient, eclatent avec parfois un caractere dramatique, puis retrouvent leur calme, tournant doucement comme un mobile de Calder au souffle de la brise. Mr Jacques Delors devait participer, vendredi 27 octobre, a Lourdes, aux travaux de l'assemblee pleniere de l'episcopat francais. En ouvrant le matin cette assemblee, le cardinal Decourtray, president des eveques, s'est felicite des progres de la construction europenne et surtout de la " perestroika qui fait tache d'huile a l'Est ". Il a appele les catholiques a " apporter leur pierre a l'edification de cette nouvelle maison commune ". A propos de l'affaire du " foulard islamique ", l'archeveque de Lyon a reclame un reexamen de la place des religions dans la societe. Le soupcon de " sainte alliance des clerges " a pese sur les travaux a huis clos de l'episcopat francais. La question du foulard islamique et de ses repercussions sur la laicite y a ete abordee, mais avec retenue. Aucun debat n'a ete organise. Seuls quatre eveques sont intervenus a ce sujet : Mgr Hardy, eveque de Beauvais (dont depend Creil), Mgr Matagrin, ancien eveque de Grenoble, et surtout Mgr Chabbert et Mgr Collini qui, avant d'etre nommes respectivement a Perpignan et Toulouse, ont eu des responsabilites episcopales a Rabat et a Tunis. L'un et l'autre ont souligne la division des pays d'Afrique du Nord sur la question du port du foulard. Depuis la derniere crise scolaire de 1984, les eveques francais reclament une laicite plus ouverte a l'expression des religions, mais ils ne veulent pas le faire au profit de la seule Eglise catholique, dans ce qui leur apparait d'abord comme un probleme interieur a l'islam. D'ou leur relative prudence dans la polemique actuelle. Mais la place de la religion musulmane dans une societe de tradition chretienne et juive comme la France les preoccupe. La question de la reconnaissance de l'islam est posee, comme celle de la religion dans un pays laique. Le cardinal Decourtray, president de la conference episcopale, a donc relance son appel a une nouvelle conception de la laicite, qu'il est preferable d'aborder, a-t-il dit vendredi, "par un effort de la raison plus tot que par le laisser-aller des passions". Il l'a fait en termes generaux et sous une forme interrogative. "Comment donner au cadre institutionnel de la laicite un contenu qui permette de porter au benefice de la nation tout entiere les richesses, les dynamismes et les projets de toutes ses composantes ? Comment associer a la vie de la cite les minorites recemment installees dans notre pays avec leur foi, leurs coutumes, leur esprit? Comment honorer pleinement le droit a la liberte religieuse? Comment donner leur juste place aux Eglises chretiennes, et notamment a celle dont 80% des Francais declarent faire partie?" Le cardinal Decourtrey se garde de donner des reponses. En invoquant la "liberte religieuse" des minorites, il fait allusion aux reactions que souleve la construction de mosquees, ainsi qu'au droit pour la communaute musulmane d'avoir des ecoles subventionnees par l'Etat. En revendiquant une "juste place" pour les Eglises chretiennes, il ne meconnait sans doute pas les entorses deja nombreuses aux lois de separation des Eglises et de l'Etat (on a recemment parle d'un financement public de la construction d'une cathedrale a Evry, dans l'Essonne). Contre les risques de resurgence des integrismes et des anticlericalismes, le president de l'episcopat reclame surtout une sorte de reconnaissance de la fonction sociale et educative de la religion, qui lui semble menacee par l'impossibilite pratique de faire, par exemple, le catechisme le mercredi quand l'ecole fait la semaine continue. Le cardinal Decourtray a insiste, vendredi a Lourdes, sur la necessite d'un "dialogue" entre les confessions chretiennes, entre chretiens et croyants d'autres religions, entre chretiens et agnostiques, libres penseurs ou athees, pour lutter contre "la tentation du nihilisme dont l'usage de la drogue et la multiplication des suicides sont les symptomes les plus inquietants", contre les attitudes de "repli, par lassitude ou par peur" qui se manifestent dans la societe. Les Eglises sont plus que jamais convaincues qu'elles ont un role majeur a jouer dans la "moralisation" de la societe. Sous le titre "Catholiques et protestants face a la morale dans une societe laique", un texte vient d'etre signe dans ce sens par le Comite mixte catholique-protestant, qui regroupe des eveques, des pasteurs et des theologiens (1). Il se conclut ainsi: "Nous souhaitons que les declarations publiques de nos Eglises ne soient pas recues comme des tentatives de reguler la societe. Mais nous voulons contribuer a un debat public, ou l'on recherche comment respecter les personnes et les groupes dans leur originalite spirituelle, comme dans leur volonte de vivre ensemble, ce qui serait une bonne definition de la nouvelle laicite." Tout est " calme " aux frontieres, avait assure, il y a une semaine, le president Hissene Habre, en visite a Bruxelles. A la verite, les Forces armees nationales tchadiennes (FANT) venaient de se lancer a la poursuite d'elements rebelles, refugies dans la province soudanaise du Darfour. De durs affrontements entre freres ennemis ont eu lieu en plein desert, qui se sont soldes, dans chaque camp, par des dizaines de morts et des centaines de blesses. Les maquisards tchadiens ont fait etat, dans un communique publie a Khartoum, de la mort de plus de mille deux cents soldats gouvernementaux au cours d'une bataille qui se serait deroulee, le 16 octobre, pres de la localite de Bamissi, a 170 kilometres a l'est de la frontiere soudanaise. En realite, les FANT auraient perdu, selon des sources dignes de foi, entre cinquante et quatre-vingt-dix hommes, dont Youssouf Gamye, le commandant de la police, tandis que figure, parmi les quelque trois cents blesses, Allafoza Koni Wurni, le commandant en chef de l'armee. Les forces de N'Djamena auraient reussi a encercler les forces rebelles dans la zone montagneuse d'Umm-Sidr, a environ 200 kilometres a l'interieur de la province du Darfour. Ces quelques milliers de rebelles - peut-etre deux mille ou davantage - s'etaient regroupes autour de Mr Idriss Deby, redoutable chef de guerre, qui, en 1982, avait aide Mr Habre, membre, comme lui, de la tribu des Goranes, a reconquerir le pouvoir. Debut avril, pour des raisons encore mal elucidees, il etait entre en rebellion contre le chef de l'Etat, dont il etait alors un conseiller ecoute, en charge de la securite et de la defense. Il avait reussi a gagner le Soudan voisin tandis que son compagnon d'equipee, Mr Hassan Djamous, le commandant en chef des FANT, avait ete arrete puis ramene a N'Djamena, ou, selon la version officielle, il serait mort des suites de ses blessures. " Les Tchadiens se sont enfin reconcilies ", se felicitait, il y a une semaine, Mr Habre. Le dernier opposant de taille a s'etre rallie au regime fut, en novembre 1988, Mr Acheikh Ibn Oumar, chef du Front national tchadien, qui fut nomme, quelques semaines plus tard, ministre des affaires etrangeres, au grand dam des fideles de la premiere heure comme, justement, Mr Deby. Quant a Mr Goukouni Oueddeye, l'ancien president dechu, il n'inquiete plus l'actuel chef de l'Etat, pour lequel il ne represente " ni une force politique ni une force militaire ". Il n'empeche que la trahison de Mr Deby complique la politique de reconciliation nationale conduite par Mr Habre. Livres a eux-memes, les rebelles tchadiens, pour la plupart refugies au Soudan, sont enclins, aujourd'hui, a se placer sous le commandement de Mr Deby, un chef aux prestigieux etats de service, qui est probablement pret, pour les besoins de la cause, a accepter sans trop sourciller l'aide de la Libye, que, pourtant, il a naguere durement combattue. Cette nouvelle donne risque de renforcer la mefiance des autorites de N'Djamena a l'egard du Soudan, qui avait, a l'entendre, desarme les rebelles tchadiens installes sur son territoire et limite leur liberte de deplacement. De la Libye aussi, qui, malgre l'accord-cadre de paix signe, le 31 aout a Alger, n'en continue pas moins, comme a son habitude, de maintenir plusieurs fers au feu pour ne pas laisser croire a Mr Habre qu'il a definitivement gagne la partie. Mr Habre, qui a rencontre, samedi dernier a Paris, Mr Mitterrand, n'aura pas manque de lui faire part de ses inquietudes face a la lenteur calculee avec laquelle le colonel Kadhafi s'engage dans le processus de paix. Raison suffisante, a ses yeux, pour que le dispositif militaire Epervier ne soit pas allege plus que necessaire, car,vu de N'Djamena, la guerre menace toujours aux frontieres. Les autorites algeriennes ont rejete la demande d'agrement du Parti du peuple algerien (PPA) deposee, en aout, apres la promulgation de la loi sur le multipartisme. Le dossier du PPA (qui avait ete cree en 1937 par Messali Hadj, puis interdit en 1939) est le premier a etre rejete par les autorites algeriennes, qui l'ont juge " non conforme " aux dispostions de la loi sur les " associations a caractere politique ". Ce dossier avait ete depose par Mr Mohammed Memchaoui, le neveu de Messali Hadj, lequel est considere comme le pere du nationalisme algerien. Age de soixante-douze ans, Mr Memchaoui a occupe divers postes de responsabilite au sein du PPA et dans les deux autres partis fondes par Messali Hadj, d'abord le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertes democratiques), puis le MNA (Mouvement national algerien). En septembre dernier, l'hebdomadaire du FLN, Revolution africaine, affirmait que, pendant la guerre de liberation, les militants du MNA " organises et renseignes par les Francais, ont execute de nombreux cadres du FLN ". Il evoquait aussi la " trahison " du general Mohamed Bellounis, l'un des membres du MNA, qui s'est " allie a la France " pour " la creation de maquis anti-FLN ". Une vingtaine d'islamistes occupent, depuis jeudi 26 octobre, les locaux de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, situes dans le centre de la capitale et y ont entame une greve de la faim. Condamnes ces dernieres annees pour leurs activites politiques, gracies par le chef de l'Etat, ils reclament leur reintegration dans les emplois qu'ils occupaient avant leur arrestation. La Ligue, qui a pris en charge depuis longtemps leurs revendications, a refuse et denonce cette occupation. Mr Deng Xiaoping a emis la crainte que la situation au Cambodge tourne a " un nouvel Afghanistan " faute d'un accord sur un reglement politique. Le vieux dirigeant chinois a fait cette reflexion au cours d'un entretien avec le premier ministre thailandais, Mr Chatichai Choonhavan, jeudi 26 octobre, a l'issue d'une visite de travail de deux jours de ce dernier a Pekin. Mr Deng et Mr Chatichai ont exprime des vues presentees comme " identiques " par les medias officiels chinois sur la question cambodgienne. D'une part, son aspect " international " doit etre regle par un retrait " authentique " des troupes vietnamiennes, auquel les deux pays refusent de croire en l'absence de controle exterieur. D'autre part, son aspect " interieur " : l'etablissement d'une coalition quadripartite dirigee par le prince Sihanouk, qui sejourne actuellement en Coree du Nord. Les deux aspects, a insiste Mr Deng, " doivent etre regles simultanement ". Mr Chatichai est le premier chef de gouvernement d'un pays allie par traite aux Etats-Unis a avoir rencontre toute la haute direction chinoise depuis les troubles du printemps. Il est connu pour avoir par le passe etabli des relations personnelles chaleureuses, sur le green de golf en particulier, avec MrZhao Ziyang, l'ancien secretaire general du Parti communiste. L'intervention de l'armee chinoise contre les manifestants pekinois avait cree une certaine confusion dans les rapports tres etroits entre Pekin et Bangkok. La visite de Mr Chaichai paraissait destinee en partie a effacer cette ombre ainsi que la mefiance que les Chinois eprouvent devant les concessions du gouvernement thailandais envers le regime de Phnom-Penh. C'est la raison pour laquelle les medias officiels chinois ont mis l'accent sur le caractere " exemplaire " des rapports entre les deux pays en depit de leurs " systemes sociaux differents ". MrChatichai a insiste aupres de ses interlocuteurs sur le fait que ces relations se poursuivraient " malgre l'incident de Tiananmen ", reference aux troubles de juin que la presse chinoise n'a pu passer sous silence. Pour approvisionner ses proteges Khmers rouges, Pekin a plus que jamais besoin, a present que les armes parlent de nouveau au Cambodge, de la complicite des militaires thailandais. Le roi Hassan II du Maroc a qualifie d'" excellente initiative " la proposition de Mr Mitterrand, faite devant le Parlement europeen, de reunir, en decembre a Paris, les pays de la Communaute europeenne et les membres de la Ligue arabe. Le president du Conseil representatif des institutions juives de France (CRIF), Mr Jean Kahn, a exprime, dans un communique, l'espoir que la France " ne poussera pas l'Europe a une initiative unilaterale " au Proche-Orient. Il a souhaite " que la France et l'Europe maintiennent une position d'equilibre entre les parties concernees ". Quant a l'Alliance France-Israel, elle a deplore, dans un communique, que le chef de l'Etat francais fasse preuve " de plus de retenue quand il doit denoncer la Syrie ou l'Iran, l'Algerie ou l'Irak ", alors que son discours de Strasbourg etait d'une " violence anti-israelienne qui rejoint celle des plus grands ennemis d'Israel ". " En prenant en compte la responsabilite historique, politique et morale de l'Europe occidentale dans la tragedie palestinienne, Mr Mitterrand a pris, une fois de plus, rendez-vous avec l'histoire. " C'est en ces termes que le secretaire general de la Ligue arabe, Mr Chedli Klibi, a salue, jeudi 26 octobre, le discours du president de la Republique. Les propos de Mr Mitterrand ont ete aussi commentes favorablement par l'OLP. " En adoptant, en ce moment precis, une attitude aussi claire sur le probleme palestinien et en preconisant de relancer le dialogue euro-arabe, Mr Mitterrand a voulu rendre temoin l'opinion publique internationale de l'inefficacite de la politique americaine au Proche-Orient, dont les resultats n'ont fait que bloquer la situation ", a declare Abou Jaafar, directeur du departement politique de l'OLP. En depit de cette nouvelle fleche en direction de Washington, les contacts americano-palestiniens n'en continuent pas moins. C'est ainsi que l'ambassadeur americain, Mr Robert Pelletreau, a rencontre, jeudi a Tunis, deux dirigeants de l'OLP, qui lui ont demande " des eclaircissements " sur le plan en cinq points du secretaire d'Etat, Mr James Baker, pour l'ouverture de pourparlers israelo-palestiniens. L'OLP, qui apparait divisee a l'egard de l'initiative americaine - qu'elle se garde toutefois de rejeter, - souhaite obtenir des precisions sur les conditions dans lesquelles devra etre constituee la delegation palestinienne a ces pourparlers et sur l'ordre du jour de ces derniers. L'ANAI (Association nationale des anciens d'Indochine et du souvenir indochinois, 15, rue de Richelieu, Paris 1er. Tel. : 42-61-41-29) s'eleve contre le projet de l'UNESCO de celebrer a Paris, en 1990, le centenaire de Ho Chi Minh. En novembre 1987, la conference generale de l'UNESCO a adopte par consensus une resolution priant son directeur general de " prendre des mesures appropriees pour celebrer le centieme anniversaire de la naissance du president Ho Chi Minh et d'apporter son soutien aux activites de commemoration organisees a cette occasion, et en particulier a celles qui auront lieu au Vietnam ". L'ANAI s'oppose a la celebration de cet anniversaire au siege de l'UNESCO, qui se trouve a Paris. Denoncant " les crimes du regime totalitaire instaure par Ho Chi Minh ", elle demande a Mr Francois Mitterrand de s'opposer a ce projet dont le budget doit etre debattu par l'UNESCO le mois prochain. Apres de longues annees de relations conflictuelles, la France et l'Iran seraient-ils sur le point d'enterrer definitivement la hache de guerre ? " Personne ne dit que (tous les problemes) vont se resoudre " et il faudra " du temps " avant de parvenir au stade ou des differends conjoncturels ne nuiront plus a l'ensemble des relations bilaterales, souligne prudemment Mr Mahmoud Vaezi, vice-ministre iranien des affaires etrangeres. Arrive mardi a Paris, il a eu trois entretiens avec Mr Francois Scheer, secretaire general du Quai d'Orsay, avant de regagner son pays, vendredi 27 octobre. De ces nouveaux entretiens - une premiere serie de rencontres a eu lieu en septembre a Teheran, - deux ont ete consacres au contentieux financier opposant les deux pays et un aux problemes politiques et diplomatiques. Si Mr Vaezi a fait etat, dans un entretien avec le Monde, d'" obstacles " entravant encore une normalisation complete, il s'est refuse a les nommer, hormis le contentieux financier, de meme qu'il s'est montre tres discret sur les chiffres actuellement en discussion concernant cette question. La raison en est simple, a-t-il explique : les deux parties sont convenues de ne rien dire qui puisse nuire aux " demarches " engagees. Reste que si, sur le plan economique, les conversations, qualifiees de " satisfaisantes " par Mr Vaezi, semblent avoir progresse, des " differences sensibles " existent toujours. A cet egard, Mr Vaezi a fait etat de " nouvelles propositions " faites mercredi soir, justifiant que le dossier retourne devant " les experts ". Ce contentieux, herite de contrats passes avant l'avenement, il y a dix ans, de la Republique islamique, porte sur des centaines de millions de dollars, avec notamment la question du remboursement du reliquat (370 millions de dollars) d'un pret de 1 milliard consenti en 1974 par le chah au Commissariat a l'energie atomique ainsi que sur les dedommagements dus par Teheran a des entreprises francaises pour rupture unilaterale de contrats. Or, pour les Iraniens, problemes economiques et politiques sont inseparables et, " si des obstacles devaient persister dans un domaine, ils auraient des repercussions sur l'autre ", a souligne Mr Vaezi, pour qui les rapports entre les deux pays " dependent des relations de cooperation " qu'ils auront reussi a etablir. Autrement dit, " si nous arrivons a lever les obstacles (qui subsistent), la France tiendra une bonne place " dans les relations exterieures de l'Iran. En tout etat de cause, les deux parties ont decide de maintenir le rythme, pris depuis septembre, des rencontres a haut niveau - une fois par mois, - la prochaine devant avoir lieu en novembre a Teheran. La discretion de Mr Vaezi (d'ailleurs partages par le Quai d'Orsay) est peut-etre le signe le plus manifeste du changement intervenu dans l'attitude des Iraniens depuis la mort de l'imam Khomeiny, en juin, et l'election, le mois suivant, du president Ali Akbar Hachemi Rafsandjani. Autre signe - outre " la bonne volonte, de part et d'autre " relevee par Mr Vaezi : l'affaire Naccache (du nom du terroriste libanais pro-iranien condamne a la prison a vie a la suite d'une tentative d'assassinat, en 1980, contre l'ex-premier ministre iranien Chapour Bakhtiar, au cours de laquelle deux personnes ont ete tuees), dont Teheran ne semble plus vouloir faire son cheval de bataille. Le responsable iranien a ainsi declare publiquement qu'il ne pensait pas que cette question " soit un obstacle au developpement " des relations bilaterales. Les autorites israeliennes ont categoriquement dementi, jeudi 26 octobre, que l'Etat hebreu et l'Afrique du Sud se soient engages dans un programme de cooperation pour la construction d'un missile balistique en echange d'uranium, comme l'a affirme la television americaine NBC. Le premier ministre, Mr Itzhak Shamir, a qualifie cette information de " total mensonge ", tandis que le ministere de la defense affirmait qu'Israel appliquait scrupuleusement la decision de mars 1987 de ne plus signer de contrats militaires avec Pretoria. Pour la seconde journee consecutive, la chaine de television NBC a ouvert, jeudi 26 octobre, son principal journal televise par des " revelations " concernant la cooperation entre Israel et l'Afrique du Sud pour la mise au point d'un missile nucleaire a moyenne portee. La realite de cette cooperation n'etait guere plus qu'un secret de Polichinelle, et elle a ete confirmee par des responsables de l'administration, cites en particulier par le Washington Post. Plus precisement, NBC a fait etat d'un essai realise le 9 juillet (un missile de conception israelienne avait ete tire depuis le territoire sud-africain en direction des iles du Prince-Edouard, dans l'ocean Indien). Le porte-parole du departement d'Etat, Mme Tutweiler, a refuse de commenter cette information particuliere, mais elle a tout de meme indique que des officiels americains avaient a plusieurs reprises evoque des " informations similaires " avec des responsables israeliens. Les officiels americains sont d'ordinaire fort discrets pour tout ce qui touche a la politique militaire israelienne, et plus encore pour ce qui concerne son potentiel nucleaire, et on doit donc se demander pourquoi ces informations ont filtre, et pourquoi maintenant (comme source de ses " revelations ", la chaine NBC mentionne essentiellement le Pentagone et la CIA). L'explication la plus simple est que l'administration s'est decidee a organiser ces " fuites " faute d'avoir pu dissuader Israel de cooperer avec Pretoria dans le domaine des armes nucleaires - en echange d'une garantie d'approvisionnement en uranium. Une cooperation embarrassante a bien des egards pour les Etats-Unis, qui contribuent massivement aux depenses militaires israeliennes, et risquent donc de paraitre participer indirectement a l'effort d'armement nucleaire du pays de l'apartheid. Se posant en rassembleur du camp chretien, en meme temps qu'en chef de file des partisans de l'application du pacte de Taef, le patriarche maronite, Mgr Sfeir, est rentre au Liban pour tenter d'apaiser les tensions dans le reduit chretien. L'emissaire du triumvirat arabe, Mr Lakhdar Ibrahimi, y est revenu, lui, pour faire appliquer la premiere phase de ce document : l'election d'un president de la Republique fixee, en principe, au 7 novembre au plus tard. Leur tache n'est pas simple. Le general Aoun, premier ministre en exercice en secteur chretien, maintient, en effet, son refus de la solution elaboree en Arabie saoudite par les deputes, sous l'egide arabe et avec un appui international general. Il appelle les deputes a regagner rapidement le Liban, mais c'est pratiquement en les invitant a se dedire. Ceux-ci, en tout cas, ne se decident pas a rentrer : sur les soixante-deux qui etaient reunis a Taef, cinq seulement sont revenus, dont un seul - Mr Edouard Honein, qui a d'ailleurs rejete l'accord - dans le reduit chretien. - Les autorites panameennes ont ordonne jeudi 26 octobre la fermeture du bureau de l'agence de presse americaine United Press International (UPI). Ses correspondants avaient soixante-douze heures pour quitter le pays. Le ministre de la justice a accuse UPI de " violer systematiquement l'ethique journalistique en publiant de fausses informations, avec l'intention evidente de discrediter les autorites panameennes et de ternir l'image de ses dirigeants ". Un caporal de l'armee de l'air britannique et son enfant age de six mois ont ete froidement assassines, jeudi 26 octobre a Wildenrath, en Allemagne federale. Trois hommes ont tire sur le camping-car a bord duquel se trouvaient les deux victimes et l'epouse du caporal de la Royal Air Force. Celle-ci n'a pas ete blessee, mais a ete transportee a l'hopital en etat de choc. L'armee republicaine irlandaise (IRA) a revendique vendredi l'attentat, tout en exprimant " ses profonds regrets " pour la mort du bebe. Ce double meurtre serait le onzieme attentat perpetre en Republique federale par l'IRA depuis 1987. Les attentats se sont intensifies cette annee depuis que la justice ouest-allemande a inculpe, en juin dernier, deux militants de l'IRA arretes le 30 aout 1988. Il n'etait plus, comme il le dit, " qu'un cri a la recherche d'une bouche ". Il savait de quoi il parlait, cet homme tubard et desespere qui publiait en 1964 son voyage au bout de la nuit. Une nuit new-yorkaise sans aurore a venir, peuplee de travelos et de putains, de chomeurs et de marins. Grace a son livre, salue comme un chef-d'oeuvre implacable, Hubert Selby Jr. connaissait alors un moment de gloire. Vingt-cinq ans plus tard, un film est la qui tente de traduire en images son univers et de reprendre avec lui la Derniere sortie pour Brooklyn (Last exit to Brooklin). Les six nouvelles qui composent le livre ont ete cousues ensemble, pas maladroitement. Nous sommes en 1952, et la guerre de Coree pourrit bien. On va regarder vivre, si on peut dire, dans ce quartier glauque comme une flaque d'eau croupie,la prostituee Tralala (Jennifer Jason Leigh), la travesti Georgette, defoncee et becheuse (Alexis Arquette, le frere de Rosanna), qui finit bientot ecrasee comme un chien sous le metro aerien,les ouvriers en greve, Harry Black surtout (Stephen Lang), qui sera crucifie pour avoir voulu caresser un gamin... Des eclats d'espoir parfois, qui devraient blesser comme des eclats d'obus. Une maternite, une lettre d'amour, et, a la fin, Tralala, sortie presque fraiche d'un viol collectif. C'est tout le probleme du film d'Uli Edel. L'horreur urbaine qui suinte des pages de Selby, poisseuse de deveine et de sperme, n'est pas ressentie, ou alors pas assez. Elle est evoquee, illustree. Proprement. Voila, c'est ca. Une crasse bien clean, comme vue a travers un trou de serrure desinfecte. On imagine ce que Fassbinder aurait fait avec cette affaire la. Ici, le sentiment, la compassion, la colere, en prennent un coup. On est emus par bribes, pas plus. Le plus souvent par Jennifer Jason Leigh, qui a la decheance crane et l'innocence inoxydable. Le film est le fruit de la passion et de la patience des producteur et metteur en scene allemands Bernd Eichinger et Uli Edel. Ils aiment, ils veulent Last exit to Brooklyn depuis sa parution, depuis leur rencontre a l'Academie du cinema de Munich. Au cours des ans, Stanley Kubrick puis Brian de Palma ont eu le projet d'adapter le roman de soufre et de sang, et y ont renonce. En 1980, Echinger et Edel, en maniere de repetition dirait-on, portent a l'ecran le temoignage d'une petite droguee de treize ans, Moi, Christiane F. Succes, un peu degoutant. Puis Echinger se refait une vertu en produisant l'Histoire sans fin de Wolfang Petersen et le Nom de la rose de Jean-Jacques Annaud. Enfin, c'est Last exit to Brooklyn, tourne a New-York, en decors naturels. Avec beaucoup de soin et beaucoup d'argent. Le soin et l'argent ne suffisent pas toujours. Le livre de Selby est edite chez Albin Michel. Dans sa nouvelle piece, La mer est trop loin, Jean-Gabriel Nordmann place sur le theatre cinq femmes et trois hommes que rien n'attache, qui chercheraient, pourquoi pas, des distractions. Mais ils ne voient pas lesquelles auraient du moins une nouveaute. Les hasards de l'ete les ont reunis dans une petite maison d'hotes, en Provence, dans l'arriere-pays. Coups de marteau au soleil, vacarme des criquets et des grillons. Bouee de secours de la lecture : un jeune marie lit les Cahiers Andre Gide (il est vrai que Mme Gide, jeune mariee, en voyait de toutes les couleurs), un historien corrige les epreuves de son dernier livre, un medecin qui n'exerce plus lit simplement le journal. Les femmes sont moins livresques, tout au moins Jean-Gabriel Nordmann les veut telles : l'une saute du plongeoir, l'autre excursionne, elles cherchent la bagarre ou les puissants muscles des bonshommes, il y a aussi une actrice sans role qui se shoote a la cocaine. La grande absente, le vrai manque, c'est, etrangement, la mer. Ils savent bien qu'elle n'est pas tres claire, ni transparente, et que sur ses bords c'est plutot le cauchemar. Mais la mer reste la vie, le mouvement, la liberte, le sel, l'iode, et cette ligne d'horizon, infinie, qui fait rever. Seulement le trajet en autocar prend des heures, les routes sont pleines de bouchons : la mer est trop loin. C'est ici que la piece de Nordmann devient irresistible de charme, de drolerie, d'emotion (des la premiere seconde, en fait) : car nos huit olibrius n'ont plus qu'une ressource : la causette. Ou la non-causette. Perorer, ou se faire la tete. Inutile de se cacher que l'art du theatre n'est pas autre chose. Goldoni, Tchekhov, Ibsen, qu'est-ce, sinon des femmes et des hommes qui causent ? Mais les " naufrages " de Jean-Gabriel Nordmann creveraient asphyxies s'ils n'aspiraient pas des mots a pleins poumons. Et l'historien se lance dans une evocation du voyage du pape Clement V a Perouse, sous la protection de soldats de Philippe le Bel, et le docteur, qui vraiment n'en a rien a fiche, lui crie : " Tout cela est passionnant ", et le supplie de continuer. Et le docteur, qui a cesse d'exercer par decouragement plutot que par fatigue, se parle tout seul dans le noir : " Je versais des gouttes dans les yeux des enfants, en echange on me guerissait de l'insomnie en me touchant la tete. La-bas un tissu sert a se proteger du soleil, a prier, a tenir l'animal. Qui peut comprendre ici la compagnie d'un tissu ? ". Et qui peut comprendre la compagnie d'une actrice ? semble demander Nordmann. L'actrice de La mer est trop loin est comme une morte-vivante parce qu'elle n'a, depuis des mois et des mois, aucun role a jouer. Le drame de la chose est qu'une question se pose : qu'est-ce que jouer, ici-bas ? Il est on ne peut plus rare de rencontrer, dans la vie, quelqu'un qui ne joue pas. Chaque vivant est porte par un entrelacs de timidite et de mensonge, de coutumes et de projets : il ne s'oublie pas, il ne s'abandonne pas, il joue. C'est chaque fois un etonnement, une emotion grave, tres rare, que de se trouver soudain devant une femme ou un homme qui ne joue pas, et cette emotion s'accompagne de tristesse, car qui ne joue pas joue perdant. Francine Berge est l'actrice. Henri Serre (de Jules et Jim) est le docteur. Bruno Abraham Kremer, comedien tres attachant, est l'historien. Participent aussi Isabelle Candelier et Dominique Bluzet (un jeune menage qui bat de l'aile), Claude Perron (une jeune fille), Frederique Ruchaud (la proprietaire de la pension, un coeur d'or), Josephine Derenne (une immigree autrichienne). Tous excellents acteurs. Decor (de Robert Cantarella), mise en scene (de l'auteur), atteignent la vraie grace, inapercue. "Il n'y a de beau que ce qui n'est pas", disait Jean-Jacques Rousseau, dans l'un de ses elans de philosophie couleur de muraille. Jean-Claude Eloy habite un trentieme etage a la Defense, l'entree est encombree de cloches et de gongs. Synthetiseur, consoles, television ultramoderne, mais il y a des partitions (ouvertes) sur le piano. Jean-Claude Eloy est un compositeur francais qui, ces dernieres annees, a passe beaucoup de temps au Japon. Eleve de Milhaud, admirateur de Messiaen, marque un temps par Boulez. Mais l'oeuvre a evolue d'elle-meme, pulverisant les " normes " de la musique moderne, cherchant un autre ordre de durees, de rapport au son, exigeant d'autres modes d'interpretation. Chemins difficiles (trop vite associes au vieil orientalisme, aux rapprochements Orient/Occident d'apres 1968). Chemins d'une liberte situee orgueilleusement - utopiquement ? - entre futurisme et tradition. Pour ce natif de Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime), tout a commence presque normalement. Etudes de composition rue de Madrid chez Noel Gallon. Rebelle, bien sur, a l'esprit maison. Mais " dans les annees 50, il n'y avait vraiment que les "cons" pour croire au Conservatoire ". Prix de piano avec la Bourree fantasque, de Chabrier ! Pourtant... " J'etais le specialiste des grands adagios, des choses tres lentes et meditatives ; J'aimais les sons graves, beaucoup de nuances dans les attaques : j'allais contre la nature du piano. " Les musiciens de l'Orchestre de Paris ont-ils pense que Fluctuante Immuable (1977) allait " contre la nature " d'une grande formation symphonique ? Ils ont en tout cas pose avec application leur partition a l'envers le soir de la creation ; toutes les contrebasses se sont mysterieusement renversees en meme temps et l'auteur a du se frayer de force un chemin pour venir saluer. Il s'est abstenu, depuis, de composer pour grand orchestre. Mais il avait fait le grand bond six ans plus tot, avec Kamakala pour trois ensembles d'orchestres, cinq groupes de choeurs et trois chefs : trente minutes de lente avancee dans le corps du son, avec une " mise en condition " comparable au debut d'un raga, des tenues vocales demesurees au regard de nos traditions : beaucoup de bravos et quelques sifflets aux Semaines musicales internationales (les SMIP de Maurice Fleuret) ; execution exemplaire, si nos souvenirs sont bons. Jean-Claude Eloy, pourtant, allait retenir la lecon de Fluctuante-Immuable : " Nos musiques sont tuees par la paresse et la mauvaise volonte des musiciens, par le manque de soin qu'ils apportent au son. Aucune retenue de l'energie musicale. Aucun sens de la machine terrible du crescendo. La musique serielle a cree des reflexes uniquement axes sur la rapidite et la proliferation. Comme dit Stockhausen : " Elle papote comme une vieille femme. " C'est que, Jean-Claude Eloy, depuis longtemps, et bien avant ses anathemes contre l'IRCAM, avait rompu en esprit avec la France et ses " incapacites officielles ". Ayant passe - chaudement - mai 68 sur le campus de Berkeley et enseigne la, sans trop y croire, la composition a des etudiants distraits, il decide qu'" il vaut mieux vendre des carottes " et s'en aller. Il passe par Cologne et les studios de Stockhausen, compose Shanti, " musique de meditation ", electronique et concrete, gagne les studios de la NHK, a Tokyo et boucle les trois heures quarante de Gaku-No-Michi, ceremonie electronique et concrete, elle aussi. Les interpretes etant ce qu'ils sont (faillibles), la machine triomphait-elle ? Quand Jean-Claude Eloy raconte son " passage a l'Orient " (composition, a partir de 1983, d'oeuvres destinees a des orchestres traditionnels japonais, a des moines bouddhistes, a des chanteurs solistes de shomyo, le plain-chant japonais. Passage d'ailleurs annonce par deux cent vingt minutes de percussions (Yo-Ing), il ne l'explique nullement par une subite passion pour l'exotisme, ou quelque acces de mysticisme. Il parle plus simplement de Schoenberg, du cabaret chantant et du Pierrot lunaire : " Schoenberg avait creuse les registes de la voix situes entre le parle et le chante. J'ai voulu, de meme, detourner les criteres occidentaux du beau chant : vibrato regulier, homogeneite de timbre dans chaque tessiture. Percer le secret du chant parle, glisse, ponctue d'onomatopees. Et, plus largement, avec l'electroacoustique ou la percussion, gerer musicalement le bruit sans l'exclure, comme savent si bien le faire d'autres civilisations, en particulier celle du Japon. " L'appel a des musiciens japonais traditionnels n'est venu qu'apres. J'y ai ete oblige par le refus des musiciens occidentaux de s'initier a de nouvelles techniques dans la crainte de se casser la voix. Je ne peux plus composer "normalement" pour un soprano d'opera, c'est un fait. Je ne peux pas composer non plus selon les conventions de nos musiques "experimentales". Est-ce moi qui ai tort de ne pas me plier aux lois de la societe, ou est-ce la societe qui ne sait pas s'adapter ? " Je crois, en verite, que notre civilisation est trop petite aujourd'hui pour des compositeurs un peu curieux, qui ne croient pas, comme le font tant de compositeurs francais, que le monde a les yeux braques sur eux. Je me considere absolument comme un compositeur francais, mais je suis marginalise pour m'etre interesse a des standards etrangers. Au Japon, ce sont les troupes de gagaku et les orchestres traditionnels qui sont marginalises, le progres et la modernite etant entierement calques sur le modele occidental. Au fond, mon combat et leur combat sont les memes: quand il n'y aura la-bas que des Ozawa et plus un seul chanteur de no, le Japon sera foutu. " J'ai voulu me fixer au Japon. Les Japonais eux-memes m'en ont dissuade : les credits alloues par quelques grandes societes industrielles a la musique contemporaine sont trop minces pour etre partages avec un etranger. Au Japon, d'ailleurs, j'ai passe mon temps a me battre, a expliquer que je ne m'interessais pas qu'a Beethoven, que j'admirais le shomyo, le gagaku, que je voulais composer pour renouveler ces genres traditionnels, eviter qu'ils deviennent objets de musee, les inserer dans le grand mouvement de la creation contemporaine. Les musiciens traditionnels m'ont accorde leur confiance, leur amitie, leur rigueur, leur fidelite a la parole donnee, un sens du sacrifice dans le travail qu'on ne trouve que la-bas. " Et j'ai reussi a communiquer avec eux, a obtenir d'eux ce que je voulais, par des graphiques d'espace et de temps. Les premieres repetitions d'Anahata n'etaient pas parfaites, loin de la. Mais, enfin, cette musique etait de moi et des moines chanteurs avaient pu l'executer. Apres, j'ai interroge leur maitre. Mon oeuvre n'etait-elle qu'une betise d'etranger? Il m'a repondu : "Votre shomyo est le shomyo contemporain. " " Un compositeur ne doit-il pas avoir la liberte de faconner son oeuvre avec les materiaux qu'il choisit et pas avec les materiaux que la societe choisit pour lui?" A l'occasion de la remise au premier ministre du rapport de la mission interministerielle de lutte contre la toxicomanie, vendredi 27 octobre, Mme Catherine Trautmann, presidente de la MILT, a annonce sa demission. Le rapport donne la priorite a la prevention et n'envisage pas de modification du dispositif legislatif. Creee en 1982, la MILT n'a pas toujours eu les moyens de sa mission d'animation et d'orientation de la strategie francaise de lutte contre la toxicomanie. Dotee jusqu'en 1987 de credits derisoires, ballottee entre les ministeres des affaires sociales, de la justice et de la sante, avant d'etre replacee en 1988 sous l'autorite du premier ministre, elle a vu, en six ans, sept presidents se succeder a sa tete. Le rapport que remet aujourd'hui Mme Catherine Trautmann qui, depuis 1988, cumule les fonctions de presidente de la MILT et de maire de Strasbourg, ne contient aucun bouleversement spectaculaire. Il dresse cependant un tableau precis des actions parfois contradictoires menees depuis dix ans dans le domaine de la toxicomanie et pourrait ainsi favoriser une utilisation plus rationnelle des 250 millions de francs annuels accordes depuis 1987 a la MILT. Ces dix dernieres annees, l'extension mondiale du trafic et de la consommation de drogues et l'apparition de l'epidemie de sida qui, dans la population toxicomane, prend des allures d'hecatombe, ont profondement modifie le paysage de la toxicomanie. Les ramifications du trafic n'en finissent pas de gangrener l'economie internationale et, malgre le sursaut desespere de la Colombie, de corrompre les gouvernements des pays producteurs. Comme le trafic, la consommation s'est mondialisee et frappe desormais les pays producteurs comme les pays occidentaux developpes. Favorise par l'echange des seringues, la prostitution des toxicomanes, et la promiscuite sexuelle, le sida est, a l'evidence, la plus redoutable des menaces qui pesent sur les toxicomanes, dont beaucoup agonisent aujourd'hui dans des conditions sanitaires miserables. Enfin, l'apparition de toxicomanies nouvelles a base de produits licites tels que les psychotropes ou les solvants plus ou moins melanges a l'alcool fait eclater la distinction classique entre le trafic illicite de stupefiants et la vente autorisee de ces produits. Face a cette complexite, la MILT ne propose pas de remedes miracles, ni meme un renouvellement drastique de ses options actuelles. " Nous en sommes venus a chercher un point d'equilibre entre le respect des libertes individuelles, la preoccupation de la sante publique et le necessaire maintien de l'ordre public ", explique, en preambule, Mme Trautmann. Ainsi, ceux qui attendaient de ce rapport un veritable debat autour de la legalisation des drogues ou de la depenalisation de leur usage resteront sur leur faim. La MILT ne propose en effet aucune modification de la loi du 31 decembre 1970, qui definit le cadre de la lutte anti-drogue. En rappelant les limites de la repression du trafic et de l'usage, la MILT entend donner la priorite a la prevention. Liberer les initiatives, affirmer le role des acteurs familiaux et creer une mission d'etude de la prevention des toxicomanies a l'education nationale, tels sont les principes essentiels definis dans le rapport qui souhaite egalement encourager les politiques locales et la formation de specialistes " toxicomanie " en matiere de prise en charge et de reinsertion des toxicomanes. L'accent est mis sur les inegalites regionales et l'insuffisance de dispositifs d'urgence. Le developpement du sida, constate la MILT, augmente a la fois la duree de la prise en charge et la complexite de l'hebergement. Il amene a reconsiderer le probleme de la methadone, ce substitut de l'heroine, administrable par voie orale. Prophylaxie du sida ou remede accorde a des malades incurables, la methadone, estime le rapport, n'est pas un traitement de la toxicomanie et accentue une vision fataliste du phenomene. Concretement, la MILT propose de creer des unites d'accueil d'urgence dans les grandes villes et des appartements therapeutiques et de faciliter une meilleure utilisation des droits sociaux des toxicomanes atteints du sida. Le rapport se presente donc comme un satisfecit accorde au modele de soins francais qui " soutient largement la comparaison avec nos voisins et dont il n'y a pas a rougir ". S'il evoque effectivement une approche differenciee selon la nature des stupefiants, ce texte qui ne renvoie qu'en annexe le grand debat qui agite actuellement l'opinion, a propos de la legalisation des drogues. Sur ce point, Mme Trautmann a, en presentant le rapport, vigoureusement denonce toute tentative de depenalisation qui " n'aboutirait qu'a renforcer la toxicomanie ". Pour expliquer son depart, Mme Trautmann a souligne la difficulte de devoir cumuler son mandat de maire de Strasbourg et la presidence de la MILT. Le futur president de la mission - le huitieme donc - sera-t-il choisi parmi les personnalites capables de se consacrer a plein temps a la lutte contre la toxicomanie ? - La commission des stupefiants a demande, jeudi 26 octobre, que le Temgesic, un antalgique puissant detourne de son usage par les toxicomanes, fasse l'objet d'une surveillance renforcee. Le Temgesic ne sera cependant pas inscrit au tableau B des stupefiants. La commission des stupefiants a demande par ailleurs que la forme injectable du medicament soit reservee a l'usage hospitalier. Deuxieme femme, apres Marguerite Yourcenar, elue a l'Academie francaise, Mme Jacqueline de Romilly, helleniste, professeur au College de France, a ete recue, jeudi 26 octobre, sous la Coupole par Mr Alain Peyrefitte. Avant de faire l'eloge de son predecesseur au septieme fauteuil, Andre Roussin, qui laisse un oeuvre au " charme presque impalpable " sachant traduire " en pleine fantaisie comique, une certaine vision du monde ", Mme Romilly s'est livree a un vibrant plaidoyer en faveur des etudes classiques et a vante les merites de la " langue grecque encore sans bavure, concrete et rigoureuse ". Mr Peyrefitte retraca le brillant itineraire universitaire et intellectuel de la nouvelle academicienne, " deuxieme " et non " seconde " femme a etre recue sour la Coupole. Le Monde publiera les deux discours dans son prochain numero date dimanche 29-lundi 30 octobre. Le secretaire americain a la sante, le docteur Louis Sullivan, a annonce, jeudi 26 octobre, que les enfants de moins de treize ans atteints du sida pourront desormais etre soignes gratuitement a l'AZT. D'autre part, mais cette fois-ci en France, les responsables de l'essai therapeutique Concorde, destine a juger de l'efficacite de l'AZT chez les seropositifs asymptomatiques, ont decide de poursuivre leur experimentation. A Marne-la-Coquette (Hauts-de-Seine), ou se tient actuellement le traditionnel colloque des " cent gardes ", les specialistes du sida ont, pour la premiere fois, laisse entendre qu'un vaccin anti sida serait mis au point. Quelque chose est en train de changer dans le petit monde des chercheurs specialises dans le sida. Quelque chose d'indefinissable, comme un leger vent d'optimisme. Reunis pour trois jours a Marne-la-Coquette, du 26 au 28 octobre, a l'occasion du quatrieme colloque des " cent gardes ", organise par la Fondation Marcel-Merieux et Pasteur Vaccins, autour du theme des " Retrovirus du sida et des maladies animales apparentees ", les meilleurs specialistes mondiaux de la maladie ont, pour la premiere fois, laisse clairement entendre que la mise au point d'un vaccin et d'un traitement ne relevait plus de la simple utopie. Relatant les progres accomplis dans le domaine de l'experimentation des vaccins anti-sida sur des singes, le professeur Marc Girard, directeur scientifique de Pasteur Vaccins, est meme alle jusqu'a declarer : " Nous ne sommes pas loin de reussir, si nous n'avons pas deja reussi. " Revenant sur ses declarations anterieures, empreintes de pessimisme, le professeur Luc Montagnier (Institut Pasteur) a declare, lui aussi, partager l'optimisme de ses collegues. " La mise au point d'un vaccin fait partie, desormais, du domaine des possibilites ", a-t-il estime ajoutant que, "grace a une meilleure connaissance de la pathogenie du sida, de nouveaux progres d'ordre therapeutique allaient pouvoir egalement etre obtenus". A ce sujet, le professeur Montagnier a indique qu'il faudrait effectuer de nouveaux essais therapeutiques "avec le concours des seropositifs". "Cela, dit-il, va nous conduire a modifier notre approche de sante publique en matiere de prise en charge des seropositifs." Les nouveaux traitements devraient en effet empecher les seropositifs de tomber malades, mais ne devraient pas, tout au moins dans un premier temps, supprimer leur contagiosite. De nouveaux medicaments anti-viraux, parmi lesquels le DDI et le DDC, devraient bientot etre disponibles en France, mais avant qu'ils soient largement distribues, des etudes - en particulier de toxicite - devront etre conduites. Moins optimiste que ses collegues en ce qui concerne la mise au point prochaine d'un vaccin, le professeur Robert Gallo (National Institute of Health) a, en revanche, estime que les deux principaux protocoles d'immunotherapie, elabores respectivement par les professeurs Daniel Zagury (universite Pierre-et-Marie-Curie, Paris) et Jonas Salk (le Monde du 10 juin 1989), lui semblaient prometteurs. D'ailleurs, des resultats relativement encourageants d'un essai therapeutique entrepris par l'equipe du professeur Zagury a l'hopital Saint-Antoine (Paris) ont ete presentes au cours du colloque, confirmant l'innocuite et l'efficacite du point de vue clinique de tels protocoles. Le probleme est qu'il ne s'agit en aucune maniere de therapeutiques curatives. On restaure le systeme immunitaire d'un malade, on bloque la capacite de reproduction du virus HIV, mais on ne sait pas guerir le sida, au sens ou les antibiotiques guerissent les infections bacteriennes. C'est la sans doute le sens du veritable appel a l'audace et a l'imagination lance par le professeur David Baltimore (Whitehead Institute), prix Nobel de medecine, a l'adresse des chercheurs. La lutte contre le sida, dit-il, ne doit pas supporter d'exclusive. Toutes les methodes therapeutiques ou preventives doivent etre explorees. En attendant, comme l'a rappele le professeur Jean-Paul Levy, qui dirige l'Agence nationale de recherches contre le sida, la seule arme contre la maladie reste la prevention. Et cela, semble-t-il, pour encore de nombreuses annees... A l'occasion du septieme centenaire de l'universite de Montpellier le 26 octobre, MM Michel Rocard, premier ministre, et Lionel Jospin, ministre de l'education nationale, ont plaide en faveur du " renouveau " de l'Universite francaise. Le climat de Montpellier reussit mieux a Michel Rocard et a Lionnel Jospin que celui de Limoges. Si ce n'est le climat, le temps porte conseil. Le 8 decembre dernier, pour leur premier deplacement en commun consacre a l'education, le premier ministre et le ministre d'Etat avaient offert le spectacle etonnant, en terre limousine, d'une chamaillerie publique. Le chef du gouvernement marchait allegrement sur les plates-bandes de son ministre de l'education nationale. Celui-ci n'apprecia pas et ne chercha pas a le cacher. Jeudi 26 octobre, au coeur de l'Herault, le ton fut a l'idylle pour ce second voyage commun, qui devait marquer solennellement les sept cents ans de l'universite de Montpellier. Tout avait ete prevu pour eviter de donner prise au persiflage des observateurs : les discours avaient ete soigneusement coordonnes, les conferences de presse, evitees, le voile islamique, mis de cote et les roles, repartis. Le ministre d'Etat multiplia les references a l'autorite et aux arbitrages favorables du premier ministre. Ce dernier ne lesina pas sur les attentions a l'egard de Lionel Jospin, son " ami et complice ". Bref, le duo fut parfait. Au ministre de l'education nationale revint le soin de clore, le matin, une reunion de la conference des presidents d'universite et de dresser le bilan et les perspectives de son action en faveur du " renouveau " de l'Universite francaise, ce " grand service public diversifie et decentralise " qui " contient en son sein des reserves considerables d'energie, d'imagination, d'initiative, qu'il faut catalyser, mobiliser, encourager et organiser ". L'annee 1988-1989, a rappele Mr Jospin, a ete celle de l'elaboration des projets universitaires, dans le cadre des contrats Etat-universites, dont la premiere tranche sera conclue dans " quelques semaines ". Mais elle a surtout ete consacree au dossier de la revalorisation de la carriere et des remunerations des universitaires. Il s'est en particulier efforce de calmer les inquietudes suscitees par l'instauration d'un systeme de primes differenciees : " Toutes les disciplines y auront droit. Tous ceux qui satisferont aux criteres y auront droit. " Il a, d'autre part, annonce que les montants des primes pedagogiques et administratives seraient notifies a chaque universite dans les prochains jours (le Monde du 25 octobre). Trois chantiers sont desormais au programme. Primo, la condition etudiante,avec " l'amelioration profonde du systeme des bourses " et la mise en place d'un systeme de pret aux etudiants qui sera propose dans les prochaines semaines et, enfin, grace a un programme accelere de construction de logements et de restaurants universitaires. Ce plan, " devrait associer etroitement l'Etat, les collectivites locales et des entreprises ". Discutee et mise au point en etroite collaboration avec les universites et les etudiants, cette revalorisation de la condition etudiante " pourrait conduire a l'elaboration d'une charte-cadre du statut social de l'etudiant ". Par ailleurs, Mr Jospin a insiste sur le " role majeur et nouveau " qu'il entend voir jouer aux universitaires dans l'accueil et l'orientation des etudiants. " A l'orientation-sanction, il faut substituer une orientation-conseil ", notamment en premier cycle, a-t-il dit. Secondo : la condition des personnels non enseignants (administratifs et techniciens) qui, dans beaucoup d'universites, expriment actuellement leur mecontentement, en particulier a Paris-I ou ils sont en greve depuis plusieurs jours. Pour le ministre, ces personnels " ne sauraient etre les oublies " de la renovation universitaire, et il a annonce le demarrage, des le 31 octobre, de negociations avec les organisations syndicales dans le cadre de quatre groupes de travail sur le deroulement des carrieres, la formation, la promotion et la place de ces personnels dans la vie universitaire. Tertio : l'annee 1990 " sera aussi celle de la definition et de la mise en route d'un schema national de developpement universitaire ". Pour la premiere fois, publiquement, Mr Jospin annonce, a cote de l'effort de renovation des campus existants, la construction de plusieurs universites nouvelles, notamment en region parisienne. Il envisage par ailleurs de creer en France une " universite ouverte ", a l'image de l'" open university " britannique entierement fondee sur le tele-enseignement. Apres un tel programme de travail, le premier ministre pouvait prendre de la hauteur et se consacrer a la philosophie de l'action. Une premiere fois, le matin de facon impromptue, devant un parterre d'universitaires plutot epates, il s'est lance dans un vertigineux cours d'economie politique : denonciation du liberalisme triomphant, qui laisse se degrader le capital public ; impossibilite de mesurer la productivite marginale des services non marchands - comme l'administration ou l'education - a la meme aune que les flux financiers ; rehabilitation de la pensee economique de Keynes, pour qui la creation de richesses avait pour fonction d'assurer la cohesion sociale... Bref, Michel Rocard est conscient que " le pays devra engager l'effort necessaire " en faveur de la formation, meme si la conjoncture internationale et les " mini-krachs " boursiers de ces derniers jours le rendent " perplexe " : " Ce ne sera pas tenable, a-t-il ajoute, si cet effort n'est pas appuye par un soutien intense de l'ensemble de l'opinion publique et en particulier de la communaute universitaire. " Ce " pacte intellectuel " avec les universitaires, il devait y appeler a nouveau, l'apres-midi, de facon plus academique, a l'occasion de la rentree solennelle des universites de Montpellier. Devant une assemblee d'universitaires, qui arboraient pour l'occasion toges, toque et hermine, il s'est livre a une defense et illustration chaleureuse de l'Universite sans laquelle " il serait tout a fait illusoire de penser que le pays formera les cadres a tous les niveaux " dont il a besoin. - Dans l'article intitule "La mitre et le micro", (le Monde du 27 octobre), le titre exact du livre (edite au Cerf) du Pere Henri Madelin est la Menace ideologique. Les montagnes de beurre europeennes ont-elles fondu au point que la CEE doive desormais s'approvisionner sur le marche international afin de faire face a ses engagements commerciaux ou humanitaires a l'egard des pays tiers? C'est l'avis de Mr Raymond Lacombe, qui denonce une fois de plus le "scandale europeen du beurre". Le president de la FNSEA en veut pour preuve l'achat recent de beurre sale americain par un operateur francais pour le revendre aux pays du Maghreb. Actuellement, note la FNSEA, "on ne peut plus assurer nos parts de marche vers les pays exterieurs a la Communaute, ou accorder des aides alimentaires aux pays desherites, parce qu'on n'a plus les reserves suffisantes". Le syndicat agricole a beau jeu de souligner l'absurdite d'un systeme qui, d'un cote, limite la production europeenne par le jeu des quotas laitiers, et de l'autre contraint les operateurs, voire les Etats, a se tourner, faute de stocks, vers le marche international pour faire face a leurs engagements... Alors qu'Euro-Musique brule d'aller guerroyer contre la chaine musicale americaine MTV, diffusee sur les reseaux cables d'Europe, en esperant se voir attribuer - en complement d'un canal sur le satellite TDF 1 - quelques frequences hertziennes, Musique Plus, la quebecoise, est le seul exemple actuel de chaine musicale francophone de television. Depuis septembre 1986, la seule chaine musicale francophone de television au monde s'epanouit en Amerique du Nord. Musique Plus, symbole et moteur du redemarrage de la musique populaire quebecoise, n'en est de toute facon pas a un paradoxe pres : c'est Moses Zneimer, un Canadien anglophone, qui est a l'origine de la chaine. Fondateur en 1972 de CTTV, une chaine cablee haut de gamme de Toronto, puis de Much Music, canal musical anglophone, Zneimer a lance le projet de Musique Plus avec Pierre Marchand, un jeune producteur quebecois. Jusqu'en septembre 1988, Musique Plus est restee une chaine payante qui touchait environ 400 000 foyers en diffusant huit heures de programmes par jour. A cette date, l'equipe s'est decidee a passer sur le " canal de base " du cable, c'est-a-dire a etre diffusee dans tous les foyers cables sans supplement de cout. Pour cela, Musique Plus a du surmonter l'hostilite premiere du Conseil de la radio et de la television canadiennes, l'organisme regulateur de la television canadienne, qui ne voyait pas d'un tres bon oeil les anglophones envahir les reseaux quebecois. CHUM Ltd, la compagnie mere des trois chaines (CTTV, Much Music et Musique Plus), s'est donc associe a 50% avec le groupe francophone Radio-Mutuelle. Elle s'est d'autre part engagee a respecter le double quota de 30% de clips francophones et de 35% de clips canadiens impose par le CRTC. A l'intersection de ces deux minimums, la cinquantaine de clips quebecois produits chaque annee. Les programmes de Musique Plus ont fini par emporter les reticences. La chaine a repris les principes de fonctionnement de CTTV : un plateau, qui est en meme temps salle de redaction (et meme de reception, il suffit de pousser la porte de la rue Sainte-Catherine a Montreal pour se retrouver dans le champ des cameras, a l'antenne), une equipe polyvalente et reduite; surtout, une ouverture permanente sur l'exterieur, symbolisee par les grandes baies vitrees du plateau qui permettent aux passants de suivre les emissions en direct depuis le trottoir. Depuis son passage sur le canal de base, Musique Plus touche un million cinq cent mille foyers quebecois, plus quelques dizaines d'abonnes payants dans le reste du Canada. Elle diffuse huit heures d'emissions originales entre 14 heures et 22 heures, ce "module" etant rediffuse deux fois. Les clips constituent bien sur l'ossature de la programmation, mais Musique Plus diffuse egalement un magazine d'informations quotidien, une emission consacree aux musiques du monde, des films musicaux et des concerts. La modestie des moyens - un budget de fonctionnement annuel d'environ 5 millions de dollars canadiens (environ 26 millions de francs annuels) et une equipe de quatre-vingt-dix personnes - deteint forcement sur la programmation, et certains critiques reprochent a la chaine son cote "tele communautaire" bavard et un certain manque de rigueur. Reste que l'annee meme du lancement de Musique Plus, et pour la premiere fois depuis le milieu des annees 70, les ventes de disques francophones ont depasse le million d'exemplaires. Certains artistes quebecois (la chanteuse Mitsou) ou francais (les Rita Mitsouko) ont connu ce que le milieu appelle desormais "un succes de clip", et leurs ventes ont decolle. Pour contribuer a la production de clips, Musique Plus, au contraire de M 6, se refuse a intervenir directement, preferant investir dans un fonds de soutien gere par une commission independante qui decide de l'attribution d'une aide financiere en fonction des projets. Sous un double parapluie federal (le gouvernement d'Ottawa ne permet pas la diffusion des chaines cablees americaines, dont MTV) et provincial (au Quebec, on surveille de pres le caractere francophone de la chaine), Musique Plus, qui reve d'une cooperation avec une chaine musicale francaise, fait entendre un son different qui n'est pas tout a fait celui des grandes chaines musicales. Les deuxiemes Journees prospectives organisees par le Monde se sont tenues a Lyon les 18 et 19 octobre. Plusieurs milliers de personnes y ont participe. Pour donner le ton, la premiere matinee, apres l'introduction de Mr Andre Fontaine puis la declaration courageuse de Mr Michel Noir, depute, maire de Lyon (le Monde du 19 octobre), a ete consacree a deux colloques de la meilleure tenue. La qualite des debats vaut que l'on y revienne. A la question habituelle, " Quels hommes pour l'industrie de demain ? ", theme du premier colloque de la matinee, Mr Yves Lasfargue, directeur du centre de recherches de l'IFG (Institut francais de gestion), charge de l'introduction, a su donner une serie de reponses provocantes, comme il les affectionne. A l'avenir, s'est-il risque a dire, le metier de cadre se caracterisera par six adjectifs, " les six M ", pour manager mutant, maitrisant, meneur, mobile, mediateur et mixte. Mais l'inverse est egalement possible, terme a terme, si l'on n'y prend garde. Les cadres peuvent tout aussi bien etre mutes, " malades de technologie ", etre menes " faute d'autonomie ", mutins ou marionnettes et, bien sur, mysogines. Ce qui peut se resumer en quelques tendances deja a l'oeuvre. Le cadre se pretend communicant, mais les divers engins a sa disposition le relient en permanence a l'entreprise " par une veritable laisse electronique ". " Ils sont plus techni-chien-chiens que managers ", a poursuivi Mr Lasfargue, qui parle de la necessite d'une " allo-therapie "... Convaincu du role de la formation, il donne a celle-ci une dimension " collective " ou l'evolution " se fera par un meilleur equilibre entre les connaissances " et une dimension " individuelle " pour ameliorer les comportements de chacun. Il faudra " apprendre a negocier et a assumer les conflits " et " apprendre a utiliser soi-meme ce que l'on impose aux autres " tout en sachant que le risque d'exclusion reste grand. " A nous d'apprendre a ne pas exclure ", " a nous d'apprendre a ne pas etre exclus ", a-t-il conclu a l'adresse de la salle, la recommandation valant aussi pour les cadres. Apres ces propos decapants, il est vite apparu que les reponses variaient avec le type d'entreprise ou ses perspectives, et que parfois les points de vue divergaient fortement selon les intervenants. Par exemple, faut-il que les cadres soient, d'emblee, des generalistes ou qu'ils optent pour une specialite, qui sera ensuite completee ? " Evitons le super-homme qui sera a la retraite rapidement ", avertissait Mr Bernard Kasriel (Lafarge-Coppee), qui evoque le " gachis " produit par une ecole qui forme le savoir et par la vie qui faconne les attitudes : " Notre systeme de tri qui conditionne notre processus de selection conduit a la penurie. " Mr Jean-Francois Colin (SNCF) vanta le systeme de promotion interne et le " concept de parcours ", qui amene un ingenieur a occuper diverses fonctions. " Mais le probleme de la formation d'ingenieur en interne et par la formation professionnelle est a l'ordre du jour ", ajouta-t-il en citant les premiers accords de partenariat sur ce point avec les ecoles. Tandis que Mr Pierre Forgeas (Hewlett-Packard) declarait " bien aimer la double formation, tout le monde, (chez lui), devant etre pret a evoluer ", Mr Guy Aubert, directeur de l'Ecole normale superieure de Lyon, plaida, lui, pour " l'information par la recherche et pas seulement pour les chercheurs ". Et d'expliquer que, dans un groupe chimique allemand, " tout le monde a un doctorat de chimie, meme le directeur des ressources humaines ". Une opinion qui ne pouvait que satisfaire Mr Jean-Jacques Payan. Directeur de la recherche chez Renault, ce dernier ne croit pas qu'" on puisse donner une formation polyvalente aux ingenieurs " et pense qu'" il leur faut un contact avec la realite ". Revenaient alors les caracteristiques des differentes filieres de formation, plus ou moins coupables d'accentuer les typologies. L'ingenieur d'origine finit par ne plus exercer son metier. L'universitaire est encore regarde avec reserve, et, pourtant, la penurie de main-d'oeuvre aidant, on commence a se demander si l'on ne devrait pas avoir recours a d'autres formules, telle la formation permanente. Des critiques apparaissent, qui amenerent Mr Guy Carpier, directeur de l'ICAM de Lyon, a s'interroger sur ce que seront les enseignants de demain : " Sauront-ils aller dans l'entreprise ou seront-ils des heros en acceptant d'etre moins bien payes que d'autres ou, encore, seront-ils massivement des etrangers ? ", avant d'ajouter : " Si les ecoles font un si mauvais travail, je me demande pourquoi on embauche tant les jeunes diplomes et pourquoi on les paie a des salaires si eleves ? " Se profilait alors le theme de la carriere, plus proche du deuxieme colloque : " La competitivite des hommes de l'industrie ". Pour justifier les choix d'embauche de l'entreprise, " il faut que tout le monde ait l'ambition de devenir PDG, meme si peu y parviennent ", expliqua Mr Kasriel. Mais, surtout, chacun a son niveau doit vite connaitre " sa contribution a l'essor de l'entreprise, son impact personnel ". La encore, et comme en echo, les nouveaux intervenants se partagerent entre ceux pour qui la valeur de l'individualite compte moins que le sens du collectif, c'est-a-dire la capacite d'un groupe a etre performant, et ceux pour qui il faut offrir des carrieres d'experts, peut-etre individualistes. " On ne peut pas faire l'economie de la competence ", proclamait Mr Christian Briere (Bull), presse par le temps et la situation propre au secteur de l'informatique. " On demandera de plus en plus a nos cadres d'avoir le sens de l'action. " En replique, Mr Michel Ferreboeuf (Digital Equipment France) affirmait en boutade que " l'on a, en France, un management trop competent ", et meme que " la surcompetence est trop bloquante dans nos entreprises ". Autres pays, autres moeurs. Mr Horst Franck (Bosch) souligna dans le meme ordre d'idees les differences avec la situation en RFA, ou l'on prefere la formation en entreprise ou, pour les ingenieurs, les formules en alternance pratiquees en association avec des milliers de PME, comme dans le Bade-Wurtemberg. " Notre corps d'elite, souligna-t-il, est recrute parmi ces sous-lieutenants qui peuvent devenir des directeurs generaux. " Tous d'accord pour confirmer la tendance a l'internationalisation, les participants se declarerent presque unanimement favorables a une politique sociale audacieuse, bien que Mr Philippe Bernoux leur ait reproche un " dialogue en panne ", puis de ne pas savoir " etudier les fonctionnements de (leurs) entreprises ". " Si vous continuez a travailler en individualistes, on echouera ", avertit le sociologue, qui prone " la competence de groupe ". Pourtant, Mr Philippe Desmarescaux (Rhone-Poulenc) avait auparavant tenu a declarer que le souci de son groupe etait d'" d'arriver assez vite a une seule politique sociale globale ". De meme, son collegue d'Orkem avait insiste sur la necessite de " gerer le changement " avec un esprit d'adaptation qui impose la mobilite geographique et professionnelle et sur la volonte d'accorder une place " au dialogue social " en portant attention a l'evolution du contenu des emplois. " Essayons de construire des filieres professionnelles en liaison avec les partenaires sociaux ", ajouta-t-il en se declarant persuade que " les formations de generalistes reviendront tres fort ". Avec un certain gout pour le paradoxe, Mr Georges Bouverot (RVI), confronte a une greve dans l'etablissement d'Annonay (Ardeche), afficha son gout " pour les structures insatisfaisantes et frustrantes ", qui obligeraient a communiquer. Mais le mot de la fin revint a Mr Roland Weissmann (Fiat-France), qui se fit le defenseur des nouvelles formes d'organisation du travail fondees sur la responsabilisation de tous les salaries. " Il faut pratiquer le marketing social, n'hesita-t-il pas a dire. Nous devons considerer le personnel de nos entreprises comme un client, essayer de connaitre ses attentes individuelles et, toujours individuellement, trouver ce que l'entreprise peut lui donner. " L'apres-midi, le public toujours aussi nombreux, dont des etudiants, se partagea entre les differentes tribunes organisees par les entreprises. Le debat sur " Le deficit culturel des ingenieurs " et les moyens de le combler attira quant a lui deux cents personnes, enchantees par la qualite de l'echange. Apres le succes des derniers-nes du secteur des magazines feminins (Avantages, Glamour), un nouveau mensuel, Esthetica, s'est lance, le 16 octobre, a la conquete du lectorat feminin. Tire a 200 000 exemplaires et comptant en vendre la moitie, Esthetica (18 francs) aborde notamment les themes de la dietetique et de la sante, grace a des enquetes, des reportages, des fiches pratiques et des tests-produits. Concurrent de Votre Beaute, Esthetica est publie par le groupe Mega Medias, fonde en 1984, et qui edite deja Option Auto, Auto Son Magazine, Esthetica professionnel et le Tourisme. Le 1er avril prochain, la feuille de paie que remettra Toyota a Hiroshi Hashimoto comportera plusieurs nouveautes. La part fixe de son salaire representera toujours 40 %. En revanche, les 60 % restants, aujourd'hui dependant des seuls resultats de son usine, seront diminues d'un tiers. A la place apparaitront deux nouvelles primes, de 10 % chacune. La premiere recompensera son anciennete dans l'entreprise, la seconde ses resultats personnels. Des innovations en apparence benignes. En realite, il s'agit d'une evolution rapide en train de bouleverser les regles de la gestion du personnel a la japonaise. C'est l'introduction de la notion de " merite individuel ". Toyota n'est pas la seule entreprise a sacrifier a cet aggiornamento. Un organisme lie au ministre du travail japonais a etudie une trentaine de societes qui se sont engagees sur la meme voie. Toutes les activites, tertiaire inclus, sont representees : la Banque de Tokyo, Tobishima (construction), Sumitomo Fire and Marine (assurances), TDK (electronique), Nikon (optique)... Les experiences sont plus ou moins poussees. Mais le cadre general est celui dessine par le siderurgiste Nippon Steel (61 000 personnes) en 1987 que Toyota (64 000 employes) a repris presque a la lettre. Jusqu'a present, les remunerations japonaises ne connaissaient qu'un principe : celui de l'anciennete. Derriere ce choix, l'eloge de la fidelite a l'entreprise. La seule vertu qui encore recemment comptait aux yeux des patrons japonais. Independamment de ses talents, le salarie voyait sa feuille de paie revalorisee par son nombre d'annees de presence. La seule partie du salaire qui etait fluctuante jusqu'a present etait le " bonus ". Versee au debut de l'ete et de l'hiver, cette prime represente l'equivalent de plusieurs mois de " paie " et evolue en fonction des benefices globaux de l'entreprise. Le resultat est une grille des salaires de 1 a 6 chez Toyota. Alors pourquoi changer un systeme qui n'a pas si mal marche ? " Le probleme est demographique ", repond Shinzo Suto, directeur du personnel de Japan Air Lines (20 800 personnes). Le vieillissement general de la population japonaise accelere le deficit en jeunes employes. De 1970 a 1976, la compagnie aerienne japonaise a recrute 1 500 jeunes diplomes. Apres une interruption complete de deux ans, elle a repris ses embauches. Mais au compte-gouttes (50 personnes par an). Nippon Steel, lui, a debauche. Toyota a cesse de grossir. " La raison est le ralentissement de la croissance ", ajoute Satoru Satoh, de la Japan Management Association. D'un rythme frenetique de 10 % l'an, elle est passee a un tempo moderato au-dessus de 5 %. Et le probleme a fini par devenir crucial meme si les bilans des entreprises ne le refletent pas. Car l'anciennete est egalement la cle de la promotion. Coinces entre la realite et leurs engagements moraux, les employeurs ont dans un premier temps laisse aller les choses. " Pour assurer la promotion de nos employes, nous avons fini par additionner titres et fonctions de decisions ", reconnait Iwao Isomura, chef du personnel de Toyota. Une " mexicanisation " de l'economie japonaise qu'illustre une etude realisee en 1987 : 30 % des titulaires du poste de " chefs de departements " kachos ou buchos n'ont en fait personne sous leurs ordres. Un pourcentage qui a double en dix ans. D'ou le second volet de la reforme : la mise a plat de la hierarchie et le degraissage de ces epaules trop larges sur une taille de guepe qu'affichent aujourd'hui les entreprises japonaises. " Precedemment nos cadres se contentaient de commander les equipes qu'ils dirigeaient. Maintenant, avec le manque de jeunes employes, ils doivent mettre, eux aussi, la main a la pate. " Cet ete, Toyota a balaye sa structure strictement cloisonnee en divisions verticales en creant des petits groupes de travail. Nippon Steel a ramene de cinq a trois ses echelons hierarchiques avec, a chaque fois, la meme idee : accelerer le processus de decision en reduisant la hierarchie. Les objectifs collectifs disparaissent, morceles en objectifs individuels. Ce sont eux qui determinent desormais l'accession et le maintien au statut de kacho. Hier, l'attention allait a l'encadrement des ouvriers dans une structure qu'Iwao Isomura reconnait " tres autoritaire ". Aujourd'hui, l'accent est mis sur les cadres contraints par la rarefaction des troupes a monter en premiere ligne. La trentaine a peine entamee, Hiroshi Hashimoto accueille avec satisfaction cette revolution. Son travail se trouve revalorise. On lui reconnait maintenant le droit d'avoir des idees. En outre, ses chances de promotion sont accrues. Enfin il peut gagner plus d'argent. " Grace a ces nouvelles primes, le pic des salaires est avance de cinquante a quarante-cinq ans. Et avant cet age, ils progressent beaucoup plus vite qu'avant ", explique Satoru Satoh. Pourtant, l'age venu, il risque de dechanter. Abrite dans sa petite case a l'interieur de la hierarchie, le kacho se contentait d'apposer sur les documents qu'on lui soumettait son hanko, ce sceau personnel, signe de pouvoir au Japon. Desormais, il doit evoluer dans un univers plus competitif et lutter contre ses collegues livres aux fourches Caudines de l'evaluation personnelle, mais aussi contre les plus jeunes. Les projections etablies montrent que son salaire, hier revalorise au fil du temps pour se stabiliser dans les dernieres annees de sa carriere, baissera une fois cinquante ou cinquante-cinq ans passes. Quant au fameux madogiwagisoko, ce placard ou l'on attendait la retraite, il vit ses dernieres heures. Avec cette reforme, les entreprises japonaises gagnent en souplesse, en productivite. Vastes organisations concues pour encadrer une main-d'oeuvre abondante et bon marche, elles se transforment en societes de specialistes. Ce vent nouveau n'aidera pas a diminuer le nombre des ulceres a l'estomac deja anormalement eleve chez les " salarymen " japonais... Remis au Parlement le 16 octobre (le Monde du 17 octobre), le rapport du ministre du travail, Mr Soisson, sur le travail temporaire n'a pas provoque les remous attendus. Personne ne conteste vraiment le constat qui est fait d'un phenomene recent. Au point que, ici ou la, on accepte de parler de " convergences possibles " et que le gouvernement envisage, sans trop d'inquietudes, de faire adopter un projet de loi d'ici a la fin novembre. Cependant, le groupe socialiste vient de deposer, le 24 octobre, une proposition de loi. Meme si chacun adopte une position differente a l'egard du developpement des emplois precaires, quand il s'agit d'apporter des solutions, les divergences ne sont pas insurmontables. Les syndicats professionnels - le PROMATT et l'UNETT - n'ont pas ete effarouches par les propositions des organisations syndicales, pourtant restrictives. Le ministere du travail affirme a qui veut bien l'entendre que le contenu de la proposition de loi du groupe socialiste, qui a ete deposee le 24 octobre, ne l'inquiete pas. De part et d'autre, on fait etat de " convergences " qui permettraient de regler ce dossier sans drames et, pourquoi pas, dans un climat de relatif consensus, ainsi que cela s'etait deja produit pour la recente loi sur le droit de licenciement. Dans les jours qui viennent, des contacts bilateraux interviendront et un groupe de travail specifique, entre le ministere et les deputes socialistes, sera constitue. Par navettes successives, les points de vue devraient se rapprocher pour aboutir a un accord sur un texte qui serait soumis au vote de l'Assemblee nationale a la fin novembre. D'ici la, imagine-t-on encore, les partenaires sociaux eux-memes pourraient negocier des amenagements contractuels avec la garantie que ce qu'ils auront decide pour l'interim s'appliquera aux contrats a duree determinee, la formule de travail temporaire actuellement la moins controlee. " Plus le conventionnel sera capable d'aller loin, mieux ce sera ", dit-on au ministere du travail, ou l'on voudrait que les intentions soient precisees " avant le vote de la loi " au moins par les syndicats et le patronat au niveau de la branche professionnelle, a defaut de pouvoir esperer une discussion interprofessionnelle. Ce qui n'empechera pas le retour a une certaine rigueur, consequence d'abus que le PROMATT tout comme l'UNETT acceptent de reconnaitre. Rue de Grenelle, au ministere du travail, on ne voit pas comment il n'y aurait pas quelque chose pour limiter l'usage du travail temporaire dans l'annee qui suit un licenciement economique, comment les " cas de recours " ne seraient pas davantage precises et, encore moins, comment le developpement de ces formes d'emploi ne serait pas, de fait, bride. " Le groupe socialiste ne demande plus la fixation d'un quota parce que les dispositions qu'il propose reviennent a empecher de depasser les 7 a 8 % des effectifs en interim ou en contrat a duree determinee dans une seule entreprise... ", fait-on observer. A tort ou a raison, l'entourage de Mr Soisson se persuade d'ailleurs que la fronde du groupe socialiste doit s'interpreter en fonction du prochain congres et des querelles de courant. " Nous ne sommes pas vises ", assure-t-on... Apres avoir bataille a coups d'argumentaires au cours des derniers mois, les syndicats professionnels paraissent, eux aussi, apaises. " L'analyse de nos interlocuteurs sociaux - les syndicats de salaries - est le plus souvent lucide, et leurs propositions sont en plus d'un point conciliables avec les notres, voire identiques", affirme Mr Bernard Bacquet, delegue general du PROMATT, qui s'inquiete seulement de voir l'interim payer, une fois de plus, pour les debordements du contrat a duree determinee. Si on le rassurait sur ce point, il serait capable d'admettre un taux unique ou commun de l'indemnite de precarite, par exemple. "Les derapages ou les abus sont d'abord dus a un manque d'information", constate de son cote Mr Philippe Portier, secretaire general de l'UNETT, enclin a s'accommoder de nouvelles regles, " Les socialistes sont tres moderes", constate-t-il, sauf pour ce qui concerne la surcotisation a l'UNEDIC, qu'il jugerait comme une sanction. "Notre interet est de fournir une nouvelle mission a tout interimaire, ajoute-t-il. La collectivite ne finance pas la precarite et le chomage de l'interim, au contraire de ce qui se passe pour le contrat a duree determinee." Dans ce concert a plusieurs voix, condamne ineluctablement a l'harmonie finale, semble-t-il, quelques discordances demeurent cependant. Le groupe socialiste veut toujours restreindre le champ du travail precaire, pour reequilibrer le marche de l'emploi vers les formes les plus stables. Si le CNPF a adopte une position en retrait, pour dire que le patronat ne souhaitait pas de bouleversement, la CGPME sera plus difficile a convaincre. Or le travail temporaire etait l'apanage des grandes entreprises et tend a se generaliser, puisque l'on est passe en trois ans de soixante mille utilisateurs reguliers a quatre-vingt-treize mille. Enfin, abordant une question non resolue par le debat actuel, l'UIMM, la puissante federation de la metallurgie, souligne qu'interim et contrats a duree determinee appartiennent a un nouveau mode de gestion de la main-d'oeuvre, que la loi ne saurait endiguer. En parallele, la CFDT et les autres syndicats dans une moindre mesure font observer que l'aggravation de la precarite ne peut se resumer au seul cas du travail temporaire, quand de "nouvelles formes d'emploi" se propagent, dont la fausse sous-traitance, le faux travail independant et le travail clandestin. Mr Marcel Jullian, ancien PDG d'Antenne 2 et conseiller de Mr Philippe Guilhaume depuis la nomination de ce dernier a la presidence commune d'Antenne 2 et de FR 3, coordonnera la politique de creation des deux chaines. Son titre exact ne devrait etre precise qu'a la mi-novembre par Mr Guilhaume, mais Mr Jullian doit d'ores et deja preparer les programmes des fetes de fin d'annee. Il quitte " Ecran total ", l'emission de debat sur la television qu'il avait lancee sur France-Inter avec Jean Garetto en juillet 1986, et dans laquelle il a recu presque tous les acteurs de l'audiovisuel francais. C'est d'ailleurs lors de sa derniere emission, vendredi matin 27 octobre, que Marcel Jullian a annonce que Joseph Poli, ancien presentateur de TF 1, prendra en charge les relations des deux chaines de service public avec les telespectateurs. Ces derniers devraient se voir attribuer sur l'antenne un lieu d'expression. En apportant au Credit lyonnais un peu plus de 50% d'abord, puis 80% en trois ans de sa filiale Thomson-Finance, en echange de 14% du capital de la banque et d'une soulte en titres negociables, le groupe Thomson-CSF et son president, Mr Alain Gomez, vont mettre un point d'orgue partiel a une aventure tout a fait etonnante, qui a commence il y a un peu plus de sept ans. Thomson-Finance est nee, le 12 juin 1982, de la rencontre entre le meme Alain Gomez, fraichement designe comme patron du groupe Thomson, et d'un homme etonnant, un veritable magicien, Mr Jean-Francois Henin. Ce dernier, alors age de trente-huit ans, apres des etudes universitaires, s'etait forme sur le tas, avec de solides bases comptables et operationnelles acquises chez la Bull General Electric et Pechiney, avant d'etre tresorier international dans le groupe americain Carnation, puis directeur de la tresorerie a la Lyonnaise de banque. Avec Alain Hagelauer, alors controleur de gestion et maintenant directeur financier de Thomson-CSF, il proposa a Alain Gomez de regrouper la tresorerie des deux cents societes de Thomson : plusieurs milliards de dollars, et d'en faire un seul instrument avec deux objectifs. Il fallait, tout d'abord, proteger les contrats a l'etranger contre les fluctuations monetaires qui avaient auparavant coute 2 a 3 milliards de francs au groupe. Il fallait ensuite procurer a Thomson-CSF des ressources supplementaires pour son retablissement industriel. La premiere etape, en 1983, fut la creation de Thomson credit international (TCI), qui trouva son essor avec le fabuleux contrat saoudien Al Thaker de 4 milliards de dollars et des avances correspondantes, qui fournirent la matiere premiere de depart. Aujourd'hui, TCI gere un encours total de 15 a 16 milliards de francs en devises sur deux cents contrats. La gestion de cet encours, par la mise en oeuvre de mecanismes fort complexes, permit a la fois de couvrir ces contrats et de degager de tres substantielles plus-values. Elles furent obtenues notamment en financant un tres gros portefeuille d'obligations francaises a taux eleve (12 %), par des emprunts a court terme en dollars, dont les taux baisserent jusqu'a 6 %, en meme temps que la valeur de la devise americaine. Un habile coup de chance. La deuxieme etape, a partir de la fin de 1985, fut le developpement et la diversification d'activites propres qui utilisaient le savoir-faire financier acquis auparavant sur les operations de marche : ce fut notamment le lancement de la BATIF, banque d'arbitrage et de tresorerie, apres le rachat d'un petit etablissement a Paribas. Grace a un noyau de vingt-cinq specialistes, appuyes sur une organisation administrative de premier ordre, la BATIF put devenir l'un des principaux intervenants en options sur le MATIF francais et un gros operateur sur les marches d'options de taux de change aux Etats-Unis. Utilisant la gamme complete des instruments financiers, notamment les SWAPS (echanges de montants theoriques entre taux fixes et variables et entre devises), la BATIF a pu degager, en 1988, un benefice net de 800 millions de francs, avec un effectif de cent soixante personnes, secretaires comprises. Un beau rendement ! Des l'origine, on s'en doute, la creation de Thomson-Finance constitua un enorme pari sur un homme, Mr Henin, et ses equipes, soutenus mordicus par Mr Alain Gomez, decider a assumer ses responsabilites en cas d'echec. Le resultat fut a la hauteur du pari : plus de 8 milliards de francs de benefices nets, procures par Thomson-Finance, de 1984 a 1988, benefices qui ont permis a Thomson-CSF de financer dix mille suppressions d'emplois, de reconstituer ses assises financieres avec de solides reserves et de preparer la traversee du desert des livraisons d'armement : on avait pu " acheter du temps ". Cette reussite incontestable ne manqua pas de soulever des critiques acerbes (" la dangereuse bulle financiere " de Thomson). Des rumeurs inquietantes coururent sur les deboires prochains du " magicien ", victime supposee des soubresauts des marches, notamment apres le krach d'octobre 1987. Ces rumeurs motiverent meme le depot par le groupe d'une plainte contre X... en fevrier 1988. Des pertes, il y en eut, certes : les arbitrages en speculation ne sont jamais tous gagnants, simplement Mr Henin et ses equipes ont toujours su degager des gains plus importants que les pertes. Il y eut aussi des accrocs, comme les 400 millions de francs de prets accordes par erreur a la SaudiBank, qui dut etre renflouee a grands frais par toute la place de Paris. Mais, globalement, comme on l'a vu, le bilan a ete tres largement positif, somptueux meme. Aujourd'hui, neanmoins, le paysage change, les ressources des contrats s'amenuisent et les resultats financiers de Thomson vont diminuer. L'inversion des taux d'interet depuis le debut de l'annee est peu propice aux arbitrages et les activites de marche peuvent etre dangereuses. Il y a un an, Mr Henin persuada son president d'operer un virement de bord, en recherchant un partenaire bancaire capable de fournir un filet de securite. Apres plusieurs tentatives infructueuses, dont la reprise manquee de la Banque Stern - ce fut le Credit lyonnais qui accepta d'etre partenaire. Son president, Mr Jean-Yves Haberer, veut faire une percee sur la banque de marche et l'ingenierie sophistiquee pour industriels. Son intention est d'utiliser Mr Henin et ses equipes comme un bataillon de commando pour avoir des idees, trouver des clients et monter des operations speciales sur un terrain different de celui de sa propre direction des marches. Thomson-Finance au surplus a accumule des fonds propres considerables, 9 milliards de francs, ce qui constitue une veritable aubaine pour une banque commerciale hantee par les fameux ratios Cooke (pourcentage de fonds propres par rapport aux credits accordes). Le groupe Thomson-CSF, qui gardera, a tout prix, l'utilisation des equipes de Mr Henin, pourra s'appuyer sur le reseau du Credit lyonnais. Il va ceder 8 milliards de francs d'actifs et troquer des profits brillants et aleatoires contre le droit a de solides revenus pendant des annees. Ce n'est pas un maigre resultat apres etre parti de rien il y a sept ans. Reunis a Paris, a l'Hotel Nikko, le mercredi 25 et le jeudi 26 octobre, les representants des pays membres du COCOM (1) n'ont pas reellement progresse dans la voie souhaitee par les Europeens en faveur d'un assouplissement dans le controle des exportations " strategiques " vers l'Est. Les Allemands de l'Ouest n'ont pas obtenu que soit accorde, dans l'immediat, un " traitement special " a la Pologne et a la Hongrie. Les demandes de derogation pour ces deux pays devraient neanmoins etre traitees plus rapidement. Mr Mikhail Gorbatchev n'a pas obtenu gain de cause. Le 6 juillet dernier, il avait plaide, dans son discours devant le Parlement europeen a Strasbourg, en faveur d'une suppression du COCOM, " cette pratique heritee de la guerre froide ". Des le 15 juillet, lors du sommet de l'Arche a Paris, les sept grands pays industriels - tous membres du COCOM - lui avaient donne une premiere reponse en indiquant que si l'Ouest souhaitait " developper une cooperation economique equilibree sur une base commerciale saine " avec l'Est, cela ne pouvait se faire que " tout en assurant la securite des pays occidentaux ". A Paris, cette semaine, malgre la volonte europeenne d'assouplir les controles a l'exportation, les Americains ont reussi a empecher cette evolution. Le statu quo est maintenu. Cree en 1949 par un gentleman's agreement conclu en marge de l'OTAN, cet organisme multilateral a caractere confidentiel est charge de controler les exportations de materiels et de technologies strategiques pouvant servir a renforcer le potentiel militaire des pays communistes. Reuni une fois par an (l'an dernier a Versailles, dans un hotel parisien, le Nikko, cette semaine), ce comite a son secretariat permanent dans une annexe de l'ambassade des Etats-Unis a Paris. La principale arme de ce comite, ce sont les fameuses listes de produits interdits a l'exportation vers l'Est. En fait, les pays d'Europe de l'Est ne sont pas les seuls vises. Le " controle de la destination finale " porte sur les ventes a quatorze pays, ceux du bloc oriental, mais aussi Cuba et, " avec des modalites particulieres " la Chine. Depuis 1982, ce dernier pays jouissait d'un traitement de faveur, le Chinacom. Le processus d'assouplissement en faveur de Pekin a ete stoppe apres la repression de la place Tiananmen. Adoptee a l'unanimite, cette liste comprend materiels et produits consideres par les Occidentaux comme " strategiques ". La procedure de controle du Cocom est de plus en plus contestee - et pas seulement a l'Est. Les Europeens en particulier ont souvent l'impression que les Americains en sont, d'une certaine maniere, les principaux beneficiaires. Les Americains tirent ainsi profit du systeme des " derogations ". Les Etats membres peuvent demander au Cocom des derogations pour certains contrats. Les exportateurs americains s'en tirent plutot bien. Avec leurs moyens speciaux, les Etats-Unis peuvent mieux que leurs partenaires, prouver que la derogation ne nuira pas a la securite. En moyenne et chaque annee, pres de 1 600 derogations sont accordees - pour un montant total de contrats tournant autour de 1,7 milliard de dollars environ. La nationalite des exportateurs est revelatrice : pour les articles relevant de l'informatique (60 % des demandes d'exception), la valeur des contrats qui beneficient de la derogation touchent 80 % des entreprises americaines, 11 % japonaises, 3 % allemandes, 2 % britanniques, et 1 % francaises. Connaissant mieux les procedures, les grandes entreprises apparaissent egalement favorisees face aux plus petites. N'ayant pu beneficier de la " note de facilite " qui ouvre acces aux marches de l'Est, une societe de Bordeaux qui vend des machines de decoupe de tissu assistee par ordinateur a du recemment reduire la puissance de ses ordinateurs afin d'obtenir la licence O2. Les exportateurs savent que la violation des regles du Cocom peut entrainer l'inculpation d'intelligence avec une puissance etrangere. Charges d'appliquer les controles a l'exportation, les differents Etats membrs cherchent a defendre leurs propres exportateurs. Au Japon par exemple, le gouvernement a ete quelque peu echaude par l'affaire Toshiba. Tokyo prend desormais ses precautions. Une " cellule de technologie critique " a ete creee au sein du MITI (le ministere de l'industrie et du commerce international). Une centaine de fonctionnaires ont desormais une double mission : cerner aux mieux l'etat de la technologie a l'Est et aider les industriels entraves dans le commerce par le Cocom. Mais au-dela, les Europeens et les Japonais souhaitent un assouplissement de la politique de controle. Les Allemands de l'Ouest sont particulierement pressants. " Les listes demeurent encore exagerement longues et compliquees ", estime-t-on dans l'administration francaise. A Paris, des " progres techniques " ont ete realises dans le domaine de la machine outil. Globalement, la reunion de Paris n'a pas traduit de changements sensibles dans la politique occidentale vis-a-vis de l'Est. Les Americains ont reussi a eviter le debat de principe au sein du Cocom. La demission du chancelier de l'Echiquier, Mr Nigel Lawson, a ete accueillie par une forte baisse de la livre, deja tres faible depuis quelques semaines. La monnaie britannique cotait 9,88 francs vendredi 27 octobre a Paris, contre 10,06 francs la veille et plus de 11,20 francs en janvier dernier. La Banque d'Angleterre est intervenue vendredi sur les marches des changes. Qualifiee de petro-devise au debut des annees 80 en raison de la part importante occupee par le secteur petrolier dans l'economie britannique, la livre avait fortement progresse au lendemain du deuxieme choc petrolier. La baisse ulterieure des cours du brut s'est accompagnee d'un declin parallele de la monnaie britannique, sans que celui-ci prenne des proportions catastrophiques. Relativement stabilisee en 1987-1988 grace a la volonte des autorites monetaires de " coller " au cours du mark, la livre s'est de nouveau appreciee jusqu'au debut de 1989, sous l'effet des relevements successifs des taux qui atteignent 15 % d'interet. Depuis, la monnaie britannique est orientee a la baisse, en raison surtout du deficit croissant des paiements exterieurs. Les consequences pour l'economie francaise d'une poursuite de la baisse de la livre sterling pourraient etre graves. Dans la mesure, en effet, ou le nouveau chancelier de l'Echiquier, Mr John Mayor, reprendra probablement a son compte la priorite qu'accordait Mr Nigel Lawson a la lutte contre l'inflation, une hausse supplementaire des taux d'interet n'est pas a exclure pour stabiliser la livre. Un rencherissement du loyer de l'argent pourrait provoquer une franche recession. Deja, la construction de logements est en recul et les investissements ont cesse de progresser. Un declin de l'activite economique et donc des importations britanniques toucherait de plein fouet les entreprises francaises qui exportent beaucoup outre-Manche. D'une facon generale, la balance commerciale de la France, dont le deficit a deja tendance a s'accroitre dangereusement depuis quelques mois, serait davantage desequilibree, ce qui la ferait entrer dans une zone dangereuse (plus de 50 milliards de francs de deficit annuel), necessitant peut-etre des mesures de rigueur ou de freinage de la part de Mr Beregovoy. La Grande-Bretagne est le seul grand pays industrialise - si l'on excepte la Suisse, cas tout de meme un peu particulier - avec lequel la France a des echanges commerciaux excedentaires et ce, depuis des annees : 14,9 milliards de francs en 1986, 8,3 milliards de francs en 1987, 17,3 milliards de francs en 1988. Il suffit de rapprocher ces excedents des deficits enregistres par rapport a la RFA (39 milliards de francs en 1986, 44 milliards de francs en 1987, 50 milliards de francs en 1988) pour mesurer l'importance qu'a, pour la France, la poursuite d'une forte activite outre-Manche. Malgre les gros excedents degages sur le marche anglais, la balance commerciale francaise est deficitaire par rapport a la CEE : 59 milliards de francs en 1987, 43 milliards de francs en 1988, davantage probablement cette annee. Le depart de la plus longue des six etapes de la Whitbread, la course autour du monde en equipage, sera donne samedi 28 octobre a Punta-del-Este (Uruguay). Les vingt-trois monocoques devront rallier Fremantle (Australie), distant de 7 650 milles (plus de 14 000 kilometres), en traversant l'Atlantique sud puis l'ocean Indien. Longue de trente jours pour les Neo-Zelandais de Steinlager, vainqueurs de la premiere etape, mais seulement de dix-huit jours pour les Francais de la Poste, arrives vingt-troisieme, l'escale uruguayenne a surtout ete marquee par deux drames. Alexei Gryschenko, skipper de Fazisi, le premier maxi sovietique engage dans une telle course, a ete retrouve pendu a un arbre dans une foret proche de Punta-del-Este. " Je n'ai pas le choix ", avait-il inscrit sur son agenda avant de se suicider. Malgre le renfort du skipper americain Skip Novak, un habitue de la Whitbread, et d'un equipier sud-africain, Alexei Gryschenko apprehendait, semble-t-il, d'affronter les quarantiemes rugissants et les cinquantiemes hurlants des mers du Sud avec un equipage compose de regatiers sovietiques inexperimentes dans ce genre d'epreuve. L'autre drame, accidentel, a coute la vie a l'equipier suedois Janne Gustavsson (The Card), decede apres plusieurs jours de coma, des suites d'une collision... a moto avec un autre concurrent de la Whitbread, le Belge Guy Schelkens (Equity and Law), plus legerement blesse. Arrive sans ressources a l'escale de Punta-del-Este, l'equipage francais d'Esprit-de-liberte a du profiter de l'hospitalite d'Alain Gabbay (Charles-Jourdan) et des Belges de Rucanor mais sera au depart de la deuxieme etape. L'armateur Patrick Dubourg a finalement assure a Patrick Tabarly un budget de fonctionnement pour le bateau et les depenses a terre jusqu'a la fin de la course. Ses problemes financiers auraient principalement resulte d'un " vent de panique " provoque chez ses fournisseurs par des appels alarmistes d'un autre navigateur avec lequel il est en proces. L'escale de Punta-del-Este a ete mise a profit pour reparer les avaries et preparer les bateaux pour la plus longue et, a priori, la plus dure des etapes avec la menace des icebergs a proximite du 50e parallele. Quatre maxis ont du rejoindre Montevideo pour etre grutes hors de l'eau : Merit (quille endommagee par le bris d'un bras de spinnaker passe sous la coque), Rothmans (fissure sur le pont a proximite du cockpit), Martella OF (boulons de la quille arraches) et Charles-Jourdan (choc avec une baleine). Vainqueur de l'etape de l'ocean Indien dans la Whitbread 1977-1978, Alain Gabbay attend impatiemment de retrouver les mers du Sud et les allures portantes pour juger des possibilites reelles de son ULDB (ultra-light displacement boat) de 16 tonnes de deplacement face aux autres maxis classiques (de 22 a 37 tonnes). Onzieme de la premiere etape apres deux mauvaises options meteo au large du cap Finistere puis pour la traversee du pot au noir, le skipper marseillais s'avoue " decu par la place mais pas par le bateau ". Malgre le manque de preparation, avec moins de 500 milles parcourus avant le depart de Southampton, Charles-Jourdan aurait rallie Punta-del-Este sans la moindre casse s'il n'avait pas heurte une baleine. Au cours de cette premiere etape, Alain Gabbay a surtout ete surpris par le changement d'ambiance de cette course concue comme une grande aventure marine qui se transforme peu a peu en regate geante autour du monde. " Les vacations radio sont moins sympas, dit-il. On nous a reproche de trop utiliser la frequence radio pour discuter en francais. Certains ont peur de lacher des informations. Les Neo-Zelandais de de Fisher and Paykel ont meme cache jusqu'a l'arrivee qu'ils avaient perdu leur mat d'artimon. " Pour cette deuxieme etape ou il s'agira pour lui de recreer un esprit commando avec dix equipiers, le skipper marseillais a embarque quelques bons copains comme Florence Arthaud, Jacques Delorme, Jacques Saada et Max-Philippe Couteau, le concepteur du projet. " Nous n'irons peut-etre pas trop au sud, dit-il, car le danger represente par les icebergs est trop grand et je me sens responsable de l'equipage. Mais j'espere que nous aurons du mauvais temps pour que l'on retrouve les vrais marins et moins les regatiers. " A une epoque ou le corps tend a acquerir un role social central, il subsiste chez les chercheurs un mepris, non dit mais reel, pour les activites physiques, et chez les sportifs une mefiance pour la science. Comment resoudre cette contradiction ? Comment susciter un mouvement d'interet interactif sport-sciences ? C'etait l'objet d'un colloque organise au chateau de Ferrieres par le recteur de l'academie de Paris et par le secretaire d'Etat a la jeunesse et aux sports. La recherche scientifique appliquee au sport ne debouche-t-elle sur rien comme le pensait ce physicien qui a savamment modelise le service du champion du monde de tennis, Ivan Lendl ? De la docte assemblee - presidents des universites parisiennes et dirigeants du mouvement sportif - reunie recemment au chateau de Ferrieres, il fut le seul a sembler le croire. Politesse convenue ou lyrisme contenu ? Le debat a temoigne de ce que l'indifference n'etait plus de mise. Pourtant sport et science ne font pas la paire. En cinquante ans d'existence, le CNRS n'a pas apporte la moindre contribution au progres en ce domaine qui est pourtant, comme le constate certain sociologue de la "generation inoxydable" (1), un phenomene global, c'est-a-dire integrant culture, economie, biologie, psychologie, esthetique... Mais le colloque etait precisement reuni pour faire une breche dans le mur d'incomprehension et de mefiance reciproques. " Il n'est pas possible de rester aujourd'hui dans la dialectique du muscle et du cerveau", a dit Mr Roger Bambuck, secretaire d'Etat a la jeunesse et aux sports, en ouvrant la seance. Comme le recteur de l'Academie de Paris, Michele Gendreau-Massaloux, son propos etait donc le suivant : sans sortir du cadre de leurs recherches, les universitaires devraient pouvoir organiser le transfert du savoir vers le milieu sportif tandis que celui-ci devrait apprendre a formuler des questions en termes techniques et theoriques et connaitre mieux le potentiel des laboratoires. Le premier echange de vues, qui devrait etre complete par une nouvelle reunion d'ici a la fin de l'annee, a montre les difficultes de la tache mais aussi les perspectives qu'elle ouvrait. President de section au Conseil d'Etat, Mr Guy Braibant a ainsi pu attirer l'attention des dirigeants des federations sportives sur l'elaboration d'un droit sportif coutumier, exorbitant du droit commun. Les instances disciplinaires federales peuvent-elles fonctionner sans tenir compte des principes generaux du droit (cas d'une suspension pour dopage sans avoir entendu la coupable) ? Les selectionneurs peuvent-ils composer leurs equipes sans tenir compte du code de la nationalite (cas du comite des clubs de basket-ball de haut niveau en litige sur ce point avec l'equipe de Saint-Etienne) ? Les directives europeennes sur la libre circulation des travailleurs peuvent-elles ne pas s'appliquer au sport (cas du football) ? En fait, les questions du monde sportif auxquelles l'Universite pourrait repondre sont nombreuses et variees. Les regatiers de la Federation de voile ont deja pu en beneficier : l'informatique est venue a leur aide pour preparer les Jeux olympiques. Mais les federations, qui sont confrontees a une erosion de leurs effectifs jeunes, pourraient obtenir des enquetes de motivation qui leur permettraient d'avoir des politiques de communication plus attractives. La gestion des clubs, le choix des investissements entrent dans la meme categorie. Tout ce qui touche a la neuropsychologie ou a la biomecanique est plus delicat sans etre moins interessant. Bref, ce fut un coup d'essai reussi. Reste a savoir si, comme disent les rugbymen, il sera transforme ? Le presentateur d'" Apostrophes ", Bernard Pivot, etudie depuis plusieurs mois le projet d'un journal d'informations generales a dominante culturelle. Au sein du groupe Express, dont depend Lire, le mensuel dont Bernard Pivot dirige la redaction, on indique que " ce journal pourrait etre un quotidien d'informations generales auquel echapperaient seulement la politique et l'economie, et dont la dominante serait plutot culturelle ". Aucune date de lancement n'a ete fixee. Bernard Pivot a deja annonce qu'il arreterait son emission " Apostrophes " en juin 1990 (le Monde du 6 septembre). La revue d'analyse economique, juridique et d'actualite des medias - Droit et communication audiovisuelle - fait peau neuve en doublant sa pagination qui passe a vingt-quatre pages, en etoffant sa redaction (des professionnels de la communication, professeurs, avocats, juristes) et en modernisant sa maquette. Ecclectique et pedagogique, la revue bimestrielle fait le point sur les dossiers d'actualite concernant la television (ce mois-ci l'avenir du secteur public), la radio (la politique du CSA), la telematique (le statut du kiosque), les telecoms, la directive TV sans frontieres, etc. Edlle developpe aussi une rubrique consacree a l'actualite etrangere (le developpement de la television espagnole) et une bibliographique. Elle est vendue uniquement sur abonnement et s'adresse a la fois aux acteurs de la communication et aux etudiants. BASKET-BALL : coupes d'Europe. - Limoges a battu en deplacement l'equipe suisse de Pully (115-95), jeudi 26 octobre en match aller des huitiemes de finale de la Coupe d'Europe des clubs champions. Dans la competition feminine, Mirande a gagne a Athenes (58-56). FOOTBALL : championnat de France. - Monaco a gagne a Toulouse (1-0), jeudi 26 octobre, en match avance de la seizieme journee du championnat de France. La revelation d'un accord en forme de compromis, recemment conclu entre l'actionnaire majoritaire du Soir de Bruxelles et Mr Robert Hersant, a incite la redaction a reagir (nos dernieres editions du vendredi 27 octobre). Les journalistes du premier quotidien francophone belge exigent des garanties d'independance et, en cas d'echec des negociations, se declarent prets a utiliser tous les moyens d'action. " Seule une convention a negocier d'urgence entre le conseil d'administration de Rossel et la societe des journalistes garantira la liberte des journalistes et le respect des lecteurs " : a l'unanimite, les journalistes du Soir de Bruxelles, premier quotidien francophone du pays, ont adopte dans l'apres-midi du jeudi 26 octobre une motion remettant en question l'accord annonce le matin meme entre le groupe majoritaire de la societe Rossel, editrice du journal, et Mr Robert Hersant. Les journalistes estiment insuffisantes " les vagues promesses concernant l'independance redactionnelle " et demandent l'ouverture immediate de negociations. Ils se reservent, apres une assemblee generale convoquee le 6 novembre, d'utiliser " tout moyen d'action " qu'ils jugeront necessaire. L'accord negocie depuis plusieurs semaines entre Mr Robert Hurbain - qui possede 58 % des parts de la societe Rossel - et Mr Robert Hersant - qui en detient 42 %, comme l'a confirme le 9 mai dernier un jugement du tribunal de commerce de Bruxelles - comprend differents points. D'abord, il modifie la repartition du capital en faveur du " groupe " Hurbain, qui voit sa part passer de 58 % a 60 %, alors que celle de Mr Robert Hersant est ramenee a 40 %. Les actionnaires majoritaires seront donc desormais mieux representes au conseil d'administration (six administrateurs contre quatre aujourd'hui). Le groupe francais conserve ses trois representants, mais Mr Robert Hersant accepte de ne plus sieger lui-meme au conseil d'administration. Les statuts de la societe Rossel seront egalement modifies. Enfin, le groupe Hersant s'engage a " s'abstenir de toute intervention qui, directement ou indirectement, pourra affecter l'independance redactionnelle et la conduite des journaux du groupe Rossel ". Que va-t-il maintenant se passer ? Les actionnaires majoritaires et leur nouveau " partenaire ", le groupe Hersant, vont-ils accepter l'ouverture d'une negociation avec la redaction ? Et dans le cas d'une reponse positive, les discussions aboutironts-elles ? En Belgique, les journalistes sont moins bien proteges que dans d'autres pays europeens en cas de changement a la tete de leur entreprise. Si aucun terrain d'entente n'est trouve, la crise pourrait donc etre longue, car les journalistes paraisent decides a obtenir des garanties plus substantielles de la part du groupe de Robert Hersant. Le conseil d'administration de la Mixte a rejete mercredi 25 octobre l'offre de Paribas pour " insuffisance ". Les actionnaires attendent de voir si Paribas va surencherir sur sa propre offre. Mr Marc Fournier, president de la Mixte, a reclame le droit de franchir la barre des 10 % dans le capital de Paribas. En se bornant, jeudi, a rejeter l'OPA de Paribas sans proposer de contre-offensive, Mr Marc Fournier aurait-il choisi de jouer le temps ? La loi sur les OPA est ainsi faite que nul n'est oblige de repondre a une OPA par une contre-OPA. L'agresse peut aussi travailler a l'echec de son agresseur. Comme l'avait fait Mr Jean-Marc Vernes, en butte a l'OPA de la Compagnie financiere de Suez, Mr Fournier a commence par clamer haut et fort que l'offre est sous-evaluee. Proposer 1 850 francs par action quand le titre se traite entre 1 900 et 2 000 francs sur le marche gris londonien, c'est, en effet, un peu faible. Meme si l'action Mixte ne valait que 1 200 francs il y a quelques semaines. Autrement dit, ce ne sont plus les usines ou les orangeraies qui font la valeur des actifs de la Mixte, mais uniquement l'interet que Paribas y porte. Tout le monde sait qu'une victoire sans bavure aurait pour la banque de la rue d'Antin une valeur symbolique immense. Comme l'expliquait ironiquement Mr Fournier, jeudi, lors de sa conference de presse : " Paribas a agresse la Mixte parce qu'il en avait marre de voir passer les trains. " Une facon un peu meprisante de souligner que les conquetes prestigieuses de Suez, l'ennemi traditionnel Generale de Belgique, en 1988, l'ensemble Victoire-Colonia, cette annee, avaient fait monter la moutarde au nez de Mr Michel Francois-Poncet, PDG de Paribas. Du coup, les actionnaires de la Mixte sont loin de se ruer sur l'OPA. Attendons de voir si Paribas va surencherir, tel est le sens du soutien qu'ils ont apporte mercredi a leur president. Meme l'assureur allemand Allianz, que Paribas pretendait neutralise, s'est " comporte en ami ". Sans parler de Mr Louis Dreyfus, de la Societe generale, qui a fait son entree au conseil d'administration, de Victoire,... et de tous les autres. Certes, cette patience ne sera pas eternelle. Il suffirait que Paribas passe de maniere significative la barre des 2 000 francs pour que tous se precipitent sur l'OPA. Mais, en attendant, chacun... attend. " J'ai eu l'impression qu'ils tiendraient bon, meme si Paribas montait a 2 000 F ", affirme, lui-meme surpris, un membre du conseil d'administration de la Mixte. Paribas, une cible ? Or l'attente n'arrange pas les affaires de Paribas. D'abord, parce qu'elle n'a pas envie de payer trop cher les actifs de la Mixte, ce qui enleverait toute portee a sa victoire. Ensuite, parce que, faute d'une bataille rapide, elle devient elle-meme une cible. Mr Fournier a, en effet, decide de rentrer plus avant dans le capital de Paribas. " Pour quoi faire ? Pour faire comme eux ", a-t-il explique. Une demande de franchissement de seuil dans le capital de Paribas a donc ete deposee rue de Bercy. La loi de juillet 1989 oblige, en effet, toute personne qui souhaite s'emparer de 10 % au moins des droits de vote d'une societe privatisee en 1986 - tel est le cas de Paribas - a solliciter l'agrement du ministre de l'economie et des finances. Et Mr Fournier, qui se fie a la ligne de conduite du gouvernement depuis l'affaire Societe generale - " pas d'immixtion dans les querelles entre societes privees ", - compte bien obtenir un feu vert avant le 4 novembre. Ce qui deplait a Paribas. Mr Francois Poncet ne veut pas avoir pour premier actionnaire Mr Fournier. Il n'a donc pas envie que le gouvernement donne son autorisation. Et, pour aller dans ce sens, un peu de pression ne peut pas faire de mal. Ainsi, jeudi, une serie de rumeurs ont couru dans Paris. Elles disaient que, anticipant l'autorisation du gouvernement, Mr Fournier aurait deja capitalise 13 % des titres de Paribas. Comment ? En passant par Londres, ou se negocient quotidiennement une part appreciable du marche des titres parisiens. Vrai ? Faux ? Difficile de savoir. Et ce n'est pas Mr Fournier qui va le confirmer. Mais, vrai ou faux, le bruit arrange Paribas. La rumeur peut inciter le ministre de l'economie et des finances a refuser a son adversaire le franchissement de seuil. Auquel cas, le succes de l'OPA serait assure. Car, en cas d'echec, les titres Mixte degringoleront immanquablement en dessous de 1 850 francs, prix offert par Paribas. Le temps joue donc contre Paribas. D'autant plus que la banque de la rue d'Antin semble avoir sous-estime la position d'equilibre des actionnaires de la Mixte. Le Credit Lyonnais, Framatome et les autres actionnaires ne sont pas simplement des financiers qui viennent sieger une ou deux fois par an a un conseil d'administration. Ce sont aussi des relations d'affaires de la Mixte. " Ils ne peuvent donc apporter leurs titres que s'ils sont surs de la victoire de Paribas. Dans le cas contraire, ils seront consideres comme des traitres, et leur position sera intenable ", affirme un observateur des milieux financiers. Les cours du petrole brut ont vivement chute, jeudi 26 octobre, apres l'annonce d'un incident naval dans le nord du golfe Persique, entre l'Iran et l'Irak. L'incident, qualifie de " mineur " par les autorites irakiennes, a oppose deux vedettes iraniennes a un remorqueur irakien au large du terminal de Mina-Al-Bakr, a 30 kilometres du port irakien de Fao. Signale par le syndicat des assureurs maritimes Lloyd's, il a aggrave la chute des cours du brut, orientes depuis plusieurs jours a la baisse en raison de la surproduction de l'OPEP. Une manifestation regionale des agents des finances a rassemble, selon les estimations, de 3 000 a 8 000 personnes, jeudi 26 octobre, a Paris jusqu'aux abords de l'Elysee. Les syndicats, qui n'ont ete recus ni par des collaborateurs du president de la Republique ni par ceux du premier ministre, souhaitent pouvoir discuter du mode de calcul des retenues salariales pour fait de greve. Selon la CFE-CGC, on pourrait ainsi trouver une " issue honorable " au conflit. Par ailleurs, de 3 000 a 4 000 fonctionnaires ont defile a Montpellier ou Mr Michel Rocard etait venu celebrer le sept centieme anniversaire de l'universite. Des manifestations ont egalement eu lieu a Tours, a Nantes ou a Toulon. De 500 a 600 agents des finances se sont rendus a proximite de la residence de Mr Francois Mitterrand a Latche (Landes) afin d'obtenir " l'arbitrage " du president de la Republique. Enfin, les forces de l'ordre sont intervenues, jeudi, au centre des impots de Versailles, dont l'entree principale etait bloquee par les grevistes. Pour sa part, le ministere des finances continue d'observer une tendance a la reprise du travail et exclut toute nouvelle discussion. - Le chiffre d'affaires global de l'assurance francaise a atteint 411,1 milliards de francs en 1988, dont 340,7 milliards sur le marche francais. Soit une hausse de 17,5% par rapport a 1987, ce qui constitue, selon les dirigeants de la Federation francaise des societes d'assurances (FFSA), une progression "tout a fait considerable". Cette croissance a ete tiree par le secteur vie et capitalisation (160 milliards de francs de chiffre d'affaires en hausse de 35,3%), alors que la progression de l'assurance-dommages (181 milliards) en est plus moderee, (5,2%). Les benefices s'elevent a 6 milliards de francs pour l'assurance-vie et a 10,4 milliards pour le secteur dommages. Les placements ont connu une croissance forte de 22,3% (soit 160 milliards) portant l'encours total a 876,2 milliards. Cette augmentation s'explique par la part croissante de l'assurance-vie dans le chiffre d'affaires de la branche. Le gouvernement a donne le coup d'envoi aux discussions sur ce que Mr Michel Durafour a appele " une renovation profonde " de la grille indiciaire unique des trois fonctions publiques. Mr Bernard Pecheur, directeur general de l'administration et de la fonction publique, a preside le mercredi 25 octobre la premiere reunion exploratoire du groupe de travail paritaire sur la categorie B. Six reunions ont ete programmees jusqu'aux environs de la mi-decembre avant que s'engage une negociation en bonne et due forme sur l'incidence des propositions pour les B sur la situation des autres categories. Actuellement, parmi les titulaires civils de la fonction publique d'Etat, on compte 545 000 A, 620 000 B, 668 000 C et 120 000 D. Avant d'ouvrir la boite de Pandore de la renovation de la grille unique de 1948, le ministere de la fonction publique va faire examiner par le groupe de travailsur les categories B toute une palette de solutions. Mais il a du auparavant, calmer les syndicats en assurant que, contrairement aux apparences, il n'y avait pas eu de " zig-zag " selon la formule de Mr Yannick Simbron dans la demarche gouvernementale. Syndicats et gouvernement ont donc pu se lancer dans un veritble travail de Titan. Actuellement, les fonctionnaires sont hierarchiquement classes sur une grille indiciaire unique. Chaque fonctionnaire, qui appartient a une categorie, a un corps (au nombre de 1690) et a un grade se voit affecte a un echelon auquel correspond son indice. Entre le smicard de la fonction publique qui est a 5 157 F brut par mois (indice majore 220) et le haut de la hierarchie, le hors-echelle G qui est a 35 044 F, l'ecart est de 1 a 6,8... Il etait de 1 a 17 en 1957 ! Chaque corps comprend plusieurs grades et chaque grade plusieurs echelons, l'avancement d'un grade a l'autre etant fonde sur la prise en consideration des aptitudes et des merites, le changement d'echelon etant lie a l'anciennete. Au centre des discussions, on retrouve donc le probleme des deroulements de carriere. A l'interieur d'un corps, l'administration applique ce qu'on appelle le " pyramidage ", qui garantit le passage de 30 % des agents dans le grade superieur. Les syndicats revendiquent le " cylindrage ", qui permettrait la promotion automatique de tous les agents, plus ou moins rapidement, dans le grade superieur. Pourtant, indique-t-on au ministere de la fonction publique, " il est rare que quelqu'un fasse toute sa carriere dans le meme grade ". En decembre, le groupe B transmettra non pas des propositions en bonne et due forme mais quelques pistes possibles (et chiffrees). Les objectifs sont pourtant connus : il s'agit toujours de favoriser les deroulements de carriere, de reconnaitre les differents metiers et les diverses qualifications au sein de categories apparemment homogenes, de confier des responsabilites d'encadrement a des fonctionnaires qui pourraient en avoir et qui n'en n'ont pas. Face a ce schema, les syndicats reagissent en ordre disperse : CFDT, CFTC, FEN, CGC, autonomes se montrent satisfaits. La FEN a estime qu'une enveloppe de 5 milliards de francs pourrait etre une " premiere etape " permettant de " faire des choses "en 1990. FO qui considere que le gouvernement " cherche a gagner du temps "organise une manifestation nationale le 7 novembre, la CGT lui ayant emboite le pas. Elle demande une " somme minimale de 50 milliards de francs sur un plan de trois ans "... comme rattrapage. L'activite americaine a montre des signes d'essoufflement au troisieme trimestre, la croissance du PNB s'etablissant a 2,5 % en rythme annuel sur la periode s'etalant du 1er juillet au 30 septembre 1989, selon le chiffre provisoire publie jeudi 26 octobre par le departement du commerce. Ce sont les depenses de consommation (+ 5,8 %) qui, une fois de plus, ont tire la croissance, les ventes d'automobiles ayant fortement augmente en septembre sous l'effet des multiples reductions de prix annoncees par les constructeurs. L'inflation s'est, quant a elle, moderee : l'indice de prix lie au produit national brut a augmente de 2,9 % au troisieme trimestre en rythme annuel, contre 4,9 % pour le trimestre precedent. Les prix a la consommation en RFA ont augmente de + 0,3 % en octobre par rapport a septembre en donnees brutes, a indique jeudi 26 octobre l'Office federal de statistiques ouest-allemand. Cette estimation provisoire, etablie a partir de releves de prix effectues dans quatre Lander (Etats regionaux) de la RFA, confirme la legere reprise de l'inflation outre-Rhin. Sur douze mois, la hausse des prix atteint + 3,3 % en octobre contre + 3,1 % en septembre et + 2,9 % en aout, soit la progression la plus forte en glissement annuel observee depuis aout 1983. En septembre, l'inflation s'etait legerement acceleree dans l'ensemble de la CEE, s'etablissant a + 0,6 % contre + 0,2 % le mois precedent, selon le chiffre publie jeudi 26 octobre par le Bureau des statistiques europeens. Les performances de l'automobile francaise se ressentent en septembre de la longue greve de Peugeot : au total, la production a recule de 4,2 % et les exportations de 1,9 %, selon les statistiques officielles de la chambre syndicale des constructeurs automobiles. Les immatriculations en France, en revanche, ont progresse de 7,9 %. La production d'automobiles Peugeot a regresse de 28,1 % par rapport a septembre 1988 : 82 657 voitures particulieres sont sorties de ses chaines, soit une perte de plus de 30 000 unites. Citroen, de son cote, a augmente sa production de 15,1 % et Renault de 8 %. - Deux jours apres l'annonce de 754 suppressions d'emplois a la Lainiere de Roubaix, division filature du groupe VEV-Prouvost, c'est au tour d'Intexal, la division habillement de Prouvost, de reduire ses effectifs. Intexal a en effet decide de fermer deux unites de production a Troyes, dans l'Aube (110 personnes) et a Saint-Amand-les-Eaux, dans le Nord (154 salaries) a-t-on appris jeudi 26 octobre de source syndicale. Les licenciements prevus dans ces deux unites devraient etre confirmes lors d'un comite central d'entreprise le 6 novembre. Intexal, qui emploie au total 2200 personnes, pour l'essentiel dans le Nord, a deja vendu deux autres usines, l'une (76 salaries) a Bollore Technologies et l'autre (88 personnes) a Pointfil. - Une serie de coquilles a quelque peu altere notre article publie en page 48 du Monde (premiere edition) date du vendredi 27 octobre et intitule : " Thomson et le Credit lyonnais s'allient dans la finance ". Dans le troisieme paragraphe, nous parlions notamment des ratios " Cooke " (et non des " rations "). Ensuite, c'etaient " les socialistes (et non les " specialistes ") qui ont toujours soupconne Mr Gomez de faire deriver de l'argent vers la finance, au detriment de l'industrie ". Enfin, la derniere phrase etait la suivante : " L'avenir dira comment se vivra cette nouvelle alliance banque-industrie a l'allemande " (et non a " Pallenade "). La manifestation de " soutien aux travailleurs en lutte " a laquelle la CGT avait appele jeudi 26 octobre dans les rues de Paris a rassemble 50 000 personnes selon les organisateurs (10 000 selon la police). Des salaries de Peugeot, parfois accompagnes de leur famille, ont ete places en tete du cortege, au sein duquel se trouvaient egalement des delegations des chantiers navals de La Ciotat et de La Seyne, ainsi que du ministere des finances. Cette manifestation, qui s'est deroulee dans le calme et a pris fin avec un " sit-in " place de la Bastille, etait organisee dans le cadre d'une journee nationale interprofessionnelle d'action de la CGT. - Le conseil national de la federation Force ouvriere des cheminots s'est reuni le jeudi 26 octobre et a decide d'appeler " a la mobilisation de tous les cheminots pour s'opposer " a la mise en oeuvre du plan d'entreprise 1990-1994. Il demande aux agents de la SNCF de participer " massivement a une greve le 7 novembre " et a une manifestation, le meme jour a Paris, " avec les camarades FO de la fonction publique ". Deja, les federations CGT, CFDT et CFTC de cheminots ont depose un preavis de greve du 6 novembre a 20 h au 8 novembre. Par ailleurs, FO et la CGT organisent une greve et une manifestation de la fonction publique pour le 7 novembre. Lance en mars par le second groupe francais de presse professionnelle, Liaisons, l'hebdomadaire Entreprise et carrieres est vendu en kiosque (6 francs), dans une formule renovee, depuis le 13 octobre. Le journal comprend trente-deux pages d'articles et d'enquetes, destines a aider les cadres d'entreprise a mener leur carriere, et d'offres d'emploi. Auparavant distribue aux trente-deux mille abonnes du quotidien du groupe, Liaisons sociales, et a des lecteurs choisis sur fichier (grace au systeme dit de "diffusion qualifiee") et disposant de trois mille abonnes en propre, l'hebdomadaire compte vendre trente mille exemplaires en kiosque, ce qui porterait sa diffusion totale a quatre-vingt-cinq mille exemplaires, pour un tirage de cent quinze mille. Le lancement en kiosque est soutenu par une campagne publicitaire (affichage et radio) de 4 millions de francs. Deux jeunes supporters de l'equipe de Feyenoord Rotterdam qui avaient fabrique et lance deux bombes artisanales a fragmentation, dimanche 22 octobre, dans les tribunes de l'Ajax Amsterdam, ont ete identifies. Le principal suspect, age de dix-huit ans, aurait fabrique et jete les deux bombes. Le second, age de dix-neuf ans, aurait seulement participe a leur fabrication. Le premier, qui avait ete fouille, avait dissimule les deux bombes, grosses comme des balles de tennis, dans son slip. Les deux bombes, remplies de morceaux de verre et non de limaille et de balles de fusils, n'etaient pas reperables par les detecteurs de metal utilises. Le greve a pris fin aux usines Peugeot de Mulhouse et de Sochaux. Ces sept semaines de conflit ont pose le probleme des politiques salariales de sortie de crise alors que l'economie renoue avec la croissance et que l'inflation se reduit. Si Peugeot n'a pas su trouver des reponses evitant a temps la greve, Volkswagen en Allemagne federale a su contourner les recifs et n'a pas connu de conflit salarial depuis de nombreuses annees. Au Japon, au-dela de Toyota et de l'automobile, c'est une profonde revision d'une politique salariale, fondee jusqu'alors sur l'anciennete, qui est en cours, avec une plus grande reconnaissance des " merites individuels " des salaries. " Chez nous, il n'y a pas de conflit. Tout se regle a l'amiable... " Au siege de Volkswagen, a Wolfsburg, on a du mal a imaginer un conflit comme celui qui affecte Peugeot depuis plusieurs semaines. Le fait est que depuis la grande vague de greves de l'ete 1984 dans la metallurgie, qui avait paralyse l'industrie automobile ouest-allemande pendant sept semaines, pas un seul debrayage ne s'est produit dans les usines Volkswagen. Meme la breve passe d'armes qui avait permis, en avril 1987, a l'IG-Metall, le puissant syndicat des " metallos ", d'obtenir en deux etapes la reduction a 37 heures de la semaine de travail, a epargne le groupe de Wolfsburg. L'existence d'un tarif horaire maison, negocie directement avec les comites d'entreprise, dont seulement la moitie appartient a l'IG-Metall, explique sans doute ce calme relatif. La localisation des principales unites de production de Volkswagen dans une region - la Basse-Saxe - beaucoup plus agricole et donc moins creatrice d'emplois que, par exemple, la region de Stuttgart, ou se trouve Daimler-Benz, joue egalement. L'actuelle convention de trois ans dans la metallurgie, qui s'acheve en avril prochain, donne deja lieu a de grandes manoeuvres. La Federation nationale de la metallurgie allemande (quatre millions de salaries) a propose a l'IG-Metall (deux millions sept cent mille adherents) d'entamer les negociations sociales a la fin octobre plutot qu'a la mi-mars. En prenant l'initiative sur le front des salaires, Gesamtmetall, qui avait refuse de discuter de toute rallonge salariale avant les vacances, tente ainsi de rendre vain l'effort de mobilisation de l'IG-Metall, dont le congres se tient du 22 octobre au 28 octobre a Berlin, notamment en ce qui concerne la semaine de trente-cinq heures. Pour les patrons de la metallurgie, qui doivent faire face des a present a une penurie de main-d'oeuvre en raison de la tres bonne conjoncture mondiale, une nouvelle reduction de la duree du travail hebdomadaire n'est pas envisageable. C'est particulierement vrai dans l'industrie automobile, ou la concurrence, surtout japonaise, force les entreprises ouest-allemandes - et europeennes en general - a reduire au maximum leurs couts de production, si elles veulent rester competitives. Mais en RFA, l'effort d'investissement en vue d'un accroissement de la productivite et la remuneration des facteurs du travail se posent avec encore plus d'acuite. De tous les pays industrialises, l'Allemagne est, en effet, celui ou l'on trouve les salaires horaires les plus eleves (38,49 DM en moyenne contre 37,59 DM pour les Etats-Unis et 33,41 DM pour le Japon) pour le plus petit nombre de jours travailles par an. En comparaison, la France vient loin derriere, avec un salaire horaire moyen en 1988 de 24,85 DM pour un nombre de jours travailles par an legerement superieur a la RFA. L'autre point litigieux concerne le travail du week-end. Le repos dominical, qui est garanti par la loi fondamentale en RFA, n'est pas vraiment remis en cause pour l'instant. En revanche, le travail du samedi, reglemente dans le cadres des conventions collectives-cadre, est deja autorise dans la majorite des cas, meme si les variations sont grandes d'une branche a l'autre, et d'une region a l'autre. L'industrie automobile a su profiter du manque de precision de la legislation allemande en la matiere pour faire tourner les machines en continu sur six jours, ce qui a meme permis, dans certains cas, de creer des emplois. Chez Volkswagen, toutefois, la formule choisie a ete celle de la flexibilite avec une augmentation du nombre des equipes au travail. Les heures supplementaires effectuees a cette occasion etant recuperees en temps libre. Resultat : malgre un triplement du travail poste au premier semestre de 1989 afin de faire face a la demande croissante, le nombre total de personnes employees par Volkswagen a diminue de 2,2 % en rythme annuel pour tomber a 254 316 employes au cours des six premiers mois de l'annee. Le president de Volskwagen, Mr Carl Hahn, a precise, lors d'une recente conference de presse, que cette diminution s'expliquait par une plus grande productivite. Le fait est qu'au moment ou le niveau de l'emploi baissait, c'est-a-dire depuis 1987, les investissements productifs du groupe, eux, ne cessaient d'augmenter. Et la recente decision du geant automobile, dont les profits ont fait un bond de 30,4 % l'annee derniere pour atteindre 780 millions de DM, d'emprunter un milliard de dollars sur l'euromarche pour accroitre ses liquidites, vise a renforcer encore le niveau de ses investissements. L'argument des syndicats selon lequel la reduction du temps de travail permet de creer des emplois doit donc etre pour le moins nuance. Gesamtmetall s'y emploie activement en demontrant que le niveau d'activite depend de la croissance et non de l'introduction de la semaine de 37 heures. Dans le secteur automobile, ou cette mesure n'a ete suivie par aucun des partenaires de la RFA, il y a pourtant eu creation d'emplois, a l'exception de Volkswagen et d'Opel. C'est notamment le cas pour Daimler-Benz, numero un avec 8,4 milliards de chiffre d'affaires en 1988, pour BMW et pour Ford. Mais si l'on considere les profits enormes realises par ces groupes depuis trois ans, l'automne a des chances d'etre chaud, dans la mesure ou les syndicats sont bien decides, cette fois-ci, a recuperer une partie du gateau. Le monde des courses est, une fois encore, en effervescence (le Monde du 26 aout) : les societes de galop, trop dispersees (plat et obstacles) accusent un deficit structurel accru (pres de 250 millions), malgre l'augmentation des recettes generales (+ 3,80 %). Celles de trot, plus prosperes car de moindre cout de fonctionnement, veulent obtenir davantage de pouvoir dans l'institution, surtout au PMU. Elles menacent de faire secession si elles n'obtiennent pas satisfaction. L'echeance du grand marche europeen fait peur aux proprietaires et eleveurs francais. Pour resoudre ces difficultes, internes et externes, les dirigeants se tournent de plus en plus vers la tutelle de l'agriculture, dont le role est devenu preponderant depuis le decret de reforme Rocard 1983. Dans l'entretien qu'il nous a accorde, au sujet de la frenesie ludique qui parait frapper les Francais (Loto, Loterie, PMU), avec l'assentiment des pouvoirs publics. Mr Henri Nallet, ministre de l'agriculture, remarque d'emblee : " Le jeu fait partie de la vie. La prohibition genere le jeu clandestin. En ce qui concerne les courses de chevaux, sports de paris, il faut, tout a la fois, en assurer la regularite, la transparence et le developpement d'un esprit de concurrence loyale et sans distorsions. " L'arrivee des bookmakers britanniques se profile en effet a l'horizon 1992. La firme anglaise Ladbrok a deja d'ailleurs intente un proces au PMU devant les autorites communautaires. C'est pourquoi Mr Nallet, qui veut aborder le dossier sous tous ses aspects, ne souhaite pas que s'ajoutent a ces difficultes des rivalites internes. " Je ne laisserai jamais se developper une concurrence sauvage entre le trot et le galop ", precisant encore, au sujet de la multiplication des tierces et autres quartes ; " Une expansion raisonnee, oui ; une fuite en avant, non. " " Les courses de chevaux font partie de notre patrimoine economique et culturel, explique le ministre. Elles sont un sport et un spectacle. La France des courses, c'est deux cent soixante-cinq hippodromes et, croyez-moi, la reunion d'Issigeac est un evenement en Dordogne. Bien sur, le boom du tierce a bouleverse le paysage et induit un developpement economique tres rapide, qu'il faut aujourd'hui assumer. Ce secteur est important pour notre economie en raison des ressources qu'il degage et des emplois qu'il procure. L'elevage du cheval en France est en pleine croissance, quantitativement et qualitativement. Et le ministre de l'agriculture n'a pas le droit de prendre a la legere une activite offrant des debouches tres diversifies : courses, equitation sportive, loisirs. Rien ne doit etre neglige pour diversifier les sources du revenu des agriculteurs et pour animer et entretenir notre espace rural. Il ne faut pas davantage reduire ce monde aux tribulations de la restructuration des societes parisiennes, pour laquelle trop de temps a deja ete perdu. En 1990, nous devons entamer des debats plus porteurs d'avenir. " " Les activites du cheval s'inscrivent dans le terroir de la France. Les flux financiers qu'elles generent doivent aussi permettre de developper la production du cheval de loisir et de selle, qui peut interesser beaucoup de jeunes eleveurs. " Dans cette optique de vulgarisation, le ministre de l'agriculture est tres favorable a l'organisation d'une journee du cheval, comparable a celle de la musique et du cinema. " Elle rassemblerait toutes les familles professionnelles, desireuses de mieux faire connaitre a nos concitoyens nos richesses en ce domaine. Un projet pourrait fleurir des 1990. Nous sommes prets a jouer les catalyseurs. " Voila un theme de reflexion et d'action tout trouve pour le conseil superieur du cheval, dont la tutelle envisage la creation. Il prendrait la releve du comite consultatif. Le probleme des structures est d'ailleurs dans l'actualite. De nombreuses questions se posent. Dans toutes les instances hippiques, concours et courses, le benevolat n'est-il pas une notion perimee, notamment pour les commissaires des courses ? Les societes fonctionnant en association loi 1901 sont-elles aptes a gerer des milliards et le PMU lui-meme doit-il continuer a fonctionner en GIE ? Dans ces domaines le ministre ne veut rien revolutionner : " Je ne vois pas comment les courses, en particulier celles de province, pourraient se passer du benevolat. Cela dit, je m'interroge effectivement sur l'opportunite d'avoir recours, dans certains cas, a des commissaires salaries. J'ai demande au president de la Federation nationale de me donner son avis sur cette question. " Quant au statut d'association, sur le plan des principes, il me parait la meilleure structure. Il ne signifie pas administrateurs " incompetents et irresponsables ". Les societes de courses, qui doivent etre des structures fortes, peuvent se doter de gestionnaires salaries de haut niveau. Pour le PMU, la structure de GIE, prevue par le decret de 1983, ne remonte qu'au 21 decembre 1984 et il ne parait pas opportun de la modifier. A la lueur de l'experience, toutefois, le mode de fonctionnement de ce GIE pourrait etre ameliore, afin que, d'une part, les societes meres puissent s'impliquer totalement dans la definition de la politique du PMU et les grandes options et, d'autre part, que la tutelle soit associee plus en amont dans l'etude des dossiers. En revanche, pour ce qui est de la succession de Mr Blot (qui quitte la presidence du PMU a la fin de l'annee), il faut rappeler que le president n'est pas nomme par le gouvernement : il est d'abord designe par l'assemblee generale du PMU, puis doit etre agree par les deux ministeres de tutelle. " Ainsi, Mr Nallet se refuse a se montrer interventionniste et reformateur pour le plaisir, en conformite avec la notion de tutelle, qu'il concoit ainsi : " Elle a des pouvoirs reels ; elle peut, a tout moment, agreer ou retirer son agrement a une societe ; elle peut accorder ou pas des jours d'ouverture d'hippodrome et donner ou non l'autorisation d'organiser des tierces et des quartes, etc. Mais je ne crois pas que l'on puisse faire fonctionner une institution comme celle-ci en demandant aux pouvoirs publics d'employer la dissuasion absolue. J'ai le sentiment qu'apres une periode ou la tutelle etait consideree comme une " potiche ", on lui demande aujourd'hui d'intervenir pour remettre de l'ordre dans la maison. Je suis pret a faire ma part de travail, a decider la ou je dois decider, mais sur la base de dossiers instruits par les societes, ou chacun aura fait sa part d'effort. On ne peut pas a la fois se definir comme un grand secteur economique et reclamer a tout bout de champ l'intervention de l'Etat. " Il est toutefois un domaine ou le ministere de l'agriculture ne veut pas rester inerte : le volet social, au sujet duquel il annonce : " J'ai toujours ete particulierement sensible a la situation des lads. C'est pourquoi, des 1988, j'ai demande a mon administration d'etudier la creation d'une caisse de prevoyance adaptee pour eux et financee, en partie, par le fonds des gains non reclames. Aujourd'hui, le projet est pret. Il ne reste plus que la signature de mon collegue du budget pour qu'il soit operationnel. " Une initiative qui est loin d'etre de circonstance. Il faut savoir que ce qu'on appelle les " impayes " representent 120 a 130 millions de rentrees par an. Jusqu'a maintenant, ils etaient pratiquement "un tresor de guerre" des seuls salaries des societes de courses et des oeuvres sociales. Une hypotheque pese cependant sur tous ces projets. La Communaute ne risque-t-elle pas de faire tomber toutes les barrieres protectionnistes qui defendent l'elevage francais ? Mr Nallet ne le pense pas. "Pour le trot, les epreuves de selection a l'interieur d'une race ne sont pas incompatibles avec les dispositions de l'Acte unique. La qualite de notre elevage doit nous permettre d'affronter la concurrence dans de bonnes conditions et, par la meme, favoriser l'exportation de nos chevaux. Pour le galop, le probleme est reel. La qualite du programme francais de selections attire les meilleurs sujets des autres pays. La suppression rapide et radicale des primes aux eleveurs francais, des epreuves reservees aux chevaux francais et des primes aux proprietaires dans les epreuves ouvertes, ne serait pas economiquement supportable. "Dans les deux disciplines, il faut faire un effort important dans le sens de l'ouverture si l'on veut esperer une certaine tolerance pour le maintien de derogations. Sur le dossier europeen, le ministere de l'agriculture possede un savoir-faire dont les societes meres devraient profiter." " Une minute pour le Japon, 19,10 F (1). Il n'y a pas de quoi se faire hara-kiri "... Sauf si l'usager ne connait pas le numero de telephone de son interlocuteur ! Car pour l'obtenir aupres des renseignements internationaux, il lui faudra, a l'image du samourai qui a longtemps vante les petits prix de France Telecom, s'armer... de patience. Peut-etre pas si son correspondant habite le Japon, les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne. Mais surement, s'il a la malencontreuse idee de vivre au Benelux, en Pologne ou a l'ile Maurice... D'abord, l'usager devra arriver a obtenir les renseignements internationaux, ce qui suppose souvent qu'il s'y reprenne a plusieurs fois : branche - comme tant d'autres - sur un disque, il risque d'etre coupe au bout de trois minutes et d'etre contraint a renouveler son appel avant d'avoir l'heur de tomber sur une operatrice. Celle-ci lui demandera ensuite un certain temps (allant parfois jusqu'a deux heures) avant de donner le renseignement demande, a condition qu'elle ait elle-meme reussi a l'obtenir ! Caricature qui ne decrit qu'une situation extreme ? Pas sur. Aujourd'hui, toutes les standardistes de France vous le diront : obtenir un renseignement international, c'est l'enfer. Coupures a repetition, attentes, impossibilite de voir sa demande aboutir... La qualite du service s'est tellement degradee ces derniers mois que les reclamations se multiplient : plus de 20 % entre janvier et juin, plus 30 % de juin a juin. L'atmosphere en arrive a etre si tendue entre les operatrices du central de la rue des Archives - le plus gros de France - et les usagers, que la direction a diffuse, en septembre, une note interne pour signaler que les clients se plaignaient du " manque total de courtoisie, sinon de l'impolitesse sans nuance " de leurs interlocuteurs. Note fort mal accueillie par le personnel concerne qui se plaint, par syndicats interposes, d'un manque chronique d'effectifs entraine par les suppressions d'emplois de ces derniers mois, alors que le trafic augmente de 15 % l'an, et des mauvaises conditions de travail. Comment expliquer en effet qu'il existe encore en France - un des pays les plus modernes du monde en matiere de telephone - une salle equipee de vieux centraux en bois sur lesquels clignotent de petites lumieres rouges lorsque l'usager appelle et face auxquels les operatrices sont assises, ecouteurs aux oreilles et micro colle a la bouche ? Images d'un autre temps qui font penser aux celebres demoiselles du telephone de l'avant-guerre ! Comment, aussi, faire comprendre aux usagers que les operatrices travaillent parfois avec des bouts de ficelles : annuaires aux pages arrachees ou dechirees, aux caracteres invisibles a force d'avoir servi, documents datant de plusieurs annees ? Comment leur faire admettre que lorsqu'elle appelle son homologue polonaise ou sovietique, l'operatrice francaise n'a souvent pas de reponse et que certains pays (surtout ceux qui sont en delicatesse avec la democratie) ne communiquent pas leurs annuaires, contrairement aux conventions internationales. Ou encore, que... ce n'est pas de la faute des PTT si le minitel fonctionne seulement sur l'Hexagone. Arguments d'autant plus difficiles a faire entendre que les difficultes croissantes rencontrees par les usagers pour obtenir les informations dont ils ont de plus en plus besoin sont en complete contradiction avec la politique generale de France Telecom qui ne cesse de les encourager - par publicite interposee - a telephoner a l'etranger. Cote administration des PTT, on reconnait franchement que le service rendu n'est pas satisfaisant. Cela ne devrait pas durer au-dela de mai 1990, date de l'achevement de la modernisation du central de Paris-Archives (sept cent cinquante salaries), entamee au debut de l'ete. On ne nie pas non plus que le service des renseignements internationaux n'a pas ete le premier a etre renove : France Telecom a prefere s'occuper d'abord des communications internationales par operateur (PCV, manuel, France Direct (2). Deja, explique-t-on, les deux tiers des operateurs des renseignements internationaux de la rue des Archives sont modernises. Neanmoins, des equipements neufs ne resoudront pas tout : par exemple, le probleme de la base de donnees, sujet sur lequel les PTT sont tributaires des autres pays. Les pays qui entourent la France disposent evidemment des bases necessaires sur informatique mais certains (comme ceux du Benelux) ne veulent pas les ouvrir, de peur de retarder ou de mettre en cause l'interconnexion generalisee des donnees des differents pays, qui devrait intervenir dans plusieurs annees. Faute de "gendarme" international, rien ne peut obliger non plus les pays qui le refusent a diffuser leurs annuaires a l'etranger, comme ils devraient le faire. Mais des questions d'organisation du travail se posent aussi : la direction a du mal a faire admettre a ses salaries, aux deux tiers des femmes, que les imperatifs du decalage horaire avec les Etats-Unis (30 % du trafic) imposent leur presence aux heures auxquelles elles commencent generalement leur deuxieme journee... dans leur foyer. Ou que le tourisme aidant, le trafic gonfle pendant les conges : "Une des difficultes des services internationaux par operateur est d'etre ou il faut quand il faut"... et de parler plusieurs langues, ce qui n'est le cas que pour la moitie des employes de Paris-Archives (ou la population est plus agee - entre quarante-trois et quarante-cinq ans - que dans les autres centraux)... Ce n'est certes pas le montant de la prime de langue (270 F) qui encouragera ces agents - majoritairement de la categorie B ou C (3) - a faire un effort. Tout en justifiant les reductions d'effectifs de ces dernieres annees (Paris-Archives a employe jusqu'a 3 500 personnes, avant la generalisation de l'automatique), la direction pense pouvoir passer le cap de ces mois difficiles avec le personnel disponible. Autant dire que les usagers devront prendre leur mal en patience encore quelque temps. La Federation des usagers des transports et le comite des usagers de la ligne Paris-Dreux-Granville ont manifeste le 25 octobre au soir sur les quais de la gare Montparnasse pour protester contre le fonctionnement chaotique des lignes desservant cette gare. On n'en finirait pas de devider la liste des avanies que la SNCF fait subir depuis plusieurs semaines a ses clients des lignes aboutissant a Paris-Montparnasse. Les trains partent avec des dizaines de minutes de retard ou s'arretent en rase campagne pour un oui ou pour un non. Parfois, ils sont carrement supprimes, comme le 15 octobre, ou des banlieusards ont eu la surprise de constater que le train de 18 h 45 pour Trappes n'existait plus et qu'aucune rame ne circulerait avant 5 h 54 le lendemain matin. Les doleances s'entassent sur les bureaux des patrons de la SNCF qui plaident coupables, mais en invoquant les circonstances attenuantes. Depuis le mois de juin 1987, la gare Montparnasse est devenue un enorme chantier pour cause de renovation. Mais la construction de la dalle qui recouvrira les voies perturbe considerablement l'exploitation, car elle oblige a construire les piliers porteurs en supprimant provisoirement des voies. En ce moment, sur les vingt-quatre voies de Montparnasse, neuf sont ainsi neutralisees. Autrement dit, la gare n'a plus aucune souplesse. Les trains doivent repartir dans les six ou sept minutes qui suivent leur arrivee. Que survienne un incident technique ou le malaise d'un voyageur, et c'est la boule de neige des perturbations. De plus, la SNCF a mis en service, le 17 septembre, un poste d'aiguillage dernier cri, qui, grace a l'informatique, regule le trafic de sept cent cinquante itineraires jusqu'a 6 kilometres de la gare. Malheureusement, les systemes informatiques comportaient des imperfections, les aiguilleurs n'etaient pas familiarises avec leur nouvel instrument et les conducteurs se sont mis en greve. Le 22 septembre, Montparnasse a ete completement bloquee, les voyageurs, lasses d'attendre dans les trains a l'entree de la gare, etaient descendus sur les voies. La SNCF a allege son service et ameliore le fonctionnement du poste d'aiguillage debut octobre. C'est le moment que les aiguilleurs du poste incrimine ont choisi pour se mettre en greve en dehors de toute consigne syndicale. Du 13 au 15 octobre, le trafic ferroviaire s'est trouve proche du chaos. Mr Jean-Louis Picquand, directeur de la region SNCF de Paris rive gauche est vraiment ulcere des accusations de passivite qui ont ete adressees a ses cadres par les usagers en colere. " C'est vrai que nous avons fait souffrir les voyageurs des grandes lignes comme les banlieusards, mais nous avons tout fait pour repondre aux besoins les plus urgents. Nous considerons maintenant que nous avons maitrise les problemes du poste d'aiguillage. Reste le chantier de la gare qui rendra notre exploitation fragile jusqu'a l'ete 1990. " Quelles ameliorations les voyageurs peuvent-ils esperer a court terme ? " Un acces direct depuis le metro jusqu'aux quais a partir du mois de juin. " Et en matiere d'information, unanimement denoncee comme inexistante ? " Il nous etait tres difficile de donner des informations sur la destination d'un train dont nous nous apercevions a la derniere minute que le conducteur ignorait la ligne prevue ! plaide Mr Picquand. C'est vrai, nous etions mal outilles pour gerer en matiere d'informations une situation degradee. C'est pourquoi nous allons installer dans les semaines qui viennent des journaux lumineux et nous equiperons dans les prochains mois les quatre-vingt-quatre gares du reseau d'un systeme de messagerie qui permettra d'informer les voyageurs sur les quais des perturbations du service. " Il ne reste donc plus aux voyageurs de la banlieue sud-ouest qu'a prendre leur mal - desormais intermittent - en patience. Indosuez, qui detenait deja 4,4 % du capital de la banque d'affaires britannique Morgan Grenfell, va porter sa participation a 24,8 % en reprenant sous condition les 20,4 % detenus par la firme de courtage et d'assurances Willis Faber. Ce rachat fera ainsi d'Indosuez le premier actionnaire de Morgan Grenfell, avec une participation proche de la minorite de blocage (25 % d'apres la reglementation britannique). Cette transaction, qui reste soumise au feu vert de la Banque d'Angleterre, se fera au prix moyen de 435 pence par action, soit un cout total de 137,4 millions de livres (1,37 milliard de francs). L'operation se realisera en deux temps : 10 % des a present et 10,4 %, grace a une " option irrevocable " liant l'acheteur et le vendeur. Il faudra toutefois l'approbation des actionnaires de Willis Faber qui se reuniront en assemblee generale dans une quarantaine de jours. La banque francaise a accepte de ne pas lancer d'OPA sur la totalite du capital de Morgan Grenfell pendant douze mois a condition qu'aucune autre partie ne lance d'offre concurrente ou ne prenne de participation superieure a 15 %. La reaction des dirigeants de Morgan Grenfell, muets jusqu'a present, etait tres attendue. Ils ont ete regulierement tenus informes des conversations entre Willis Faber et Indosuez. Depuis plusieurs mois, cette banque d'affaires reputee etait consideree a la City comme une valeur " opeable " pouvant tenter plusieurs banques europeennes. Les noms de la Deutsche Bank, du Credit suisse, voire de la firme concurrente BZW (Barclays de Zoete Wedd), etaient evoques dans les milieux financiers comme des repreneurs possibles. A la surprise generale, c'est une banque francaise qui devient le premier actionnaire de cet etablissement renomme pour sa gestion de capitaux et les fusions-acquisitions. Morgan Grenfell, institution financiere vieille de plus de 150 ans et l'un des plus importants operateurs en Bourse, a ameliore ses resultats depuis qu'elle a abandonne en decembre 1988 ses activites de teneur de marche pour les actions, les options et les fonds d'Etat, avec la suppression de 450 emplois, soit pres du quart de son personnel (le Monde du 8 decembre 1988). Les pertes encourues dans ce secteur apres l'aggravation de la concurrence entre maisons de courtage et la reduction des transactions entrainees par la crise boursiere de 1987 avaient lourdement greve les resultats du groupe en 1988. Le benefice avait alors chute de 44%, tombant a 33,7 millions contre 60,1 millions de livres en 1987. Un redressement a ete observe au premier semestre, avec 32,7 millions de livres de benefices contre 21,9 pour les six premiers mois de 1988. Le tribunal de grande instance de Paris a condamne en premiere instance le Credit commercial de France (CCF) pour la facturation des frais de compte a ses clients, en considerant que cette facturation constituait une modification unilaterale du contrat les liant a la banque, et donc une clause abusive. Le tribunal a en l'occurrence suivi, l'argumentation developpee par l'Union federale des consommateurs (UFC), qui etait a l'origine de la plainte. Le CCF a annonce, jeudi 26 octobre, qu'il entendait faire appel de ce jugement. - Le comite d'entreprise de l'Aeorospatiale a adopte, le jeudi 26 octobre, une motion s'opposant au transfert eventuel de la chaine de montage des Airbus A-320 de Toulouse a Hambourg (RFA). Il estime que ce transfert, demande par les Allemands, " ferait courir aux programmes Airbus des risques majeurs de desorganisation industrielle et de degradation de la position commerciale ". - Le groupe ouest-allemand de vente par correspondance Quelle devait signer vendredi 27 octobre avec deux partenaires sovietiques un accord portant creation d'une societe commune, Intermoda, qui lui permettra, a partir de fevrier prochain, de distribuer en URSS les produits textiles de son catalogue. Dans un second temps, le catalogue devrait etre complete avec des produits d'origine sovietique " de qualite ". Quelle, dont le chiffre d'affaires consolide est d'environ 10 milliards de deutchemark (34 milliards de francs), est deja present en Hongrie, en Yougoslavie et en Bulgarie. - La Commission europeenne a autorise la France a interdire, jusqu'a la fin de l'annee, les importations d'au moins 1,5 million d'autoradios en provenance du Sud-Est asiatique (Coree du Sud, Chine et Taiwan) et du Japon, ayant transite par un autre pays de la CEE. Il s'agit d'appareils pour lesquels une demande d'importation avait deja ete deposee. La Commission a accepte de faire exception au droit europeen pour aider la France a proteger son industrie. Tout produit entre dans un pays de la CEE peut, en effet, circuler librement chez les onze autres membres. Cet embargo s'ajoutera aux restrictions quantitatives que la France impose deja aux autoradios exportes directement par les pays asiatiques. - Les senateurs ont adopte dans la nuit de jeudi 26 a vendredi 27 octobre le projet de loi relatif au developpement des entreprises commerciales et artisanales et a l'amelioration de leur environnement economique, juridique et social qui etait presente en premiere lecture par Mr Francois Doubin, ministre delegue charge du commerce et de l'artisanat. Le dispositif comporte un volet en faveur de l'entreprise, un chapitre social sur le statut du chef d'entreprise et de son conjoint ainsi qu'une serie de mesures simplifiant la gestion des entreprises commerciales et artisanales. Le texte a ete vote a l'unanimite, les communistes s'abstenant. Je trouve etrange que l'on ait adopte une maquette de Bibliotheque de France avant d'avoir precise suffisamment son contenu et son role. Ensuite, je m'etonne qu'avant de definir la BF, on n'ait pas procede a un inventaire des bibliotheques deja existantes a Paris (situation tres differente, notamment, de celle de Londres). Or, ni les autorites officielles ni la presse n'ont signale que : 1) les grandes bibliotheques que sont la bibliotheque Sainte-Genevieve, celle de Beaubourg et la toute recente Bibliotheque des sciences et des techniques de la Cite des sciences et de l'industrie a la Villette dont le catalogue est entierement informatise ; 2) les nombreuses et remarquables bibliotheques specialisees qu'il serait trop long d'enumerer. A titre d'exemple : la bibliotheque de la Maison des sciences humaines, la bibliotheque Forney, la bibliotheque de l'Ecole des mines, la bibliotheque de l'Institut Henri-Poincare, la bibliotheque du Conservatoire national des arts et metiers, la bibliotheque du Museum d'histoire naturelle. Il y aurait aussi a signaler dans cette categorie plusieurs importantes bibliotheques religieuses dont, d'ailleurs, en large part, le domaine deborde les questions strictement religieuses. (La bibliotheque des Fontaines a Chantilly - en dehors de Paris, mais aisement accessible - compte pres de cinq cent mille volumes.) 3) Les tres nombreuses et excellentes bibliotheques publiques de la Ville de Paris qui peuvent satisfaire un grand nombre d'" amateurs ". Je ne reviens pas sur les bibliotheques universitaires, la question etant bien connue. A Paris, la situation n'est pas parfaite, mais elle est deja assez largement satisfaisante. Reste l'affaire des " silos ". La separation pose de redoutables problemes techniques. Les delais de consultation (quarante-huit heures) feraient certes aussi probleme. Toutefois, on a oublie de dire que, deja, depuis de longues annees, les journaux anciens de la BN sont a Versailles. Maintenant que les fetes du Bicentenaire ont ete momentanement suspendues, on ne saurait nier qu'elles ont ete une parfaite reussite, si, pour ma part, je n'y avais decele une grave lacune. L'homme de 89, celui qui en son temps a occupe une place considerable, celui sans lequel il semble difficile d'imaginer la naissance et l'epanouissement de la Revolution dans les premieres manifestations de son existence, Mirabeau, n'apparait guere dans la grande fresque historique qui a ete deployee devant nous. Un timbre lui a rendu hommage (en second apres Sieyes ?), et son nom a ete cite a plusieurs reprises. La television lui a surtout consacre un film dans la serie des " Jupons de la Revolution ". Quelle derision ! Et quel affront a la memoire d'un homme qui a ete a ce moment precis le coeur battant de tout un peuple qui fremissait d'espoir en l'ecoutant parler ! Et comment oublier que, dans les dix annees qui ont precede son apparition sur la scene politique, bien avant tous les autres, il avait deja sacrifie une partie de sa vie a la defense des libertes publiques ? Et que, malgre les calomnies dont il etait deja l'objet, le peuple avait reconnu en lui le heraut par excellence de ses plus vives doleances ? On peut toujours constester un jugement, mais qui peut mettre en doute l'enchainement des circonstances qui jalonnent cette periode de notre histoire ? Le professeur Andre Miquel nous dit avec juste raison au sujet de la discussion qui a lieu sur la mosquee de Lyon, " qu'a l'evidence, le dogme n'impose pas de forme architecturale ". " Il suffit, dit-il, par accord entre toutes les parties, d'en trouver une qui s'integre harmonieusement au cadre de nos villes ou de telle ville en particulier : occasion de penser, de repenser, d'inventer. " Ces propos sont d'autant plus exacts que nous avons des exemples dans la tradition. Il existe en effet en Orient de trop nombreux cas d'integration chretienne dans des edifices musulmans, et reciproquement. En voici deux qui peuvent etre medites. Le premier date de la fin du IVe siecle : Sainte-Sophie de Constantinople, cathedrale byzantine chretienne devenue mosquee ; le deuxieme convient encore mieux a la question actuelle, il est situe en Iran, a Ispahan. Au XVIIe siecle, Shah Abbas, pour remercier les macons chretiens venus d'Alep, qui avaient contruit si merveilleusement ses palais et mosquees, les autorisa a edifier au-dela du pont a arcades d'Hadzou, une superbe eglise, il avait toutefois emis le voeu, pour qu'elle respecte le site, qu'elle epouse les formes d'une mosquee et que son clocher soit tres peu eleve ! Je l'ai visitee, son aspect est simple et remarquable et son interieur digne de nos eglises. Il me semble qu'un bon architecte lyonnais peut realiser aujourd'hui une mosquee de notre temps avec le souci de l'inscrire avec tact dans le paysage d'une ville chretienne comme Lyon. LA voie d'eau subit actuellement le meme discredit dont souffrit naguere la voie ferree, consideree a l'epoque comme archaique, en egard a l'essor de la circulation routiere. L'initiative francaise de la creation du train a grande vitesse a, de ce fait, ete retardee pendant une longue periode avant de connaitre un plein succes et de susciter l'emulation dans l'ensemble des pays europeens. Cette experience n'a cependant pas ete assez convaincante pour eviter le meme aveuglement suscitant le meme retard en ce qui concerne la voie d'eau. L'absence d'un systeme de repartition et de coordination rationnelles entre les differents modes de communication a abouti a une predominance absolue du transport routier et a la proliferation de vehicules de tonnage excessif, usurpant la fonction normale des autres modes de transport. La circulation routiere est menacee a court terme d'asphyxie par saturation. La multiplication de la surface occupante des vehicules automobiles tend a croitre plus rapidement que l'amenagement lent et onereux des superficies routieres d'accueil. On va vers un encombrement permanent, non seulement des voies urbaines, mais aussi des principaux itineraires routiers et autoroutiers. Il est urgent d'organiser une diversification des modes de transport en fonction du volume, de la ponderation des biens transportes et de l'urgence du service. Les transports routiers etant reserves aux elements relativement legers ou exigeant la desserte directe, les autres devant etre repartis entre la voie ferree et la voie fluviale par la generalisation de l'usage des conteneurs. L'idee, hier a la mode, de la pretendue necessite d'un choix entre un reseau fluvial et un reseau TGV est a present desuete. L'amenagement simultane de ces deux reseaux est complementaire, et il est urgent. La France a pris dans le domaine des trains a grande vitesse une avance stimulante. Mais elle accuse un retard inquietant dans le domaine des voies fluviales, a l'egard des autres pays europeens septentrionaux - l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, - qui a largement contribue a l'industrialisation prioritaire de ces pays. Cette avance dans le domaine des transports de l'avenir va encore etre accentuee par la mise en service en 1992, au moment de l'ouverture du marche unique europeen, du grand canal Rhin-Main-Danube, qui va court-circuiter la liaison francaise mer du Nord-Mediterranee, cependant geographiquement la plus logique et aussi la plus courte et la plus economique. Si la France s'obstine dans son actuelle inertie, en persistant a differer l'application de la loi du 4 janvier 1980, votee a la quasi-unanimite par le Parlement, on assistera au detournement hors de son territoire d'une grande partie des echanges entre l'ensemble des autres pays europeens et du trafic provenant des pays asiatiques par le canal de Suez, en se condamnant par ailleurs aux inconvenients dissuasifs du monopole de l'encombrement routier. Peut-on consentir en pleine conscience a une telle demission ? " On peut dire que l'homme, s'eloignant de plus en plus, et bien plus rapidement que jamais, de ses conditions primitives d'existence, il arrive que tout ce qu'il sait, c'est-a-dire tout ce qu'il peut, s'oppose fortement a ce qu'il est. " Paul Valery. - Discours au college de Sete, Varietes IV, NRF, p. 199. LA morale n'a pas bonne presse depuis nombre d'annees. Elle provoque soit la derision, soit le rejet. Peut-etre a-t-elle mal resiste aux annees d'occupation, au cours desquelles on a tente de faire passer sous son drapeau un message politique. Tenter de promouvoir une morale, ce n'est pas autre chose pour certains que d'attenter a la liberte. On evoque la vieille notion d'ordre moral, expression dans laquelle le premier terme nuit notablement au second. La croissante liberte des moeurs a accentue le mouvement et y a apporte le renfort de l'ironie. Un mot connait le discredit, un autre surgit, ou renait, qui est le mot " ethique ". Certes, il n'est pas neuf. Les anciens Grecs le connaissaient. Faut-il rappeler l'Ethique a Nicomaque ? Mais il connait depuis une vingtaine d'annees une fortune nouvelle. Dans l'introduction de la declaration d'Helsinki de 1964, adoptee a l'issue de la dix-huitieme Assemblee medicale mondiale, on lit des prescriptions tirees du code internationale d'ethique medicale. Dans la declaration de Manille - 1981, - on preconise l'institution de comites d'appreciation ethique. Et surtout, dans notre pays, un decret du 23 fevrier 1983 cree le Comite consultatif national d'ethique. Depuis lors, le mot a reconquis droit de cite a un point tel que parfois on en abuse (n'envisageait-on pas recemment la creation d'un comite national d'ethique sportive ?). Mais cet exces ne provient-il pas d'une acception deformee ? Avant d'en juger, il convient de determiner si le vocable rajeuni ne coincide pas simplement avec ce que celui de morale, use par les ans, n'etait plus en mesure de designer. On serait tente de le penser quand on imagine le handicap initial qu'aurait subi le Comite national si on l'avait appele " Comite national de morale " et aussi lorsqu'on constate que, selon le texte qui l'institue, cet organisme est charge de donner son avis sur les problemes moraux poses par la recherche ? Faut-il donc conclure a une simple aventure du vocabulaire ? Tel n'est pas l'avis du professeur Jean Bernard, president du Comite national. Il trouve au mot ethique deux origines grecques : ethos " tenue de l'ame " et hithos " ensemble des normes nees du respect de la mesure ". Il en tire cette definition : l'ethique est garante de l'harmonie qui resulte de la bonne tenue de toutes choses, de tout acte, de l'accord en somme entre l'ame et l'environnement. Implicitement ainsi, il la distingue de la morale. Les travaux accomplis depuis lors en matiere d'ethique de la recherche permettent de developper cette eclairante definition et de marquer nettement les domaines respectifs de deux vocables dont la parente ne masque plus les differences. Deux exemples suffiront. L'innovation scientifique essentielle dans les annees recentes, d'ou decoulent de multiples consequences d'importance capitale, est sans doute la possibilite acquise de contituer en autonomie de l'embryon humain. Le rapprochement in vitro de l'ovocyte et du spermatozoide permet ainsi apres transfert dans l'uterus de la femme de pallier, dans les meilleurs des cas, la sterilite des couples. Generalement, ce sont plusieurs embryons qui sont ainsi contitues, trois d'entre eux, le plus souvent, faisant l'objet d'un transfert, les autres pouvant etre pendant un temps plus ou moins long conserves par congelation. Ce bref rappel suffit a provoquer une reflexion qui merite le qualificatif d'ethique. Un premier choix porte sur les principes meme de la technique consideree. On l'a appelee procreation artificielle, puis procreation medicalement assistee (PMA). Il n'est pas indifferent que la seconde denomination soit le plus souvent preferee. Elle montre en effet que le praticien ne sort pas vraiment de son role therapeutique classique et qu'il ne devient pas une sorte de demiurge, concurrent de l'ordre naturel. On sait cependant que dans l'instruction Donum vitae (22 fevrier 1987), le Vatican a condamne avec fermete ce mode d'enfantement en invoquant non un precepte moral traditionnel mais la dissociation de la sexualite et de la procreation. Pour ceux qui cependant franchissent l'interdit religieux, les problemes restent nombreux. Faut-il considerer la PMA exclusivement comme une therapeutique palliative de l'infertilite et, quelle que soit la reponse, doit-on la reserver aux couples ou peut-on l'etendre aux femmes celibataires ou homosexuelles? Le Comite national d'ethique a repondu qu'elle devait se limiter a un objectif de soins et etre reservee aux couples. Il s'est ainsi range a une conception conservatrice du corps social, qu'on peut resumer en deux propositions : la procreation doit rester naturelle dans toute la mesure possible; l'interet de l'enfant a naitre est d'avoir un pere et une mere, une famille. C'etait, sur ces deux points, marquer une nette opposition a la procreation de convenance, en d'autres termes fixer de strictes limites aux empietements de l'artifice sur la nature. Il est sur le meme sujet d'autres interrogations plus redoutables encore qui resultent de certaines modalites de la FIVETE (fecondation in vitro et transfert d'embryons). Plusieurs embryons etant produits, quel sort reserver a ceux d'entre eux qui ne sont pas transferes dans l'uterus maternelle? Le probleme est d'abord philosophique puisqu'il ne peut etre traite sans prise de position sur la nature de l'embryon. Si l'embryon est une chose, les difficultes s'effacent. S'il est deja une personne, elles s'accumulent. Le Comite national, pour sa part, a retenu la definition de " personne humaine potentielle " qui oblige a ne recourir aux solutions extremes qu'avec la plus grande circonspection. C'est ainsi qu'il faut appliquer la notion du moindre mal tantot a la destruction, tantot au don a un autre couple selon les positions divergentes qui s'affirment sur ce point. Mais c'est aussi et encore un probleme de societe. En effet l'existence autonome de l'embryon permet, et permettra sans doute toujours davantage, l'observation et, le cas echeant, l'experimentation sur les quelques cellules qui le constituent. L'enrichissement des connaissances offre ainsi un immense champ d'amelioration eventuelle des therapeutiques. Son exploitation devrait permettre une lutte de plus en plus efficace contre la maladie. Apparait en outre l'eventualite d'une determination des caracteristiques de l'homme a naitre a partir de ces premiers elements. C'est a definir le critere de ce qui est souhaitable et benefique par rapport a ce qui est redoutable et, a echeance, malfaisant que nombre d'esprits lucides s'emploient obstinement. Le second exemple est emprunte a l'autre extremite de la vie. Des prelevements d'organes sur les cadavres sont possibles en vue de leur transplantation. La loi du 22 decembre 1976, qui les autorise emploie bien le mot " cadavre ". Mais il faut savoir que l'operation ne peut reussir, c'est-a-dire devenir profitable au sujet receveur, que dans la mesure ou certains traits vitaux subsistent chez le sujet donneur : circulation, ventilation. Aussi le corps est-il maintenu en survie artificielle pendant un certain temps. C'est ce qu'on appelle l'etat de coma depasse. La mort est constatee mais quelques apprences de vie subsistent qui auraient disparu plus tot si le prelevement n'avait ete envisage. La loi preciteef, dite loi Caillavet, autorise une telle operation a la seule condition que le donneur n'ait manifeste aucune opposition explicite de son vivant. L'expression " qui ne dit mot consent " prend ici une dimension tout a fait exceptionnelle. L'objectif est enthousiasmant : sauver la vie d'un etre jeune, dans la plupart des cas, grace a un autre etre qui a cesse de vivre. Il n'en demeure pas moins que la perspective du prelevement sur un corps, ou quelques signes de vie se maintiennent, est generatrice d'inquietudes, en particulier pour les familles qui ne peuvent se resoudre a considerer comme un cadavre ce qui semble ne l'etre pas tout a fait. La mort est scientifiquement constatee. Mais comment qualifier ce reste de vie apparente? On ne pourrait repondre sans aborder les confins de la metaphysique. La crainte et le doute franchis, c'est bien par une reaction d'ordre ethique que l'homme, par avance, et ses proches, lors de l'evenement, ne s'opposeront pas a l'entreprise salvatrice en comprenant qu'il ne s'agit plus d'un sujet vivant mais d'un corps d'ou la vie s'est retiree. Voici donc que par l'intermediaire d'une science audacieuse et inventive notre monde peut se transformer dans certains de ses elements essentiels : les sources de l'existence, les evolutions hasardeuses de l'etre humain, le trace des frontieres entre la vie et la mort. Faut-il rechercher a tout prix le controle de plus en plus rigoureux des uns et des autres? Y a-t-il au contraire peril a tout organiser, tout prevoir, tout preserver de ce qui est de l'homme? La question n'est pas d'ordre moral. On peut etre bon epoux, bon pere, bon citoyen, pratiquer l'altruisme et donner a cette question des reponses contradictoires. C'est que nous passons ici de la morale a l'ethique. Il ne s'agit plus de comportement actuel entre individus, il s'agit de determinations degagees par un choix collectif rendu necessaire par les progres scientifiques et qui engagent le sort d'une societe. Ces determinations ne sont pas de definition simple. En effet, elles impliquent, d'une part, la connaissance eclairee de problemes ardus, d'autre part, la mise a jour d'un consensus social. Ma morale me fait dire : voici comment j'entends me conduire ; et mon ethique : voila ce qu'avec mes semblables comment j'entends que vive la societe de demain. Des comites d'ethique ont deja contribue, grace aux debats qui se sont institues en leur sein, grace a la presentation des problemes a l'opinion, aux prises de conscience indispensables. Sans pretendre imposer une doctrine, ils ont voulu seulement eclairer. Le Comite national, pour sa part, s'y est amplement employe. Il a inspire le rapport etabli par le Conseil d'Etat, intitule "De l'ethique au droit", d'ou sortiront peut-etre les textes legislatifs qui nous manquent. Le temps est venu pour chacun d'entre nous de savoir qu'en presence des choix que nous offre la science nous avons dans une bonne mesure notre sort en mains. Davantage que la morale, c'est l'ethique qui en la circonstance constitue notre recours. Pour preparer Noel, choisir ses thes, passer une soiree a Covent Garden, voir une exposition originale : filer a l'anglaise, gagner Londres. Des vols quotidiens font de la capitale du Royaume-Uni une proche voisine de Paris, mais aussi de Lille et de Strasbourg. A partir du 30 octobre, Air-France reliera Lille et Strasbourg au London City Airport, situe a quinze minutes de la City : trois vols quotidiens aller-retour au depart de Lille et un vol quotidien aller-retour au depart de Strasbourg. Autre voie d'acces, le ferry. Big Ben Tours propose des week-ends a Londres (ou dans le sud de l'Angleterre) a partir de 335 F. Ce prix comprend la traversee maritime, le transport en autocar ou en train jusqu'a Londres pour ceux qui ne viennent pas en voiture, et une nuit avec petit dejeuner, anglais bien sur, en bed and breakfast. Meme forfait, a l'hotel, a partir de 370 F. Les voyageurs qui choisissent l'avion peuvent sejourner au Meridien de Londres. Cet hotel de Piccadilly, a deux pas des magasins et des theatres, annonce la chambre simple ou double a 950 F, presque la moitie de son tarif habituel, entre le 15 decembre et le 15 janvier prochains. Pour relier le quartier des docks, a l'est de la capitale, a Chelsea Harbour, a l'ouest, la Thames Line River Bus utilise des catamarans, avec des departs toutes les quinze minutes et des arrets aux points touristiques. Les Anglais affectionnent les expositions qui sollicitent les sens. L'Imperial War Museum (Musee de la guerre) recree dans l'une de ses salles l'atmosphere de Londres pendant les bombardements de 1940 : sons, odeurs, gravats, poussiere font revivre le Blitz. Prochainement, une autre salle donnera l'impression de se trouver dans les tranchees, pendant la guerre de 1914. Europalia-Japon, un festival culturel eclate en trente-quatre expositions a travers le territoire belge, presente, jusqu'au 17 decembre, les tresors de cinquante siecles de civilisation japonaise, de la periode Jomon (3000-2000 av. J.-C.) a nos jours (le Monde du 27 septembre). La plupart des objets exposes ne sont jamais sortis de l'empire. Citons L'Homme et son image, au Palais des beaux-arts a Bruxelles, centre sur le theme de la figure humaine, Splendeurs du theatre No, aux Musees royaux d'art et d'histoire, a Bruxelles egalement et, au Palais des beaux-arts de Charleroi, une selection de mille estampes rarement montrees en raison de leur fragilite a la lumiere. Daymyo, seigneurs de la guerre est au Musee de l'art wallon, a Liege. L'art contemporain est represente au Musee d'art moderne de Bruxelles par Yamaguchi et Saito et la sculpture par quinze artistes au parc de Middelheim, a Anvers. Europalia donne aussi a voir et a entendre : theatre No, kabuki, Bunraku, musique traditionnelle, formations orchestrales, rock. Programme complet des expositions et des concerts dans un fascicule diffuse par l'office belge de tourisme (tel. : 42-61-58-21). Differents forfaits encadrent cette manifestation. Citons ceux de Belsud (tel. : 19-2-513-86-30) a partir de 250 F par personne (hotel et expocarte) et de 795 F (week-end avec voyage en train, hotel et expocarte), du Monde et son histoire (tel. : 45-26-26-77) les 25 et 26 novembre prochain (2 300 F par personne en pension complete, voyage en car) visite de cinq expositions et spectacles de Bunraku) et de Clio (tel. : 48-42-15-15) : 1 450 F le week-end des 25-26 novembre (voyage en car, chambre et petit dejeuner, visites). C'est la tradition a Dieppe : quand commence la saison de peche au hareng et a la coquille Saint-Jacques - qui ne dure que quelques semaines - le comite du Quartier du bout-du-quai organise une grande degustation ou Dieppois, touristes et mareyeurs se retrouvent pour comparer les merites du hareng de canot, peche pres des cotes, a ceux de son cousin danois, le hareng de chalut, peche au large. Grillee sur les etales du quai Henri-IV, la brochette de hareng et de Saint-Jacques coute, selon l'arrivage, de 6 a 10 F. On peut aussi la deguster arrosee de cidre fermier ou de beaujolais nouveau dans les restaurants du port et emporter le soir son cageot de harengs frais (1,50 F a 2 F la piece) ou son kilo de Saint-Jacques (40 F, 30 F si la peche a ete bonne). La foire aux harengs de Dieppe, la plus ancienne de Seine-Maritime, fetera cette annee vingt ans d'existence par une inauguration en fanfare le 18 novembre. Si l'on veut reserver une chambre d'hotel pour ne pas manquer les animations, on peut s'adresser a l'office du tourisme de Dieppe (tel. : 35-84-11-77) ou directement aux etablissements, par exemple La Presidence (35-84-31-31), le plus luxueux, ou l'Hotel de l'Univers (35-84-12-55). Signalons aussi l'Auberge du Clos normand (35-82-71-01) aux alentours. Le " Train de la neige " deplacera... des montagnes du 7 au 19 novembre. Les stations francaises de ski, qui ont renonce a se rendre a la porte de Versailles ou se tenait chaque annee au mois d'octobre le salon Neige et Montagne, s'embarqueront a Paris pour un tour de France des principales villes pourvoyeuses de skieurs. La clientele de province represente en effet soixante-dix pour cent des vacanciers de la montagne. La caravane blanche, composee de seize wagons, accueillera les representants de quatre-vingts stations reparties par " voitures-massif " - les Alpes, le Jura, l'Auvergne, les Pyrenees et les Vosges - qui stationneront le long des quais de gare, amenages pour l'occasion en pistes de ski de fond. L'Association des maires des stations francaises de ski, promoteur de cette operation, compte accueillir dans son espace blanc ambulant quatre-vingt mille personnes qui pourront preparer leurs sejours en altitude et reserver a des prix promotionnels parmi cent options. Si l'experience se revele positive, l'annee prochaine le train franchira les frontieres belge, hollandaise et allemande, mais l'etroitesse des voies espagnoles ne lui permettra pas de traverser les Pyrenees. Le " Train de la neige " sera les 7 et 8 novembre a Paris-gare de l'Est, le 9 a Tours, le 10 a Bordeaux, le 13 a Toulouse, le 14 a Montpellier, le 15 a Marseille, le 16 a Lyon-Perrache, le 17 a Strasbourg, le 18 a Nancy et le 19 a Lille. Les 28 et 29 octobre, une grande kermesse, a la fois medievale et moderne, reveillera les vieux murs du chateau de Pierrefonds, dans l'Oise, au nord de Paris, construit pendant la guerre de Cent Ans et restaure par Napoleon III. J'AI connu Jacques Maximin alors qu'il debutait au Negresco de Nice, dont il allait vite devenir le grand patron des cuisines. Deja Napoleon percait sous Bonaparte ! Je veux dire qu'on devinait facilement, dans ses plats classiques de la carte, ce quelque chose de plus qui indique le vrai cuisinier, ce detail a beaucoup imperceptible mais qui "signe" un plat. Ici, ce n'etait pas la maestria dans l'application du savoir, mais l'interpretation, par un fou de perfection et un amoureux du vrai, du regionalisme gourmand. Et puis Maximin est devenu le grand Maximin, encense des medias : ce n'etait plus Arcole, mais Austerlitz. Le reve de tout bon chef n'est-il pas de devenir a son tour patron ? On en parlait depuis longtemps. C'est fou ce qu'il se trouva de bons amis, de bonnes ames pour l'encourager. Alors, lorsqu'il decouvrit, dans une petite rue (centrale mais peu touristique) de Nice un ancien theatre, il n'hesita point. Moi aussi, le restaurant est mon theatre. Mon fauteuil ou ma chaise sont sur la scene meme, comme ceux des nobles chez Moliere. Les acteurs me donnent la plus belle, la plus riche, la plus renouvelee des comedies du monde : ils entrent cote jardin, et ce sont les clients ; ils entrent cote cour, et ce sont les chefs, les patrons, les maitres d'hotel, les serveuses, et... les plats (en definitive, ce sont eux les vraies vedettes !). Ils jouent pour moi. Maximin, lui, voulut changer tout cela : son theatre, c'est evidemment la salle, et les clients sont spectateurs ; la scene, c'est sa cuisine. Les comediens sont ses cuisiniers, mais, en bon metteur en scene et pour mieux les surveiller, il s'est donne un role. Confondu avec celui d'auteur dont les plats sont les repliques, les tirades emouvantes, les mots d'auteur. Et, lorsque le rideau se leve sur l'appetit comble, les spectateurs - pardon, les clients degustateurs - peuvent applaudir. Ou siffler ! Seulement voila : pour transformer la vieille salle en haut lieu du spectacle, pour agencer tout le machinisme des cuisines, pour faire de son restaurant une grande maison, cela couta cher : quelque 2 milliards de centimes, m'a confie Jacques. Et tout etonne de s'apercevoir que certains qui l'encourageaient, avant, sont les premiers a susurrer qu'il a grosse tete sous grande toque ; tout etonne de decouvrir que bien de ses "amis" cuisiniers semblent attendre avec impatience un fiasco possible ! Il ne faudrait point. Certes, pour consolider l'affaire, il a installe, voisins, une boutique de traiteur et un bistrot : Le Bistrot de Nice. Petite salle de quarante couverts faisant son plein midi et soir. Carte courte de cuisine regionale qui, accompagnee d'une belle selection de vins regionaux, conduit a des additions de 200 F, ce qui affole un peu les autochtones ; mais les touristes decouvriront ici les farcis nicois, un cuisseau de cochon de lait aux lentilles, le gratin de sardines fraiches au riz, sauce parmesan, les raviolis a la ricotta arroses, par exemple, d'un bergerac rouge amusant. Mais venons-en au restaurant dont les prix, eux, font jaser. Comme si tant d'autres restaurants chics, de Paris ou de province, n'etaient point plus couteux encore, proposant une cuisine banale autant qu'a la mode ! Aux dejeuners, un menu "affaires... de la table", proposant un grand choix d'entrees, plats, desserts et une demi-bouteille de vin, est a 280 F. C'est bien. Le seul tort de Jacques est d'avoir instaure ce repas, qui est vraiment une affaire, apres son ouverture, ce qui a autorise les petits camarades a ricaner : "Voyez, ca ne marche pas, il brade !" Le soir (car c'est le soir que l'on va au theatre et que c'est la fete, n'est-ce pas ?), vous aurez la carte avec aussi des menus (de 400 a 650 F). Et, partout, des plats eblouissants. Je n'en citerai qu'un : la salade de filets de rouget et sa terrine d'ail doux. Rien que cette terrine ferait un plat regalant, hautement provencal mais delicatement "stabilise". Le pari de Jacques Maximin n'est certes pas gagne. Mais il serait dommage qu'il ne le fut point, a breve echeance. Qu'on se le dise ! C'est bientot, a Nice, la saison du carnaval. Que la fete commence par cette soiree au theatre d'Epicure qu'est le restaurant de Maximin : 2 et 4, rue Sacha-Guitry, a Nice (tel : 93-80-70-10, ferme lundi et mardi midi). Le Bistrot de Nice, lui, est ouvert tous les jours (tel. : 93-80-68-00). Plus encore que les rouges, dont la vinification et l'elevage sont souvent plus delicats, ce sont les vins blancs qui, des aujourd'hui, permettent d'affirmer, avec une certitude absolue, que le millesime 1989 constituera une etape essentielle dans l'histoire moderne de la viticulture francais. Et s'il est encore trop tot pour evoquer ici les liquoreux a venir du Sauternais ou les futures vendanges tardives de l'Alsace, rien n'interdit plus de parler des formidables perspectives que laissent entrevoir les derniers-nes des bords de Loire et, en particulier de cette appellation de grand vin blanc qu'est vouvray. Jamais, de memoire d'homme, on n'etait ici arrive a un tel degre potentiel d'equilibre et de perfection dans l'expression des cepages chenin ou pinot blanc de la Loire. Mais jamais non plus les partisans, malheureusement bien esseules, des faibles rendements et des vendanges par tries, n'avaient, comme avec le millesime 1989, pu demontrer avec un tel brio le bien-fonde de leur pari sur les possibilites de la vigne et sur la culture des consommateurs. Quelques chiffres suffisent a Vouvray pour resumer le miracle d'un millesime qui, plus que les tristes cuvees cocardieres de cette annee, sera, pour le siecle a venir, celui du Bicentenaire. Les tablettes officielles prevoient que, sur les 1 800 hectares de ce vignoble tourangeau, l'appellation ne peut etre accordee qu'aux vins titrant de maniere naturelle 10o5 d'alcool au minimum. Et la verite impose de dire que, certaines annees, lorsque les raisins ne prennent pas assez de soleil, une telle barre n'est pas toujours franchie. Il faut, pour comprendre l'importance accordee au titre en alcool, savoir que celui-ci n'est, du moins pour les vins d'appellation d'origine controlee, que le reflet de la concentration des multiples substances qui font la richesse des vins, c'est-a-dire de leur expression olfactive et gustative. A Vouvray, les conditions meteorologiques plus que parfaites font, aujourd'hui, qu'en depit de rendements eleves (atteignant parfois le pathologique lorsqu'on depasse les 100 hectolitres a l'hectare...), les degres moyens sont nettement plus eleves qu'a l'ordinaire, se situant en moyenne entre 12 et 14. Il n'y aurait rien la qu'une simple bonne annee si certains perfectionnistes (une dizaine tout au plus) ne parvenaient, dans le meme temps, a atteindre des sommets autrement plus interessants et, pour tout dire, historiques, au-dela de 20o. Il faut avoir, chez Francois Pinon (Vernou-sur-Brenne), Lionel Gauthier (Reugny), Philippe Foreau ou Noel Pinguet (Vouvray), goute les jus de raisin, veritables sirops gorges de sucre (pres de 500 grammes par litre !), empreints, jusqu'a l'entetement, d'aromes de foin seche et de tilleul, pour bien mesurer l'ampleur de l'evenement 1989. Le record vouvrillon absolu est, semble-t-il, aujourd'hui detenu par Noel Pinguet (Maison Huet), qui, a partir de rendements incroyablement bas et apres un long pressurage pneumatique, detient aujourd'hui quatre barriques d'un jus a couper le souffle, proche des 30o ; un chiffre sans precedent dans les memoires du terroir. Tout cela permettra a Vouvray, comme a tous les chenins moelleux des bords de Loire (montlouis, coteaux-du-layon, bonnezeaux, chaume et, cette annee, avennieres), de tutoyer, demain, les plus grands des sauternes ou des vins de glace allemands. A condition, toutefois, que ceux qui aident a les mettre au monde acceptent, autant que les bas rendements, de pratiquer les vendanges par tries successives. Demonstration, s'il en etait besoin, de la perversite de la machine a vendanger, cette pratique, qui augmente notablement le cout de la cueillette, est la seule permettant de ne choisir que les raisins parasites par le botrytis. C'est-a-dire de modifier l'ordre du temps et des choses, en reussissant a prolonger, avec l'aide de ce champignon microsco- pique, l'action du soleil jusqu'aux marches de l'hiver. Attribues tous les trois ans depuis 1980, les prix Aga-Khan d'architecture ont pour but " de susciter une prise de conscience des valeurs culturelles islamiques au sein de la profession d'architecte (...) et d'encourager la construction pour les besoins de demain (...) par la reconnaissance de certains ouvrages d'excellence architecturale ". La seule exigence pour etre prime, outre la date de construction (moins de vingt-cinq ans) est qu'un batiment soit, au moins partiellement, utilise par des musulmans, ainsi l'Institut du monde arabe de Paris, distingue cette annee. Les laureats doivent se partager un demi million de dollars (plus de 3 millions de francs). A l'occasion de la remise des coupes 1989, l'aga khan a coedite avec Butterworth-Architecture (Borough Green. Sevenoaks, Kent TN15-8PH Angleterre), un livre-album (en anglais, bientot traduit en francais) intitule : Un espace pour la liberte (300 pages grand format, toutes illustrees en couleur) ou, sous la direction d'Ismail Serageldine, haut fonctionnaire egyptien de la Banque mondiale, sont exposees dans le detail les motivations et l'histoire de la distinction architecturale la mieux dotee du monde. La fondation Aga-Khan pour la culture (32, crets de Pregny, 1218 Grand-Saconnex, Geneve, Suisse), fondee en 1988, distincte du prix d'architecture, vient d'autre part d'editer un ouvrage technique en anglais recensant, avec croquis, les diverses realisations du celebre architecte egyptien Hassan Fathy (ne en 1900) The Hassan Fathy Collection. La remise, au Caire, des prestigieux prix d'architecture, attribues tous les trois ans, par le chef des chiites ismaeliens, ne peut faire oublier le delabrement de la metropole arabe. POUR loger au Caire ses centaines d'invites du monde entier, a l'occasion de la remise du quatrieme Prix d'architecture qu'il a cree en 1980 et qui porte son nom, Karim Aga Khan ne pouvait mieux choisir que l'Hotel Marriott. Et peut-etre, d'ailleurs, l'a-t-il, pour de bon, fait a dessein... Des tours de vingt etages de cet etablissement, le cataclysme architectural cairote, cela meme contre quoi entend lutter le mecenat aga-khanien, vous saute au visage dans toute sa splendeur : autoroutes suspendues propices, et encore pas a toutes heures, aux conducteurs, mais empoisonnant a jamais la vie des riverains, sans parler des perspectives brisees, des monuments defigures (l'auguste mosquee-cathedrale d'El Azhar, Vatican de l'islam sunnite, fut elle-meme un temps surplombee par une voie rapide, demolie ensuite grace a la stupefaction mondiale). Il n'y aurait, par contre, aucun inconvenient esthetique, au contraire, a escamoter la nouvelle cathedrale anglicane de Tous-les-Saints (et de toutes les horreurs), recemment elevee dans le dos du Marriott, en plein coeur de l'ile de Zamalek, afin de remplacer l'eglise anglaise, encore plus laide il faut reconnaitre, detruite sur la rive est du Nil pour cause d'echangeurs et autres gratte-ciel. Le nouveau temple, sorti de l'accouplement monstrueux entre le monument sovietique a la gloire du haut barrage d'Assouan et la cathedrale du Sacre-Coeur a Alger, se veut " une fleur de pierre et d'esperance " (sic), mais parvient a peine a simuler une centrale nucleaire d'operette. Le belvedere du Marriott montre, encore et surtout, l'effrayant couloir de gratte-ciel, indestructible celui-la tant il mettrait d'interets en jeu, qu'on acheve de betonner avec soin des deux cotes du Nil, et egalement sur l'ile de Zamalek, ou le Marriott a plante, lui, ses deux tours rouge Marrakech, couleur etrangere au gris-jaune de l'infortunee " metropole du monde arabe ". Ce " mur du Caire ", on aurait pu l'imaginer comme une couronne de hauts immeubles liserant la cite, la-bas dans le desert, la dominant assez courtoisement ainsi que le fleuve-dieu. Quelques urbanistes locaux y avaient pense. Mais, non, les promoteurs ont voulu avoir " les pieds dans le Nil ", privant, avec leurs paravents de beton, toute une ville, 12 millions d'habitants, d'echappees sur le fleuve, et plus encore, crime impardonnable, de l'air frais qui, l'ete, chaque soir, s'eleve de la masse aquatique, venant balayer, comme une recompense apres l'effort, la tuante chaleur du jour. L'Hotel Marriott lui-meme est doublement peche, car, outre ses tours a l'ocre deplacee, il gache pour longemps un site historique et architectural unique : le palais, acheve en 1869, a l'intention de l'imperatrice des Francais, Eugenie, venue inaugurer le canal taille par son cousin Lesseps entre Port-Said et Suez. Le khedive Ismail n'avait pas lesine, jetant au milieu des palmiers, face au levant et au Nil, un " palais oriental moderne " de trois etages, ou un Allemand plia a merveille aux formes arabes l'architecture metallique des Halles parisiennes. Les arcades, quoique peinturlurees en dore caca, sont toujours la, ainsi que le palais, qui sert de reception, de bar et de salon a l'hotel, avec ses portraits des Napoleonides et ses scenes marrantes - ombrelles et chechias - de l'ouverture du canal, mais le tout est enterre, etouffe par les deux inoubliables tours " marrakchies ", edifiees qui plus est au detriment des jardins. S'il existait un tribunal international jugeant les crimes contre l'urbanisme et l'architecture, le cas Marriott du Caire serait certainement bien place. Avec, au premier rang des accuses, un rais mort, Anouar El Sadate, car c'est lui qui, apres sa reconciliation avec les Americains, dans les annees 70, fit attribuer la concession au groupe Marriott, alors bien vu a la cour du president Nixon. Autre site exemplaire elu au Caire par l'aga khan pour que Suzanne Moubarak, epouse " vertueuse " - c'est sa titulature officielle qui l'indique - du chef de l'Etat egyptien, puisse y remettre les onze prix de cette session (lire page 21) : la citadelle medievale du sultan Saladin. Augmentee il y a cent cinquante ans, sous Mehemet Ali, d'une part d'une mosquee d'albatre, condense du plus grandiose ottomanisme architectural, d'autre part d'un plus modeste beffroi, quoique fort apprecie en son temps, expedie par Louis-Philippe en echange de l'obelisque de la Concorde, la forteresse saladine reste aussi le point de vue ideal pour jauger Le Caire islamique, celui des califes et des mamelouks. Quartiers habites, surpeuples plutot, et en meme temps plus vaste musee d'art musulman a ciel ouvert du monde, ce Caire-la vit tres dangereusement. Des balcons de la citadelle, surtout au crepuscule, cette partie de la capitale a encore belle figure avec " ces minarets groupes qui sont notre bouquet de fleurs ". C'est Hassan Fathy qui parle, le plus grand et donc le plus malmene des architectes arabes du siecle, " l'apotre de la construction vernaculaire ", ainsi que disent les livres. Mais Hassan-Bey, comme l'appellent ceux qui le respectent, ne se laisse pas, quoique bientot nonagenaire, obscurcir le jugement par son " bouquet " : de sa vieille et simple maison a moucharabiehs situee a l'ombre meme des remparts saladins, il denonce inlassablement " les sous-villages americains " que deviennent les cites arabes, Le Caire en tete. Il fulmine contre les constructeurs de ces batiments aussi offusquants pour la vue " que l'est pour l'oreille une symphonie sur disque raye ". L'auteur de Construire avec le peuple (ed. Sindbad), reconnu en Occident bien avant de l'etre chez lui, destinataire d'un prix special Aga-Khan en 1980, bete noire des Bouygues arabes, eprouve quand meme la satisfaction, sur ses vieux jours, d'etre enfin ecoute - ou pille : " Mais, si c'est intelligemment fait, c'est pareil ! " Parmi les laureats 1989, le jeune Egyptien Abdelwahed El Ouakil, auteur de la mosquee de la Corniche a Djedda, en Arabie saoudite, batisse humaine, douce, cremeuse meme, cousine de la mosquee dessinee il y a un demi-siecle par Hassan Fathy a l'intention de Gourna-la-Neuve, en Haute-Egypte, et qui fit alors sourire pour son allure " rustaude ". Aujourd'hui, elle donnerait plutot envie de passer a l'islam, quand on a en tete la cathedrale de Toutes-les-Abominations-Architecturales... Cependant, ce dont le Vieux-Caire islamique a besoin, aujourd'hui, ce n'est evidemment pas de sanctuaires neufs, mais que l'on restaure, que l'on sauve les centaines de palais, hotels, medersas, minarets, fontaines, tombeaux qui s'effritent fatalement sous la pression humaine et automobile, la remontee des egouts, l'indecrottable cupidite des promoteurs associee a la misere des fonctionnaires. A quelques centaines de metres des terrasses de la citadelle ou Karim-Khan deroulait son palmares puis traitait en musique de harem ses invites, tombe en ruine, dans le plus total oubli, le tombeau de la sultane Chagarett Eddor, " l'Arbre aux perles ". Premier souverain mamelouk et seul chef d'Etat feminin des mille quatre cents ans d'Egypte musulmane, geoliere de Saint Louis, Chagarett gouvernait derriere un rideau. Entre un ordre de guerre contre les croises et un rapport sur la crue du Nil, elle manda qu'on lui edifie une simple coupole funebre avec frise, ou, redevenue femme, et donc humble, elle n'apparait que sous le nom d'Oum Khalil, " la mere de Charles ", son fils mort a la naissance. On ne sait meme pas si la malheureuse, qui perit assassinee vers 1260 par la jalousie d'une femme et le machisme du calife de Bagdad, reposa jamais sous sa coupole. C'est, en tout cas, une benediction, pour les historiens et architectes, que l'edifice soit debout. Mais pour combien de temps encore ? Passons sur le tapis d'ordures qui l'entoure ou la rambarde disparue, mais comment admettre la porte de fortune a demi defoncee, les pierres arrachees a la facade, l'absence d'ecriteau ? Il est facile d'incriminer les paysans deracines peuplant ce quartier pestifere, mais pourquoi respecteraient-ils cet edicule abandonne dont ils ignorent tout ? Et que dire des edifices fatimides plus anciens encore, puisque se situant autour de l'an mil et qui, notamment dans le secteur de la rue Mouezeddine-Allah, tombent parfois litteralement en poudre quand ils n'ont pas, comme la mosquee du calife Hakem, ete concedes par le gouvernement egyptien (sous quelle forme, Dieu seul le sait) a une riche secte musulmane indienne, qui, en toute bonne conscience, a rebati un autre sanctuaire... Comme si on cedait la Sainte-Chapelle a des adventistes americains ! L'aga khan, qui est le quarante-neuvieme chef hereditaire des chiites ismaeliens, variete de musulmans aujourd'hui inconnue en Egypte, mais que l'on dit personnellement non demuni d'influence au Caire, l'aga khan, qui descend de Mahomet a travers les Fatimides, serait peut-etre la conscience (et le portefeuille) idoine pour relancer, avec d'autres mecenes etrangers, publics ou prives, le plan de sauvetage du Caire islamique que son initiatrice, Jihane El Sadate, ne put mener a bien apres l'assassinat du rais. L'Egypte presente n'a malheureusement ni assez de moyens ni suffisamment le feu sacre (malgre le premier vrai ministre de la culture, Farouk Hosni, melange de Jack Lang et d'Omar Sharif, qu'elle se soit donne depuis une vingtaine d'annees) pour mettre sur pied de telles entreprises. Mais elle n'est ni complexee ni xenophobe, et elle se prete volontiers, une fois franchis les obstacles - non negligeables - de sa bureaucratie, a des operations conjointes. Sectorielles jusqu'a present, elles pourraient, elles ne peuvent que prendre un tour general, du moins si on veut sauver l'art mahometan medieval au Caire. L'inscription effective de cet ensemble urbain plus riche que toutes les autres capitales arabes reunies sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO fera belle jambe au Caire si elle n'est pas suivie d'initiatives concretes. En attendant un " grand dessein ", les petites entreprises ponctuelles sauvent quelques meubles ici et la, et c'est toujours ca de gagne. Les Italiens ont ete ainsi le fer de lance qui a arrache au desastre la delicate dervicherie elevee en 1809, avec sa salle ronde pour tourneurs devots, ses stalles pour leurs admirateurs, son dome peint de scenes de la vie stambouliote. Le tout ayant pour fondation une medersa et un mausolee mamelouks. L'ensemble donne maintenant abri a une Ecole egyptienne de restaurateurs animee par le professeur Giuseppe Fanfoni. Sauvee aussi la chapelle funeraire de Soliman-Pacha, sur laquelle travaille en ce moment le Service egyptien des antiquites, qui a recu une aide francaise. Avant d'etre le renovateur musulman des armees egyptiennes, le pacha n'avait-il pas ete plus prosaiquement Joseph Sceve (ou Sevoz), ne a Lyon en 1788 d'un tondeur de drap ? Blesse a Trafalgar a dix-sept ans, ce capitaine, apres avoir ete de toutes les campagnes napoleoniennes, offrit ses services au vice-roi d'Egypte apres 1815. Il devint l'un des principaux personnages de l'Etat, eut harem et artistes a ses pieds et laissa une descendance qui devait meme meler son sang a celui de la famille regnante. Le dernier artiste a oeuvrer pour Joseph-Soliman fut le meme Allemand qui devait confectionner les arcades du ci-devant palais d'Eugenie, de nos jours " marriottise " : il imagina un tombeau metallique, a coupole et colonnettes, pour le pacha militaire. Rattrape en ce siecle par un faubourg du Caire, le mausolee partait, lui aussi, par morceaux, et en meme temps s'effacait l'un des plus aimables episodes du mariage franco-egyptien. La encore l'agonie d'un monument temoin d'histoire et d'architecture a ete arretee. A deux heures de voiture de la capitale, Alexandrie a moins de soucis, n'ayant pas herite de ce douaire monumental qui est la torture et la gloire du Caire. Le grand port, ressuscite au siecle dernier, locomotive de la nation, sejour d'ete monarchique puis bete noire et victime expiatoire du nasserisme, s'ebroue aujourd'hui dans la liberte economique, sinon la prosperite, retrouvee. Alexandrie se souvient egalement de son lustre culturel antique et, ayant su capter l'interet universel, UNESCO en tete, elle va reinventer sa fameuse Biblioteca, deux fois brulee, par les Romains, puis par les Arabes, mais jamais oubliee (le Monde du 27 septembre). Le projet retenu, du au bureau d'architecture norvegien Snohita Architecture Landscape, est franchement original, revolutionnaire meme. Comme une raie jetee sur le sable, une piste d'envol, une disquette de logiciel. Des 1995, la bibliotheque devrait etre ouverte au public avec deja deux cent mille ouvrages en arabe, francais, anglais. En fin de course, elle offrira sur 45 000 metres carres (presque autant que le Centre Pompidou) quatre millions de titres (onze millions a la future Bibliotheque de France), que l'on pourra consulter face a de geantes fresques en caracteres hieroglyphiques, coptes, grecs, latins, arabes, bref, toutes les langues de l'Egypte. Il en coutera plus de 1 milliard de francs pour les seuls travaux de construction. Fort bien ! Mais que de monuments millenaires pourraient etre sauves au Caire avec seulement 10 % de cette somme... La decision de Mr Lionel Jospin de refuser l'exclusion des etablissements scolaires des jeunes filles qui persisteraient a s'y presenter revetues d'un voile coranique est critiquee par la droite et par le PCF et divise les socialistes. La declaration du ministre de l'education nationale, mercredi a l'Assemblee, est jugee trop conciliante par les laiques. Le bureau executif du PS a finalement adopte, jeudi matin, une declaration condamnant les " manifestations ostentatoires d'appartenance religieuse a l'ecole ", mais acceptant le " traitement des cas individuels par le dialogue ". Treize ans apres en avoir exprime le besoin, la marine nationale a recu, jeudi 26 octobre, son premier avion Atlantique-2 de patrouille maritime sur la base de Lann-Bihoue, pres de Lorient, ou sera constituee la premiere flottille. Ce programme de l'aeronautique navale porte sur la livraison de quarante-deux appareils et il engage un investissement total de plus de 28 milliards de francs (valeur 1990). Concu par le groupe Dassault et par l'Aerospatiale, en association avec des partenaires industriels en Allemagne federale, en Belgique et en Italie, sans que, pour autant, ces pays en aient acquis, l'Atlantique-2 est le successeur du Breguet-Atlantic entre en service il y a vingt-deux ans. On l'a appele indifferement "la baleine tueuse" ou encore "l'aigle des mers", en reference a sa taille (l'Atlantique-2 a une masse de 46 tonnes) et a ses capacites a detecter et a neutraliser un navire de surface ou un sous-marin. Avec ses deux turbopropulseurs Tyne qui lui impriment une vitesse de 650 kilometres a l'heure, et moitie moins en vitesse economique de patrouille, l'Atlantique-2 a ete concu pour traquer son adversaire pendant une mission de huit a dix heures d'affilee a 1 000 kilometres de sa base de depart. Les trois premiers Atlantique-2 de serie devraient etre affectes a la commission d'etudes pratiques de l'aeronautique navale, pour servir a l'entrainement des equipages. Ensuite, la marine (1), prevoit de constituer la premiere flotille (de sept ou huit avions) a Lann- Bihoue, qui accueillera ulterieurement une seconde flotille. Deux autres flotilles seront installees, mais probablement pas avant le milieu de la decennie prochaine, sur l'autre base de l'aeronautique navale francaise, a Nimes-Garons (Gard). Parce qu'il est probablement l'avion le plus cher qu'ait jamais eu a acheter la marine, l'Atlantique-2 sera commande a un rythme moins rapide que prevu initialement : trois exemplaires par an, au lieu de cinq, si bien que le dernier des quarante-deux sera commande en 1997 et livre en 2001. Ce ralentissement de la cadence de production n'inquiete pas outre mesure le groupe Dassault, qui considere qu'il beneficie indirectement d'un delai suppplementaire pour tenter d'attirer des clients a l'exportation puisque la France demeure, avec les Etats--Unis, l'un des rares pays a concevoir des avions de patrouille maritime de ce modele. En revanche, dans la mesure ou l'Atlantique-2 est principalement destine a assurer la protection des sous-marins lance-missiles strategiques francais face a une menace qui s'exercerait durant leur transit ou dans leurs zones de patrouille, le ralentissement du programme peut perturber la surete de l'environnement de la dissuasion navale. C'est un risque que certains marins de l'etat-major admettent. Comme est aussi un risque le fait d'avoir differe toute nouvelle mise en chantier de batiments anti-mines oceaniques (BAMO), de 830 tonnes, dont la mission contribue a la dissuasion puisque ces unites seraient chargees de neutraliser la menace des mines profondes sur le plateau continental de la France. Marine. - Est eleve au rang et a l'appellation d'amiral, le vice-amiral d'escadre Guirec Doniol, nomme conseiller du gouvernement pour la defense. Est eleve au rang et a l'appellation de vice-amiral d'escadre, le vice-amiral Jean Betermier. Sont promus: vice-amiral, le contre-amiral Jean Turcat; contre-amiral, les capitaines de vaisseau Paul Remy, Bertrand Durant de Saint-Andre et Gaston Gachot. Est nomme chef de la division "aeronautique" a l'etat-major de la marine et chef du service central de l'aeronautique navale, le contre-amiral Francois Deramond. Air. - Est eleve au rang et a l'appellation de general de corps aerien, le general de division aerienne Jacques Deveaud, nomme commandant les forces aeriennes strategiques. Sont promus : general de division aerienne, les generaux de brigade aerienne Pierre Warme et Jean-Paul Pelisson; general de brigade aerienne, les colonels Gerard Montigny (nomme directeur de l'Ecole superieure de guerre aerienne), Yvon Guyader, Jean-Claude Mozer, Michel Courtet, Pierre Peron et Jean Rennou.. Sont nommes : commandant en second la defense aerienne et les forces "air" de defense aerienne, le general de brigade aerienne Yves Aubert; adjoint au general commandant le transport aerien militaire, le general de brigade aerienne Michel Adam; adjoint operationnel au commandant la 2e region aerienne et la zone aerienne de defense Nord, le general de brigade aerienne Jean-Marie Le Patezour; attache de defense, chef de poste, attache de l'air a l'ambassade de France aux Etats-Unis, le general de division aerienne Roger Mathieu. Terre. - Sont promus general de brigade, les colonels Claude Louisfert, Georges Formente, Andre Bourachot, Bernard Baudot et Bernard Devaux. Est nomme commandant la 31e division militaire territoriale, le general de brigade Jacques Sicard. Armement. - Sont promus : ingenieur general de premiere classe, l'ingenieur general de deuxieme classe Herve Cheneau; ingenieur general de deuxieme classe, l'ingenieur en chef Dominique Beau. Est nomme sous-directeur des etablissements et de la planification de la direction des recherches, etudes et techniques d'armement, l'ingenieur general de deuxieme classe Jacques Cheret. Le gouvernement a du demander, dans la nuit du mercredi 25 au jeudi 26 octobre, la reserve du vote sur le budget des anciens combattants et des victimes de guerre. D'un montant total de 27 306 millions de francs, ces credits enregistrent une augmentation de 3,7 % et representent 2,24 % dans le budget general. Le secretaire d'Etat charge des anciens combattants, Mr Andre Meric, s'est battu jusque tard dans le nuit pour tenter de faire passer son budget. Rien n'y a fait. C'est en vain qu'il a rappele la hausse d'un budget inegalee depuis longtemps (la pension d'invalidite augmentant de 830 millions) et la mise au point d'un systeme ameliorant le fameux " rapport constant " en accordant aux titulaires d'une pension militaire d'invalidite non seulement le benefice des augmentations uniformes accordees a l'ensemble des fonctionnaires, mais aussi la transposition automatique, chaque annee, de l'effet des mesures specifiques statutaires dont peuvent beneficier certaines categories de fonctionnaires et qui sont recensees dans l'indice des traitements bruts de l'INSEE. " Ce budget est le plus important depuis plus de dix ans, ne me dites pas qu'il est insuffisant... Ne dites pas que c'est pour cela que vous ne le votez pas. Cela ne doit pas etre le fruit d'un conflit politique. Ce sont les principes moraux qui doivent vous guider ", a explique Mr Meric sans convaincre les deputes des oppositions. Pour l'UDC, Mr Francois Rochebloine (Loire) a refuse, pour le mode de calcul du rapport constant, la reference au seul traitement des fonctionnaires : " Nous esperions et avions reclame que soit pris en compte un revenu globalise incluant en particulier les primes accordees aux agents de la fonction publique. " S'agissant de la commission de controle et d'evaluation de l'application du nouveau rapport constant, le depute UDC a souhaite que des representants de chacun des groupes parlementaires y participent. Mr Meric s'y est montre favorable. Pour le RPR, Mr Christian Cabal (Loire), ce budget est " moins mauvais que le precedent ", mais " il ne peut etre meilleur que ce qui etait execrable ". Mr Cabal a souleve notamment l'eternel probleme de l'attribution de la carte d'ancien combattant, notamment aux anciens d'AFN. Au nom du PCF, Mr Daniel Le Meur (Aisne) a estime que vouloir imposer une reforme du rapport constant dont les associations de combattants " ne veulent pas " relevait " d'un mepris profond envers elles ". Repondant aux critiques dont son budget a fait l'objet, Mr Meric a annonce dans la nuit que le gouvernement ferait, lors de la deuxieme lecture, des pas pour repondre aux attentes des parlementaires : garantie pour l'efficacite du nouveau systeme de calcul du rapport constant ; revision des causes qui donnent naissance a des pensions trop elevees ; enfin, amelioration du niveau des pensions des veuves de guerre. Il demandait ensuite, la mort dans l'ame, la reserve du vote de son budget. L'ONU invite le Maroc et le Front Polisario a dialoguer. - La commission de decolonisation de l'ONU a adopte, le 25 octobre, par consensus, une resolution sur le Sahara occidental invitant implicitement le Front Polisario et le Maroc a un dialogue direct pour resoudre ce conflit vieux de quatorze ans. La resolution " exprime sa conviction que la poursuite du dialogue direct entre les deux parties en conflit pourrait contribuer a l'aboutissement du processus de bons offices conjoints du president en exercice de l'Organisation de l'unite africaine (OUA) et du secretaire general de l'ONU, et au retablissement de la paix au Sahara occidental ". Alice, la petite fille tant cherie par Lewis Carroll, n'a pas fini d'inspirer les cineastes, version gentille, version perverse. Ou carrement cauchemardesque, celle de Jan Svankmajer. Son Alice est une petite fille blonde aux cheveux raides. Elle s'ennuie tandis que sa soeur - dont on ne voit pas le visage - est en train de lire au bord de la riviere. Jusqu'alors, rien que de tres attendu. C'est le debut meme du livre magique. Alice joue avec les feuilles mortes qui tombent sur les volants de sa robe rose. L'eau est opaque. Alice se retrouve dans une sorte de grenier, indescriptible capharnaum. Elle jette des cailloux dans une tasse de the qui deborde sur sa soucoupe. Les murs sont lezardes, les objets qui trainent donnent une impression d'humidite moisie. Il y a une vieille grosse pendule et, dans une cage de verre, un lapin de peluche blanc, rape et sale. Soudain il s'anime, brise les parois de sa prison, s'ouvre le ventre. En coule du son dont il se gave. Ensuite, du terreau qui couvre le sol, il sort un tiroir dont il extrait d'effrayants ciseaux rouilles, puis s'y engouffre, disparait. Alice veut l'y suivre, il faudra d'abord qu'elle en trouve la clef. Finalement, le film de Jan Svankmajer ne s'eloigne pas tant de Lewis Carrol. On y retrouve les deux Alice et aussi quelque chose du Jabberwocky. Mais autant dans les livres la violence nait de l'apparente douceur indolente du texte - et de la censure que cela signifie, - autant ici elle s'etale, provocante. La petite Alice (Kristina Kohoutova) court a la recherche du lapin dans le labyrinthe d'un monde fetide - couloirs, escaliers, chambres delabrees dont le plancher menace de s'ecrouler, creuse de trous ou de vieilles chaussettes gonflees comme de gros vers plongent en se tortillant. Alice se balade parmi une population d'objets au mieux indifferents, presque toujours hostiles et si deglingues qu'ils rendraient jaloux les Crados les mieux reussis. Le film mele differentes techniques d'animation et la petite fille vivante aux cheveux raides. C'est elle seule qui parle, qui raconte. Quand c'est pour elle-meme, on la voit tout entiere. Quand elle cite les animaux, cartes a jouer et autres personnages du conte, on ne voit sur toute la surface de l'ecran que sa bouche, ses levres trop rouges, trop charnues. Alice se debat avec les squelettes translucides de poissons aux yeux de verre, avec des grenouilles gluantes, avec le lievre de mars, tout en peluche galeuse, avec un petit cochon vivant qui, dans une maison pas plus grande qu'un de a coudre, pleure comme un bebe... On entre dans les contes de fees qui font peur aux enfants. L'inconnu, l'effrayant inconnu s'accumule, se precipite comme des tas d'ordures roulees par les vagues au pied de digues en bois. Rien n'est epargne a Alice. Finalement, la seule scene emouvante est celle ou le roi et la reine des cartes tendent a Alice un carnet de classe et exigent qu'elle l'apprenne par coeur, puis la trahison du pere - le roi - qui finit par dire a la reine : "Vous avez raison, chere amie." Mais Alice contemple tout ca sans frayeur excessive, sans curiosite debridee - il est vrai que Kristina Kohoutova, dit le realisateur, a tourne seule dans le decor vide, sans ses "partenaires", ce qui lui donne son air a cote de la plaque, et au film une sorte de froideur distante, remplacant l'humour flegmatique de Lewis Carroll. D'humour, ici, il n'y en a pas, mais une ferocite minutieuse. Parce que Jan Svankmajer est tcheque, on parlera peut-etre de Kafka. On pourrait ausi bien citer Edgar Poe, a cause des labyrinthes souterrains a la Gordon Pym, de la sensation d'etouffement, d'ecrasement qui se degage du film. Quant au realisateur, il se refere aux compositions du peintre Arcimboldo. Rien n'est jamais ce qu'il parait, rien ne reste ce qu'il est. Les formes se modifient au long du temps, tendent des pieges. On peut trouver dans le film de Jan Svankmajer un surrealisme psychanalytique insistant, mieux vaut se laisser envouter par ce fabuleux alchimiste de l'image. Un autre de ses talents est de constituer pour chaque piece un materiau choregraphique propre, en sorte qu'elles different sensiblement tout en portant sa tres forte griffe. Devant des panneaux coulissants de Donald Judd, bleu et vert, et sur une musique repetitive et enjouee de Robert Ashley, le ravissant Son of gone fishin' revealed semble n'avoir d'autre pretention que de mettre les danseurs en jambes et le public en appetit; sous une apparence de liberte, d'improvisation, d'amusement, se cache une exploration acharnee des possibilites du corps. Dans Glacial Decoy, en silence, des belles de nuit en longue chemise blanche plissee font contrepoint a des images projetees par Robert Rauschenberg sur quatre grands ecrans : des palmiers, des fleurs, la mer, du linge qui seche, un fauteuil, des vaches. Trisha Brown se sert astucieusement des coulisses : lors d'une sequence executee en parallele par deux danseuses, une troisieme se joint a elles en entrant tantot a droite, tantot a gauche, donnant a croire que le mouvement continue hors de notre champ visuel. Newark est une splendeur, un chef-d'oeuvre que la troupe nous avait deja presente en 1987 au Theatre de la Ville. D'immenses panneaux de Donald Judd, aux couleurs pures et intensement vibrantes, montent et descendent devant ou derriere les danseurs en collants gris, creant de nouveaux espaces, de nouveaux climats ; la choregraphie, qui oppose deux garcons evoluant presque sur place aux flux et reflux d'un quintette de filles, y atteint une maitrise, une concision et une force extraordinaires. On retrouve Robert Rauschenberg dans Astral Convertible, cree au dernier festival de danse de Montpellier : des tourelles metalliques de diverses hauteurs parsement le plateau, portant des projecteurs qui clignotent selon les deplacements de neuf danseurs moules d'argent - ils agissent aussi sur le dispositif sonore. La encore, une choregraphie etonnante d'imagination, une fluidite n'autorisant que de rares arrets sur image, une sensualite discrete, une energie qui se nourrit d'elle-meme inepuisablement. Autres talents de Trisha Brown : elle sait construire un programme - celui-ci est d'une composition irreprochable, - et la longueur de ses pieces n'excede jamais ce qu'elle a dire. Naissance voila quelque quarante ans au bord du lac de Constance ; debuts musicaux dans la troupe d'elite de la Philharmonie de Berlin, comme contrebassiste ; rencontre determinante dans un magasin de Munich avec un industriel en mal de sponsoring ; marche passe : l'equivalent de quarante-cinq mille francs de mise de fonds contre la promesse d'inventer une nouvelle facon d'enregistrement. Moderne conte de fees, l'histoire de Manfred Eicher est aussi celle de l'Edition de musique contemporaine. Traduisez : ECM. Et deduisez du label que si le jazz fut d'abord sa priorite, rien de ce qui est moderne ne lui est etranger. Encore faut-il s'entendre, nous rappelle Eicher, sur l'idee de modernite : " Partout, quand on parle de musique moderne, regne un discours marque d'etroitesse ideologique. Avec ECM, j'ai voulu creer un nouveau champ musical. " Champ cultive avec un tel soin qu'il delimite aujourd'hui rien moins qu'une esthetique dans son refus meme de limite. Le prototype et la star d'ECM, c'est, bien sur, Keith Jarrett, jazz cote pile, classique cote face, pianiste sans sectarisme puisqu'il s'assied au besoin au clavecin (Harpsichord en allemand, comme il est ecrit sur la pochette immaculee des Variations Goldberg de Bach, qui vient de paraitre). Mais la politique d'enregistrement d'ECM va aussi, pour s'en tenir a ses disques recents, de Perotin par le Hilliard Ensemble, a Hindemith et a Chostakovitch par l'equipe de Guidon Kremer, en passant par Holderlin recite par Bruno Ganz, Meredith Monk, les Minimalistes (Steve Reich, Gavin Bryars) et Arvo Part, l'inclassable Estonien, le repetitif inspire de Dieu, devenu contre toute attente l'idole des jeunes aventureux. " Nous vendons en moyenne quinze mille exemplaires d'un disque. Passion, d'Arvo Part, en est a trente mille. Ça s'est fait de facon non premeditee. Je ne reflechis jamais en terme de rendement ou de budget. Part etait tout a fait inconnu en Allemagne. J'ai entendu sa musique a la radio. J'ai compris qu'il faisait partie de ma sensibilite. " L'heterogeneite est tres importante aujourd'hui ou nous voyons la fin d'une certaine modernite longtemps symbolisee par le serialisme et le Festival de Donaueschingen. J'y allais apres 1968, j'ai laisse tomber. Berg, Webern, tout le monde se reclame de leur paternite. Dans les annees 70, je ne me suis pas senti tres a l'aise. J'ai fait des disques dont je ne suis plus satisfait : Pat Meteny, des musiques consonantes, complaisantes. J'ai beaucoup lu alors. Je suis alle au cinema revoir Bresson, Godard, chercher des impressions artistiques fortes. Et j'ai recommence a travailler avec l'Art Ensemble en poussant davantage vers le free jazz, en prenant des risques. " On parle beaucoup du son d'ECM, mais l'important est de capter l'aura de la musique. Peu importe qu'on le fasse en technique numerique ou analogique. Mon role de producteur s'exerce au montage mais, surtout, au moment de la disposition des micros : avec Arvo Part, on a fait des enregistrements avec des tableaux de sons differents, pour creer les reverberations que nous voulions. Un orage s'est leve, nous avons utilise un micro pour capter le vent. Je me considere comme un metteur en scene : le secret du son, c'est l'imagination. " Jean Image, cineaste d'animation, est mort a Paris mercredi 25 octobre. Il etait age de soixante-dix-huit ans (nos dernieres editions datees jeudi 26 octobre). Imre Hadju nait a Budapest le 26 janvier 1911. Peintre et decorateur, emigre en France en 1932, il devient realisateur et producteur de films publicitaires en 1937 sous le nom de Jean Image. Puis il se consacre au dessin anime. Le Loup et l'Agneau, oeuvre allegorique anti-nazie (1939-1940), est detruite sous l'Occupation. Il en realisera une autre version dans les annees 50, alors qu'il illustre les fables de La Fontaine. Le graphisme de Jean Image obeit a l'influence de Walt Disney, sans etre aussi brillant techniquement. En France, le dessin anime restera plus ou moins artisanal. Jeannot l'intrepide, long metrage de 1951, vient, apres les essais de Paul Grimault, affirmer la vitalite d'une ecole francaise de l'animation. Pour les enfants, le style de Jean Image est simple, attrayant. Plus tard, on lui reprochera d'en manquer. Il a suivi son chemin dans une sorte de tradition qu'on peut considerer comme du classicisme, avec Bonjour Paris (1952), Mr Victor ou la Machine a retrouver le temps (1957), la Petite Reine et l'aventure du Pere Noel (1958), Magie moderne (1958), le Petit Peintre et la Sirene (1960), Aladin et la lampe merveilleuse (1969). Il a ete l'auteur de series televisees, telle Kiri le clown. Ses derniers longs metrages, les Fabuleuses Aventures du legendaire baron de Munchhausen (1978) et le Secret des Selenites (1982), temoignaient encore de sa perseverance. Le conseil d'administration de la Compagnie de navigation mixte s'est tenu, mercredi 25 octobre, sous la presidence de Marc Fournier. A la sortie, les dirigeants et les membres du conseil ont observe un silence rigoureux sur la conduite qu'ils entendent tenir face a l'OPA-OPE lancee par la Compagnie financiere de Paribas. Mr Fournier, president de la Compagnie de navigation mixte, devait tenir une conference de presse jeudi. Alors que l'OPA lancee par Paribas contre la Navigation mixte n'a pas encore recu le feu vert du comite des bourses de valeur ni la benediction de la Commission des operation en Bourse, la contre-attaque aurait-elle deja commence? Mr Fournier, president du holding convoite par Paribas, a depose devant le ministre de l'economie et des finances une demande d'autorisation de franchissement de seuil. La loi du 10 juillet 1989 oblige en effet toute personne qui cherche a s'emparer de 10% des droits de vote d'une societe qui a ete privatisee en 1986 a le "declarer au ministre charge de l'economie qui peut s'y opposer par arrete motive dans un delai de dix jours". La lettre etant datee du dimanche 23 octobre, Mr Pierre Beregovoy a donc jusqu'au 4 novembre pour signifier son opposition. Celle-ci ne peut etre fondee que sur la legitime "protection des interets nationaux". Autrement dit, si Mr Fournier entend grignoter le capital de Paribas avec l'aide de groupes etrangers, il risque de se heurter a un refus du gouvernement. Jusqu'a 1992, celui-ci s'est donne les moyens de proteger la nationalite des groupes privatises en 1986. Une fois le feu vert de la rue de Bercy octroye, Mr Fournier devra ensuite obtenir celui du comite des etablissements de credit. Pour franchir 10 % dans le capital d'un groupe bancaire, la loi impose le visa des autorites de tutelle. " Il s'agit de savoir si l'acheteur est bien mis de sa personne et repond aux criteres d'honorabilite que l'on souhaite pour la place financiere de Paris ", explique un membre de l'administration des finances. Autrement dit, le feu vert du ministre determinera celui de la Banque de France. Mr Fournier a-t-il reellement l'intention de rentrer plus avant dans Paribas pour mieux proteger la Mixte ? Cette tactique lui avait deja reussi en 1977. Pour se tirer des griffes des chargeurs Delmas Vieljeux allies a la BNP, Marc Fournier avait lance une OPA sur le capital de son agresseur. Au terme d'un long combat boursier, les deux parties avaient penetre si loin dans le capital de l'un et de l'autre, qu'ils avaient fini par signer un armistice et se retroceder leurs titres respectifs. Rien n'indique cependant que tel sera le cas ici. Grignoter le capital de Paribas risque en effet de faire monter l'action de la banque de la rue d'Antin... et paradoxalement de valoriser l'OPA-OPE lancee par Paribas sur la Mixte. Paribas a, en effet, offert 1850 F ou trois actions Paribas en echange d'un titre Mixte. Plus Mr Fournier attaquera Paribas, plus le titre montera et plus les actionnaires de la Mixte seront tentes d'apporter leurs titres a l'OPE pour beneficier d'une plus-value. Et plus ils choisissent l'OPE et plus le capital de Paribas s'accroit, eloignant par la meme le danger d'une incursion significative. Paribas, qui souhaitait a l'origine prendre seulement 25 % de la Mixte pour jouer un role actif d'actionnaire principal a, devant la mauvaise volonte de Mr Fournier, lance une OPA-OPE pour s'emparer de la totalite. Le piege semble si bien ficele que dans leur grande majorite, les milieux financiers sont sceptiques sur les chances de la Mixte d'y echapper. Meme ses actionnaires les plus fideles estiment que les noyaux durs et autres pactes d'actionnaires ne resistent pas longtemps a une flambee des prix. Toutefois, sur la place de Paris il est encore certains isoles pour penser que le patron de la Mixte n'a pas joue toutes ses cartes et qu'il controle une part appreciable de son capital. Sans parler de toutes les finesses juridiques qui pourraient etre utilisees pour freiner le ralliement a Paribas. Du jeudi 26 octobre au jeudi 2 novembre, le ministre de la defense, Mr Jean-Pierre Chevenement, sejournera en Polynesie. Il aura une serie d'entretiens avec les autorites politiques locales pour etudier les consequences economiques de le presence du Centre d'experimentations du Pacifique (CEP). Il visitera notamment l'atoll de Mururoa, ou il pourrait assister a un essai souterrain et ou il examinera, sur place, les implications de la decision gouvernementale de reduire de huit a six par an le nombre des essais a partir de 1991. Les syndicats des finances sont-ils pris a leur propre piege? Conduits a adopter une attitude intransigeante apres le succes de la manifestation nationale du 19 octobre, les voila dans l'impasse, coinces entre un gouvernement qui ne leur accordera rien de plus - Mr Michel Rocard l'a, ces derniers jours, affirme on ne peut plus clairement - et des grevistes qui, s'ils demeurent fortement mobilises aux impots, commencent a lacher prise aux douanes et au Tresor. Certes, la CGT et le SNUI affirment que le mouvement peut encore aboutir, mais a la CFDT et a FO, on doute qu'une telle issue soit vraiment possible tout en excluant pour l'instant d'appeler a la reprise du travail "compte tenu de la mobilisation des agents sur le terrain". Toutefois, selon le ministere de l'economie, on denombrait quelque 40000 grevistes (sur 180000 agents des finances) dont 23000 aux impots le mercredi 25 octobre contre 48000 la veille. "Lors de la negociation du 20 octobre, nous nous sommes sans doute braques sur un point d'affichage. C'est peut-etre un peu dommage", reconnait un dirigeant syndical. Mise a part la CGT, on admet d'ailleurs dans les autres organisations qu'il serait risque d'organiser la semaine prochaine une nouvelle manifestation nationale. D'ou l'incertitude qui flotte autour de "l'initiative de grande ampleur" promise par l'interfederale CGT-CFDT-FO-SNUI. Par ailleurs, la decision des deputes socialistes de se rallier finalement aux ultimes propositions de Mr Pierre Beregovoy, ministre de l'economie, a ete recue comme un serieux coup dur par les syndicats... On est a cent lieues de la modernisation de la fonction publique que l'on nous promet" note, amer, Mr Jean-Marie Pernot (CFDT). "M. Beregovoy veut nous casser. Il peut y parvenir, mais les problemes de fond qui existent aux finances ne seront pas regles pour autant. Tout ce qui interesse le ministre, c'est d'obtenir la reprise du travail a peu de frais, de menager sa credibilite politique et de preparer le congres du PS. Les agents des finances, qu'ils soient grevistes ou non, recevront dans les prochains jours une prime de 2 200 francs sur leur bulletin de paie d'octobre. Les autres fonctionnaires, eux, devront encore patienter un mois... pour ne toucher que les 1 200 francs de la prime de croissance. A vrai dire, les syndicats des finances sont quelque peu embarrasses apres l'annonce de ce coup de pouce qui ressemble etrangement a la "prime de conflit" a laquelle le premier ministre avait dit "non" le 4 octobre devant l'Assemblee nationale. Il est vrai que cette mesure a ete decidee par Mr Beregovoy, qui s'etait engage a verser fin octobre a ses agents une "prime de productivite" de 1 200 francs et a un a-valoir de 1 000 francs sur la prime de croissance. La transformation de la premiere en une indemnite mensuelle n'ayant pas pu etre prise en compte par l'informatique, les agents des finances recevront donc une avance substantielle qui permettra a certains grevistes de compenser les dix jours de retenues sur salaire preleves en octobre. Enfin, un reliquat de 200 francs sur la prime de croissance et la prime mensuelle de 65 francs accordee le 20 octobre seront verses en fin d'annee aux agents des finances... Les federations de cheminots CGT, CFDT et CFTC ont depose un preavis de greve du 6 novembre a 20 heures au 8 novembre a 8 heures. Les syndicats entendent faire aboutir des revendications salariales (la CGT reclame 1 500 F d'augmentation mensuelle, la CFDT demande que les salaires ne soient pas inferieurs a 6 500 F ainsi qu'une prime de 620 F par mois, alors que la CFTC entend obtenir un rattrapage salarial). Les syndicats s'opposent par ailleurs au plan d'entreprise presente par la direction. FO et CGT organiseront separement, le 7 novembre, une journee de greve dans la fonction publique, date deja choisie par Force ouvriere pour une manifestation nationale. La CGT a annonce cette initiative le mercredi 25 octobre, a l'issue de la reunion consacree a la categorie B de la fonction publique entre les syndicats et Mr Bernard Pecheur, directeur de la fonction publique. Le 7 novembre, la CGT et FO devraient emprunter un itineraire identique, de la place Denfert-Rochereau a l'hotel Matignon. Les appels a la greve lances par la CGT concernent les fonctionnaires de l'Etat et des collectivites locales, les PTT, ainsi que les secteurs sante et action sociale. Alors que les pouvoirs publics s'appretent a rendre publiques dans une quinzaine de jours les decisions sur la restructuration de la chimie francaise - commencee en 1982, - le groupe d'Etat Orkem, concerne au premier chef, envisage de lancer une OPA amicale sur Coates, entreprise britannique productrice d'encres et de vernis, dont il est l'actionnaire majoritaire a 40%. Coates a confirme avoir ete approche par Orkem et se reserve de repondre a la proposition de la firme francaise "en temps voulu". Quand, en janvier 1988, Mr Serge Tchuruk, PDG d'Orkem, annoncait sa decision de vendre a Coates sa filiale Lorilleux International, il avait plus d'une idee derriere la tete. Orkem, qui avait tout juste reussi, fin 1987, a sortir d'une situation financiere perilleuse (12 milliards de francs de pertes en vingt ans, dont 10,6 milliards entre 1980 et 1986), en degageant prematurement ses premiers benefices (1 milliard de francs), depuis 1979, etait encore bien incapable de financer sa restructuration et le renforcement, pourtant indispensable, de ses positions industrielles. Pour y parvenir au moindre cout, Mr Tchuruk avait mis sur pied une strategie complexe et hardie d'associations. C'est ainsi que dans le secteur des encres, il avait apporte a la firme britannique Coates tous les actifs de la filiale Lorilleux International en echange d'une participation de 33,4% au capital de cette entreprise. En meme temps, Orkem lancait une OPA partielle sur 10% des actions Coates. Resultat : apres dilution des actifs de Lorilleux, le groupe francais se retrouvait actionnaire majoritaire de Coates a 40 % environ, et ce, pour la somme de 180 millions de francs. Le nouveau groupe constitue (Coates-Lorilleux) accedait a la troisieme place mondiale dans l'industrie des encres et vernis avec un chiffre d'affaires de 3,2 milliards de francs (3,5 milliards pour 1989) derriere l'allemand BASF, numero un (5 milliards), et le japonais Dainippon (4 milliards). C'etait un veritable pari... et une figure d'acrobatie, car il avait fallu privatiser Lorilleux en utilisant la fameuse loi de respiration. Mais ce montage, pourtant habile, ne devait pas pleinement satisfaire Mr Tchuruk, qui, probablement, revait secretement de prendre le controle du nouvel ensemble. C'est le but des negociations engagees. Cette fois, la situation a change. Conforte par les resultats superbes enregistres pour 1988 (3 milliards de francs de benefice net) et ceux attendus pour 1989 (sans doute 5 milliards ou plus), Orkem est en mesure de racheter la totalite des actions Coates restant en circulation (60 % du capital), soit 38 millions de titres au total. A l'annonce des negociations engagees avec Orkem, l'action Coates a bondi mercredi au London Stock Exchange pour coter 408 pence (+ 141 pence). En retenant ce prix comme base de la transaction, Orkem devra debourser au moins 1,5 milliard de francs. Mais avec le talent qui le caracterise, Mr Tchuruk pourrait bien arriver a enlever l'affaire pour 1,2 ou 1,3 milliard. Le moment choisi pour lancer cette OPA sur Coates n'est sans doute pas tout a fait innocent, ni du au simple hasard du calendrier. Mr Roger Fauroux, ministre de l'industrie, devrait rendre publiques dans la deuxieme quinzaine de novembre les mesures arretees pour achever la restructuration de la chimie francaise. Le renforcement d'Orkem pourrait l'inciter a raccrocher l'entreprise au groupe Total, dont Mr Serge Tchuruk doit prendre la presidence en fevrier 1990, sans avoir trop a recourir a la chirurgie mutilante du decoupage a laquelle les parties interessees repugnent. L'universite de Toronto change d'avis. Moins de huit jours apres s'etre vigoureusement opposee au rachat de Connaught, le fabricant canadien de vaccins (le Monde du 20 octobre) par l'Institut Merieux (groupe Rhone-Poulenc), elle vient de lever toutes ses objections et va en aviser l'agence federale Investment Canada, chargee d'examiner les prises de controle. L'universite de Toronto, en effet, a obtenu ce qu'elle voulait. Aux termes de l'accord conclu avec la delegation francaise, qui s'etait immediatement rendue au Canada pour discuter du bien-fonde d'un rapprochement industriel Merieux-Connaught, le laboratoire francais s'est engage a investir 83 millions de francs sur dix ans, dont 9 millions dans cette universite, pour financer la recherche dans les vaccins et l'immunobiologie. C'est la somme que l'autre candidat au rachat de Connaught, la firme suisse Ciba-Geigy, alliee de l'americain Chiron, avait promis de depenser aux memes fins. Merieux n'a plus desormais qu'a presenter d'ici a la fin du mois d'octobre sa nouvelle offre publique pour racheter Connaught, ainsi que le lui a demande l'agence federale Investment Canada. Cet organisme n'a jamais refuse une seule prise de controle etrangere. Reunis a Montpellier, le president du conseil regional du Languedoc-Roussillon ainsi que les presidents des conseils generaux de l'Herault, de l'Aude et des Pyrenees-Orientales, et les maires des grandes villes du littoral concernees, se sont declares prets a prendre leur part du TGV-Mediterranee. Un consensus s'est en effet degage pour que les collectivites locales financent entierement une portion de voie entre Perpignan et la frontiere, dont le cout est evalue a 2 milliards de francs, la voie Valence-Perpignan etant evaluee a 13 milliards de francs. Le projet de la SNCF prevoit une ligne commune Valence-Orange, puis deux branches separees. La premiere se dirigerait vers l'Espagne, via Nimes, Montpellier, Beziers, Narbonne et Perpignan. Un tunnel de 4 kilometres, creuse sous le Perthus, permettrait de passer en Espagne. La seconde partirait vers Marseille et Nice. Ce dernier axe, juge rentable et evalue a 15 milliards de francs, serait entierement finance par la SNCF. Rennes sera l'une des plus petites agglomerations du monde a s'equiper d'un metro. Le conseil municipal de Rennes a decide, le mercredi 25 octobre, de retenir le VAL, le metro automatique leger, de Matra, de preference au tramway d'Alsthom. Il s'est rendu aux arguments de son maire, Mr Edmond Herve (PS), qui souhaitait donner a sa ville une image de marque moderne. La ligne, qui va etre mise en chantier, ira de Villejean a la ZUP-Sud, via le centre et la gare. Elle aura une longueur de 9,3 kilometres, dont 3,8 kilometres en tunnel. Le cout des infrastructures et du materiel roulant est evalue a 2 milliards de francs. La decision de Rennes est une revanche pour Matra, qui s'etait fait evincer, en juillet dernier, au profit du tramway a Strasbourg. Matieres premieres : hausse. Les prix internationaux des matieres premieres importees par la France ont augmente de 1,3 % (en francs) au cours du mois de septembre par rapport a aout. En un an (septembre 1989 compare a septembre 1988), la hausse est de 2,7%. Les prix alimentaires (denrees tropicales et oleagineux) ont baisse de 1,1 % par rapport a aout, mais ont chute de 24 % par rapport a la meme periode de l'annee derniere. En revanche, les prix des matieres premieres industrielles ont nettement augmente : de 2 % en un mois, de 12 % en un an. Au terme de deux journees de negociations avec les representants des gouvernements creanciers reunis au sein du Club de Paris, le ministre equatorien des finances, Mr Jorge Gallardo, a annonce, mercredi 25 octobre, avoir obtenu le reechelonnement des echeances dues avant le 31 decembre 1990. Le pays pourra ainsi commencer a rembourser la dette contractee avant le 31 octobre 1989, ainsi que celle courant du 1er novembre au 31 decembre 1990, apres un delai de grace de six ans. Les sommes reechelonnees atteignent 829,5 millions de dollars (5,4 milliards de francs environ). La dette exterieure totale de l'Equateur s'eleve a 11 milliards de dollars, une dette dont plus de la moitie a ete contractee aupres de banques. Intervenant le mercredi 25 octobre au Congres a propos du debat sur l'independance de la Reserve federale, son president Alan Greenspan a declare qu'il serait possible d'eliminer l'inflation aux Etats-Unis d'ici cinq ans tout en evitant une recession. Cependant, la realisation d'un tel objectif ne peut se faire, selon Mr Greenspan, sans cout pour la croissance et implique que les Etats-Unis s'engagent dans une reduction importante de leur deficit budgetaire. Mr Greenspan a egalement rejete les propositions de rapprochement entre l'administration et le Fed, affirmant que leur mise en oeuvre " pourrait risquer de detourner la politique monetaire de ses objectifs a long terme ". Au moment ou les deputes abordent, le jeudi 26 octobre, l'examen du budget de l'agriculture, la FNSEA et le CNJA organisent une manifestation, dans l'apres-midi, devant l'Assemblee nationale. Selon Mr Raymond Lacombe, president de la FNSEA, " les agriculteurs veulent montrer leur determination aux autorites publiques pour qu'enfin soient prises en compte leurs legitimes revendications ". La FNSEA reclame la " reduction des charges (impot sur le foncier non bati et cotisations sociales) et la mise en place rapide de mesures en rapport avec la gravite de la secheresse". Pour sa part, le CNJA explique que depuis le 23 aout, date de l'annonce du plan gouvernemental relatif a la secheresse, " aucun franc, aucun centime n'a encore ete distribue ". Une erreur de transmission s'est glissee dans le compte-rendu des debats parlementaires sur le budget de la recherche (le Monde du jeudi 26 octobre) : il fallait lire "deux cents entreprises concentrent 80 % de la recherche" et non 8 %. Presente par Mr Jack Lang et Mme Catherine Tasca, le budget de la communication n'a pu etre soumis au vote, mercredi 25 octobre, a l'Assemblee nationale, faute de majorite. Les deputes communistes, tout comme ceux du RPR, de l'UDF et de l'UDC (apres moult hesitations) ayant annonce leur intention de voter contre, le budget a ete " reserve " en attendant l'examen des credits de la culture a la mi-novembre. Le budget de l'audiovisuel public (hors TDF) s'eleve a 10,9 milliards de francs (redevance et publicite confondues), en hausse de 9,2 %, et celui de la presse atteint 273,7 millions (+ 14,6 %). Voteraient ? Voteraient pas ? Qu'allaient faire les deputes centristes ? Le suspense devait tenir l'hemicycle en haleine du matin jusqu'au soir. Le matin, l'humeur est conciliante, et les bataillons de l'UDC penchent en faveur de l'abstention bienveillante. Las ! Le president du groupe, Mr Pierre Mehaignerie, passe dans les rangs et pese de tout son poids en faveur du rejet. Deception sur les bancs du gouvernement. L'apres-midi, nouveau revirement a la tribune. Mr Jean-Paul Fuchs (UDC, Haut-Rhin) plaide pour Radio-France et reclame pour la societe publique une rallonge de 18 millions de francs (5 millions pour ses stations locales, 2 millions pour sa promotion et 11 millions pour le programme du troisieme age, Radio Bleue). " Notre groupe tiendra compte de vos decisions dans ce domaine ", lance-t-il a Mme Catherine Tasca. Le ministre delegue a la communication saisit la balle au bond et promet de " trouver les moyens necessaires a l'extension de Radio-Bleue ". Des propos confirmes en fin de journee par l'adoption d'un amendement socialiste, accordant 11,8 millions supplementaires a cette derniere. L'espoir renait ; il est de courte duree. Dans la soiree, le verdict tombe : c'est non ! Les centristes ne s'abstiendront pas. Faute d'une majorite, le budget de la communication est le premier de la session a etre " reserve ". " Il n'est pas mauvais, concede dans les couloirs de l'Assemblee, le porte-parole du groupe UDC, Mr Christian Kert, (Bouches-du-Rhone), mais il reste encore beaucoup de raisons de ne pas le voter. Les concessions du gouvernement demeurent tres partielles ". Une analyse que ne partage pas Mme Christine Boutin (UDC, Yvelines) qui discerne dans l'attitude de son groupe des motivations plus... tactiques. Au sein de l'opposition, les recentes querelles ont laisse des traces. Le ministre de la culture et de la communication, Mr Jack Lang, n'a donc pas tort de deplorer dans l'hemicycle " certains effets detestables d'une politisation (...) que l'opinion publique a le droit de juger severement ". Alors que les credits de la communication connaissent leur plus forte hausse depuis 1982, ils patissent une nouvelle fois de la reputation " sulfureuse " d'un budget considere comme eminemment politique, quand ceux de la cooperation ou de la recherche et de la technologie, par exemple, sont adoptes sans encombre (le Monde du 26 octobre). Reste, pourtant, que le projet gouvernemental ne saurait se reduire a ce " budget de progres, de mouvement et d'ambition " que se plait a decrire Mme Tasca. Et que l'augmentation des credits de l'audiovisuel public masque parfois d'opportunes mesures en trompel'oeil que gonflent utilement les recettes prevues pour certaines societes l'an prochain, la SEPT notamment (le Monde du 7 octobre 1989). Les parlementaires ne s'y sont pas trompes, qui se sont particulierement inquietes de la situation d'Antenne 2. Tour a tour, MM Robert-Andre Vivien (RPR, rapporteur de la commission des finances), Bernard Schreiner (PS, rapporteur de la commission des affaires culturelles), Francois d'Aubert (UDF, Mayenne), et Jean-Jacques Queyranne (PS, Rhone) se sont inquietes de la degradation des finances de la chaine de reference (entre 300 et 350 millions de deficit cumule en deux ans). Autant de craintes qui n'ont pas ebranle l'optimisme du ministre delegue a la communication. " Il faut, certes, beaucoup de foi aux equipes professionnelles (...) Mais le budget leur donne pour 1990 des moyens inesperes " : 363 millions supplementaires. Enfin, a Mr Kert, qui s'inquiete de l'avenir de la SEPT (" le Belphegor des chaines "), dont le cout s'eleve, selon Mr Francois d'Aubert, a " 50 000 francs par telespectateur ", Mme Tasca a repondu que la chaine europeenne et culturelle avait engage " des discussions tres positives avec FR 3, qui devraient apporter bientot une diffusion gratuite, en clair et hertzienne, de ses programmes ". Des apaisements qui, malgre le caractere convenu de certaines critiques, n'ont pas reussi a debloquer les clivages parlementaires, le groupe socialiste se retrouvant seul pour approuver le budget Tasca-Lang. L'affaire des foulards coraniques divise les socialistes. La reunion du bureau executif du PS, mercredi 25 octobre, a ete entierement occupee par cette question, sur laquelle Mr Lionel Jospin a demande que l'instance dirigeante du PS se prononce, a l'appui de la position qu'il avait lui-meme exprimee, deux heures auparavant, a l'Assemblee nationale. Trois heures de discussion n'ont pas permis aux membres du bureau executif de parvenir a un accord. La reunion a repris jeudi matin, a la place de celle, hebdomadaire, du secretariat national, afin d'examiner et d'adopter un texte prepare, tard dans la soiree de mercredi, par un groupe de travail. Le ministre de l'education nationale a resume sa position en insistant sur la fermete de ses convictions laiques et en observant, en meme temps, qu'il devait resoudre un probleme concret a la rentree des vacances de novembre (pour ne pas dire de... la Toussaint). Pour Mr Jospin, la question se pose en termes simples : faut-il, ou non, exclure de l'ecole les jeunes filles qui s'y presenteraient la tete couverte d'un voile ? Sa reponse est negative, parce que l'obligation scolaire doit etre assumee et parce que l'exclusion ne serait pas comprise, particulierement par les lyceens condisciples de ces jeunes musulmanes. Cette facon de poser le probleme a ete contestee par certains intervenants, comme Mr Daniel Percheron, premier secretaire de la federation du Pas-de-Calais, estimant que le bureau executif n'avait pas a se prononcer sur l'attitude a recommander aux chefs d'etablissement a la rentree, mais sur le fond. Mr Percheron est, pour sa part, partisan d'une attitude carree : ceux qui ne se soumettent pas aux regles de la laicite doivent se voir fermer le chemin de l'ecole. Mr Andre Laignel, secretaire d'Etat a l'enseignement technique, apotre d'une laicite sans concession, a observe, lui aussi, que le ministre de l'education nationale ayant pris sa decision, il ne revenait pas au bureau executif de l'approuver ou de la contester. La demarche de Mr Jospin, sollicitant l'appui du parti apres avoir lui-meme tranche, a trouble plusieurs membres du bureau executif. Le ministre de l'education nationale a fait valoir qu'il avait arrete sa decision en concertation avec le president de la Republique et le premier ministre, qu'il avait consultes le 22 octobre. Il en avait discute au petit dejeuner du mardi, qui reunit les principaux ministres et responsables du parti autour de Mr Michel Rocard, le 24 octobre, et s'en etait entretenu de nouveau mardi apres-midi avec le chef du gouvernement. L'echange de vues du mardi matin avait ete marque en l'absence de MM Pierre Beregovoy, Pierre Joxe et Jean-Pierre Chevenement, par l'expression d'un desaccord entre Mr Jospin, d'une part, MM Laurent Fabius, Jean Poperen et Pierre Mauroy, d'autre part. Chacun dans une tonalite differente, le president de l'Assemblee nationale, le ministre des relations avec le Parlement et le premier secretaire du PS avaient conteste le choix du ministre de l'education nationale de tolerer le port du voile coranique dans les etablissements scolaires, meme si ce devait etre apres discussion avec les familles pour tenter de les convaincre de respecter la neutralite religieuse de l'ecole. Si la position de Mr Poperen, defenseur intransigeant de la laicite, n'etait pas pour surprendre, celle de Mr Mauroy, au nom de la base militante et electorale du PS, et, surtout, celle de Mr Fabius, considerant que l'ecole doit etre un espace protege contre les particularismes confessionnels, ont etonne davantage. Au bureau executif, plusieurs intervenants ont refuse de poser le probleme, comme le faisait Mr Jospin, en termes d'exclusion. Pour Mr Poperen, proceder ainsi, c'est inverser la logique de la situation et faire la part belle a l'adversaire. Ce n'est pas l'ecole qui exclut, estime le ministre des relations avec le Parlement, ce sont les familles elles-memes qui decident de mettre leurs enfants a part en leur faisant porter un signe distinctif, voire en refusant qu'ils assistent a certains cours. La position de Mr Jospin a ete soutenue par le numero deux du PS, Mr Henri Emmanuelli, proche du ministre de l'education nationale, qui a explique qu'il avait change d'avis en entendant un professeur de philosophie lui dire : " Laissez-les venir avec leur tchador. Je leur ferai etudier Montaigne. Quand elles acheveront leur scolarite, elles ne porteront plus le voile. " MM Jean Le Garrec et Gerard Collomb, mauroyistes, ont, eux aussi, appuye Mr Jospin, de meme que Mme Marie-Noelle Lienemann et, aussi, Mr Gerard Fuchs. Ce dernier a ete le seul rocardien qui ait manifeste un accord aussi net avec le ministre de l'education nationale. Mr Gerard Lindeperg, coordinateur du courant du premier ministre, MM Alain Richard et Jean-Pierre Sueur ont insiste, au contraire, sur la defense de la laicite et laisse paraitre, sur le fond, une divergence avec Mr Jospin. Mr Lindeperg a distingue deux niveaux, celui du probleme immediat de la rentree, qui ne peut se resoudre que par le respect de l'obligation scolaire, et celui qui doit etre pose a plus long terme et qui concerne les droits de la femme, ceux des enfants et les modalites d'integration dans la societe francaise d'enfants issus de l'immigration. Le responsable rocardien estime, en outre, qu'une formule du genre de celle qui avait ete employee pour examiner le code de la nationalite, c'est-a-dire la formation d'une commission de sages, pourrait etre utile pour completer ou reformer la legislation en matiere de laicite scolaire. Plusieurs membres du bureau executif ont souleve les questions posees par cette affaire au regard des droits de la femme et de ceux des enfants. Cela a ete le cas de Mr Pierre Guidoni, au nom du courant Socialisme et Republique. Mr Jean-Jack Queyranne, porte-parole du PS, proche de Mr Jospin, a fait montre d'une certaine reserve par rapport a la position du ministre, en evoquant les situations qu'il avait connues a Bron, la ville de la banlieue lyonnaise dont il est le maire, notamment le mariage force de jeunes musulmanes. Mme Yvette Roudy, ancien ministre des droits de la femme, proche de Mr Fabius, a demande si le droit a la difference pouvait aller jusqu'a respecter des coutumes telles que l'excision. Mme Genevieve Domenach-Chich, proche de Mr Mauroy, chargee des problemes de societe au secretariat national du PS, s'est rangee sur la position de Mr Jospin, mais sans dissimuler un desaccord de ton sur la conception de la laicite face au statut que l'islam tend a imposer a la femme. Le projet de texte soumis jeudi matin au bureau executif affirme clairement, sur ce point, que le port du voile est un " symbole d'oppression " et que l'ecole doit proteger les femmes contre une telle " contrainte ". Autant dire que la position de Mr Jospin n'a pas clos le debat. La position prise par Mr Lionel Jospin dans l'affaire des voiles coraniques a ete accueillie de facon diverse mais majoritairement hostile a droite, critiquee par le Parti communiste. Elle divise en outre les socialistes qui estiment que le ministre de l'education nationale cede du terrain a l'integrisme et ne defend pas suffisamment le principe de la laicite scolaire. Mr Jospin a demande au bureau executif du PS de se prononcer sur la position qu'il avait prise, apres concertation avec le president de la Republique et le premier ministre. On confirme a l'Hotel Matignon que Mr Michel Rocard soutient la decision de Mr Jospin. Toutefois au bureau executif, la plupart des rocardiens, tout en affirmant comme le ministre de l'education nationale que l'obligation scolaire doit etre respectee et impose d'accueillir les eleves apres les vacances de novembre, quelle que soit leur tenue, ont marque une distance sur le fond avec la position du ministre. Incapables de conclure apres trois heures de discussion, les membres du bureau executif se sont retrouves jeudi en fin de matinee pour adopter une position commune. LE gouvernement a voulu calmer le jeu, et on le comprend. La France ne peut se dechirer pendant des mois a propos du foulard islamique. Personne n'y a interet, en dehors des extremistes, qui veulent chasser les immigres, et des integristes musulmans, qui veulent empecher ceux-ci de... s'integrer. Mr Lionel Jospin a-t-il choisi la bonne methode et les mots adequats ? On le verifiera au cours des prochaines semaines, apres la parenthese des vacances scolaires de la Toussaint. On verra alors ce qui a ete retenu de ses propos : la fermete ou la souplesse, le "non" au tchador ou le "oui" a l'admission des eleves qui insisteraient quand meme pour le porter. Le ministre de l'education nationale jouait une partie tres difficile. Il voulait tenir compte, a la fois, des divergences de ses amis politiques dans cette affaire, des manoeuvres de la droite, de la diversite des situations dans les etablissements scolaires et - ce qui est plus important - de deux principes essentiels : la neutralite de l'ecole publique en matiere religieuse et l'egalite entre garcons et filles. Mr Jospin etait tenu de s'exprimer clairement pour ne pas laisser des chefs d'etablissement scolaire affronter seuls des problemes qui les depassent. Car l'affaire ne se limite evidemment pas a quelques foulards, ni d'ailleurs a l'ecole. Tout le monde a compris qu'il s'agissait de definir la place et le statut de la " deuxieme religion de France " dans une societe laique, marquee de culture judeo-chretienne et attachee a ses valeurs. Le ministre a ete clair sur un point essentiel : aucun eleve ne peut etre dispense d'une matiere au programme (gymnastique, musique, arts plastiques ou biologie) pour une raison religieuse. Cette precision etait indispensable. Elle confirme, si besoin etait, que le debat ne se reduit pas a un probleme local ou a une fantaisie vestimentaire. Sur le foulard lui-meme, Mr Jospin a ete plus ambigu. Il ne faut, selon lui, " venir a l'ecole avec aucun signe " religieux. Si une eleve insiste pour porter le foulard, un " dialogue " doit etre engage. Mais si la famille refuse de ceder, il faut alors admettre l'eleve avec ce vetement, car " l'ecole ne peut exclure ". Le ministre a un argument tres fort quand il souligne que l'ecole publique est le lieu d'emancipation par excellence des filles maghrebines et que les en ecarter reviendrait a favoriser des etablissements coraniques. Mais ne pouvait-il definir clairement un principe (non au foulard, oui au dialogue) et s'en tenir la, au lieu de commenter par avance sa non-application ? Que se passera-t-il d'ailleurs si une eleve refuse categoriquement la gymnastique ? L'exclura-t-on ? Le danger est que chacun interprete les propos du ministre a sa guise. On le voit deja a Creil, ou le principal du college estime qu'il n'est pas desavoue, alors que Me Verges, a qui les parents de deux adolescentes ont cru devoir confier le dossier, declare avec un grand sourire : " On a gagne. " Le secretaire general de la FEN, lui, " attend du gouvernement un texte reglementaire ". Il risque d'attendre longtemps... On ne voit pas comment Mr Jospin pourrait traduire sa proposition par une circulaire. Tout va dependre du doigte des chefs d'etablissement et de l'ampleur du phenomene. Si les foulards se faisaient rares et disparaissaient progressivement - ce qui est plus que souhaitable, - tout le monde aurait gagne. Mais si des familles musulmanes se sentaient encouragees a tenir bon et si des classes a fort effectif d'immigres se couvraient de foulards, il faudrait alors en discuter de nouveau a l'Assemblee nationale - de maniere plus approfondie et plus digne que mercredi apres-midi. De toute maniere, on ne fera pas l'economie d'un grand debat sur l'islam en France. Ce debat devra etre organise dans un climat plus serein qu'aujourd'hui et... avec les musulmans eux-memes, dont beaucoup se sont sentis exclus et mal a l'aise depuis deux semaines. L'" affaire du voile " a ete un revelateur. On aurait tort de la traiter a la legere, sous pretexte de " mediatisation " ou de " politisation ". Elle est d'ailleurs suivie avec interet dans des pays comme l'Algerie, le Maroc, la Tunisie ou l'Egypte, qui attendent au tournant le pays des droits de l'homme... et de la femme, voulant savoir comment la France va integrer " ses " musulmans sans renoncer aux regles et aux valeurs qui la constituent. Pierre Martin, maire communiste de Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne), est decede, mercredi 25 octobre, a l'hopital intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges des suites d'une grave maladie. L'Humanite de jeudi consacre une page a Pierre Martin, qui etait membre du comite central, et publie un message de Mr Georges Marchais a ses parents. - Mr Alain Fabre (ex-PS) a ete reelu, mercredi 25 octobre, au premier tour de scrutin, maire d'Ales, apres avoir demissionne cinq jours auparavant afin de pouvoir changer d'adjoint. Dans une atmosphere tendue, Mr Fabre a obtenu 25 voix sur 43. Mr Max Roustan (UDF) a ete elu premier adjoint. Le conseil municipal est compose de 11 UDF (dont 6 sont opposes au maire), 6 RPR, 16 ex-PS, 3 PS, 5 PC, 2 FN. - L'URSS a decide de reduire fortement ses abonnements au quotidien britannique Mornig Star, champion de l'orthodoxie communiste. La commande en bloc de Moscou passerait ainsi de douze mille a trois mille exemplaires. Inversement, l'URSS augmentera ses abonnements au mensuel Marxism Today, de tendance reformatrice, a annonce, mercredi 25 octobre, un porte-parole du Parti communiste de Grande-Bretagne (CPGB), qui publie le mensuel. Ancien organe du CPGB, le Morning Star, avait rompu ses liens avec celui-ci il y a cinq ans. Arrive, mercredi 25 octobre, a Helsinki, pour une visite de trois jours en Finlande, Mr Mikhail Gorbatchev a commence par assurer son premier interlocuteur, le president Mauno Koivisto, que l'URSS n'avait " aucun droit moral ou politique " de s'ingerer dans les reformes entreprises dans certains pays d'Europe de l'Est. Selon le porte-parole du ministere sovietique des affaires etrangeres, Mr Guerassimov, Mr Gorbatchev a egalement assure le chef de l'Etat finlandais de l'intention de l'URSS de respecter la neutralite de la Finlande. " Je salue la Finlande neutre, a declare le numero un sovietique. Pour moi, la Finlande est un modele des relations entre les grands et les petits pays, entre Etats dotes de systemes sociaux differents et entre voisins. Les initiatives et la bonne volonte de la Finlande ont servi la paix en Europe du Nord et dans tout le continent depuis des annees. " MM Gorbatchev et Koivisto ont tous deux reaffirme que le traite d'amitie sovieto-finlandais de cooperation et d'assistance mutuelle de 1948 constituait le fondement des relations entre leurs deux pays, tout en mentionnant la necessite d'" ajustements " indispensables, dont ils n'ont pas precise la teneur. A propos des evenements en Europe de l'Est, Mr Gorbatchev a, toujours selon Mr Guerassimov, affirme qu'ils " concernaient les pays et les peuples de la region ". " Nous n'avons aucun droit, moral ou politique, d'interferer dans leur deroulement ", a poursuivi le chef du PCUS, soulignant cependant, a l'adresse des Occidentaux, que cette regle etait valable pour tout le monde :" Personne d'autre ne doit s'ingerer ", a-t-il dit. Le president sovietique a d'autre part reconnu, au cours d'un banquet mercredi soir, que la perestroika traversait une periode difficile. " C'est logique, parce que nous faisons est une revolution dans la revolution, a-t-il dit. Et nous en sommes arrives aux etapes les plus cruciales. " Quelques centaines de " fans " finlandais ont accueilli le couple Gorbatchev aux cris de " Gorba, Gorba " devant la maison de Lenine, dans la banlieue d'Helsinki. Le chancelier Helmut Kohl a eu jeudi 26 octobre un entretien telephonique de 20 minutes avec le successeur de Mr Honecker, Mr Egon Krenz. Le chancelier s'etait declare, mardi, pret a une rencontre " bien preparee " avec Mr Krenz. Ce dernier a recu mercredi pour la premiere fois un dirigeant politique ouest-allemand, Mr Wolfgang Mischnick, chef du groupe parlementaire liberal au Bundestag. A l'issue de l'entretien, Mr Krenz a assure que " du cote de la RDA, la main est tendue pour des relations de bon voisinage " avec la RDA. L'Elysee a rendu public, mercredi 25 octobre, un telegramme de felicitations du president Mitterrand au nouveau chef de l'Etat est-allemand. " A un moment important pour l'avenir de la RDA, je formule des voeux et des encouragements pour la tache qui vous attend ", y declare le president francais, en annoncant par la meme occasion son intention de se rendre prochainement en visite en RDA. Le principe de la visite du president Mitterrand, prevue a l'origine pour la fin de l'annee, a toujours ete maintenu. Les evenement recents avaient seulement amene les dirigeants francais a en retarder les preparatifs. En RDA, vingt mille personnes ont encore participe mercredi a un rassemblement a Neubrandenburg, dans le nord, dix mille a Halberstadt. Un certain enervement commence a percer du cote des autorites. Le chef de la police de Berlin-Est, Mr Friedhelm Rausch, a mis en garde contre la poursuite de ces manifestations, denoncant l'existence d'un " noyau dur de militants ", cherchant la " confrontation ". " Le dialogue, oui, mais plus dans la rue ", a-t-il dit. A l'issue de sa rencontre avec Mr Mischnick, Mr Egon Krenz s'est une nouvelle fois refuse a reconnaitre l'existence d'une opposition. " Debarrassons-nous de cette idee d'opposition. Il y a en RDA des citoyens qui ont des idees sur les moyens de faire avancer le pays ", a-t-il dit. Cela n'a pas empeche que Mme Baerbel Boyley, cofondatrice de Neues Forum, principal mouvement d'opposition actuel, soit invitee mardi soir a prendre la parole lors d'une discussion publique dans la tres officielle " Maison des jeunes talents " a Berlin-Est. Sa presence en tant que representante de Neues Forum a ete rapportee par l'agence officielle ADN. L'un des membres du Bureau politique du parti communiste, Mr Guenther Schabowski, a, pour sa part, annonce qu'il rencontrerait prochainement l'un des animateurs du mouvement, Mr Jens Reich. Quand le president du conseil europeen rend visite a l'Assemblee de la Communaute, ce debat-la aussi doit-il etre franco-francais ? Sur les treize orateurs qui ont repondu mercredi a Francois Mitterrand, huit etaient francais. Ce n'etait pas seulement par simple courtoisie que les deputes europeens ont accorde la priorite a leurs collegues francais, mais aussi parce que depuis le renouvellement de l'Assemblee, en juin dernier, ceux-la jouent un role important, ne serait-ce qu'en presidant cinq des dix groupes. En outre, tous ceux - extreme droite, verts, regionalistes - que le scrutin majoritaire chasse du Parlement francais, ne pouvaient manquer l'occasion d'user des tribunes que leur offre l'election a la proportionnelle a Strasbourg. Ces querelles internes expliquent enfin le souci de Mr Giscard d'Estaing d'apparaitre comme le principal interlocuteur de son successeur a la tete de l'Etat. Chef d'Etat, Mr Mitterrand put s'exprimer a la tribune reservee aux hotes de marque et non depuis le banc du gouvernement comme les simples chefs de gouvernement. Il se dispensa ainsi de repondre lui-meme aux remarques des porte-parole des groupes, laissant ce soin a Mr Roland Dumas. Une banale querelle de procedure avait pourtant empoisonne l'atmosphere du palais de l'Europe. Le programme officiel prevoyait que le president de la Republique quitterait l'hemicyle immediatement apres avoir prononce son discours. Ce geste discourtois aurait ete fort mal apprecie. Mr Mitterrand a finalement ecoute les orateurs, assis entre MM Dumas et Beregovoy, pendant que Mr Laurent Fabius ne cessait de bavarder avec Mr Jacques Attali. Le grand motif de satisfaction fut pour Mr Mitterrand l'accueil reserve a son discours. A l'exception de l'extreme droite et des communistes francais, tous les deputes, y compris Mr Giscard d'Estaing (apres quelque hesitation) l'ont applaudi debout. Mr Rene Piquet, president de la coalition des gauches, a, certes, reaffirme la vision particuliere des communistes francais. Mais Mr Mitterrand a apprecie d'entendre, aussitot apres, la confirmation, par la bouche de Mr Luigi Colajanni, president de la Gauche unitaire europeenne, que les communistes italiens ont une vision de la construction europeenne fort proche de la sienne. La diatribe de Mr Antoine Waechter contre une Europe qui sacrifierait tout a la croissance n'a pas pu le surprendre, pas plus que celle de Mr Max Simeoni, autonomiste corse, qui a accuse la France de colonialisme. En connaisseur, Mr Mitterrand a meme du s'amuser quand Mr Jean-Marie Le Pen, pour les droites europeennes, l'a accuse de " haute trahison " des interets de la nation francaise. Plus important a ete, pour le president du conseil europeen, l'approbation de son programme par les grandes forces du Parlement de Strasbourg. Celle de Mr Jean-Pierre Cot, president du groupe socialiste, allait de soi, comme, probablement, celle de Mr Egon Klepsch, le president allemand du groupe du Parti populaire europeen (les democrates-chretiens) ; celui-ci s'est meme offert le luxe de remercier le president francais d'avoir desavoue Mr Charasse qui, la veille, avait refuse un accroissement des credits a la Pologne et a la Hongrie. Mr Giscard d'Estaing, au nom des liberaux, n'a pas non plus fait de critique, sauf pour l'harmonisation de la fiscalite indirecte ; il a, en revanche, suggere d'ameliorer l'aide a la Pologne, s'en prenant au passage a Mr Delors, accuse de " paternalisme blessant " ; il s'est meme felicite, a la sortie de l'hemicycle, que Mr Mitterrand ait repris a son compte plusieurs des propositions qu'il avait faites ces derniers temps. Cette attitude est d'autant plus interessante que Mr Christian de La Malene, president du Rassemblement democratique europeen, qui regroupe essentiellement les chiraquiens, n'a pas cache ses inquietudes devant les projets actuels de construction de l'Europe. La droite francaise n'est pas plus unie a Strasbourg qu'a Paris. Prenant la parole mercredi 25 octobre, devant le Parlement europeen de Strasbourg, Mr Francois Mitterrand a declare qu'il fallait aider Mr Gorbatchev, et que la seule reponse aux evenements en cours dans les pays de l'Est etait la construction de l'Europe politique. Il a plaide tout particulierement en faveur de l'union monetaire et a souhaite que la conference chargee de reviser les institutions europeennes se reunisse a l'automne 1990. Le gouvernement francais a annonce l'octroi d'une aide multiforme a la Pologne, se montant a pres de 4 milliards de francs. C'est un discours entierement centre sur la construction europeenne et volontairement dedramatisant qu'a tenu, mercredi 25 octobre a Strasbourg, Mr Francois Mitterrand. En temoigne, a lui seul, le renvoi en derniere partie, apres de tres developpements sur les devoirs urgents de la Communaute, du sujet le plus attendu : celui des bouleversements en cours en Europe de l'Est. L'exercice etait difficile : Mr Mitterrand parlait en tant que president du conseil des ministres des Douze devant le Parlement europeen, et ne pouvait donc s'exprimer ni en son propre nom ni meme en celui de la France ; il n'en desirait cependant pas mois repondre aux reproches, ou du moins aux questions, qui lui sont adressees depuis plusieurs semaines : quelle analyse le chef de l'Etat fait-il d'evenements qui semblent affecter les equilibres europeens ? Ceux qui touchent la RDA ont-ils un caractere specifique ? Quelle est la politique de la France ? A-t-elle mesure les risques de derapage ? Comment envisage-t-elle la future configuration de l'Europe ? Si l'on attendait des reponses precises a ces questions, on sera decu. Mais, du moins, Mr Mitterrand s'est-il arrange pour faire comprendre qu'elles ne lui etaient pas etrangeres et qu'il y pensait. Se refusant a toute analyse detaillee des evenements en cours et encore plus a tout pronostic sur leur deroulement a venir, il n'a voulu livrer que son approche generale, resolument positive. Contre les nostalgiques du confort que procurait l'ordre apparemment immuable de l'Europe des blocs, et contre les oiseaux de mauvais augure, il clame qu'il faut se rejouir des evenements en cours et y trouve le motif d'une envolee lyrique sur le reveil des peuples et l'appel de la liberte. Seule prediction a laquelle il se hasarde : ce mouvement est ineluctable et nul n'y echappera ; " Comment penser un instant que les autres y resisteront ? " demande-t-il apres avoir evoque la Pologne, la Hongrie, l'URSS et la RDA. Mais contre les enthousiastes beats, Mr Mitterrand fait comprendre aussi qu'il est conscient des aleas et des risques. " L'histoire, dit-il, n'est pas un fleuve tranquille ", et il annonce " des crises, des retours en arriere ". Pour tout commentaire, il demande : " Y sommes-nous prepares ? ". Il est conscient aussi de la fragilite de Mr Goprbatchev, dont il salue le role " eminent, historique ". Il ne tente aucune evaluation objective de ses chances de succes, fait part seulement de son attitude toute personnelle (" je crois a la volonte des hommes et a leur maitrise du destin ") et rejetant toute speculation sur l'avenir de Mr Gortbachev, il proclame avec force, sous les applaudissemnts des parlementaires : " Il faut l'aider ! " Mr Mitterrand est conscient enfin que ce sont les pauples qui aujourd'hui se font entendre plus fort que les Etats. Il n'evoque meme pas le processus d'Helsinki, il fait a peine allusion au desarmement, il ne s'aventure pas a ebaucher ce que pourrait etre la configuration politique et strategique de l'Europe de demain. " Tout sera plus complique ", dit-il simplement. Il n'aborde pas non plus directement la question allemande, meme s'il a note dans une phrase enlevee, que ce sont les peuples " qui abattent les murs et les frontieres ". Il rend en revanche a la Republique federale le plus bel hommage dont elle pouvait rever en ne posant meme pas la question de sa fiabilite, de son ancrage communautaire, autrement que pour traiter par la derision ceux qui les mettent en doute. " Les journalistes et les intellectuels " en prennent ici pour leur grade, comme s'il etait absurde de leur part de s'interroger, comme tout le monde, mais comme lui ne peut pas le faire a voix haute, sur l'avenir des relations entre les deux Allemagnes. Et de ce tableau du mouvement qui secoue l'Europe de l'Est, mouvement " qui vient vers nous, qui en appelle a nos valeurs ", mouvement qui n'a pas pour objet la dislocation de l'Europe occidentale mais son contraire, il ne tire qu'une conclusion generale : " il faut accelerer la contruction politique de l'Europe ". Les deputes europeens attendaient malgre tout du concret, a propos en particulier de l'aide a la Pologne, et Mr Mitterrand ne s'y est pas derobe. Il a appele la Communaute a unir ses efforts et avance quelques idees, dont certaines ne sont pas de lui mais qu'il reprend a son compte. Il suggere ainsi " qu'un grand emprunt de solidarite euro-polonaise, un plan d'urgence dans chaque pays, dans chaque ville pour prendre en charge une region ou une ville de Pologne afin de s'assurer de l'acheminement et de la distribution " de l'aide d'urgence. Il annonce qu'il proposera au sommet europeen de Strasbourg, en decembre, la creation d'une fondation europeenne pour aider a la formation des cadres. Il demande a ses partenaires de creer une banque pour l'Europe qui " comme la banque europeenne d'investissement financera les grands projets en associant a son conseil d'administration les Douze europeens et puis les autres : la Pologne, la Hongrie, pourquoi pas l'Union sovietique et d'autres encore ? " Ce qui a ete fait pour la technologie, pour l'audiovisuel, avec Eureka, " qu'est-ce qui nous retient de le faire pour la finance ? ", demande-t-il. Il rappelle l'effort supplementaire de la France, decide le matin meme au conseil des ministre : l'adoption d'un plan d'urgence de trois ans comportant la creation d'un fonds d'investissement dote de 900 millions de francs de credits d'aide, une dotation speciale de 90 millions de francs pour la formation et l'assistance technique, enfin des credits commerciaux d'un montant de deux milliards de francs qui s'ajoutent aux 900 millions de francs deja annonce en juin. Enfin, au chapitre des proportions concretes, Mr Mitterrand propose qu'on etudie l'Union sovietique, " en attendant qu'elle rejoingne le gros des pays qui traitent des affaires du monde ", unstatut d'observateur au GATT " pour la meler a nos discussions ". En somme, s'il n'accepte de disserter ni sur les aleas du processus en cours a l'Est ni sur son issue, le president de la Republique a appele mercredi la communaute a se mobiliser dans les domaines ou elle le peut pour faire en sorte que " cette page d'ecriture " incertaine, soit terminee au plus vite et pour le mieux. La romanciere americaine Mary McCarthy est morte, mercredi 25 octobre, a New-York. Parce qu'elle fut la plus celebre des Americaines de Paris de sa generation, parce qu'elle se passionna pour tous les drames politiques et les conflits de son epoque, parce qu'elle etait, entre l'Amerique et la France, une sorte de pont, cette Americano-Europeenne a l'intelligence brillante, au charme inegalable, fut un des importants ecrivains engages, un temoin de son temps. Elle avait, a plusieurs reprises, evoque sa vie et ses origines dans des livres comme Une jeune fille sage, la Vie d'artiste, et avait fait paraitre l'annee derniere, aux Etats-Unis, le premier tome d'une autobiographie. Nee a Seattle, le 21 juin 1912, orpheline a six ans, elle avait ete elevee dans la religion catholique par une grand-tante rigoriste, mais perdit tres tot la foi. Brillante eleve de Vassar College, d'ou elle sort en 1933, elle se marie une semaine plus tard, et va d'abord se diriger vers la critique et, a cause des proces de Moscou, se passionner pour la politique. Elle collabore a Partisan Review, ne cache pas, dans les annees 30, sa sympathie pour Leon Trotski, avant d'epouser en 1938 son second mari, le grand critique Edmund Wilson, le premier ami de Nabokov aux Etats-Unis. Connue pour ses articles et ses critiques de theatre, elle devra attendre la publication de son roman le Groupe, en 1963, pour conquerir le grand public. L'ouvrage annoncait l'offensive du mouvement de liberation des femmes. Mais d'un point de vue pas forcement feministe! Tout au long de son oeuvre, Mary McCarthy va se pencher sur les problemes de la liberte sexuelle, de l'engagement politique avec une independance d'esprit et un brio eclatants. C'est la vivacite de l'intelligence, l'humour iconoclaste, la vision toujours " radicale " qui subsisteront, jusqu'a la fin de sa vie, chez l'ancienne etudiante de Vassar. Sont regard bleu etait reste si jeune, malgre la souffrance du cancer contre lequel elle se battra avec une formidable volonte. Engagee dans ses articles comme dans ses romans, dans le Groupe, aussi bien que dans le rapport sur le Proces du capitaine Medina (1973), a propos du Vietnam, membre du Comite americain de defense de Trotski en 1937, antimaccarthyste de choc, envoyee speciale a Hanoi, au Watergate ou a Teheran, avec une commission de liberaux pour liberer des otages (Cannibales et missionnaires, 1981), amie de Hannah Arendt et de Czeslaw Milosz, elle sera de tous les combats. En 1962, elle s'etait fixee en France avec Jim West, son quatrieme mari. Son appartement de la rue de Rennes etait devenu le point de rencontre des intellectuels de partout, de l'Est comme de l'Ouest : des Americains, des Anglais, des Hollandais, des Latino-Americains, des Grecs, des Espagnols, des Hongrois, des Polonais, des Francais aussi, qui aimaient se retrouver aupres de cette hotesse brillante, spirituelle et curieuse de tout, plus friande de realite que de fiction. Ce carrefour d'idees et d'amitie va manquer. Vivant a Paris, tout en partageant son temps avec sa maison du Maine et ses cours a Bart College, elle ne se sentait ni exilee ni expatriee. Simplement temoin critique de toutes les batailles. "Concertation", "negociation", "conventions", "gestion decentralisee" sont devenues les maitres-mots de l'action de l'Etat. Certes, parce qu'elles correspondent a une sensibilite de l'epoque et parce qu'un gouvernement socialiste a le souci constant d'echapper a l'accusation si facile de dirigisme. Mais aussi, sans doute, parce que le gouvernement ne peut pas faire autrement. L'affaire du logement des plus demunis est l'occasion de se rendre compte qu'en la matiere le gouvernement voudrait-il faire acte d'autorite que l'efficacite de cette demarche trouverait tres vite ses limites. L'Etat n'a que tres peu de pouvoirs. Les acteurs sont si nombreux et ont des interets si varies, parfois divergents, que tout concourt a exclure du logement social les locataires "a risques". Et les plus demunis sont, par definition, des locataires a risques. Les municipalites preferent les bureaux aux HLM locatives; les organismes d'HLM, pour assurer l'equilibre de leur gestion (leur a-t-on assez demande d'etre rigoureux et competitifs !), choisissent les locataires qui seront bons payeurs; les collecteurs du 1% logement restent soucieux d'obtenir les meilleures reservations pour les salaries des entreprises cotisantes. Si on y ajoute le fait qu'en France, pays des libertes et des droits de l'homme, un "non-dit" s'est installe qui aboutit a l'exclusion des gens de couleur, francais ou etrangers, le prefet, s'il le veut, n'a plus qu'a pratiquer lui-meme une sorte d'autocensure dans ses candidatures... La boucle est bouclee. Le roi est nu, ou du moins presque nu. Pour loger les plus demunis, pour que l'Etat retrouve les moyens de sa vocation a proteger les plus faibles, il va falloir beaucoup d'obstination, une force de conviction hors du commun. Car il faut non seulement loger ces sans-abri, mais les inserer aussi harmonieusement que possible dans un environnement qui ne leur soit pas hostile. L'Association "Soleils pour la vie et l'union des Cultures" organise un colloque sur le theme : " Culture et Communication aujourd'hui et demain ". Cette rencontre aura lieu au Senat le samedi 4 novembre a 15 heures. Nos lecteurs desireux d'y assister sont invites a envoyer d'urgence une enveloppe timbree libellee a leurs nom et adresse a : ULC, BP 146, 93163 Noisy-le-Grand, Cedex. Apres la reunion d'un comite interministeriel consacre aux problemes de la Corse, jeudi 26 octobre a Matignon, Mr Pierre Joxe, ministre de l'interieur, a annonce qu'il est " mandate pour proposer au gouvernement ", dans la perspective de la prochaine session parlementaire de printemps, un projet de loi visant a lier, pour l'ensemble de la France, l'inscription sur les listes electorales " a la qualite d'habitant effectif " du lieu ou l'on souhaite voter. Comme il l'avait deja annonce a Ajaccio, le 20 octobre, lors du colloque sur les iles, Mr Joxe a confirme que cela peut entrainer une " revision ", voire une " refonte " des listes electorales existantes. " Les moyens en seront trouves dans la loi qui sera soumise au Parlement au cours de la prochaine session ", a ajoute Mr Joxe. Le bureau executif du Parti socialiste, reuni exceptionnellement jeudi matin 26 octobre, apres la longue seance de discussions qu'il avait eue la veille au soir, a adopte une declaration qui releve la " legitime emotion " soulevee dans l'opinion publique par l'" experience tentee par de petits groupes integristes pour imposer le port du voile a l'ecole ". Le PS reaffirme son " attachement a la laicite ", condition de la " liberte des croyances et des cultes ". Il souligne qu'" accepter a l'ecole publique les manifestations ostentatoires d'appartenance religieuse risque, a terme, de provoquer des tensions incompatibles avec la tolerance et la serenite qui doivent y regner ". " Il faut, une nouvelle fois et avec fermete, affirme le bureau executif, rappeler que, au-dela du traitement des cas individuels par le dialogue, sont interdits dans l'ecole publique les signes de proselytisme politique ou religieux. " La declaration ajoute que " toutes les personnes vivant sur le sol national sont soumises aux lois de la Republique laique en France " et que " le role des pouvoirs publics est de faire respecter " ces lois. " A la lumiere de ces principes, continue le PS, et compte tenu de l'obligation legale de scolarite, il faut faire confiance au chef d'etablissement et au conseil d'etablissement pour mener un travail d'explication, de concertation et de conviction, afin que chacun trouve son plein epanouissement dans la communaute educative. " " Une reconnaissance officielle du voile dans nos ecoles publiques, ajoute-t-il, ferait peser sur l'immense majorite de jeunes filles musulmanes une contrainte dont elles pouvaient legitimement esperer etre liberees en France. " Le bureau executif du PS rappelle, d'autre part, que " nul enfant ne doit etre prive de son droit a l'education " et que l'enfant " doit etre preserve des provocations et manipulations ". Il souligne que " le voile islamique ne peut etre considere comme un simple attribut vestimentaire relevant du choix individuel ", mais qu'il est " un symbole d'oppression si contraignant que des millions de femmes ont lutte pendant des decennies pour ne pas etre soumises a l'obligation de le porter ". Le controle antidopage inopine effectue vendredi 20 octobre au Palais omnisports de Paris-Bercy (POPB) sur les dix premiers coureurs des Six Jours cyclistes a fait grand bruit. Non pas parce que les resultats des analyses ont revele de nouveaux cas de dopage parmi les coureurs, mais parce qu'une equipe de television avait l'intention de filmer les operations. Jacques Goddet, ancien directeur du Tour de France et actuel directeur du POBP (a quatre-vingt-quatre ans), Claude Alaphilippe, president de la Federation francaise de cyclisme, et Laurent Fignon, sous le coup d'une suspension de deux mois avec sursis apres un controle positif dans le Grand Prix de la Liberation a Eindhoven, s'en sont indigne de concert. Leur cible : Roger Bambuck, secretaire d'Etat a la jeunesse et aux sports, qui aurait tente la, selon eux, un " coup mediatique ". Mediatisation oblige, l'affaire n'est d'ailleurs pas allee beacoup plus loin. Mais pourquoi Roger Bambuck avait-il commande personnellement un controle antidopage ? Peut-etre parce qu'il avait ete surpris que ceux effectues a l'occasion du Tour de France aient tous ete negatifs. Ou plutot que les organisateurs qui ont fait proceder a ces controles n'aient revele aucun cas positif. Car ce n'est pas une autorite independante qui devoile le resultat des analyses mais l'initiateur de celles-ci. Cette faille majeure dans le systeme de lutte contre le dopage est apparue au secretaire d'Etat. Roger Bambuck voulait pallier cet inconvenient en commandant personnellement les controles du POPB. Il aurait donc du avoir la primeur des resultats. Or l'Agence France-Presse a diffuse mercredi 24 octobre a 17 h 10 un communique de la Federation francaise de cyclisme affirmant : " Les dix controles antidopage inopines effectues vendredi dernier a Bercy (...) se sont tous reveles negatifs. " Mais a 18 h 30, au ministere, tour Olivier-de- Serres, ni Roger Bambuck ni ses collaborateurs directs n'etaient en possession des resultats. Comment et pourquoi la FFC a-t-elle ete avertie avant le secretaire d'Etat ? S'il y a un scandale dans ces controles inopines des Six Jours, il est la. Le monde cycliste a, contre toute evidence, toujours nie la realite du dopage et recuse la necessite des controles. Lutter contre le dopage en general - et dans ce sport en particulier - restera un voeu pieux tant qu'une autorite reellement independante des pouvoirs sportifs ne sera pas effectivement en place pour apprecier le resultat des analyses. Les valeurs de la Revolution peuvent-elles etre celles de la " post-modernite " ? Cette question etait au centre du symposium organise a Tokyo par le Comite japonais du Bicentenaire. Tokyo. On pourrait croire que de tous les pays developpes le Japon est, avec la Grande-Bretagne, celui qui a ete le moins touche par la Revolution francaise : les deux seules revolutions qu'il ait connues sont en effet venues l'une d'en haut, en 1868, avec l'empereur Meiji, qui a modernise son peuple tambour battant ; l'autre, de l'exterieur, avec les bombes d'Hiroshima et de Nagasaki, le debarquement americain et le proconsulat de MacArthur. Ce serait sous-estimer l'ampleur du rayonnement qu'exerce sur une importante partie de l'intelligentsia et du milieu des affaires de l'archipel tout ce qui vient de France, notamment dans le domaine des idees. Toujours est-il qu'un comite du Bicentenaire s'est constitue a Tokyo, sous la presidence d'un architecte de reputation mondiale, Kisho Kurokawa, et qu'il a organise toute une serie de manifestations (1). La plus notable a pris la forme d'un symposium international. Celui-ci s'est deroule, les 20 et 21 octobre, dans la capitale, sous les auspices du grand journal Asahi, qui en a abondamment rendu compte dans ses colonnes et sur les ecrans de ses chaines de television, avec le soutien des autorites francaises et du gouvernement metropolitain de Tokyo. Les initiateurs, qui entendaient bien ne pas se contenter d'une reflexion sur le passe, s'interrogeaient surtout sur la signification des valeurs de la Revolution face aux defis du siecle a venir. On a donc parle aussi bien de la liberte que de la modernite, des droits de l'homme que des avatars de l'Etat-nation, avec la participation de professeurs des universites de Tokyo et de Kyoto, de Seiji Tsutsumi, poete, romancier et... president des grands magasins Seibu, de deux Americains, Richard Schifter, assistant du secretaire d'Etat pour les droits de l'homme et les affaires humanitaires, et l'architecte Charles Jencks et de trois Francais, Jacques Attali, le sociologue Edgar Morin et le signataire de ces lignes. Notre confrere Chobei Nemoto, editorialiste de l'Asahi et ancien correspondant de ce journal a Paris, dirigeait les debats. Sa tache n'etait pas facile. Non seulement l'ampleur de l'ordre du jour incitait a la digression, non seulement la preuve a ete une fois de plus apportee que la traduction simultanee du francais au japonais, et vice versa, est, compte tenu du cheminement divergent des deux modes d'expression, un exercice particulierement difficile, mais le public entendait bien tirer de ces debats le maximum d'enseignements concrets. A vrai dire, c'etait pour les participants occidentaux une experience plutot fascinante que d'entendre des Japonais tenir des propos du genre : " Avant de parler de symbiose avec les autres, il faudrait que nous apprenions a vivre ensemble ", des Japonaises s'etonner, par exemple, qu'il n'y ait aucune femme a la tribune, d'autres intervenants decouvrir le probleme de l'immigration ou deplorer que tant de leurs compatriotes se rendent ou meme resident a l'etranger sans guere s'interesser, et encore moins se meler, aux populations au milieu desquelles ils vivent. Il est difficile, dans ces conditions, de resumer ces debats, parfois un peu etheres, mais presque toujours tres interessants, sinon pour dire que s'ils ont presente un trait commun, c'est bien la notion d'ouverture. Ouverture aux autres d'un pays qui a longtemps vecu dans une zone culturelle exclusive tout en considerant paradoxalement que l'Occident lui fournissait le seul " modele " correspondant a ses besoins, mais a tendance aujourd'hui, comme Kisho Kurokawa, a juger cette gageure desormais hors de saison. Ouverture sur l'avenir, etant bien entendu, ainsi que l'ont notamment fait valoir les intervenants francais, que la notion, communement admise aujourd'hui, de post-modernite n'implique aucunement, quoi qu'en pensent certains, un arret de l'Histoire. Ce qui a amene Charles Jencks a proposer l'adoption de quelques rejouissants neologismes, tels que la " refolution " (reforme et evolution), le " socitalisme " (35% d'economie financee par l'Etat, 35% d'entreprises fordistes (2) et le reste de PME), comme definition de la realite economique americaine, l'heterarchie comme representation de l'interaction d'un certain nombre de variables aux lieu et place de la hierarchie pre et post-marxiste des valeurs. C'etait peut-etre un peu trop d'humour anglo-saxon pour des participants conscients du serieux des enjeux de l'apres-Tchernobyl, de l'apres-Tiananmen et de 1993. Un public conscient, comme l'a dit Edgar Morin, que nous sommes toujours "dans l'age de fer planetaire (...) dans une grande aventure inconnue ". Persuade, avec Hitoshi Imamura, que "l'esprit moderne fonde sur la raison productiviste et l'ideal ethique et politique de la Revolution francaise sont deux choses incompatibles ". Qu'il faille, dans ces conditions, "lutter ensemble contre tout ce qui remet en cause la vie", ainsi que l'a demande Jacques Attali, tout le monde en etait certes d'accord, mais quel role le Japon jouera-t-il dans cette action? Le meme Attali n'a pas ete le seul, meme s'il l'a fait en des termes particulierement frappants, a noter que "pour la premiere fois une nation qui pourrait devenir un coeur" (comme auparavant Venise, Amsterdam, Londres et New-York) hesite a vouloir payer le prix de l'imperium. Disons que le symposium n'a pas epuise ce sujet essentiel pour l'avenir, et dont il est clair qu'il preoccupe beaucoup de Japonais. L'annonce que la loi martiale sera levee "avant longtemps" et un changement de ton a l'egard de la France marquent un assouplissement de Pekin vis-a-vis des Etats qui ont le plus severement critique la repression en Chine. La loi martiale sera levee a Pekin " avant longtemps ". C'est le porte-parole du gouvernement, Mr Yuan Mu, qui l'a en quelque sorte promis dans des declarations a un journal japonais reproduites jeudi 26 octobre en premiere page du Quotidien du peuple. Mr Yuan s'est egalement felicite d'assurances donnees par Mr Roland Dumas selon lesquelles la France ne permettra pas aux dissidents chinois refugies sur son territoire de mener des activites politiques hostiles a Pekin. " Nous esperons que la France tiendra parole ", a-t-il dit. Ces declarations marquent une evolution dans l'attitude des autorites chinoises vis-a-vis de Paris : depuis la repression militaire du printemps, Pekin reprochait vivement a la France d'abriter sur son territoire des " criminels contre-revolutionnaires " ; a present, la Chine accepte de prendre le gouvernement francais au mot sans mettre d'emblee sa parole en doute. Les propos du porte-parole du gouvernement, proche du premier ministre Li Peng, soulignent un assouplissement mesure des autorites face aux condamnations qui avaient accueilli, dans le monde occidental, l'emploi de la force brutale pour mater le soulevement populaire d'avril-mai. Sans fournir de date precise pour la levee de la loi martiale, Mr Yuan Mu assure que cette mesure " ne peut etre tres longue a intervenir ". Le gouvernement a deja allege le dispositif militaire en place a Pekin depuis l'arrivee de l'armee au centre de la ville dans la nuit tragique du 3 au 4 juin, et " continuera a oeuvrer en ce sens ". Plus significatif encore, le porte-parole a note que " certains amis etrangers ont suggere que la Chine leve la loi martiale aussi vite que possible, de facon a renforcer la confiance des etrangers dans sa politique d'ouverture", ajoutant : " Nous comprenons leurs sentiments et nous allons examiner cette suggestion. " Mr Yuan Mu a, bien sur, juge utile de repeter que " le peuple chinois ne cedera pas aux pressions " etrangeres, notamment les sanctions economiques, mais cela releve, dans ce contexte, de la peroraison destinee a sauver la face aupres du public chinois. Les autorites semblent, cette fois, avoir bel et bien pris en compte l'effet des represailles diplomatiques et economiques de la communaute internationale. Le fait que la France ait ete au premier plan de ce " gel " international des relations avec la Chine a particulierement perturbe les dirigeants chinois. Ceux-ci ont eu du mal a reconcilier ce fait mentalement avec l'analyse qu'ils avaient decide de presenter au public, selon laquelle les troubles du printemps resultaient d'un complot international trouvant sa source a Washington. Le " complot ", dirait-on ces derniers jours, s'est evanoui de la propagande chinoise. On a ainsi releve dans la capitale d'importants mouvements de troupes sur le depart. Le premier signe en ce sens avait ete, dimanche 22 octobre, la disparition sans tambour ni trompette des plantons armes de kalachnikovs chinoises qui, apres un ete torride, commencaient a eprouver les rigueurs d'un debut d'hiver glacial sur l'echangeur de la Porte de la Construction nationale, au pied de la principale residence diplomatique de la ville. L'evolution de la situation en Europe de l'Est intervient dans les calculs chinois. Mr Yuan Mu a refuse de la commenter dans ses dernieres declarations, mais la prudence de la propagande chinoise sur le sujet ne cache pas la crainte de Pekin de se retrouver sans amis surs dans le monde socialiste, a present que l'Allemagne de l'Est " craque " a son tour. Le depart de Mr Honecker rend a posteriori quelque peu embarrassante pour la Chine la presence remarquee a ses cotes, lors des ceremonies-anniversaires de la fondation de la RDA, au debut du mois, d'un vice-premier ministre chinois, Mr Yao Yilin, representant de l'orthodoxie stalinienne en matiere de developpement economique. Depuis, les seuls pays qui aient accepte de recevoir un haut dirigeant chinois sont ceux du sous-continent indien : le vice-premier ministre, Mr Wu Xueqian, a effectue une visite d'une semaine en Inde, traduisant le souhait de New-Delhi de maintenir les relations entre les deux pays sur le chemin de la detente ouvert par Mr Rajiv Gandhi, lors de son sejour a Pekin en decembre 1988. Mr Li Peng, pour sa part, s'apprete a se rendre en tournee au Pakistan, au Bangladesh et au Nepal. En sens inverse, les seuls dirigeants etrangers venus en Chine depuis le 3 juin sont des representants du tiers-monde, si l'on excepte la visite, ces jours-ci a Pekin, du premier ministre thailandais, Mr Chatichai Choonhavan, venu discuter avec les Chinois du probleme cambdogien. Plus on se rapproche de la ceremonie prevue le 9 novembre a Ayodhya (le Monde du 24 octobre), a l'appel d'organisations hindouistes extremistes, plus la violence intercommunautaire fait des victimes. Dans l'Etat du Bihar, repute le plus violent de l'Inde, les affrontements entre Hindous et musulmans se sont multiplies. Mercredi 25 octobre, dix-neuf personnes dont des femmes et des enfants, ont ete massacrees a Bhagalpur, ville situee sur le Gange, ou un couvre-feu a ete instaure. Cette mesure n'a pas mis fin aux emeutes. De nombreux batiments ont ete detruits et incendies. L'armee a ete requisitionnee pour preter main-forte aux forces de police. Depuis dimanche, le bilan des affrontements s'eleve a quarante-deux morts. Dans chaque cas, les heurts se produisent a la suite des processions de militants hindouistes transportant des ramshila, briques sacrees devant servir a la construction du temple d'Ayodhya. Si certaines organisations hindouistes encouragent cette violence, l'attitude des forces de l'ordre n'est pas exempte d'ambiguite. Le Times of India souligne a ce sujet que la police intervient trop tard et que l'administration ne prend aucune mesure preventive. Mr V.P. Singh, chef de l'opposition a denonce " le complot diabolique " ourdi, selon lui, par le Parti du Congres (I) de Mr Rajiv Gandhi pour accroitre la violence communaliste avant les elections parlementaires qui doivent avoir lieu les 22, 24 et 26 novembre. Mr Singh a affirme, mercredi, disposer d'" informations dignes de foi " selon lesquelles des " agents provocateurs " ont recu pour mission de transformer le rassemblement d'Ayodhya en champ de bataille entre musulmans et hindous. Mr Singh, dont les accusations ont ete qualifiees d'" absurdes " par le porte-parole du Congres, s'est cependant refuse a devoiler ses " preuves ". A Ayodhya, cependant, des mesures de securite sans precedent ont ete prises pour transformer le site en veritable forteresse. Pays producteurs et pays consommateurs de drogue se sont rencontres les 24 et 25 novembre a Madrid, capitale d'un pays devenu la principale tete de pont de la cocaine en Europe. Cette rencontre au niveau des ministres de l'interieur a eu lieu a l'initiative de la Trilaterale, comme on appelle familierement le groupe forme au printemps dernier par les Etats-Unis, l'Italie et l'Espagne afin de coordonner, par des reunions regulieres, leur lutte contre le trafic de stupefiants. Les trois principaux producteurs de cocaine - la Colombie, le Perou et la Bolivie - ainsi que la France en tant que president en exercice de la Communaute, y avaient ete cette fois invites. Mr Joxe avait renonce a accompagner le president Mitterand a Strasbourg pour etre present mercredi a Madrid. Cette rencontre a permis aux pays andins de rappeler aux pays industrialises, et plus particulierement aux Etats-Unis, pourquoi la strategie de lutte contre les stupefiants preconisee par ces derniers leur paraissait excessivement manicheenne. Si les arguments latino-americains commencent a etre entendus dans les instances internationales, sans doute est-ce la premiere fois qu'ils etaient exposes aussi directement aux pays du Nord ! Les representants latino-americains ont souligne par ailleurs que toute strategie de reduction de l'offre de drogue etait illusoire si elle n'etait pas accompagnee de mesures plus fermes contre la demande au sein des pays industrialises. On affirmait largement partager cette analyse dans les milieux de la delegation francaise, comme Mr Joxe lui-meme a eu l'occasion de le souligner en etant brievement recu par le president du gouvernement espagnol, Mr Felipe Gonzalez. Le representant americain lui-meme a reconnu plus volontiers que de coutume, au dire d'un delegue europeen, que le noeud du probleme residait, au sud du rio Grande, dans le sous-developpement. Une constatation a laquelle fait d'ailleurs largement echo la declaration conjointe adoptee a l'issue de la conference. Les desaccords ont plutot surgi quant aux suites a donner a celle-ci. Les Espagnols avaient propose la creation d'un " comite technique " destine a en assurer le suivi. Cette proposition n'a pas ete retenue, notamment parce que certains pays craignaient qu'une institutionnalisation excessive de la Trilaterale ne conduise, en fait, a associer par une porte derobee les Etats-Unis aux travaux europeens. Les Espagnols ont cependant reussi, comme ils le souhaitaient, a passer le temoin de la Trilaterale a la Communaute. La France s'est engagee a soumettre les resultats de la reunion de Madrid aux instances communautaires, et le sujet devrait etre aborde lors du conseil europeen de Strasbourg en decembre. On reconnait, du cote francais, que l'elaboration d'une position commune des Douze reste difficile, ne serait-ce qu'en raison des differences entre les legislations nationales. Mais on se montre decide a preserver l'apport le plus important de la reunion de Madrid : l'existence d'un forum permettant a toutes les parties concernees d'en debattre ensemble. La Chambre des representants de Pennsylvanie a approuve en debut de semaine un texte de loi limitant considerablement le droit des femmes a l'avortement. Les mouvements feministes conviennent deja que l'adoption definitive de la loi est pratiquement acquise. Ce texte interdit, entre autres, les avortements pratiques dans les hopitaux publics (sauf en cas de viol ou d'inceste) et limite les interventions au-dela de vingt-quatre semaines de grossesse. S'il etait adopte, ce serait l'un des textes les plus restrictifs aux Etats-Unis, et cela ne manquerait pas de relancer la bataille que se livrent partisans et adversaires de l'avortement depuis juillet dernier, date a laquelle la Cour supreme americaine a autorise les Etats a adopter certaines limitations au droit de choisir l'interruption de grossesse. Par ailleurs, a Washington, la Chambre des representants n'a pu reunir, mercredi, la majorite des deux tiers requise pour annuler le veto oppose, la semaine derniere, par le president Bush a un projet de loi autorisant le financement federale d'avortements pour les femmes les plus defavorisees, en cas d'inceste ou de viol. Le football francais se prepare a d'importants changements. C'est ce qui est ressorti, mercredi 25 octobre, de la presentation officielle du rapport de la " mission Sastre ", chargee d'etudier les moyens d'assainir ce sport apres une saison 1988-1989 marquee par de nombreuses affaires. Ces differents points sont detailles dans le rapport (112 pages) remis par Mr Sastre. En regle generale, ce ne sont la que des propositions, que le football francais n'est pas oblige d'approuver et d'appliquer. Mr Jean Fournet-Fayard, president de la federation, et Mr Jean Sadoul, president de la Ligue, devront etre tres persuasifs pour convaincre des presidents de club, pour la plupart tres conservateurs. Mais, apres une saison 1988-1989 marquee par de nombreuses affaires et des scandales, sont-ils en position de s'opposer a ces changements ? Les mesures concernant le statut des clubs et les controles prevus en matiere de gestion sont celles qui pourraient provoquer le plus de resistance. La Suede en s'imposant en Pologne (2-0), la Belgique en faisant match nul avec le Luxembourg (1-1) et la Coree du Sud en battant l'Arabie saoudite (2-0) ont assure, mercredi 25 octobre, leur qualification pour la Coupe du monde de football 1990 en Italie. Huit autres participants du Mondiale etaient deja connus : l'Italie (pays organisateur), l'Argentine (tenant du titre), le Costa-Rica, le Bresil, l'Uruguay, la Yougoslavie, l'Angleterre et l'Espagne. Le gardien de but chilien Roberto Rojas a ete suspendu a vie de toutes competitions internationales, mercredi 25 octobre, par la commission de sanctions de la Federation internationale de football (FIFA). Il a ete reconnu coupable d'avoir simule une blessure au visage qui avait entraine la sortie du terrain de ses coequipiers dans un match decisif de qualification pour la Coupe du monde contre le Bresil, le 3 septembre a Rio-de-Janeiro. Le Yougoslave Mehmed Bazdarevic, qui joue a Sochaux, a ete suspendu pour un an des competitions internationales pour avoir crache sur l'arbitre du match Yougoslavie-Norvege, le 11 octobre. Il ne pourra donc pas participer avec son equipe nationale a la prochaine Coupe du monde. LES efforts deployes pour redonner un certain lustre au football francais ne sont-ils pas voues a l'echec ? La multiplication des affaires et des scandales au cours de la saison precedente alors que l'equipe de France perdait espoir de participer a la Coupe du monde en Italie avait amene Roger Bambuck a commander un rapport a Fernand Sastre, l'ancien president de la FFF. Or, le jour meme ou les propositions de ce groupe de travail sont officiellement presentees, le football se vautre a nouveau dans un feuilleton grotesque, une nouvelle " affaire Cantona ". Tous les facteurs du dereglement du football national sont reunis : une vedette payee a prix d'or qui s'integre mal a l'effectif, un president de club qui panique parce que les resultats de l'equipe ne sont pas a la hauteur des investissements consentis, un conseil municipal qui a donne des subventions exorbitantes, des joueurs qui discutent a coups de poing... Bref, Louis Nicollin, president du club de Montpellier, decide de " virer " Eric Cantona, mais, au moment de l'annoncer publiquement, disparait, laissant la porte ouverte a toutes les speculations. Commence alors le ballet des rumeurs, des nouvelles aussitot dementies, des interpretations et des interventions de toutes sortes. La mairie de Montpellier ne souhaite pas perdre un joueur qui lui a coute tres cher. Le partenaire privilegie de Cantona, Stephane Paille, est solidaire : "S'il est vire, je pars." Et Michel Platini, en bon selectionneur de l'equipe de France, ne pense pas qu'il pourra se passer d'un element de la valeur de Cantona. Une veritable comedie burlesque ! Pourtant les choses devraient etre assez simples : ou bien Cantona a commis une faute en se battant avec son coequipier Jean-Claude Lemoult, ou bien ces rixes de vestiaires sont suffisamment frequentes pour n'en pas tenir compte. Mais rien ne semble jamais pouvoir etre simple dans ce sport. Comme tout le monde perd facilement son sang-froid quand il n'est pas seulement question d'ethique mais surtout de millions de francs, il faut achever le ridicule. Aux dernieres nouvelles, jeudi matin, Eric Cantona ferait "l'objet d'une mise a pied conservatoire", en attendant une entrevue avec les dirigeants du club la semaine prochaine, entrevue qui "n'exclurait pas une eventuelle procedure de licenciement interne". Desopilante pirouette, a moins qu'elle ne soit, une fois encore, affligeante. Le groupe News International de Mr Rupert Murdoch est entre a 25 % dans le capital du groupe de presse espagnol Zeta. Aucune indication officielle n'a encore ete communiquee sur le montant de l'investissement, mais il s'agirait de l'operation la plus importante jamais realisee par Mr Murdoch dans un pays non anglophone. Le groupe Zeta publie quatre journaux, vingt magazines et possede une agence de presse, une maison d'edition et un institut de sondage. Econduit recemment dans la competition pour l'octroi d'une chaine de television, le groupe a introduit un recours contre la decision du gouvernement espagnol. Lotus, Ashton Tate et Microsoft, trois societes americaines de logiciels, leaders mondiaux du secteur, ont decide d'attaquer Telediffusion de France (TDF) et Paribas en justice. Elles accusent les deux societes francaises d'avoir copie illegalement leurs produits. Les compagnies americaines qui attaquent TDF et Paribas s'appuient sur les resultats de perquisitions effectuees les 17, 18 et 19 octobre dans leurs locaux. L'operation aurait montre qu'un certain nombre de logiciels utilises couramment dans leurs services ne sont en realite que des reproductions effectuees en dehors de tout cadre legal. La loi du 3 juillet 1985, qui etend aux logiciels le regime de protection de la propriete intellectuelle, interdit en effet "toute reproduction autre que l'etablissement d'une copie par l'utilisateur". Au dire de Mr Douglas E. Philips, president de la Business Software Association, sorte de groupe de pression des editeurs americains de logiciels, tel n'etait pas le cas. TDF n'entend pas se laisser faire. Informee de la volonte des Americains de reunir une conference de presse jeudi 26 octobre, la societe les a assignes en refere le jour meme, demandant au juge de leur interdire la divulgation de toute information pouvant laisser croire qu'elle detient des copies de logiciels. De leur cote, Ashton Tate, Lotus et Microsoft, qui se disent excedes par le non-respect de leurs droits en matiere de propriete industrielle, ont decide de faire un exemple. Les editeurs des Lotus, Multiplan et autres D Base III sont persuades que le piratage est particulierement repandu dans les entreprises francaises et entendent y mettre fin. Le 13 juillet, un certain nombre d'entre eux, parmi lesquels figuraient deja Microsoft et Ashton Tate, avaient obtenu la condamnation de l'Etat francais a la suite de saisies de copies illegales a la direction departementale de l'equipement de la Reunion. L'annee derniere, c'etait le groupe Montedison en Italie qui avait fait l'objet de semblables raids proceduriers. On ignore encore le montant des dommages et interets que pourraient reclamer a TDF ete a Paribas les editeurs americains de logiciels. L'addition risque cependant d'etre lourde, Car ce sont leurs exigences plutot elevees qui expliquent en grande partie, l'impossibilite de trouver un accord a l'amiable. En outre, TDF et Paribas ont refuse de se livrer a la " confession publique " que les editeurs de logiciels exigeaient d'eux. Les cent cinquante salaries de la seconde agence de presse francaise, l'Agence centrale de presse (ACP), devraient etre fixes sur le sort de leur entreprise au cours du comite d'entreprise du vendredi 27 octobre. Le PDG depuis aout de l'ACP, Mr Alain Couture, y definira le nouveau " format " de l'agence. L'actionnaire majoritaire, le patron de presse britannique Mr Robert Maxwell, a donne son accord a ce plan. Selon diverses sources, Mr Couture proposera de faire de l'ACP une agence " supplementaire de rebond " et d'apporter un " plus d'information " a ses clients, en jouant non plus la concurrence mais la complementarite vis-a-vis de sa grande rivale, l'Agence France Presse (AFP). L'ACP choisirait donc de traiter les evenements politiques, sociaux ou economiques majeurs sous forme condensee, mais leur apporterait d'autres eclairages, en les completant par un recueil de temoignages et de reactions aux evenements par des sujets magazines ou en choisissant des angles d'information particuliers. Cette nouvelle definition de la " pointure " de l'ACP est accueillie avec un certain scepticisme a l'interieur et a l'exterieur de l'agence. Les confidences faites a Londres par Mr Maxwell, selon lesquelles " l'ACP vivra et en aura les moyens ", evacuent pour l'instant les rumeurs courant sur une possible vente, voire une cessation d'activite de l'agence. L'ACP est confrontee depuis plusieurs annees a une grave crise financiere. En 1988, ses pertes s'elevaient a 20,5 millions de francs pour un chiffre d'affaires de 40 millions. En 1989, ce deficit s'est encore accru : selon des sources concordantes, il depasserait 25 millions de francs. Il reste a savoir si le plan de relance de Mr Couture conviendra aux clients de l'ACP. " Les radios et les televisions font partie de nos nouveaux clients et representent aujourd'hui presque autant que la presse quotidienne regionale et departementale (39,06 % des recettes contre 39,57 %), note un membre de l'agence. Car elles comptent sur notre role d'eveil et d'alerte, particulierement en region ou notre reseau comprend plus d'une centaine de correspondants. Cette specificite laissee de cote, manifesteront-elles toujours le meme interet pour la production dite " supplementaire " de l'ACP ? " Le probleme de nombreux journaux regionaux est egalement pose, leur abonnement a l'ACP constituant souvent leur " fil " unique d'informations, indispensable pour les nouvelles nationales et internationales. Se satisferont-ils d'une couverture non exhaustive de l'actualite et d'un positionnement dit " complementaire " par rapport a celui d'une autre agence ? De nombreux observateurs ont des arguments plus politiques et soulignent la necessite du maintien d'une seconde agence de presse en France. Le gouvernement suit avec " un interet particulier " le dossier de l'ACP, mais refuse de se prononcer sur la viabilite economique du plan de relance de Mr Couture. On evoque aussi une eventuelle augmentation de capital de l'agence, qui permettrait a Mr Maxwell de reduire ses parts au sein de l'agence a 51 % - alors qu'il en detient actuellement 66,8 % - et de trouver de nouveaux partenaires. Mr Jean Lebrat a ete nomme, par le conseil des ministres du 25 octobre, president du conseil d'administration de l'etablissement public du Grand Louvre. Il remplace Mr Pierre-Yves Ligen dont la demission sera effective a la fin de ce mois (le Monde du 26 octobre). Mr Jean Lebrat, ingenieur en chef des Ponts et Chaussees, age de cinquante-six ans, est un habitue des etablissements publics puisqu'il est entre a l'EPAD, l'organisme charge d'amenager La Defense, en 1963 et qu'il a assure la direction technique de la SEMAH (la Societe d'amenagement des Halles) de 1970 a 1983. A cette date, il est nomme a la direction de l'organisme batisseur du Grand Louvre. Il y travaille aux cotes de Mr Emile Biasini, aujourd'hui secretaire d'Etat aux grands travaux, puis avec Mr Pierre-Yves Ligen, qu'il remplace. Mr Lebrat aura la tache de mener a bien la deuxieme tranche des travaux du musee. C'est-a-dire l'amenagement de l'aile Richelieu qui comprend le creusement des trois cours, a elles seules aussi vastes que le musee d'Orsay, leur couverture, la repose des planchers a des niveaux differents, la transformation du toit en verriere, la refection des facades du batiment, l'amenagement du jardin du Carrousel, le transfert et l'installation des nouvelles collections. L'operation devrait s'achever en 1993. Elle coutera plus de 3 milliards de francs. Cette enveloppe ne concerne pas les equipements souterrains (gare de cars, parking, espace commercial), pilotes par la Caisse des depots et consignations et la SARI. Le cout de ce programme annexe est estime a 700 millions de francs (la Ville de Paris et l'Etat ne prennent a leur charge que 30 millions chacun). Il aurait du s'achever a la fin de 1991, mais aura vraisemblablement un an de retard. C'est d'ailleurs l'une des raisons officielles de la demission de Pierre-Yves Ligen. Mais le Grand Louvre ne sera pas termine pour autant en 1993. Deux ou trois annees seront encore necessaires pour reamenager les espaces liberes, du cote des pavillons de Flore et de Denon. Ce n'est que vers 1996 que " le plus grand musee du monde " echappera aux differents corps de metiers pour se consacrer exclusivement a ses visiteurs. La semaine du pret-a-porter printemps-ete 1990 s'est terminee mercredi 25 octobre a la cour Carree du Louvre, par un defile tres applaudi d'Yves Saint Laurent. L'ete prochain s'annonce sous le signe de la purete et des transitions. Souplesse, feminite, fluidite : les formules reviennent dans les dossiers de presse, avec cette poesie couturiere qui a su transformer en vingt ans un jaune d'or en " mais ", un vert fonce en " basilic ", un rouille en " paprika ". La mode de l'ete 90 pourrait bien etre un gigantesque poeme dedie a la nature... On s'etait reveilles la saison derniere en pleine campagne, avec des silhouettes rustiques poussant comme des grands arbres, jupes longues et frissonnantes, corps en roules de capes. Cette fois, on glisse, on s'envole : pantalons de mousseline, vestes ouvertes aux epaules, chemises fendues en liquette n'en finissent pas d'alleger un ete qui se confond dans la brume, les drapes liquides : jupes pagnes, tuniques soyeuses et pantalons pyjamas ceintures de gros bijoux d'argent chez Kenzo, pulls resille, jeans en soie, " combishort " en satin (Dorothee Bis), tricot de corps blanc, fin comme un bas ou presque, jouant la transparence sur des robes du soir de 100 grammes (Tarlazzi). La saison s'ouvre sur un jeu tres sophistique de pans, d'echarpes, de noeuds, d'effets de vagues qui brouillent un peu les frontieres, les demarcations : une jupe est aussi un pagne (Kenzo), une manche se prolonge en echarpe (Tarlazzi). On s'abandonne ainsi dans des kilometres de crepe georgette, de soie lavee. Ni vives ni niaises, en pastel, les couleurs se superposent en douceur, degrades de rose et d'oranges chez Chantal Thomass, chatouillements luxueux du bleu pale, du marron et du marine, chez Chloe ou Martine Sitbon a reussi un bel exercice de style : rendre le genre " femme active " un peu plus sensuel, en pincant, en relachant les gabardines, les crepes de ses "masculins drapes". Il y a la, comme ailleurs, un raffinement lie a une nouvelle perception du corps. Le vetement gagne en humilite, il ne cherche plus a le couvrir, mais a le rendre visible : partout, il apparait, secret, derriere des effets de bandages, de stores, de lamelles, de rayures opaques et transparentes, si triomphant, si fier, qu'il exclut toute indecence : la minijupe devient short. Le calecon se prolonge en combinaison de gymnaste, la tenue de soiree se metamorphose en brassiere et pantalon de jogging en taffetas (Corinne Cobson). On voudrait dire : "Voila! c'est la mode et tous les gens de la mode sont contents." Et puis faire semblant d'y croire. Pourtant, il y a ici et la des signes qui en disent long sur le malaise qui affecte le milieu. Les codes se multiplient jusqu'a rendre le cynisme insoutenable. C'est au fin fond du vingtieme arrondissement, dans un terrain vague cerne de graffitis et de squats, que Martin Margiela a presente sa collection, eloge du trashy-chic savamment decline en bustiers de platre, en pantalons habilement deformes, en chemise de chirurgien a cicatrices. "Fashion is dead", ecrit Walter van Beirendonck sur ses tee-shirts. Est-elle vraiment morte, la mode? Le triomphe du style "authentique", des "vraies valeurs", a de quoi casser le moral des maitres de l'ephemere. Certains y ont vu cette saison une occasion pour se donner des ailes, aller vers une autre purete, comme Jean-Paul Gaultier, ou Yohji Yamamoto avec ses vetements si legers, si modernes, qu'ils semblent suspendus dans l'air. Il y a ceux qui reviennent aux sources (Kenzo) ou se plongent dans un bain purificateur, ouvrent le Bonheur des dames avec des series blanches : Tarlazzi et son passage "linge a l'ancienne", manteaux enveloppes et paletots immacules en lin a jour de Venise; Karl Lagerfeld et son final chez Chanel offrent une veritable lecon de coupe. Il y a ceux qui montrent une autre voie, avec la sincerite qu'entravait, hier, la course aux tendances : la petite derniere s'appelle Sybilla, elle a vingt-sept ans et habite a Madrid. Elle exporte ses vetements, realises par Gibo, le fabricant de Jean-Paul Gaultier, dans quinze pays (plus de 30 millions de chiffre d'affaires pour l'hiver 1989-1990). Sa douzieme collection est radicalement differente de toutes les autres et raconte pourtant la meme histoire : des verts, des roses, des sables qui ont l'air de se connaitre depuis toujours, des courbes, des ventres, des bustes qu'on souligne sans brusquer, avec des noeuds, des coques souples, des gilets qui s'ouvrent en cape, des robes pour seduire sans s'arreter de marcher, cette envie de donner envie qu'on appelle le style. " Je deteste les bourgeoises. Elles sont toujours bien coiffees, elles ont toujours une broche quelque part ", a dit un jour Yves Saint Laurent dans l'emission-culte des annees 60 " Dim, Dam, Dom ". Vingt ans apres, il ne renonce pas a ses exigences. La collection de l'ete 1990 rend hommage aux heroines, Rita, Marlene, Diane, les fatales, les Jane, les amazones, les rousses. Celles qui enfilent un fourreau de satin comme un pull et boutonnent un trench sur la peau nue. Cette annee, elles ont des faux bijoux encore plus massifs, colliers-bouliers, bracelets de metal, turbans de magicienne. Le premier passage donne le ton : la saharienne de coton lacee, pour une Verushka un peu moins guerriere et plus precieuse, chapeautee de cuir, bottee de cuissardes en satin. Du Rive gauche insolent et luxueux, tout en coups de cravache et en caresses : le tissu, parfois au bord de l'abandon, semble dompte, retenu aux hanches, aux epaules,par une main de fer. La surprise vient en douce. A la fin du defile, elles arrivent, drapees de crepe ivoire, rose poudre, plus calmes que les Sevillanes corsetees. La perfection impose son extravagance. La diagonale du pli decouvre un sein. Juste un. Sans bruit, sans vulgarite. Avec la candeur d'un enfant qui se penche par la fenetre. Le voyeur, c'est lui. Dans ses salons - housses creme sur les fauteuils si serres qu'on pouvait tout juste encastrer ses jambes et ne plus bouger - Thierry Mugler a fait fort. Il a plaque des cuirasses blutees, ou bardees d'accessoires chromes, sur les bustes minces de filles tout droit sorties des bandes dessinees et des feuilletons des annees 60, maquillees d'eye-liner, levres scintillantes et perruquees avec un bandeau large rejetant en arriere des cheveux raides de vamps du cosmos. Thierry Mugler a egalement reve sur les " baby dolls " pulpeuses coiffees sauvage, toutes frisees et bouches boudeuses, levres tentatrices et coiffees choucroute, facon BB, dont on retrouve meme les petites robes boutonnees devant qui l'habillaient si bien dans Et Dieu crea la femme. Une suite d'images percutantes donc, trop peut-etre. Elles font oublier le vetement et s'arretent a ce qu'elles sont: l'illustration d'un reve qui nous echappe. Alors, nous ne pouvons pas rever. Comme son pays, l'Italie, Popy Moreni ne cesse de faire rever. Avec des details tres simples parfois: une facon desinvolte de super-poser des mousselines et du lin, des longueurs differentes, des rayures et des pois, de la panthere et du zebre... Popy Moreni possede le gout du jeu, le sens de la complicite. Naturellement, elle lance, c'est son style, des couleurs violentes, qui "en jettent". Le rouge fuchsia, le violet cru ne lui font pas peur. Mais aussi des bruns chauds en jupes-ballons incrustees de broderies anglaises. Les vetements de Popy Moreni dansent sur les chemins de campagne, ils brillent a l'ombre des arbres. Et puis arrivent les parures sur lesquelles des pastilles de miroir multicolores font jouer la lumiere sur les fourreaux de soie, et c'est la fete. Gian Franco Perre en costume trois pieces est venu saluer sous les "applaudissements nourris", selon l'expression consacree, apres son premier defile Dior Boutique. Journalistes et acheteurs ont fait un vrai succes aux robes elegantes et fraiches qui parviennent a maintenir un souvenir et a lui donner mieux qu'une promesse de renouvellement. Harmonie, douceur, humour. Il y a quelque chose de rassurant dans cette collection, comme dans la silhouette confortable de l'artiste. Le style Ferre convient a Dior mais, pour savoir ce que ca deviendra, sans doute faut-il attendre qu'il ait lentement et surement fait evoluer la facon et les traditions maison. Montana venait de faire l'actualite en annoncant qu'il reprenait la maison Lanvin, et on l'attendait comme si on ne connaissait pas la souplesse longiligne de ses nymphes reveuses sur lesquelles glissent des tissus qui semblent a peine les froler. Leurs corps se laissent deviner dans des tailleurs qui les dessinent. Elles se dehanchent dans des pantalons larges, fluides, virevoltant avec grace. Elles sont deesses en fourreaux qui devoilent un dos sur lequel se pose la toile d'une araignee magique, ou se croisent des lanieres d'or qui s'enroulent sur le bras. Leur beaute est si parfaite qu'elles traversent le podium comme une illusion a laquelle on ose a peine croire. La radio suisse romande Espace 2 reunit, actuellement, a Geneve, un colloque international qui s'acheve le 27 octobre, anime par Jean-Fred Bouquin sur le theme : " Le pacte du futur ". Ce colloque s'articule autour de trois domaines : economie, culture et communication. Il rassemble des representants d'entreprises privees et des medias, des artistes et des chercheurs qui, tous, sont amenes a entretenir des liens de plus en plus etroits, notamment a travers le mecenat. Deux textes - une " convention d'objectifs " et une " chartre d'utilisation " - devaient etre signes, jeudi 26 octobre, par Mr Louis Besson, ministre delegue charge du logement, le premier avec les partenaires sociaux, patronat et syndicats, le second avec l'UNIL, qui regroupe l'essentiel des organismes collecteurs du 1 %, pour organiser l'utilisation d'une fraction de cette manne en faveur du logement des populations demunies. Le " 1 % logement " - qui n'est aujourd'hui plus que 0,65 % des salaires - verse par les entreprises non agricoles de plus de dix salaries, devrait representer en 1989 autour de 13 milliards de francs (versements des entreprises + remboursements de prets a long terme). Neuf pour cent de cette somme (soit environ 1,2 milliard de francs) seront consacres au logement des plus demunis. Les beneficiaires seront non plus seulement les salaries des entreprises cotisantes, mais toutes les personnes " pouvant beneficier de procedures d'insertion professionnelle ou de formation ", c'est-a-dire tous les chomeurs, les salaries au " statut fragile " : saisonniers, temps partiel, et ceux qui " presentent des difficultes d'acces au logement social " (voir article ci-contre), ainsi que les retraites. Les regles du jeu seront precisees par l'Agence nationale pour la participation des entreprises a l'effort de construction (ANPEEC), qui dressera un bilan semestriel des realisations. La gestion de ces sommes sera la plus decentralisee possible, toute une cascade de conventions permettant l'implication directe des differents acteurs. Singapour, 25 octobre : 4300 flacons de " parfum Yves Saint Laurent " sont detruits au bulldozer dans un centre commercial. Cet evenement est un des nombreux episodes de la guerre du faux. Les imitations, copies et contrefacons en tout genre touchent les produits de luxe mais aussi les medicaments et de nombreux autres produits. Pour combattre ce qu'ils considerent comme un veritable fleau, les createurs et les industriels depensent beaucoup d'argent. Leurs enquetes pour poursuivre les responsables de ces infractions les conduisent dans de nombreuses regions du monde et aboutissent a des reseaux dignes des romans policiers les plus noirs. Les maitres auxiliaires et les autres personnels non titulaires de l'education nationale employes en region parisienne souffrent de fins de mois difficiles depuis la rentree. Nombre d'entre eux ont percu leur dernier salaire au mois d'aout. Ils viennent en principe de percevoir, le mardi 24 octobre, un cheque d'avance correspondant a une partie seulement de leur remuneration normale de septembre. Ainsi, une etudiante en psychologie, qui travaille comme surveillante dans un college, n'a ete creditee que de 2600 francs sur les 5300 francs de son salaire. Le rectorat de Paris assure que la greve de certains de ses agents est totalement etrangere a ces retards facheux mais reconnait son incapacite a annoncer la date de la regularisation. Accusee par le rectorat, la tresorerie generale de Bobigny (Seine-Saint-Denis), qui gere les paies des agents concernes, certifie que "tout a ete mis en oeuvre" pour que les auxiliaires n'aient pas a souffrir des consequences de la greve des fonctionnaires des finances. On precise que pour octobre : "La paie va tres vraisemblablement etre versee." Chaque famille abrite, vaguement honteuse, un vieil oncle un peu buveur, un peu gras, qui rit trop fort dans les repas de mariage et dont les plaisanteries graveleuses ferment de consternation et de lassitude les visages des convives. La famille socialiste a trouve les siens, mercredi 25 octobre a l'Assemblee nationale. Ils sont deputes, elus du Puy-de-Dome, inconnus des debats parlementaires. MM Edmond Vacant et Jacques Lavedrine ont voulu rire un bon coup, faire rire leurs " copains " deputes, et au-dela, par cameras interposees, la France fidele des journaux televises. Alors, "juste comme ca, pour la parodie", ils sont arrives dans les couloirs du Palais-Bourbon la tete coiffee d'un foulard noue en tchador. Hilares, ecarlates de la joie d'avoir eu une si bonne idee, qui devait, a coup sur, leur valoir la celebrite. Riant tres fort elle aussi, Mme Gisele Halimi, depute socialiste europeen, les accompagnait, tendant a qui voulait bien la signer une " lettre ouverte " a Mr Lionel Jospin. Dans cette lettre, paraphee par les deux deputes du Puy-de-Dome, puis, sans la moindre hesitation par MM Raymond Douyere (PS, Sarthe), Jean-Marc Ayrault (PS, Loire-Atlantique) Gerard Gouzes (PS, Lot-et-Garonne), Charles Josselin (PS, Cotes-du-Nord), Jean-Paul Nunzi (PS, Tarn-et-Garonne), les deputes demandaient a " cher Lionel ", d'"adopter une position claire et ferme et d'interdire au sein de l'ecole publique tout element religieux, porte de facon ostentatoire, qui vise a compromettre la neutralite et donc la serenite de l'ecole de tous". " Cher Lionel " a vu et n'a pas ri du tout. Il s'en est meme dit "un peu attriste". Quant au chef de la famille socialiste a l'Assemblee, Mr Louis Mermaz, il s'est declare "indigne" et a juge "tres, tres severement" ce comportement, ajoutant qu'il aborderait ce sujet devant le groupe. D'autres deputes socialistes, comme Mr Francois Loncle, n'ont pas hesite a exprimer leur "consternation" devant l'attitude "imbecile" de leurs collegues. Si le groupe socialiste a retrouve, momentanement, son unite dans la condamnation generale d'une tres mauvaise plaisanterie, il evoquait davantage mercredi la celebre gravure de Caran d'Ache sur l'affaire Dreyfus. "Ils en ont parle", en effet, de ce difficile probleme du port du voile musulman dans les ecoles, lors de la reunion du groupe, mercredi matin. Et ils se sont divises, entre hussards noirs de la Republique, laicistes jusqu'aux dents, qui prescrivent l'interdiction de tout signe exterieur de religion dans l'ecole publique, et nouveaux combattants de la "tolerance" et du respect de la liberte vestimentaire et religieuse de chacun, jusque dans les salles de classe. Ils ont continue leurs debats dans les couloirs, en commentant l'intervention de Mr Lionel Jospin a la tribune de l'Assemblee et en faisant parfois, au passage, voler les courants du PS en eclats. Mr Julien Dray, peu suspect d'amitie pour le ministre de l'education nationale, mais partisan, au nom de l'antiracisme et de l'integration, de laisser aux jeunes filles le droit de porter leur voile, s'est employe a defendre la position moderee de Mr Jospin contre Mr Jean-Pierre Balligand, hostile a toute ostentation religieuse a l'ecole. Bien que "partisan acharne de la laicite", Mr Francois Hollande expliquait que le ministre s'etait, a juste titre, montre d'abord soucieux d'"assurer la scolarisation des enfants". "On ne peut pas reglementer, precisait-il. Comment dire : ca on accepte, ca on n'accepte pas ? Selon la couleur du voile, la taille de la croix ? Demain ce sera la boucle d'oreille, la petite main des potes, la banane sur la tete qu'il faudra reglementer." Pour Mr Jean-Marie Le Guen, proche de Mr Jospin, la position du ministre etait "equilibree ", et prenait en compte "la tradition d'accueil de l'ecole publique". "Il faut etre serein dans ce debat", ajoutait-il, en deplorant que certains de ses collegues au sein du groupe "ne comprennent pas que nous avons affaire a une provocation ". En refusant le port du voile, a observe Mr Le Guen, "on court le risque de justifier la creation des ecoles coraniques". Meme constat de la part de Mr Jean-Michel Belorgey, president de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales : si le port du voile peut etre interprete comme une provocation de la part de certains milieux integristes, "la liberte religieuse n'est pas incompatible avec la laicite". Pour Mr Belorgey, "on ne depose pas sa religion en entrant a l'ecole, pas plus qu'a l'armee ou dans un batiment public, et si cette religion comporte des contraintes vestimentaires ou alimentaires, ces contraintes doivent etre respectees". Les declarations de Mr Jospin n'ont pas satisfait Mr Francois Loncle, proche de Mr Laurent Fabius, qui a deplore "l'absence de reponse precise" dans les propos du ministre. Mme Yvette Roudy, qui avait interroge Mr Jospin en seance publique sur ce sujet, estimait que le ministre avait ete "bon" dans sa reponse, mais elle lui reprochait de n'avoir pas eu "plus de consideration pour le droit des femmes". "On ne peut pas faire dire tout ce qu'on veut a la tolerance et au droit a la difference", ajoutait l'ancien ministre des droits de la femme. Les ministres non plus ne restaient pas indifferents a cette nouvelle " affaire ". Selon Mr Jean-Pierre Chevenement, il faut eviter a tout prix "de faire de ce probleme un sujet d'affrontement inutile" tout en restant "clair et ferme" sur les principes. "Le respect de la liberte de conscience des enfants demande beaucoup de finesse, de delicatesse et meme de gentillesse", ajoutait le ministre de la defense. Jugeant, lui aussi, le sujet "tres delicat", Mr Louis Besson, ministre du logement, s'inquietait du risque de "petite prime au developpement de l'integrisme" que pouvaient representer "les exceptions" autorisees par Mr Jospin. Pour Mr Jean Poperen, ministre des relations avec le Parlement, "beaucoup risquent d'avoir un probleme de conscience, d'autant que les croyants ne sont pas seuls a avoir une conscience ". A l'issue de la seance des questions au gouvernement, un petit groupe de deputes socialistes, comprenant notamment MM Jean-Marie Le Guen, Julien Dray, Jean-Christophe Cambadelis, Francois Hollande, Jean-Pierre Michel et Jean Le Garrec, s'est reuni pour debattre d'un texte qu'ils devraient soumettre jeudi a leurs collegues. Ils souhaitent ainsi obtenir "une position globale" sur deux questions : le refus de l'exclusion des jeunes filles portant le voile dans les ecoles et, surtout, les initiatives a prendre pour "reenclencher le debat en faveur de l'integration". "Et pourquoi pas par le biais d'un projet de loi specifique sur l'integration ?", observait Mr Le Guen. Seule voix discrete entre les affirmations peremptoires des uns, les convictions des autres et l'agitation de tous, Mr Claude Bartolone reconnaissait, lui, qu'il restait "plus interrogatif que convaincu" par les differentes positions de ses collegues. "Je n'ai pas de reponse toute faite, pas de certitudes", avouait-il humblement, peut-etre moins en homme politique qu'en simple citoyen. Dans l'editorial de l'Humanite du jeudi 26 octobre, Claude Cabanes, redacteur en chef du quotidien communiste, critique vivement la decision de Mr Jospin. Sous le titre " la breche ", Claude Cabanes ecrit notamment : " Pour quel mauvais ragout a la sauce politicienne Lionel Jospin a-t-il vendu un des principes que la gauche a portes au coeur de tous les combats depuis un siecle, celui de la laicite ? La decision du ministre de l'education nationale (...) nous invite a poser clairement la question : " Quel est le profit politique attendu de ce reniement ? " (...) On devine la communaute educative de notre pays amere et desemparee, comme si l'ecole publique, deja en proie a de lourdes difficultes, venait de subir une defaite. L'edifice a ete durement construit pendant plus de cent ans, sur les fondations d'un magnifique ideal : servir - avec amour - a des enfants egaux, libres, autonomes, fraternels et differents, la nourriture du savoir. Desormais, une breche beante le defigure (...). " La decision du gouvernement offre sur un plateau a la droite le brevet de defenseur intraitable de la laicite. On aura tout vu. (...) La pirouette intellectuelle a ses champions : Mr Jospin vient d'entrer dans son Pantheon. C'est en effet au nom de l'emancipation feminine qu'il autorise le port du voile, que sa collegue Mme Roudy definit comme " le symbole de la soumission ". Comprenne qui pourra. On voudra bien admettre que, par ces temps ou se deploient d'un continent a l'autre d'inquietants fanatismes, la capitulation n'est pas la meilleure methode pour les combattre. " Si la FEN se felicite que le ministre de l'education nationale se soit prononce contre le proselytisme et pour l'obligation de suivre tous les cours, Yannick Simbron, son secretaire general, regrette que, "en cas de blocage" avec les familles, l'ecole doivent "accepter et accueillir". Pour le responsable de la FEN de l'Oise, qui se declare "effare et abasourdi" par la position de Mr Jospin, "on vient d'autoriser non plus la confrontation des cultures, mais l'affrontement des communautes dans les ecoles." Dans une lettre ouverte, les personnels du college Gabriel-Havez de Creil ont reproche, mercredi, au ministre de l'education nationale "de ne pas avoir pris en compte les realites de l'etablissement" qui accueille vingt-cinq nationalites et ou de nombreuses religions se cotoient. Ils demandent a Mr Jospin si, apres le port du voile, ils devront "accepter aussi les absences du samedi pour raisons religieuses et (...) une eventuelle troisieme revendication religieuse ou politique". Le principal du college ne s'estime "pas desavoue" par la position du ministre et entend renouer le dialogue avec les deux familles qui ont depose quatre plaintes, mercredi 25 octobre, aupres du tribunal de grande instance de Senlis. "On a gagne", s'est rejoui Me Jacques Verges, l'avocat d'une des familles, tandis que l'Association islamique de France et la Federation des musulmans de France ont salue "la grande sagesse" de Mr Jospin qui "n'a fait que reconnaitre un droit". Le Palais-Bourbon, la Republique, la Terre entiere, tout cela s'ecroulerait-il, chacun peut etre sur qu'une interrogation, une seule, la vraie, est, chaque mercredi apres-midi de questions au gouvernement, sur toutes les levres, a l'horizon du plus anodin regard en coin, dans toutes les tetes : les cameras sont-elles en place ? Mercredi 25 octobre, precisement, qui promettait d'etre un jour " avec ", pour cause de voiles coraniques, ca n'allait pas. Non content d'avoir, de Strasbourg, squatte l'ecran afferme au point de faire repousser de quatre-vingt-dix minutes la seance des questions, le chef de l'Etat poussa la periode oratoire au-dela de l'horaire bouscule, et donc du vraisemblable. Un dilemme - voile ou pas voile en classe ? - passe. Mais s'il faut en plus, tetanise par la pendule, se demander si mieux vaut " une seance non retransmise " ou " un petit decalage dans le temps permettant la duree de retransmission indiquee par la chaine " (dixit Andre Billardon, le president de seance)... Vertige. Vertige court, mais intense. Du reste, a peine Alain Juppe etait-il, pour le compte du RPR, entre dans le vif du sujet : " Que compte faire le gouvernement pour que les manifestations d'integrisme religieux ne conduisent pas a transgresser a l'ecole des principes aussi fondamentaux que l'egalite, la neutralite et la tolerance ? ", que Lionel Jospin nous trainait de nouveau au milieu de l'universelle cour de recreation : la petite lucarne. Il y eut certes l'" affaire ", recapitulait le ministre, des " discussions passionnees dans le pays ", accompagnee d'une "mediatisation extraordinaire et sans doute excessive ". Extase socialiste. Bonheur centriste. Et, plus a droite, manifestations clairsemees d'approbation : mais c'est bien sur. A la representation nationale, celle-la meme a laquelle la tele consentait " l'aumone de quelques instants de retransmission " (Alain Juppe), le ministre de l'education nationale devait bien l'explication qu'une mediatisation intense (excessive ? ) lui faisait delivrer depuis l'aube : oui, oui et mille fois oui, les principes de la laicite doivent etre compris et mis en actes par et pour tous. Et ils ne s'arretent que la ou quelqu'un refuse de les appliquer : " Quand des problemes individuels surgissent qui aboutissent, le dialogue ayant echoue, a une situation de blocage, l'ecole ne saurait exclure les enfants." Car " l'ecole doit donner une reponse humaine et tolerante face a des actes de conscience ". Pas d'exclusion, donc. Appuye sur ce principe, Lionel Jospin s'en eloignait ensuite pour vaciller sur le terrain mouvant de la contradiction : " Les enfants et leurs familles doivent accepter les regles d'organisation de l'ecole, notamment les regles de securite dans les ateliers et le respect des enseignements obligatoires. Nulle famille, nul enfant, ne peut decider qu'il n'ira pas a tel ou tel cours : cela aussi pourrait justifier une exclusion de l'ecole. " Contradiction, perplexite, divergence de vues : la ligne de partage entre les diverses analyses et attitudes possibles sur l'affaire du port des voiles traversait le groupe socialiste, ou cohabitaient l'enthousiasme rituel, l'approbation polie et la froideur affichee. A droite, au-dela du rideau de chahut non moins rituel, qui aurait pu jurer que nombre de deputes etaient plus surs de leur fait ? Lorsque Yvette Roudy parla ensuite de ce " port de foulard (...) symbole (...) pour les jeunes musulmanes de leur soumission et donc (...) obstacle a leur emancipation ", Lionel Jospin ne prit pas de risque supplementaire. L'emancipation pour tous et toutes ? Bien sur ! L'histoire de l'emancipation des femmes dans les programmes ? Pourquoi pas ? Contradiction. L'UDF Pierre-Andre Wiltzer revenait calmement a la charge : " Comment faire pour appliquer une directive assortie de sa propre negation ? " Lionel Jospin etait parti. Claude Evin, ministre de la solidarite, de la sante et de la protection sociale, repondit pour lui : " Les evenements recents ne sauraient masquer la realite de l'integration des etrangers dans notre pays, et il n'est pas justifie de les monter en epingle. " Pendant ce temps, sur son banc, Jacques Lavedrine, l'un des deux deputes-instituteurs-socialistes-blagueurs, depliait et pliait inlassablement le foulard de son exploit televisuel. Un foulard imprime porteur de la Declaration des droits de l'homme. Du plat de la main, il lissait avec acharnement les plis, comme pour en faire sortir quelque chose de nouveau et de sur. En vain sans doute, puisqu'il finit par abandonner longuement l'objet sur son pupitre, avant de s'eclipser, l'ayant, a tout hasard intellectuel ou farcesque, recupere. Le colonel Kadhafi a reconnu avoir soutenu, dans le passe, des mouvements terroristes auxquels il assure avoir retire son aide lorsque, dit-il dans un entretien publie, mercredi 25 octobre, par un hebdomadaire egyptien, il s'est apercu que ces organisations pratiquaient " le terrorisme pour le terrorisme " et " faisaient plus de mal que de bien a la cause arabe ". Le numero un libyen a, en outre, souhaite le retablissement avec les Etats-Unis de relations " basees sur le respect mutuel et les interets communs ". " Quoi que nous fassions, se lamentait-on mercredi 25 octobre, a la Farnesina, le ministere italien des affaires etrangeres, nous sommes dans la panade. " Jeudi matin, les huit cents visiteurs inattendus de Tripoli etaient toujours retenus sur leur bateau, dans le port de Naples. La " marche sur Rome ", voulue par le colonel, n'aura surement pas lieu. Les huit cents hommes, entasses sans visa aucun, parfois meme sans papiers d'identite sur un rafiot decore de l'inevitable portrait geant du " guide ", tuent le temps comme ils peuvent. Sur le pont, au-dessus des keffieh, une grande banderole noire et or proclame : " Nous sommes venus en amis nous recueillir sur les tombes de nos parents et essayer de retrouver les exiles disparus ". Mais, quelques jours plus tot a Tripoli, la rhetorique etait legerement moins pacifique. La " Marche verte ", l'hebdomadaire de la revolution, menacait carrement de transformer l'Italie " en un champ de bataille pour une guerre sainte et vengeresse ", si Rome ne se decide pas a indemniser la Libye des dommages subis entre 1911 et 1943. Car tout est la, bien entendu. "Apres tout, disait mercredi l'ambassadeur de Libye a Rome, les Allemands ont bien indemnise les juifs ". L'Italie estime, elle, que les comptes ont ete definitivement regles en 1956 avec le versement au roi Idriss - renverse plus tard par colonel Kadhafi - d'environ 5 milliards de lires (25 millions de francs). Rome laisse entendre que la confiscation par le " guide de la revolution ", en 1971, des biens de ses ressortissants installes en Lybie, fait largement le compte. Tripoli continue, pour sa part, d'affiner methodiquement les siens : 36 756 morts dans des operations militaires ; 169 569 blesses ; 5 901 condamnes a la reclusion ; 25 684 enroles de force ou emprisonnes; 36 352 internes dans des camps de concentration; 31 175 exiles et 14 333 invalides. Le voyage des "parents de disparus", en tout cas, a ete soigneusement negocie entre les deux pays, et, pour la premiere fois depuis un demi-siecle, on devait voir, jeudi 26 octobre, a la grande mosquee de Rome, des Libyens prier pour leurs ancetres victimes du colonialisme et, plus tard, du fascisme italien. " Nous y sommes arrives. " Il etait 20 h 15, mercredi 25 octobre lorsque Mr Wim Kok, du Parti du travail (PVDA, socialiste), a annonce, le sourire aux levres, que les discussions avec le Parti chretien-democrate (CDA) pour la formation d'une coalition gouvernementale de centre gauche avaient definitivement abouti. Au regard des habitudes neerlandaises, c'est en un temps record que Mr Ruud Lubbers, le premier ministre chretien-democrate sortant, s'est acquitte de la mission d'" information " que lui avait confiee la reine Beatrix le 13 septembre. Quarante-deux jours ont suffi aux deux partis pour etablir un contrat de mariage politique, qui les lient en theorie jusqu'en 1993. Les tractations pour la formation de la derniere coalition CDA-PVDA en 1981 avaient dure cent huit jours. L'alliance avait craque au bout de sept mois. Ce fantome du passe a ete exorcise au cours des six semaines qui viennent de s'ecouler dans le plus grand calme, sans provoquer de crises de conscience dans aucun des deux camps. C'est d'ailleurs en des termes exactement similaires que les deux principaux negociateurs, Mr Wim Kok pour le PVDA et Mr Bert de Vries pour le CDA, ont salue le resultat atteint : " Nous avons trouve de bons compromis ; l'accord forme une bonne base pour une cooperation fructueuse. " Amendant dans trois domaines principaux - le budget de la defense, la protection de l'environnement et la politique des revenus - le projet de programme presente le 16 octobre, l'accord definitif devait etre soumis jeudi aux groupes parlementaires chretien-democrate et socialiste. L'OTAN a rejete de maniere categorique, mercredi 25 octobre, l'offre faite lundi par l'URSS de dissoudre les blocs militaires d'ici a l'an 2000 (le Monde du 26 octobre). Les Sovietiques ont notre appui s'ils veulent quitter l'Europe de l'Est mais, de notre cote, "nous avons besoin de l'Alliance atlantique, source de stabilite internationale", a explique Mr Manfred Woerner, secretaire general de l'OTAN, a l'issue d'une reunion de deux jours des ministres de la defense de l'OTAN a Vilamoura (Portugal). Notant que "c'est une vieille politique de l'URSS de demander le demembrement des alliances", Mr Woerner a estime qu'il existe une "difference fondamentale" entre les deux alliances politico-militaires : "Un pays peut quitter l'OTAN", qui reunit des "nations libres", alors que "le pacte de Varsovie n'en est pas encore la". "Qu'ils atteignent ce niveau (de liberte) et laissent les pays de l'OTAN faire ce qu'ils veulent", a-t-il ironise. A Washington, le departement d'Etat a indique mercredi soir que lorsque Moscou avait fait des offres similaires par le passe, les Etats-Unis avaient presume que "son but etait d'eliminer les bases americaines a l'etranger", ce qui etait inacceptable. Toutefois, a ajoute le porte-parole, "dans les circonstances actuelles, les Sovietiques pourraient etre en train de faire savoir qu'ils cherchent des moyens de se degager de certains engagements militaires a l'etranger, particulierement en Europe. Si c'est le cas, nous soutenons ce but et nous sommes disposes a travailler avec eux pour preserver leur securite par des moyens politiques plutot que militaires". Dans le communique de leur reunion de Vilamoura, les ministres de la defense de l'OTAN (representant tous les pays de l'Alliance atlantique, sauf la France et l'Islande) se disent "encourages par les changements qui s'operent en Union sovietique et chez certains de ses allies", mais ajoutent que "les forces du pacte de Varsovie ont toujours la capacite de lancer des actions offensives". Ils notent que "la dynamique de la modernisation des forces nucleaires sovietiques a ete maintenue" et invitent une nouvelle fois l'URSS a "ramener unilateralement l'arsenal de ses missiles a courte portee aux niveaux actuels de l'OTAN". L'URSS et la Pologne ont decide de " renforcer leurs liens bilateraux dans tous les domaines, conformement aux principes du libre choix dans la voie du developpement, du respect de la souverainete, de l'egalite des droits et de la non-ingerence dans les affaires interieures " , indique un communique commun, publie mercredi 25 octobre a Varsovie, a l'issue de la visite en Pologne du ministre sovietique des affaires etrangeres, Mr Edouard Chevardnadze. Mr Edouard Chevardnadze, le ministre sovietique des affaires etrangeres, a affirme mercredi que l'URSS " ne determinait pas l'ordre interieur des autres pays " du pacte de Varsovie. " Ce qui se passe en Pologne ne provoque pas d'allergie en URSS " , a poursuivi Mr Chevardnadze devant les journalistes, precisant que son pays " peut profiter des experiences polonaises " et que l'evolution a Varsovie revele " des affaires interieures polonaises ". Le chef de la diplomatie sovietique venait d'achever une visite officielle de deux jours en Pologne, mais il devait passer deux jours de plus dans la capitale polonaise, pour participer jeudi et vendredi a la reunion des ministres des affaires etrangeres du pacte de Varsovie. Mr Chevardnadze s'est felicite du fait que la Pologne se soit engagee a respecter ses obligations a l'egard du pacte de Varsovie. Les relations sovieto-polonaises, a-t-il estime, sont " tres bonnes " . L'URSS maintiendra ses fournitures, notamment de petrole, a la Pologne, a-t-il promis, et Mr Mazowiecki a de son cote annonce qu'il ferait une visite officielle a Moscou probablement le 23 novembre, visite a laquelle il attache " une grande importance ". En revanche, aucune percee ne semble avoir ete realisee sur certains aspects particulierement delicats des relations bilaterales, comme le probleme de la minorite polonaise en URSS et celui du massacre de milliers d'officiers polonais a Katyn en 1940, sur lequel le gouvernment Mazowiecki demande avec insistance que la lumiere soit faite. " Nous avons besoin de verite " , s'est contente de dire Mr Chevardnadze, " pour nos nations et pour notre amitie ". Le chef de la diplomatie sovietique s'est par ailleurs prononce en faveur de changements dans le fonctionnemnt du pacte de Varsovie. " Le pacte de Varsovie necessite des modifications non pas dans ses structures, mais dans son organisation ", a-t-il declare a la televison polonaise. " Jusqu'a present, le pacte de Varsovie revetait un caractere militaro-politique ; il doit se transformer en une alliance politico-militaro-defensive. - (AFP, UPI). Une quarantaine de journalistes emprisonnes ou pris en otage dans le monde sont parraines par des organes de presse francais sous l'egide de l'association Reporters sans frontieres, a annonce, mardi 24 octobre, Mr Jean-Claude Guillebaud, president de l'association. " Depuis le debut de l'annee, quarante-deux journalistes ont ete tues, dont onze en Colombie et six au Perou, et cent soixante-dix arretes, dont une douzaine en Chine ", a declare Mr Guillebaud a l'Arche de la Defense, siege de la Fondation des droits de l'homme. Des radios, des chaines de television et des journaux francais ont accepte de prendre en charge la defense d'un premier groupe de journalistes, en majorite de Chine populaire, mais aussi de Taiwan, de Cuba, de Tchecoslovaquie, d'Israel, de Turquie, d'Afrique du Sud, d'Ethiopie, de Mauritanie, de Roumanie et de Syrie. Parmi ceux-ci se trouvent aussi l'Americain Terry Anderson et l'Anglais John McCarthy, enleves en 1985 et en 1986 par les integristes musulmans au Liban, parraines respectivement par le Bien public, de Dijon et le Courrier picard, edite a Amiens. Le role du parrainage consistera a publier regulierement des articles sur la situation des prisonniers, d'agir sur les autorites concernees et de mobiliser les lecteurs jusqu'a obtenir une amelioration de leur sort. L'association a recense une centaine de journalistes susceptibles d'etre parraines, parmi lesquels le Sovietique Serguei Kouznetsov, qui vient de retourner en prison, l'Espagnol Juan Sanchez Garcia, captif en Afghanistan, et l'Israelien Abie Nathan. Le president Mitterrand a annonce, mercredi 25 octobre, dans un discours devant le Parlement europeen, une reactivation du dialogue euro-arabe en cette periode de tensions accrues au Proche-Orient, avec la convocation d'une conference, en decembre a Paris, reunissant les Douze et les pays arabes. Evoquant le conflit entre Israel et les pays arabes, il a ainsi declare : " Des resolutions ont ete adoptees. Elles sont claires aussi bien sur le droit d'Israel de disposer de son Etat derriere des frontieres sures et reconnues et de posseder aussi les moyens de son droit. La-dessus, l'intransigeance s'impose moins - mais en meme temps, et c'est la contradiction de l'Histoire et la difficulte de notre tache - sur le droit aussi eminent, et sur la meme terre, du peuple palestinien qui a bien droit a sa patrie, sur laquelle il pourrait edifier les structures de son choix. " En tout cas, quelle que soit la dialectique employee, rien n'autorise cette repression continue ou l'homme devient gibier et ou reprend l'eternel va-et-vient de l'agresseur et de l'agresse, de celui qui tue, de celui qui meurt. Je pense que ce qui se passe en Cisjordanie a assez dure. " Je souhaite que ce probleme, comme les autres touchant a cette partie du monde, soit traite par la Communaute. C'est pourquoi j'ai decide de donner vie a une decision prise en 1975, je crois, qui prevoyait la rencontre des pays membres de la Communaute (...) et des pays arabes. J'inviterai donc a Paris, avant la fin du mois de decembre, les Douze europeens et les vingt-deux pays ou organisations arabes a engager un grand dialogue afin de resserrer nos liens, de mieux comprendre les objectifs des uns et des autres, de tenter d'imposer les regles de la raison, toujours au service du droit. " Mr Mitterrand a egalement aborde la crise libanaise pour " reaffirmer le droit eminent du Liban a preserver sa souverainete, son independance et son integrite ". Il a ensuite appele les Europeens a s'associer " plus etroitement " que par le passe aux efforts deployes par Paris " pour que la raison prevale ". La France, a-t-il dit, " a agi comme elle le devait afin d'abord de retarder les echeances, ces echeances etant mortelles, alors que la guerre battait les murs des dernieres maisons du reduit dans lequel etait enfermee une minorite, la minorite chretienne, maronite. Nous sommes les amis - et ce n'est pas une formule vaine - de tous, les Libanais, quelle que soit leur confession. Et nous cherchons simplement a venir a l'aide de ceux qui sont menaces. Ce ne sont pas toujours les memes. " Tapis epais, lourdes bibliotheques et poussiere de bon ton, l'institut du marxisme-leninisme d'Erevan a toute la dignite d'une congregation pour la doctrine de la foi. Comme dans chacune des republiques sovietiques, c'est ici que l'on pense les problemes ideologiques. Son directeur etait donc l'homme a interroger sur les repercussions de l'explosion nationaliste au sein meme du parti armenien. Conservateurs ? Reformateurs ? Rapports de force ? Il lui a fallu un temps pour que, brusquement, son oeil s'allume, comme au souvenir d'annees de jeunesse. Il y a longtemps, a-t-il alors explique de derriere ses piles de dossiers, qu'on n'en est plus la, car la question du Haut-Karabakh a totalement " recompose le spectre politique ". Cela ne s'est, bien sur, pas fait d'un coup. Mais depuis deux ans que la majorite armenienne de cette region autonome d'Azerbaidjan revendique son droit a l'autodetermination et que l'Armenie la soutient, tout le monde, poursuit-il, reformateurs et conservateurs, est devenu solidaire de cette lutte et il n'y a plus, aujourd'hui, que deux grands courants dans la republique. L'un, le " mouvement national ", dans lequel se reconnaissent " 80 % des Armeniens ", veut " une amelioration des liens " entre les republiques de l'Union ou chacun, citoyens et nations, devrait se sentir maitre de soi. L'autre regroupe les partisans d'une sortie de l'Union sovietique, et, dit-il, se renforce. Est-ce que lui-meme... ? " Oui ", il adhere au ce programme du mouvement national. Et le premier secretaire du parti, Mr Aroutounian ? Une hesitation... " Lui aussi, mais nous souhaiterions qu'il se rapproche plus de nous ", repond-il finalement d'une voix egale, sans apparemment sentir tout ce qu'une telle phrase revele sur l'etat du parti armenien. Dans l'esprit du directeur de l'institut du marxisme-leninisme, d'un institut directement rattache au comite central, il y a ainsi " nous " d'un cote et le premier secretaire de l'autre ? Mais " nous " qui ? Mr Simonian leve un sourcil, marmonne quelques mots las sur les etonnements anachroniques des occidentaux et retorque : " Quatre-vingt-dix pour cent des communistes armeniens soutiennent, comme moi, le mouvement national. Ça vous etonne ? " A la reflexion non, car beaucoup plus encore que dans les pays Baltes, tout ce qui dans une republique d'Union sovietique constitue l'armature du systeme s'est ici effondre. La militante febrile, au cabas bourre de tracts, qui explique sans reprendre son souffle que l'Armenie vit un grand moment, dangereux, penible mais " extraordinaire car nous rejoignons l'Europe ", ou imprime-t-elle, par exemple, toute cette litterature ? A la redaction ou elle travaille, c'est-a-dire clandestinement ? De nuit ? Pas du tout. Tout le monde est au courant et le directeur du journal fait simplement " semblant de ne pas savoir ". Et les plus demunis de ces dizaines de milliers de refugies que compte aujourd'hui l'Armenie, ou vont-ils demander un secours ? Au bureau de " bienfaisance " cree par des membres du Comite Karabakh - l'organisation nationaliste autour de laquelle se constitue le " mouvement national " dont parlait Mr Simonian. Et les policiers, comment leur faire ouvrir la voie ? Les secretaires, comment leur arracher un rendez-vous ? En se recommandant de ce comite. Et le maire adjoint d'Erevan, qui salue-t-il si cordialement dans la rue, si respectueusement dirait-on presque ? Le jeune chef de file du mouvement secessionniste. Qui gouverne aujourd'hui l'Armenie, finit-on vite par demander ? " Serieusement parlant, repond l'un des plus influents journalistes de la Republique, membre naturellement du parti, ni le comite central, ni le conseil des ministres. Ils sont en pleine puree de pois ", dans la cacha, dit-il en russe. Au nord, en Estonie, Lituanie ou Lettonie, cela signifierait que le processus de releve s'est accelere, qu'il n'y a plus double pouvoir du parti et des organisations nationalistes mais pouvoir unique des secondes. En Armenie, non, car l'effondrement du systeme participe d'une crise nationale beaucoup plus profonde qu'une simple remise en question du communisme ou de l'URSS. Dans l'angoisse, les Armeniens se retrouvent en effet confrontes aujourd'hui a l'eternelle precarite de leur destin. Car, debut septembre, apres que le Front populaire d'Azerbaidjan eut decide d'imposer a leur republique un total blocus ferroviaire et routier, ils ont soudain redecouvert la carte : au sud, une minuscule fenetre sur l'Iran exceptee, c'est la Turquie qui les borde, un Etat qui pour etre allie de l'Occident reste avant tout, pour eux, le pays qui a voulu les exterminer en 1915. Jusqu'a aujourd'hui, les Turcs font encore fremir d'horreur a Erevan, et a l'est ce sont les Azeris, des " Turcs " aussi, disent non sans raison les Armeniens. Or non seulement ces Azeris sont aussi consideres comme ennemis hereditaires, mais la haine est totale des deux cotes de la frontiere et le sang des Armeniens d'Azerbaidjan a beaucoup coule depuis que l'Armenie s'est enflammee pour le Haut-Karabakh. Reste, au nord de cette trappe, la Georgie, chretienne elle aussi, mais historiquement plus tentee d'etablir sa securite dans un accord avec l'Azerbaidjan qu'avec l'Armenie. Quel allie donc ? L'histoire n'en laisse qu'un seul : la Russie, cette Russie qui vient, huit semaines durant, de laisser sans broncher l'Azerbaidjan etrangler les Armeniens. Les trains ne passaient plus, rien de plus, mais comme 85 % d'entre eux transitent par l'Azerbaidjan, l'essence a manque, les magasins ont pris un air de desolation moscovite, les travaux de reconstruction ont du etre arretes dans la zone du tremblement de terre et quand des wagons parvenaient quand meme a atteindre Erevan, leur cargaison avait ete detruite. Huit semaines durant, avec photos en " une " d'etalages vides, quais deserts et usines a l'arret, la presse armenienne a publie sa " Chronique des jours de blocus ". Devant les pompes, on faisait la queue de nuit et, ici, aux confins de l'Europe, une nation s'est sentie " en guerre ", secouee de rumeurs permanentes sur l'imminence d'une attaque contre telle ou telle ville frontaliere. Des jeunes ont commence a s'entrainer. On a ressorti de tres vieilles armes, beaucoup raconte qu'il en arrivait d'autres, envoyees par la diaspora et les Armeniens des autres republiques sovietiques. De petits detachements sont passes en Azerbaidjan pour aller renforcer les defenses des terres armeniennes du Haut-Karabakh que les Azeris cherchent a grignoter, et assiegent depuis de nombreux mois. Aujourd'hui, l'Azerbaidjan, (non pas ses autorites officielles, mais son Front populaire, sa propre organisation nationaliste) a leve le blocus, mais seulement jusqu'a la fin octobre, le temps de voir si un compromis se degage sur le statut de la region autonome. Le Haut-Karabakh, lui, demeure encercle. On ne s'y rend qu'en avion, d'Erevan ou de Moscou. Le pain y manque. Une epidemie d'hepatite (plus de cent cinquante cas a la mi-octobre) s'est declenchee, et tous les jours on se tire dessus entre villages armeniens et azeris. La-bas, ce n'est pas l'ombre de la guerre, c'est la guerre. Nouvel executif, un " Conseil national " a ete mis en place, a partir des organisations officielles (parti compris) qui, plus totalement encore qu'en Armenie, ont toutes bascule. Un pont, deja, a saute. Les villageois (femmes comprises) sont organises en milices d'autodefense. Medecins du monde ouvre une antenne chirurgicale a Stepanakert, la capitale regionale. Les helicopteres de ravitaillement deviennent des cibles. L'administrateur provisoire nomme par Moscou ne sait plus ou donner de la tete et le probleme, en Armenie, n'est plus, mais alors plus du tout, le sovietisme. Ce n'est meme plus vraiment le nationalisme. C'est la nation tout court, sa defense, son avenir, sur une carte politique redevenue celle de toujours, d'avant l'URSS, celle d'un mouvant carrefour de civilisations, religions et empires. Celle aussi de cette annee 20 ou l'Armenie independante commenca a preferer l'armee rouge a l'avance turque. Dans le reste de ce qui n'est plus le bloc sovietique, l'Europe d'avant 1914 ne fait, pour l'instant, que sourdre. Plus encore qu'en Yougoslavie, elle a deja resurgi ici et ce retour de l'histoire a pour resultat premier - ironie de la logique - que ce n'est pas tant son imperialisme que l'Armenie reproche aujourd'hui a Moscou, mais son non-interventionnisme. Qu'on y voie une preuve de faiblesse ou de parti pris en faveur des Azeris, on ne pardonne pas a Mr Gorbatchev de n'avoir pas fait lever le blocus par la force. La protection national et, assuree par l'appartenance a l'URSS et payee depuis soixante-dix ans d'un si lourd tribut, n'a pas joue. Elle n'existe plus, plus comme certitude en tout cas. Premiers a avoir cru a la perestroika puis premiers, lorsqu'ils ont realise que Mr Gorbatchev preferait la stabilite des frontieres au bon droit du Karabakh, a en avoir ete decus, les Armeniens sont en consequence devenus les premiers a prendre conscience de la fragilite de l'URSS - et cela sans joie. Consciemment ou non, ils ont pleinement integre dans leur raisonnement l'hypothese d'un eclatement de l'union, et, dans toute discussion a Erevan, on entendra donc immanquablement quelqu'un s'exclamer : " Tout s'ecroule ? Tres bien. Mais n'oubliez pas que nous sommes au rez-de-chaussee. " Interrogee sur le realisme des slogans independantistes, une orientaliste, chercheur tranquille, repond : " Mais si l'empire s'ecroule et que nous ne sommes pas prets, pour le coup, nous perdrons tout. " Dans les pays Baltes, autre casse-tete pour Mr Gorbatchev, les fronts populaires denoncent, chiffres a l'appui, les entraves russes au developpement national. Ici, Mr Babken Ararkstian, mathematicien et dirigeant du Comite Karabakh, explique que la levee du blocus n'a " aucune signification ", qu'organise hier il peut l'etre demain et que " l'URSS a donc demontre la qu'elle ne pouvait assumer les responsabilites qui lui incombent " (a l'egard de ses republiques constituantes). Cela ne signifie pas que l'Armenie regretterait maintenant l'ordre stalino-brejnevien. Dans les douleurs, les larmes, les desillusions, aussi dans l'intense fierte suscitee, apres le tremblement de terre, par l'ampleur de l'aide internationale, ce peuple a bien au contraire conquis une liberte qu'il veut beaucoup plus grande encore. Le probleme est seulement qu'il est le premier des peuples de l'empire a toucher du doigt tout ce que l'apres-totalitarisme pourrait faire regretter du totalitarisme mou. Quand d'autres republiques se risquent encore a peine a la liberalisation, l'Armenie, elle, est deja confrontee aux defis de la liberte et, tout entiere, ressemble ainsi a sa zone sinistree. Comme la-haut, debouche soudain l'ocean de ruines sur quelques rues bordees de maisons neuves, comme hopitaux et ecoles modernes s'y dressent dans la boue bientot neigeuse de miserables bidonvilles, comme une paysanne d'un autre siecle y jure que sa jambe broyee ne peut etre operee qu'a Paris, comme s'y chevauchent hier et demain, une nouvelle Armenie se cherche dans son desespoir. Erevan aujourd'hui, c'est la gare et ces foyers requisitionnes, ou s'entassent, sur des bancs ou cinq par chambre, des refugies d'Azerbaidjan, perdus, sans argent, ni vetements ni espoir. Chacun veut raconter pour que le monde sache. Et plus ils parlent, plus grossit leur foule et s'enfle la triste litanie du coup de sonnette en pleine nuit (" tant que vous etes encore vivants... ") de la milice, qui refuse d'intervenir, et de l'exode force - et, au demeurant, croise - des Armeniens d'Azerbaidjan et des Azeris d'Armenie. Tout le malheur du monde est concentre la, et soudain une dame imposante capte l'attention : " A quoi sert d'avoir un gouvernement ? A quoi servent Gorbatchev et la Constitution ? S'il n'y a plus de pouvoir, qu'ils nous laissent, au moins, partir en Amerique. " Et c'est dans le silence qu'elle conclut d'une seule phrase : " Avec un Turc, c'etait fatal. " Quel Turc ? Mais Gorbatchev naturellement, ce " fils de Turcs ", dont la mere a epouse en secondes noces - mais si, insiste la dame, mais si... - un Russe, qui a donne son nom a l'orphelin devenu maitre du Kremlin. Chacun opine, et cette fable court l'Armenie, une Armenie si traumatisee qu'il lui faut a tout prix pouvoir s'expliquer le sort qui, de pogrom en seisme, s'acharne sur elle depuis vingt mois. Jusque dans l'elite, parmi les scientifiques meme, une ecrasante majorite d'Armeniens est aujourd'hui convaincue que le tremblement de terre a ete deliberement provoque, sur ordre du Kremlin, par une explosion atomique souterraine. Pourquoi ? Mais pour briser, voyons - un enfant le comprendrait, - le nationalisme armenien, et si le Kremlin n'est pas intervenu en Azerbaidjan alors qu'il l'avait fait a Budapest, Prague et Kaboul, ce n'est pas du tout, ajoute-t-on, que les temps ont change. Ce n'est pas non plus qu'on ne peut pas installer l'armee dans tous les coins chauds du pays, ni qu'il y ait eu une sagesse a tenter de faire voir les realites et la necessite d'un compromis. C'est que Mr Gorbatchev est " turc ", turcophile, a tout le moins, et que l'angoisse et le desespoir armeniens generent leurs irrationalites. Mais Erevan, dans le meme temps, c'est aussi (devant l'Estonie) le plus fort taux de cooperatives par rapport au nombre d'habitants. Ce sont des economistes, des cadres de l'appareil d'Etat et des intellectuels qui planchent sur un vaste projet de creation d'une zone industrielle franche, capable d'attirer les capitaux de la diaspora. Et Erevan, ce sont surtout les dirigeants du Comite Karabakh, intellectuels jetes dans la politique - car il faut bien qu'un personnel politique se cree, - qui, lentement, sur la pointe des pieds, essayent de sortir leur peuple du bourbier. Non pas du tout en abandonnant a leur sort les Armeniens du Karabakh, mais en cherchant a definir des etapes, a ne pas se battre en meme temps contre Bakou et Moscou, a renforcer l'Armenie avant de la lancer dans des epreuves de force qu'elle n'est pas capable d'assumer, a elargir, en un mot, les ambitions nationales pour que ce ne soit plus l'independance du Karabakh ou rien. Le Comite met donc, aujourd'hui, la derniere main a un programme de democratisation de l'Armenie, de diversification de ses echanges economiques, d'ouverture de nouvelles routes et de voies ferrees, d'implantation aussi de representations armeniennes a Paris, Washington, Damas, Teheran et Beyrouth, c'est-a-dire dans les grandes capitales de la diaspora. Debut novembre, aura lieu le congres de fondation du mouvement national armenien, auquel s'integreront le Comite Karabakh et de nombreuses autres organisations culturelles et politiques nees ou nees a nouveau depuis fevrier 1987. Ensuite, comme dans les quatorze autres republiques sovietiques, ce seront les elections locales et parlementaires, que ce mouvement national remportera, bien sur, haut la main. Emprisonnes cinq mois l'annee derniere, les dirigeants du Comite deviendront alors ministres. La politique commencera vraiment d'affirmer ses droits et... Mais cela, c'est deja du reve, et il faudrait d'abord que soit accepte le compromis institutionnel que le Soviet supreme d'Union sovietique devrait proposer la semaine prochaine a l'Azerbaidjan et au Haut-Karabakh. Ce n'est pas completement impossible. Ce n'est pas non plus joue d'avance. Le Monde et Actes Sud-Papier viennent de publier l'album Festival d'Avignon 89, qui raconte le festival a travers des articles de presse, des notations prises au jour le jour et des photos. Georges Lavaudant, codirecteur du TNP Villeurbanne, n'etait pas a Avignon cette annee. Il a lu l'album et nous a adresse ses notes de lecture. Chronique d'un festival, avec ses coups de coeur, ses echecs, ses surprises, almanach d'un ete de theatre compose de jugements, d'analyses, de resumes, d'interviews dont les propos toujours un peu fausses laissent parfois un gout d'inacheve, parce que c'est un exercice difficile et qu'il devient de plus en plus complique de dire simplement les quelques pensees auxquelles on tient, parce que l'epoque n'est pas aux idees claires, mais plutot aux idees clinquantes monayables, cela signale sans aucune amertume, la publicite, " les reclames " comme on disait autrefois, venant brouiller le recapitulatif au lieu d'annoncer clairement la couleur en ecrivant, par exemple : " La Fondation Louis-Vuitton s'est fendue de trente plaques ", ou bien encore : " Grace aux vingt batons d'Alpha FNAC vous avez pu vous geler pendant quatre heures." Ce que tente de saisir un papier " critique ", c'est toujours une seule et unique representation, quelque chose de ce soir-la, sublime ou pitoyable, lamentable ou genial. Que d'excuses, que de plaintes parfois de notre part a nous, gens de la profession, afin de justifier l'echec d'une telle soiree : un acteur malade, le mistral, la chaleur. Mais le critique, lui, se moque de ce type d'argument, et il a raison. Ses yeux, ses oreilles, son coeur, enregistrent les battements de cette unique representation, celle des " Parisiens " du 20 juillet par exemple ; et c'est de cette unique soiree dont le lendemain son journal rendra compte. Cruaute et aveuglement de l'actualite du jour, qui repousse ou efface les priorites, les preoccupations d'hier, sanctifiant un nouveau lot d'effets et d'images, de noms et de talents. A Avignon, pas le temps de souffler. Le " spectaculaire " presente ses collections d'hiver sous les flashes et les ragots, les cris d'admiration et les jugements a l'emporte-piece. Sous des dehors civilises, c'est assez rapidement la guerre et la boucherie qui reapparaissent. Voici rassembles dans un beau livre, une collection d'articles de journaux. La couleur du papier retenue pour cet ouvrage presente cette teinte jaune pale que commencent a prendre les journaux exposes au soleil, mais d'emblee on comprend que le papier du journal ira vers sa perte, tandis que les pages du livre ne bougeront plus, comme un bouquet seche dont les fleurs devenues craquantes immobilisent un peu de temps. Groupes ainsi, ces textes semblent parfois menaces d'irrealite. On les croirait vides de leur urgence, de leur fraicheur qui consistaient justement a porter " a chaud " un jugement sur ce qui se presente comme eminemment ephemere, volatile, a savoir : une representation theatrale. Ces articles, les voici arraches a leur environnement naturel qui met sur un meme pied d'egalite : les incendies sur la Cote d'Azur, la victoire de Greg LeMond, les negociations Walesa-Jaruzelski, la naissance d'une actrice. C'est en achevant, a bicyclette, une petite promenade, qui chaque jour me faisait delaisser les remparts de Sienne et l'ombre de la Mangia pour les collines vallonnees du Chianti, que j'ai appris la terrible nouvelle m'annoncant la mort de Jean Bouise. Un orage tournoyait au-dessus des coteaux, inlassablement parcourus par des tracteurs a chenillettes, sulfatant les vignes vertes et bleues. J'ai prepare quelques spaghettis, me souvenant de la premiere alerte que Mack avait connue lors des repetitions de Tir et lir, l'annee precedente, la-bas, dans la chaleur avignonnaise. L'electricite a disjoncte. Quelques secondes plus tard, la pluie s'est abattue sur le domaine. Dans le carton aux legumes, je possedais quelques bougies. J'ai fouille dans le noir, songeant a Mack assumant jusqu'aux limites de sa vie son travail d'acteur, sans heroisme particulier, comme les anti-heros (de Schweick a Falstaff) qu'il excellait a faire exister... Lorsqu'on aura tout oublie de ce festival, il restera peut-etre encore le sourire de cette jeune fille presentant un carton blanc sur lequel on peut lire, trace d'une ecriture scolaire : "J'achete une Place pour la Celestine", avec effectivement un "P" majuscule a "Place". Le pouce de la main disparaissant completement derriere le rectangle clair que quatre doigts legerement osseux continuent de tenir en equilibre devant son buste, le haut semblant reposer directement contre ses dents offertes dans un sourire qui deja vous bouleverse parce qu'il est comme la signature etourdie, un cadeau sans contrepartie de cette chronique d'un ete. Au printemps dernier, un rapport de l'inspection des finances revelait des irregularites importantes dans les comptes de la Croix-Rouge. Le deficit s'eleve, selon les dernieres evaluations, a 232 millions. Samedi 28 et dimanche 29 octobre, a l'occasion de l'assemblee generale de l'association, la nouvelle presidente, Mme Georgina Dufoix, expliquera la restructuration qu'elle a entreprise en nommant en juillet dernier un gestionnaire, Mr Pierre-Louis Boutonnat, et en creant trois directions : de l'administration, des etablissements (ecoles, hopitaux) et du secteur operationnel (urgence, secourisme, action sociale, missions internationales). La responsabilite de cette derniere vient d'etre confiee au docteur Michel Joli, officier du service de sante des armees, ancien conseiller technique de Mr Charles Hernu au ministere de la defense, puis directeur de cabinet de Mr Haroun Tazieff et actuellement membre du Conseil economique et social. Mme Dufoix presentera ensuite ses projets. Elle nous en donne ici les grandes lignes apres avoir fait une analyse de la situation de la Croix-Rouge lors de son arrivee a la presidence. " Voila cinq mois que vous etes a la presidence de la Croix-Rouge francaise, vous avez eu le temps de vous faire une opinion sur les causes de ses difficultes. - Paradoxalement, elles viennent de ce qui fait aussi la richesse de la Croix-Rouge : son heterogeneite. Il est necessaire de rappeler que cette grande maison regroupe environ cinq cents etablissements sanitaires et sociaux (des hopitaux, des dispensaires, des pouponnieres, des centres d'accueil pour personnes en detresse, des ecoles d'infirmieres, d'assistantes sociales...), et que son chiffre d'affaires total est de l'ordre de 2,5 milliards de francs. Ses activites, qui vont du secours d'urgence a l'aide sociale, de l'hospitalisation a la formation des personnels de sante, reposent sur 13600 salaries et plus de 100000 benevoles ! Si professionnels et benevoles travaillent le plus souvent dans le meme sens, il arrive que leurs actions se contrarient et que surgissent alors les problemes. " Autre talon d'Achille : la gestion. La Croix-Rouge est une association selon la loi de 1901. La gestion des etablissements se fait sous le controle des comites locaux ou departementaux (animes par des benevoles), mais la responsabilite morale et financiere incombe au conseil d'administration national et au president elu par le conseil. " Les associations tenues a tres peu de documents comptables avaient pendant longtemps neglige les problemes de gestion. Mais au debut des annees 80, tandis que l'aide publique s'est faite plus rare, de nouvelles associations sont venues sur le marche humanitaire, imposant de nouvelles regles. Il fallait donc apprendre a organiser la gestion. En meme temps, l'Etat, avec la loi de 1984, s'est fait plus exigeant et a oblige certaines d'entre elles a se plier aux regles du code du commerce. La Croix-Rouge a essaye pendant cinq ans d'assainir sa comptabilite. Mais ses efforts n'ont pas ete suffisants, et les commissaires aux comptes ont refuse d'engager leur responsabilite sur le budget 1988. Il faut egalement reconnaitre que le recrutement des professionnels s'occupant de la gestion n'a pas toujours ete judicieux. - Quelles ont ete (et quelles sont) vos priorites pour remedier a cette situation ? - Mon premier souci a ete d'essayer de comprendre l'organisation avant d'agir. Je me suis ensuite assigne la tache de restructurer le siege parisien pour le rendre plus efficace. J'ai recentre les competences, diminue le nombre de directions et celui des personnes a ces directions. Cela n'a pas ete agreable, mais il le fallait. Un plan social a ete etabli. Des postes ont ete supprimes et des personnes ont demande a beneficier d'un FNE. " Je vais faire des propositions a l'occasion de la prochaine assemblee generale. Il y a un certain nombre de choses que l'organisation sait tres bien faire et qu'il faut mettre en valeur. Elle est la seule, par exemple, a posseder des ecoles et des etablissements hospitaliers. Cela doit lui donner la possibilite d'adopter une politique sanitaire et sociale originale. L'axe sur lequel j'aimerais que l'on travaille concerne le suivi des grands malades a la sortie de l'hopital et l'accompagnement des mourants. De meme, il faudrait approfondir l'action des benevoles aupres des personnes agees et des handicapes. " La mobilisation de la jeunesse doit egalement etre un objectif prioritaire. Il existe des jeunes avides de servir ceux qui en ont besoin. Nous devons repondre a leur demande et les accueillir dans nos equipes de secours et d'urgence, d'aide au tiers-monde ou de protection de l'environnement. " En fait, je ne cree rien de nouveau. Je prends ce qui existe et l'actualise. Nous avons deja commence en Guadeloupe. Apres le passage du cyclone, nous avons envoye des hommes qui ont aide a retablir les communications entre les villes les plus abimees. Nous avons aussi fait partir vingt-cinq artisans, qui ont participe a la reconstruction des maisons. Du secours strictement sanitaire, nous passons egalement au secours social. " Voila de quoi nous occuper pendant quelque temps. D'autant que, parallelement, nous allons essayer de reorganiser notre gestion et de donner une plus grande coherence a notre structure financiere. - Comment comptez-vous vous y prendre ? - Actuellement les comites departementaux et locaux ont une grande marge d'autonomie sans avoir la responsabilite financiere. C'est dangereux, car cela veut dire que, lorsqu'un comite a des problemes, la Croix-Rouge nationale est obligee de payer, mais n'a pas en retour la possibilite d'imposer quoi que ce soit pour retablir la situation. Nous devons donc reflechir a une solution qui preserverait une unite de gestion nationale de la Croix-Rouge, mais responsabiliserait en meme temps les comites locaux. Je ne veux rien imposer. J'espere que l'assemblee generale decidera de creer une commission qui etudiera des regles nouvelles. C'est indispensable, car je ne veux pas d'un colosse aux pieds d'argile. J'aime profondement la Croix-Rouge et les gens qui y travaillent, mais il nous faut a present des bases saines et solides. Ce n'est qu'a partir de ce moment-la que l'on pourra lancer des campagnes de communication sur nos grandes orientations. - Que pensez-vous du debat sur la transparence et l'adoption d'un code de deontologie (actuellement a l'etude) redige et signe par les associations francaises ? - Les difficultes rencontrees par la Croix-Rouge ont permis a celle-ci de poser ses problemes de gestion. Nous avons joue le jeu de la transparence en donnant le resultat des enquetes. Toutes les associations ne sont malheureusement pas pretes a cela. J'en suis surprise et choquee. Il est certainement plus facile de travailler dans l'ombre que dans la clarte, mais ce n'est pas sain et je m'y refuse. - Parmi les maux dont souffre la Croix-Rouge, on a cite le grand age des membres du conseil d'administration. - Le grand age signifie aussi experience ! Le conseil a surtout souffert d'un manque d'information. Il a ete tres insuffisamment mis au courant de la marche de l'organisation. Il etait et il est encore tres difficile d'obtenir des documents justes et fiables. Il faut que cela cesse. Il faut parvenir a une plus grande transparence interne. Nous ne devons pas hesiter a mettre les problemes a plat pour en discuter franchement. " Nous aurons prochainement des echanges certainement rudes mais clairs aussi, lorsque nous aborderons le sujet de la fermeture d'etablissements hospitaliers concurrences par d'autres qui font mieux que nous. Si nous souhaitons ces fermetures, c'est pour ouvrir des unites nouvelles (comme a Lyon, par exemple, pour l'accompagnement des mourants) et correspondant mieux a la chaleur et a la convivialite de la Croix-Rouge. " Il est bien fini le temps ou chapiteaux et tentes abritaient les reunions et les colloques du Forum de la cooperation d'Agen. Plantes en bordure de Garonne, sur le Gravier comme disent les Agenais, les barnums accueillaient alors les premiers participants a ces assises de la solidarite internationale, voulues a la fois par le conseil general de Lot-et-Garonne, la mairie d'Agen et la chambre de commerce. La France compte entre trois cents et quatre cents ONG humanitaires de toutes tailles. Ici, elles s'occupent d'equiper un village en pompes a eau, la de soigner, ailleurs de sauver. Le tout avec l'aide financiere des Francais pris individuellement ou bien avec celle d'entreprises. L'aide humanitaire aussi connait le sponsoring. Des lors et comme a chaque fois, il a encore ete beaucoup question d'argent cette annee au forum d'Agen. Mais d'une maniere plus sereine que les fois precedentes. Le gouvernement, on le sait, a accepte - enfin - que les donateurs puissent deduire directement sur le montant de leur impot 40 % de la valeur de leurs dons. " C'est une revolution fiscale ", a reconnu Mr Andre Recipon, president de la coordination d'Agen, par ailleurs president de la Fondation Raoul Follereau. Et il a remercie Mr Jacques Pelletier, ministre de la cooperation, qui inaugurait le forum. Mais Mr Recipon, tout comme les ONG, entend bien que le gouvernement n'en reste pas la. " Il faut que ce pourcentage augmente encore. Au moins de cinq points l'an prochain. " Pour etayer son propos, Mr Recipon s'appuie sur ce qui se passe aux Etats-Unis et ailleurs en Europe ou la solidarite s'exprime financierement d'une maniere beaucoup plus forte car les dispositions fiscales sont mille fois plus souples. " En clair, dit-il, tout ce que vous donnez est deduit de votre impot. " Des lors, on le comprend, les citoyens mettent plus facilement la main a la poche. C'est ce qu'attendent les ONG des Francais qui leur donnent deja environ 8 milliards de francs chaque annee. Pour sa part, la Fondation Follereau recueille a peu pres 90 millions de francs. Elle a constate qu'avec les mesures fiscales prises en 1980 et qui avaient deja un tout petit peu debloque le systeme, ses recettes avaient ete multipliees par cinq en sept ans. Le pactole, donc, pour toutes ces ONG qui courent apres les sous pour mener a bien leurs actions. Leurs responsables - il y en avait cent cinquante a Agen pendant trois jours - ont donc entendu avec un certain plaisir les propos de Mr Pelletier puis, le lendemain, ceux de Mr Kouchner, secretaire d'État a l'action humanitaire. Le premier leur a dit : " Il y a des choses que l'Etat ne sait pas faire. Aidons les ONG a les faire. " Et les ONG ont traduit en substance : si nous n'avons pas davantage d'argent, le gouvernement devra se debrouiller tout seul pour assumer sa solidarite internationale. Quant au second, il leur a lance tout net : " Constituez un lobby. Un lobby humanitaire qui distinguera vos organisations des huit cent mille autres associations francaises. Il faut obtenir la deduction fiscale totale. " Mais tout cela devra se faire dans la transparence " pour dissiper la suspicion ". Alors Mr Kouchner pousse toujours son idee d'un conseil de l'action associative de solidarite, afin de pouvoir rendre des comptes a tout moment a ces " petits porteurs de la fraternite " que sont les donateurs francais. Pour le reste, les ONG ont beaucoup debattu sur des sujets divers : les droits de l'enfant, le Liban, la pharmacopee traditionnelle, les programmes d'eau, etc. Comme le souligne Patrick Edel, " le forum d'Agen est unique. C'est l'assemblee generale des ONG, la rencontre des operationnels qui peuvent brasser leurs experiences et leurs preoccupations d'une maniere pratique et non theorique ". Il faut savoir en effet, que les rivalites entre ONG sont souvent tres vives a Paris et sur le terrain aux quatre coins du monde. L'argent toujours... Voila bien un theme, celui des rivalites, qui pourrait etre retenu l'an prochain a Agen, car, c'est decide, le huitieme forum aura bien lieu en octobre 1990 en Lot-et-Garonne. - L'Assemblee nationale a adopte, lundi 23 octobre, en premiere lecture, un amenagement fiscal qui accroit le montant des sommes deductibles et simplifie les procedures en ne retenant plus que la deductibilite sur l'impot (et non plus le revenu imposable). Cette formule est nettement plus favorable aux faibles revenus. Desormais les versements et dons prevus ouvrent droit a une reduction d'impot sur le revenu egale a 40 % de leur montant, pris dans la limite de 1,25 % du revenu imposable, s'il s'agit d'une association simplement declaree, 5 % pour les associations reconnues d'utilite publique. A noter, par ailleurs, que les deductions instituees pour les dons aux associations s'occupant d'aide alimentaire ont egalement ete relevees (a 50 % de leur montant) et elargies aux associations qui favorisent le logement des personnes en difficulte. La societe belge Plant Genetic Systems (PGS), principale entreprise europeenne de biotechnologie agricole, vient de mettre au point un nouveau systeme de production de varietes hybrides. Actuellement testee sur le colza, la technique, si elle s'avere transposable a d'autres especes cultivees, pourrait avoir d'ici quelques annees d'importantes retombees economiques pour l'industrie des semences. En 1985, elle etait la premiere au monde a elaborer par manipulations genetiques des plantes resistant aux insectes puis, en 1986, aux herbicides. Il y a moins d'un an, elle parvenait a faire produire, de maniere experimentale, des substances pharmaceutiques par des graines de colza manipulees. Sept ans apres sa creation, la societe PGS (Gand, Belgique) persiste et signe : en collaboration avec une equipe americaine de Los Angeles (universite de Californie), ses chercheurs viennent de reussir, a l'issue de plusieurs annees de recherches, a inhiber de facon hereditaire le developpement du pollen dans des plants de colza. Avec, a la cle, l'espoir de lever l'obstacle technique et economique qui freine actuellement, pour de nombreuses especes, le developpement de nouvelles varietes hybrides. Obtenir des semences hybrides au moindre cout, c'est le reve de tous les selectionneurs : par de subtils croisements, ils peuvent y reunir les caracteristiques genetiques les plus interessantes des deux lignees parentales, et produire ainsi des varietes plus vigoureuses et de meilleur rendement. Mais les plantes sont ainsi faites que la plupart des especes cultivees portent simultanement les organes de reproduction males et femelles. Que se produise une autofecondation, et c'est tout l'avenir de la lignee hybride qui s'en trouve compromis. D'ou l'interet de disposer de varietes sans pollen, stables et reproductibles, qui permettraient d'eliminer definitivement ce risque. De telles varietes "males steriles" existent spontanement dans la nature pour plusieurs especes de grande culture - mais, betterave, riz ou tournesol. Mais l'histoire a prouve que leur utilisation intensive (et donc l'appauvrissement de la diversite genetique) pour l'obtention de varietes hybrides pouvait devenir un remede pire que le mal. Temoin, l'epidemie, provoquee aux Etats-Unis par un champignon, qui decima, au debut des annees 70, pres du tiers de la recolte de mais. De meme, certaines especes se pretent a une castration manuelle des etamines, mais cette solution, fastidieuse et couteuse, ne peut raisonnablement etre appliquee a grande echelle. Enfin, ces dernieres annees, les agronomes avaient place de grands espoirs dans la decouverte de genes specifiques qui, introduits dans le patrimoine des especes cultivees, inhiberaient de facon durable le developpement du pollen. Mais, la encore, la pratique s'avera nettement moins simple que la theorie. Et le systeme d'hybridation fiable, stable et sans danger, restait a inventer. Initie depuis trois ans sur le tabac, puis sur le colza, le procede de production de semences hybrides mis au point par PGS repose entierement sur les techniques du genie genetique. Plutot que d'isoler des genes specifiques de sterilite qui, presque tous, entrainaient chez la plante des effets secondaires plus ou moins nefastes, les chercheurs se sont orientes vers la creation d'un systeme " artificiel ", construit de toutes pieces grace aux connaissances acquises sur la biologie moleculaire des vegetaux. " Pour stopper le developpement du pollen, il fallait choisir un gene capable de bloquer, a une etape ou a une autre, le metabolisme cellulaire et le mettre sous le controle d'un autre gene, specifique des cellules sexuelles, afin qu'il ne s'exprime que dans les etamines qui secretent le pollen ", explique Mr Willy De Greef, chef de production de PGS. Apres quoi, la plante poursuit normalement sa croissance, et transmet, ainsi que l'ont verifie les chercheurs sur des plants de tabac cultives en serre et en champ, le caractere " male sterile " a sa descendance. Cette derniere est ensuite croisee avec une autre variete, capable de restaurer la fertilite complete des semences hybrides. " L'avantage principal de cette technologie reside dans le fait qu'elle est theoriquement applicable a toutes les cultures, sans entrainer la perte d'autres caracteres importants ", affirme Mr Jan Leemans, directeur de recherche de PGS. La societe, qui a depose une demande de brevet au niveau mondial, envisage de commercialiser son procede aupres des principales societes de semences, sous forme de licence ou de filiales communes. Menes conjointement par PGS et, en France, par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), les premiers essais en champ sur des plants de colza " males steriles " devraient commencer des le printemps prochain. Reste, bien sur, a verifier que ce syteme " antipollen " s'adapte sans problemes a d'autres especes : mais, betterave, tournesol ou tomate - pour ne citer que ces quelques exemples prioritaires pour l'agronomie. Si tel etait le cas, la petite societe belge aurait bel et bien dame le pion a nombre de grands semenciers qui, depuis plusieurs annees, consacrent une part importante de leurs recherches a l'obtention de semences hybrides. Quatre jours apres l'approbation par les deputes libanais du pacte de Taef, le general Aoun, premier ministre en exercice en secteur chretien, qui le rejette, apparait comme un " homme en etat de siege ", mais disposant d'un incontestable appui populaire. Les foules, de jeunes surtout - si bien qu'il a du lui-meme appeler les etudiants a regagner leurs ecoles - ont continue durant les dernieres vingt-quatre heures a affluer au palais presidentiel en ruine, ou le general les harangue. Son discours demeure aussi intransigeant : " Ce qui s'est passe a Taef est un crime impardonnable, commis par des personnes (les deputes) qui ont perdu leur identite et qui doivent maintenant rentrer dans le droit chemin. Vous devez les chatier severement. " Ce ne sont pas les propos de quelqu'un dispose a composer. Et pourtant, quelques faibles indices de decrispation sont peut-etre sur le point d'apparaitre. Car, meme ainsi muni du soutien de la rue, le general Aoun doit tenir compte du fait que cette meme population du reduit chretien qui l'acclame et, assurement, lui voue de la sympathie, craint l'impasse et la guerre, et que tous les dirigeants politiques de son propre camp se rallient plus ou moins a la " solution de Taef ". Le Front libanais, dont le president Mr Georges Saade, a ete le principal negociateur du camp chretien aux assises de Taef, a carrement " exhorte tous les dirigeants a aborder avec souplesse les resolutions arabes et internationales, en vue d'en faire fructifier les elements positifs tout en attenuant la nocivite de ses elements negatifs. Ce, pour mettre un terme a toutes les occupations et pour contrer l'exclusivite syrienne concernant le devenir libanais ". Le Front libanais regroupe la milice chretienne et ses principaux partis, notamment les Phalanges et le PNL. Si l'on y ajoute les ralliements deja exprimes du patriarche maronite, des deputes bien entendu, et des leaders qui ont, publiquement pour Mr Raymond Edde et tacitement pour Mr Soleiman Frangie, soutenu le general Aoun, on a fait, en pratique, le tour du camp chretien, qui, dans son ensemble, demande au general Aoun de ne pas faire obstacle a la solution. Mr Frangie a meme invite les deputes residant dans le reduit chretien a venir dans son fief a Ehden, autre territoire chretien, mais situe hors du reduit, s'engageant a leur assurer le climat propice au libre exercice de leur activite. La pression exterieure est encore plus impressionnante : chaque jour, de nouveaux pays - mercredi, ce fut au tour de l'URSS, de l'Italie, de la CEE et de la lointaine Australie, entre autres - s'ajoutent a ceux qui, deja, ont pleinement soutenu la " solution de Taef " et qui maintiennent leur position, ainsi que l'a fait le president Bush - en s'entretenant du Liban avec le president Mitterrand, le pape et le roi Fahd - de meme que le gouvernement britannique. L'emissaire du triumvirat arabe, Mr Lakhdar Ibrahimi, devait revenir s'installer, jeudi 26 octobre a Beyrouth, apres etre passe a Damas, ou il s'est entretenu avec le vice-president Khaddam et le ministre des affaires etrangeres, Mr Chareh, pour s'occuper de l'orgrnisation de l'election presidentielle, prevue en principe pour le 7 novembre au plus tard. Le roi Fahd aurait meme invite le general Aoun a se rendre aupres de lui pour lui reiterer de vive voix les assurances du triumvirat arabe concernant le retrait syrien. Discretement, un siege de depute aurait ete propose au general, qui l'aurait, comme on peut le supposer refuse. Face a ces pressions, quelle parade peut mettre en oeuvre le general Aoun ? Il en envisagerait deux. Soit de discuter avec les deputes pour les amener a formuler des exigences ou meme des demandes d'eclaircissement qui rebloqueraient tout le processus. Soit, en vertu de ses prerogatives de chef du gouvernement faisant fonction de president de la Republique, de dissoudre la Chambre, qui, bien sur, n'obtemperera pas et s'empressera alors d'elire un president, qui recevra l'aval du monde entier, mais ne pourra s'installer a Beyrouth-Est. L'epreuve de force poussee a son extreme limite. Une petite phrase de l'un des hommes les plus proches de lui actuellement, Mr Farouk Abillama, secretaire general des affaires etrangeres, laisse cependant entrevoir que le general Aoun pourrait assouplir sa position : " Taef est une etape importante ", a-t-il dit, en expliquant : " Sans le mouvement de liberation enclenche par le general Aoun, il n'y aurait pas eu les rencontres de Tunis, ni le sommet de Casablanca, ni le triumvirat arabe, ni la conference de Taef. Celle-ci est une etape extremement importante, et il est a l'honneur du general d'avoir secoue le monde et modifie les donnees du probleme libanais. " Veteran des pilotes de formule 1, Rene Arnoux, age de quarante et un ans, a annonce qu'il allait mettre un terme a sa carriere de pilote dans cette specialite apres le Grand Prix d'Australie, derniere epreuve de la saison 1989. Le pilote de l'ecurie Ligier, qui a dispute cent cinquante-cinq grands prix et en a remporte sept, serait en contact avec Peugeot pour le prochain championnat des sport-prototypes. RUGBY : les Australiens vainqueurs, les Samoans battus. - La jeune equipe de rugby australienne a commence en fanfare sa tournee en France : grace notamment a deux essais - Williams (4e), et Gavin (72e), - elle a battu 22-10, mercredi 25 octobre a Toulon, une selection de la Cote-d'Azur. En revanche, l'equipe des Samoa a ete beaucoup moins impressionnante : elle s'est inclinee 48-20, a Roanne, face a une selection francaise qui a inscrit huit essais. Les All Blacks neo-zelandais, qui font une tournee en Grande-Bretagne, ont battu les Gallois de Neath 26-15. BASKET-BALL : Coupes d'Europe. - L'equipe de Pau-Orthez s'est qualifiee pour les quarts de finale de la Coupe Korac en battant Reykjavik (102-75), mercredi 25 octobre. La veille, les Bearnais - qui ont recu deux fois leurs adversaires - avaient deja gagne (97-78). En matches aller des huitiemes de finale, Monaco a battu Saragosse (89-79) et Cholet s'est impose a Budapest (89-72). Par contre, Montpellier a ete battu a domicile par Caserte (97-95). Les trois equipes feminines francaises ont gagne en Coupe Ronchetti : Aix-en-Provence contre le Tintoretto Madrid (75-67), le Stade clermontois contre Parme (82-77) et le Racing a Saragosse (83-75). Les femmes de Romeo Gigli craignent la lumiere, la canicule. Avec leur tiare en verre de Murano, leurs habits de ceremonie, elles semblent echappees d'un bal lointain, d'un reve baroque. L'art de Romeo Gigli, c'est d'abord celui du pli, une fascination pour le tulle qui s'enroule en turban de mamamouchi autour des cuisses, bouffe, entortille les bustes d'organza changeant. Il n'y a pas de ligne mais des rondeurs, vraies ou fausses, plus ou moins drapees, des effets de paniers sur des petits pantalons cigarette en soie. Chaque silhouette depend d'un assemblage d'etoffes volees dans un chateau encombre de souvenirs : chales-tapisserie, manteaux cousus dans les tentures d'un lit a baldaquin. Les plus chers couteront en boutique 45 000 F. Pret-a-porter ? On ne marche pas. Restent les palettes somptueuses, fondus enchaines d'or, d'ambre, d'agate, de carmin. Romeo Gigli s'est fait un nom avec une mode sans artifices, costumes, chemises d'homme, feminises par le jeu des courbes, des matieres, des couleurs. A Paris (ou il defilait a la cour Carree pour la deuxieme saison), il a trouve bon d'en rajouter, pour faire " couture " sans doute. Mobilisee dix semaines par an depuis 1982, la cour Carree du Louvre devrait etre " liberee " par les createurs de mode en 1992. Pyramide oblige. La circulation pietonne, etendue de la cour Napoleon a la cour Carree, a contraint les organisateurs a trouver un lieu d'au moins 10 000 metres carres susceptible d'accueillir en mars et en octobre, les deux mille journalistes et les quelque sept cents acheteurs venus du monde entier. " Voila six ans que je cherchais ", affirme Jacques Mouclier, president de la Federation de la couture, du pret-a-porter des couturiers et des createurs de mode, qui affirme n'avoir depense que 200 000 F en etudes. Situe dans les terrasses qui longent le jardin des Tuileries, et surplombent la voie Georges-Pompidou, face a la passerelle d'Orsay, le nouveau temple de la mode sera construit a partir de fevrier 1990, pour une inauguration prevue dix-huit mois plus tard. Elle se divisera en quatre salles de 600, 800 et 1 500 places. Utilisee deux mois par an par les createurs de mode, elle sera transformee, grace a un systeme de plancher glissant sur les gradins, en salle d'expositions accueillant les metiers d'art (joaillerie, arts de la table...), dont la federation est egalement presidee par Jacques Mouclier. La location annuelle des salles devrait attirer 40 millions de francs, pour un budget de travaux estime a 250 millions, et dependant d'investisseurs prives. Le projet architectural signe Gerard Grandval s'inscrit dans le programme de reamenagement des Tuileries qui depend du ministere de la culture. Les touristes et les hommes d'affaires en visite en URSS pourront desormais acheter des roubles dans les bureaux de change officiels a un taux beaucoup moins eloigne de celui du marche noir. La banque d'Etat de l'Union sovietique a effectue, mercredi 25 octobre, un premier pas vers une veritable devaluation en relevant fortement le taux de change applicable aux transactions non commerciales. Alors que le dollar s'echangeait, jusqu'a cette date, a 0,62 rouble, il vaudra 6,26 roubles a compter du 1er novembre prochain, contre 10 roubles ou plus sur le marche noir. La difference reste appreciable mais les autorites esperent neanmoins que cette reduction de l'ecart (qui devrait s'accompagner d'un renforcement des controles) leur permettra de recuperer une importante part des devises qui disparaissent jusqu'a present sur le marche noir. Qualifie par litote d'" absurde " dans les Izvestia de mercredi, le taux actuel constituait non seulement un encouragement a la fraude mais un frein aussi au tourisme puisque un repas d'une extreme mediocrite revenait ainsi au prix d'un bon dejeuner a Paris ou a New-York. Aubaine pour les etrangers en visite en URSS, ce nouveau cours est en revanche une catastrophe pour les Sovietiques partant en voyage ou mission a l'etranger. Au lieu de quelque 300 dollars hier, les 200 roubles qu'ils ont la possibilite d'echanger legalement avant leur depart ne representent en effet plus que 30 dollars. Le montant de cette allocation de devises devrait donc, comme le reclame le quotidien du gouvernement, etre releve, mais il est peu probable qu'on en revienne pour autant, change fait, a la case depart. Car l'autre objectif de cette devaluation partielle est d'amortir le choc financier de la prochaine liberalisation des conditions de sortie d'URSS. D'ici au printemps, avant l'ete au plus tard, les visas de sortie devraient etre supprimes par le Parlement et toutes les entraves, jusqu'a present mise aux voyages des Sovietiques a l'etranger, etre levees. Un tres fort developpement des sejours touristiques a l'Ouest devrait s'ensuivre et cette depreciation devrait donc limiter l'hemoragie de devises. A moyen terme, on ne voit cependant pas comment le taux actuel pourrait rester longtemps applicable aux transactions commerciales. Des lors que son "absurdite" a ete reconnue, la logique comme la pression du marche vont pousser a son abandon pur et simple. Il y faudra du temps, mais jeudi matin l'agence Tass estimait, dans un commentaire officieux, que "l'introduction de (ce) nouveau cours special promet de constituer un element important de la reforme economique et une nouvelle etape vers la convertibilite du rouble". En attendant, les autorites guettent maintenant la reaction du "marche" c'est-a-dire des changeurs au noir. Si leur taux monte, l'Etat devra suivre et il y a toute chance que cela soit le cas puisque la demande de devises tient au developpement des voyages a l'etranger, a la rarefaction des produits sur le marche interieur sovietique et au manque de confiance dans le rouble. Or, aucune de ces trois raisons ne va disparaitre, ni a court ni a moyen terme. Lors du conseil d'administration du Conseil des entrepreneurs du mercredi 25 octobre, Mme Dufour, sa presidente, a finalement accepte la proposition d'arbitrage soumise par le directeur du Tresor pour mettre fin au conflit qui oppose cet etablissement au Credit foncier de France (CFF). Mme Dufour demandait une compensation pour la non-application d'un protocole passe en 1982 et qui prevoyait un partage dans la distribution des PAP (prets d'accession a la propriete) a 70 % pour le CFF et 30 % pour le Comptoir. Mme Dufour affirmait qu'elle beneficiait de 15 milliards de francs d'encours en moins, soit un manque a gagner de 80 millions de francs par an. L'arbitrage rendu par le directeur du Tresor lui accorde 40 millions de francs d'une part, en laissant au Comptoir 3 milliards de francs de prets qui auraient du passer au CFF d'autre part, en majorant (de 7,5 centimes) la commission de gestion que percoit le Comptoir sur les PAP. Cette proposition represente a terme un apport supplementaire de 552 millions de francs pour le Comptoir. En outre, il se voit accorder l'acces a une categorie de prets a taux privilegies, dans le secteur prive, les PLI (prets locatifs intermediaires destines aux classes moyennes), dont l'enveloppe (2 milliards de francs en 1989) etait jusque-la reservee au CFF. Enfin, le representant du Tresor a reaffirme que le Comptoir resterait une institution financiere specialisee et a confirme sa mission " permanente et d'interet public " (financement de la construction). Cette declaration a permis a Mme Dufour d'accepter une proposition d'arbitrage qu'elle avait refusee en juillet dernier. " D'autant, affirme la presidente du Comptoir, qu'il n'est desormais plus question de supprimer la procedure PAP comme cela avait ete envisage a l'epoque ". Plus que jamais, la situation du chomage est etale, selon les chiffres de septembre, publies le 25 octobre par le ministere du travail. En un mois, en donnees corrigees, le nombre de demandeurs d'emploi a augmente de 0,1 %, soit de 2200 personnes, avec 2533800 inscrits a l'ANPE. En donnees brutes, il y avait 2588000 chomeurs, c'est-a-dire 2,8 % de plus qu'en aout et 1,7 % de moins qu'en septembre 1988. Le commentaire du ministere dit tout : " Malgre la reprise de l'emploi, qui reduit les inscriptions a l'ANPE, le chomage reste quasiment stable en septembre. " De fait, la situation est de plus en plus paradoxale. Selon les decomptes effectues par l'INSEE, qui estime le taux de chomage a 9,5 % de la population active, contre 10 % l'an passe, la France aurait cree en douze mois, de juin 1988 a juin 1989, quelque 227000 emplois salaries supplementaires, Or, de septembre a septembre, le chomage n'aurait recule, lui, que de 40000 personnes en donnees corrigees comme en donnees brutes... Une semaine apres le tremblement de terre qui a violemment secoue, le 17 octobre, la region de San-Francisco, le nombre des victimes s'etablit a 63 morts et 9 disparus. Les premiers chiffres, calcules selon le trafic moyen de l'autoroute 880 a 17 heures, etaient de 273 morts et disparus. On avait oublie que nombre de banlieusards etaient rentres chez eux plus tot ce jour-la, de facon a pouvoir regarder la retransmission televisee d'un match de base-ball. En revanche, le US Geological Survey a revise a la hausse la magnitude du seisme du 17 octobre : 7,1 au lieu de 6,9. L'estimation des degats augmente elle aussi : 7,1 milliards de dollars (46 milliards de francs). Le Senat a decide, le 25 octobre, de porter a 3,5 milliards de dollars (22,5 milliards de francs) l'aide federale a la Californie. Le 24 octobre, la Chambre des representants n'avait accorde que 2,85 milliards de dollars (18,5 milliards de francs). Les deux Chambres vont donc devoir se mettre d'accord sur un meme chiffre. C'est donc le Credit agricole qui vient epauler Mr Alain Chevalier pour le rachat de la maison de couture Balmain au canadien Erich Fayer. L'ancien president de LVMH (Moet Hennessy-Louis Vuitton) devait annoncer, le jeudi 26 octobre, dans les salons de l'hotel Ritz a Paris la composition du tour de table qu'il s'echinait a constituer depuis pres de six mois. Chef de file avec environ 15 % du capital, le Credit agricole reunit autour de lui la Societe generale, la Banexi, filiale de la BNP, la Compagnie Astorg (Suez) et la Lyonnaise des depots. Ce pool bancaire prend pres de la moitie d'un capital d'environ 500 millions de francs. Pour l'instant Mr Chevalier conserve le reste avec l'intention a terme de ramener sa participation a 25 % ou 30 %. Mais pour seduire de nouveaux investisseurs, il devra d'abord redorer le blason de la maison de couture. Balmain realise un chiffre d'affaires de 100 millions de francs et a peu pres autant au titre des redevances des licences. Sous reserve d'une connaissance plus approfondie de la maison, Mr Chevalier a deja fixe quelques priorites : revoir la politique des licences et de la distribution, notamment aux Etats-Unis, relancer la publicite, creer un parfum feminin a la mi-1991 ainsi que se diversifier dans la bijouterie de luxe et les arts de la table. " Je me donne deux ans pour remonter l'affaire. A partir de la troisieme annee, cela devrait se traduire au niveau des chiffres. Mais il est vrai que je prends des risques ", reconnait Mr Chevalier qui a du s'endetter personnellement pour boucler l'operation. Quant a son principal partenaire, le Credit agricole - qui partage ce risque, - il confirme ainsi sa volonte de diversifier ses investissements. Cette prise de participation chez Balmain permet a la " banque verte " de s'introduire a peu de frais dans le secteur du luxe ou habituellement le ticket d'entree est plutot eleve. - Une erreur de transmission a rendu incomprehensible et erronee une phrase de l'article sur la relance de la politique familiale dans le Monde du 20 octobre. L'allocation parentale d'education est versee a la naissance (et non a la mort) d'un enfant, et Mme Barzach, en 1987, a supprime presque totalement (et non totalement) l'exigence d'activite professionnelle anterieure (il faut avoir deux annees d'activite au cours des dix annees precedant la demande). Le premier ministre tchecoslovaque, Mr Ladislav Adamec, a clairement indique, mercredi 25 octobre, que Prague ne tolererait pas de manifestations de masse samedi prochain 28 octobre, jour anniversaire de la fondation de la Republique de Tchecoslovaquie en 1918. La Charte 77 et quatre autres groupes independants ont deja annonce qu'ils organiseraient une manifestation. " Je suis le defenseur d'une democratie elargie, mais aussi de l'ordre et de la discipline, et je n'approuve en aucune maniere la destabilisation ", a affirme Mr Adamec, au terme d'une visite de quarante-huit heures en Autriche. Le premier ministre a ajoute que les forces de l'ordre avaient le devoir d'intervenir contre les manifestations illegales afin d'assurer l'ordre public. L'an dernier a la meme date, la police avait violemment disperse un rassemblement de cinq mille personnes. Selon Mr Adamec, c'est la station de radio La Voix de l'Amerique qui est l'" instigatrice " du rassemblement de samedi. Mr Adamec a egalement reitere son refus de tout dialogue avec les mouvements politiques independants qui mettent en cause le role dirigeant du Parti communiste. Cinq mille mineurs se sont mis en greve, mercredi 25 octobre, a Vorkouta, dans le Grand Nord sovietique, lancant un nouveau defi au Kremlin apres les grandes greves de l'ete dernier. Selon Mr Valentin Kopasov, president du comite de greve, quatre mines ont deja interrompu le travail, et le mouvement pourrait etre suivi par vingt mille ouvriers dans douze sites miniers. Outre le respect des engagements pris cet ete par le Kremlin, concernant leurs conditions de vie et leurs salaires, les mineurs de Vorkouta reclament la separation des fonctions de chef de L'Etat et de chef du Parti communiste, cumulees par Mr Gorbatchev. Ils demandent que le president soit elu au suffrage universel et l'abolition d'une clause de la Constitution garantissant le role dirigeant du PCUS. Cette greve est la deuxieme apres le vote, par le Soviet supreme, au debut du mois, d'une loi interdisant les greves dans des secteurs " strategiques ". COMME on pouvait s'y attendre, Mr Mitterrand a estime mercredi 25 octobre, a Strasbourg, qu'il n'y avait qu'une reponse occidentale concevable aux evenements qui agitent les pays de l'Est - la construction de l'union politique - et qu'une attitude a avoir: la mise en commun des efforts des Douze pour aider ces pays a accomplir au plus vite leurs mutations economiques. Le president de la Republique a enumere les propositions qu'il ferait au sommet des Douze en decembre, pour qu'on avance vers l'union monetaire. Celle-ci, consideree comme la pierre de touche de la construction d'une Europe politique forte integrant solidement la Republique federale, serait a ses yeux le meilleur instrument pour gerer les transitions vers un nouvel ordre Est-Ouest en Europe. Il disposait aussi de la force de l'exemple, puisque le matin meme le conseil des ministres avait decide d'augmenter substantiellement l'aide de la France a la Pologne. LE chef de l'Etat avait enfin efface de son intervention l'idee, ebauchee la veille, d'une social-democratie regnant de l'Atlantique a l'Oural. Il aura ainsi desarme, a propos de la politique a l'Est, les critiques de fond, sauf une: celle de Mr Jean-Marie Le Pen, qui deplorait qu'au moment ou les nationalismes se reveillent a l'Est les democraties occidentales s'engagent dans la voie de la supranationalite, qu'il honnit. Tres proche de l'argumentation de Mr Jacques Delors, qui fut elogieusement cite, celle de Mr Mitterrand a l'assentissement de dix de ses partenaires. Quant a Mme Thatcher, l'avenir dira si, sensible a la dimension quasi historique qu'on attribue desormais a l'Union monetaire, elle est plus disposee qu'hier a en rabattre. L'autre message de Mr Mitterrand etait qu'il faut encourager le mouvement multiforme en direction des valeurs occidentales, et ne pas se laisser paralyser ou terroriser par les risques de destabilisation qu'il comporte, et dont le president est conscient. DANS les periodes instables, disserter sur les risques de derapage, c'est d'une certaine maniere les accroitre. C'est vrai, entre autres, pour la question allemande, et tous les dirigeants occidentaux, a commencer par ceux de Bonn, se gardent autant que Mr Mitterrand de tirer des plans sur la comete, qui pourraient avoir pour effet de precipiter malencontreusement les choses. Il est toutefois un peu hatif de mettre sur le compte d'une complaisance maligne des intellectuels et des journalistes le fait de poser certaines questions. Quand tous les parametres s'affolent, comment ne pas reflechir a leur agencement futur, a l'allure qu'aura cette Europe du vingt et unieme siecle ? Laisser entendre que le mouvement vers la liberte sera finalement victorieux ou laisser entendre que tous les Allemands sont aussi europeens que les actuels dirigeants de Bonn constitue un acte de foi auquel tout le monde n'est pas tenu de souscrire. Le groupe nationalise Thomson, numero deux mondial de l'electronique de defense, marie sa branche finance au Credit lyonnais: Thomson-CSF devrait annoncer, dans les heures qui viennent, qu'il fait apport au Lyonnais de plus de la moitie (50 et quelques %) de Thomson-CSF finance, sa filiale a 100%, qui coiffe toutes les activites financieres du groupe (entre autres, la Batif, la Societe de banque Thomson, la Satoil...). En echange, Thomson-CSF entrerait dans le capital du Credit lyonnais a hauteur de 14%. L'operation prevoit que cette banque, presidee par Mr Jean-Yves Haberer, pourra, dans un delai de trois ans, augmenter jusqu'a 80% sa participation dans Thomson-CSF finance, en echange de quoi Thomson recevra des titres negociables. L'equipe actuelle de Thomson-CSF finance restera en place, en particulier son directeur general, Mr Jean-Francois Henin, un professionnel hors pair que Mr Alain Gomez se plait parfois a qualifier de "Mozart de la finance". Simplement, le patron de Thomson cedera a son homologue du Credit lyonnais la presidence de Thomson-CSF finance. Cela fait un an maintenant que les deux partie, ont pris langue: a la recherche de fonds propres pour satisfaire aux ratios "cooke" imposes aux banques, le Credit lyonnais va aussi renforcer sa presence dans le secteur banque de marche et d'arbitrage, specialites de l'equipe de Mr Jean-Francois Henin. Thomson, de son cote, va regler par cette operation toutes les questions de legitimite soulevees par le developpement de ses activites financieres. Fille du mirifique contrat saoudien d'Al Thakeb (4 milliards de dollars en 1984), la branche finance de Thomson a pris un role croissant sous l'impulsion du president du groupe, ce qui a ete vraiment critique dans le passe. En particulier, par les socialistes, qui ont toujours soupconne Mr Gomez de faire deriver de l'argent vers elle, au detriment de l'industrie. Argument battu en breche chaque annee, par l'importance des resultats qu'elle secretait (1,8 milliard de francs apres impots par exemple en 1988). D'autres s'inquietaient des risques encourus par le groupe dans ce metier nouveau : son role sur le Matif, sa participation au sauvetage de la Saoudi Bank, l'apparition de son nom dans l'affaire de la Societe generale alimentaient les doutes. Mr Gomez, qui avait lance en 1987 la Finance et caressait pour elle de grandes ambitions renverse donc la donne : il s'appuiera desormais sur une grande banque. Celle-ci donnera-t-elle une nouvelle dimension a sa branche finance ou la phagocytera-t-elle ? L'avenir dira comment se vivra cette nouvelle alliance banque-industrie a l'allemande. Dix-huit jours apres la disparition du general Jean Favreau, dont le corps a ete retrouve dans la Dordogne le vendredi 13 octobre, les enqueteurs ont interpelle un suspect a Saint-Germain-du-Puch, pres de Libourne (Gironde). Il s'agit d'un jeune homme de vingt et un ans, Alain Guibert, deja connu des brigades de gendarmerie locales pour des vols de voitures et des violences. Le jeune homme aurait avoue qu'il faisait de l'auto-stop devant la gare de Libourne, le 7 octobre et que le general Favreau avait accepte de le prendre a bord. Quelques kilometres plus loin, Alain Guibert aurait frappe et ligote le General pour lui voler sa voiture avant de le precipiter dans la Dordogne. Mr Bernard Roux vient de demissionner de ses fonctions de PDG de Telerama, poste qu'il occupait depuis juillet 1986. Le depart " a l'amiable " de Mr Roux resulte de " divergences d'orientation " avec la direction du groupe de presse des Publications de la Vie catholique (actionnaire principal de l'hebdomadaire), preside depuis l'ete par Mr Antoine de Tarle. Selon plusieurs sources concordantes, ces " divergences " porteraient sur l'entree de partenaires exterieurs au groupe la Vie dans divers projets. Ce partenariat etait defendu par Mr Roux, en desaccord avec la direction du groupe. Outre la presidence de Telerama, Mr Bernard Roux avait assure en 1989 le lancement d'Explora, un magazine scientifique dont la publication a ete arretee en juin, et deux magazines consacres au cable, Cable Televisions et Tele-cable Magazine, actuellement distribues aux abonnes des chaines de television cablee. La presidence de Telerama sera assuree jusqu'en juin 1990 par Mr de Tarle. A la redaction, certains estiment que le choix d'un successeur a Mr Roux necessiterait l'aval des journalistes. Le ministre d'Etat, ministre des affaires etrangeres, a presente au conseil des ministres un projet de loi autorisant l'approbation d'un accord sur l'encouragement et la protection reciproque des investissements conclu entre le gouvernement de la Republique francaise et le gouvernement de l'URSS lors de la visite officielle de Mr Gorbatchev a Paris, au mois de juillet dernier. Le garde des sceaux, ministre de la justice, a presente au conseil des ministres un projet de loi portant amnistie d'infractions commises a l'occasion d'evenements survenus en Nouvelle-Caledonie. A la suite des accords de Matignon du 20 aout 1988 et de la loi referendaire du 6 novembre 1988, la paix civile, l'ordre public et la liberte de circulation ont ete retablis sur le territoire. Naturellement, l'amnistie ne portera pas atteinte aux droits a reparation civile des victimes et de leurs familles. Le ministre de la solidarite, de la sante et de la protection sociale a presente au conseil des ministres un projet de loi portant diverses dispositions relatives a la sante et a la securite sociale. Ce projet propose diverses mesures en faveur de l'emploi. Il fixe le taux de revalorisation des pensions applicable en 1990. La prime, dont le montant est fixe a 1 200 francs pour les agents a temps complet en fonctions au 1er novembre 1989, sera versee avec le traitement du mois de novembre. Les retraites civils et militaires de l'Etat percevront une allocation de 900 francs. Les veufs et veuves percevront une somme de 450 francs. Le ministre du commerce exterieur a presente au conseil des ministres un bilan de l'application du programme d'action du gouvernement en matiere de commerce exterieur qui avait ete expose au conseil des ministres du 11 janvier dernier. Certains juges ont l'air d'etre nes avec des manches de lustrine, besogneux et appliques. D'autres sont cassants, suffisants. Ils tranchent a l'emporte-piece, surs d'eux, a la recherche de succes, l'oeil rive sur le tableau d'avancement. Mr Maurice Simon, juge d'instruction, ne ressemble, avec ses airs de sphinx, ni aux uns ni aux autres. Lorsque le dossier Gregory, au printemps 1987, arrive sur son bureau - un dossier nauseabond ou l'on s'est trop dechire, ou le moindre faux-pas n'est plus excusable - Mr Simon, apres une carriere de presque quarante ans, est sur le point de partir a la retraite. Il est president de la chambre d'accusation de Dijon, il a traverse bien des tourmentes, il a envie d'ecrire des livres. Et pourtant, il " rempile " pour trois ans, decide a aller jusqu'au bout de ce qui est possible pour parvenir au plus pres de la verite. Si le dossier Gregory, pour un magistrat, est cyniquement un " beau " dossier, c'est aussi une affaire impossible. Mr Simon ne lui resistera pas, qui n'a plus rien a prouver, sinon a lui-meme. Et ce n'est pas rien. Car quarante ans de justice, c'est un long parcours, un compagnonnage tourmente, ou forcement on a encaisse des coups. Mr Simon, sous des dehors sereins, avec son regard doux et rassurant, cette voix suave qui met en confiance et dont il sait jouer, n'a pas ete epargne. Il etait jeune marie et peu fortune lorsqu'il passa, pour la premiere fois, apres une licence en droit, sa robe d'avocat a Autun (Saone-et-Loire), sa ville natale. On vit mal quand on n'a ni fortune ni clientele et Maurice Simon sent qu'il ne faut pas s'attarder. Pourquoi pas la magistrature ? Il passe l'examen et "se fait etaler". "Je ne suis pas un bon juriste, dit-il encore aujourd'hui. Il ne faut pas me mettre une affaire calee entre les mains." Cet echec le poursuivra toute sa vie. A defaut, il se replie sur la justice de paix (1), dont l'examen est plus facile. Il entre en justice par la petite porte. Ce n'est surement pas la moins interessante. "J'y suis alle a reculons, dit-il, et puis petit a petit j'ai aime ca." Cela se passe autour de Champagnole dans le Jura, le jeune juge Simon n'a pas trente ans, et six cantons a charge. Chaque semaine, il va dans la campagne et joue, avant la mode, les mediateurs. Il est seduit. "Par caractere, dit-il, je ne suis pas homme a transiger avec la morale de ma profession. Il y avait des exces dans les deux camps. Et moi, j'entendais faire respecter la loi, meme en temps de guerre." Le contact avec les militaires etait un peu "abrupt" mais "finalement, avec moi, ils ont ete d'une loyaute parfaite". Son passage en Algerie lui vaut la Legion d'honneur a titre militaire, la seule decoration qu'il ait acceptee pendant longtemps et un incident, significatif des moeurs judiciaires de l'epoque, a son retour, avec le premier president dont il depend : "J'apprends que vous avez la Legion d'honneur et vous ne la portez pas? Ce n'est meme pas dans votre dossier. Je veux sur mon bureau demain matin la liste de vos decorations..." On est au debut des annees 60. D'autres jeunes magistrats, comme le juge Simon, ont vecu la guerre d'Algerie. La societe bouge peu a peu. Le carcan de la hierarchie, les proces imbeciles - les vagabonds punis de leur pauvrete par la prison, les femmes qui ont choisi d'avorter poursuivies - pesent sur eux. Maurice Simon est tout sauf un revolutionnaire. Mais c'est un "honnete homme", qui parle sans emphase, sans se draper dans son hermine. Il recoit dans son cabinet d'instruction des auditeurs de justice qui trouvent en lui "un maitre de stage epatant". Mr Etienne Ceccaldi, aujourd'hui substitut general a Aix-en-Provence et avec qui il s'est pourtant bien oppose par la suite, se souvient de lui avec une infinie tendresse : "Les autres magistrats avaient l'air de fossiles. Lui, il detonnait : il respectait scrupuleusement le code de procedure penale, ne manquait jamais de dire aux inculpes qu'ils avaient le droit de se faire assister d'un avocat. Au risque de deplaire, il vivait normalement, sans etre engonce dans les convenances. On marchait ensemble dans la campagne bourguignonne, on parlait de tout, musique, livres, theatre. Je le voyais un peu comme un grand frere qui fascinait. " Legaliste, humain, Mr Simon, juge d'instruction a Dijon, seduit plusieurs promotions de jeunes auditeurs qui revent de devenir, comme lui, juges d'instruction. Au meme moment, de jeunes et bouillants magistrats nourrissent l'espoir de creer un syndicat : de la magistrature. Parmi eux, Mr Louis Joinet, aujourd'hui avocat general a la Cour de cassation et conseiller de Mr Michel Rocard ; MM Jean-Pierre Michel, depute PS du Territoire de Belfort, Pierre Lyon-Caen, president du tribunal de Pontoise, Roland Kessous, avocat general a Paris. Mettant a profit les loisirs que leur offre mai 68, ces " trublions " creent le Syndicat de la magistrature qui reunit son premier congres en novembre 1968 a la premiere chambre de la cour d'appel de Paris. Ils portent tous encore des cravates. Mr Maurice Simon y prend la parole. Il a du talent, il est plus age que les autres. Il " passe bien " lorsqu'il explique que la justice doit etre plus humaine, plus proche de la population, qu'il n'est pas normal que la delinquance economique et financiere echappe regulierement a la sanction. Sa liberte de ton seduit. Sans trop savoir pourquoi, Mr Maurice Simon se presente au conseil syndical. Il est elu. " Je me suis dit : la barbe ! Il va falloir que j'aille a Paris tous les mois. " Ce sera pire encore : au terme de plusieurs heures de discussion chez Mr Louis Joinet, " eblouissant d'intelligence ", toujours epaule par sa femme, Germaine, que Mr Simon trouve " formidable ", le juge d'instruction de Dijon accepte, sans trop comprendre ce qui lui arrive, d'etre le premier president du Syndicat de la magistrature. Il a tout pour plaire : il est intelligent, provincial, il a quarante-cinq ans, et cela rassure. Mr Simon, lui, decouvre le tutoiement entre collegues alors inconcevable dans les juridictions. Il comprend aussi, et cela lui rechauffe le coeur, que d'autres veulent avec lui " aerer ", " ouvrir " la justice. Il croit au Syndicat de la magistrature, mais c'est un malentendu. Le juge Simon n'est pas fait pour le SM et le SM n'est pas fait pour lui. De petites choses le choquent, comme illustrer par des dessins le premier numero de la revue du syndicat, Justice. Est-ce vraiment bien convenable ? Lui qui preconise l'unite d'action avec l'UFM qui deviendra l'Union syndicale des magistrats (USM) alors tres corporatiste craint un marquage a gauche du syndicat. Il ne se trompe pas. Et puis tombe " la " grosse tuile, sous la forme - deja - d'un " beau dossier ". C'est l'affaire du Fetich's Club ou plutot l'affaire Javilliey, le chef de la brigade antigang a Lyon au temps ou les mauvais garcons y tenaient le haut du pave. Le 11 decembre 1968, un jeune proxenete, Robert Hehlen, est mortellement blesse par balles au Fetich's Club, maison de prostitution bien connue. S'agit-il d'un crime ou d'un accident ? Le juge saisi de l'affaire de Bourg-en-Bresse s'appelle Etienne Ceccaldi. Il mene rondement son affaire et se trouve tres vite sur la piste de policiers qu'il soupconne de corruption. Ainsi, Charles Javilliey, l'"Elliot Ness lyonnais" comme l'appelle la presse, est implique. On l'accuse d'etre intervenu dans cette affaire pour proteger ses indicateurs, qui, d'autre part, lui procuraient de plaisants lieux de villegiature. La Cour de cassation - puisqu'il s'agit d'un officier de police judiciaire - designe une autre juridiction. C'est le juge Simon qui herite du dossier du juge Ceccaldi. Et l'affaire va devenir empoisonnee. Les methodes de Mr Simon ne sont pas les memes que celles de Mr Ceccaldi. Intransigeant sur la procedure, Mr Simon suit son rythme a lui. Cela prend du temps, car il interroge lui-meme, sans delivrer - ou presque - de commission rogatoire, tant il se mefie aussi bien de la police que de sa rivale, la gendarmerie. Mr Ceccaldi craint un enterrement de l'affaire, malgre tout le respect qu'il a pour son ancien Pygmalion. Le Syndicat de la magistrature (SM) est dechire, Jean Montaldo publie un livre les Corrompus ou le secret de l'instruction est regulierement viole. D'ou viennent les proces-verbaux qui y sont publies ? Le juge Simon y est pietine. Et sa hierarchie ne le soutient pas, au contraire. Mr Pierre Arpaillange, alors directeur des affaires criminelles et des graces, trouve qu'il n'inculpe pas le policier assez vite (il faudra attendre dix-huit mois apres sa saisine). Mr Simon est inquiete et fait l'objet d'une intimidation tatillonne. Par cinq fois, l'inspection des services judiciaires perquisitionne dans son bureau, puisque la rumeur veut que la veritable instruction du dossier se fasse au Syndicat de la magistrature, qui voudrait " casser du flic ", et non dans le cabinet du juge. On ne trouve aucune preuve. " J'aurai au moins appris une chose en prison. - A faire du cafe sans feu. - Et on fait comment ?, demande le magistrat. - Si vous voulez le savoir, allez-y vous-meme... " De cette periode " deplaisante " le juge Simon garde surement des traces profondes. Mais il ne changera pas. Sur la pointe des pieds, il a demissionne du Syndicat de la magistrature apres son etrange presidence. Fidele a la ville de Dijon, qu'il n'a pas envie de quitter et ou il fait presque toute sa carriere, il monte dans la hierarchie sans fulgurance, avant de diriger l'ecole des greffes, ou il passe dix ans. Puis il retrouve son cher tribunal. Vice-president charge entre autres du controle des cabinets d'instruction, il veut creer un dialogue entre ses magistrats et "briser leur solitude". Il a ses recettes, qu'il cherche a transmettre et non a imposer, ne voulant surtout pas etre percu comme un censeur, en se rappelant toujours le vieux greffier qui l'avait epaule a ses debuts : "Un jour, je m'etais emporte avec un inculpe. Le greffier m'a dit : " Monsieur le juge, ne faites pas ca, ca ne sert a rien. " Il avait raison." Interroger, le dossier ferme, sans quitter des yeux celui que l'on questionne, avec juste un petit bout de papier pour noter les mots-cles et ne pas perdre le fil du contact qui se noue ; parler un langage simple ("On n'a pas besoin d'enarque a la justice") ; etre proche de son greffier ; ne jamais tutoyer un inculpe, meme un mineur, et surtout "avoir le secret de l'instruction pour bible". Mais le juge Simon ne leur conseille pas de fuir les journalistes : "L'echange, mais pas l'echange d'informations, est parfois possible avec la presse. Maurice Denuziere est venu me voir au moment de l'affaire Javilliey, nous sommes restes une heure trente ensemble. C'est surtout lui qui a parle. On peut, sans rien divulguer, prendre la mesure des sensations." En 1987, la retraite va venir, pense-t-il. Il a envie d'ecrire pour ses enfants (deux filles et un fils) ; pour leur transmettre "le retentissement des evenements sur une vie". Car ses parents a lui sont morts tres jeunes et il a, dit-il, toujours souffert de ne pas savoir "comment ils voyaient la vie". Et puis le dossier Gregory est arrive. A cote du juge Lambert et de ses errements, le juge Simon fait sans difficulte figure de sage. Il ne parlera pas, lui, de ses "crises de boulimie" ou "d'asthenie sexuelle", comme son jeune collegue ronge par l'angoisse. Il dit seulement: "Je n'ai pas droit a l'erreur. Je sais qu'on ne me fera pas de cadeau." Mais, sous le calme affiche, le juge tranquille aux cheveux blancs peignes avec soin glisse, moins serein qu'il ne parait: "Je ne me suis jamais autant senti en position de dedoublement en train de m'observer moi-meme." Sans jamais critiquer Mr Jean-Michel Lambert, il reprend tout de zero. Dans la discretion d'abord. Il bat la campagne avec sa greffiere, une chaise et une machine a ecrire dans sa voiture. Il impressionne meme les avocats par sa capacite de synthese, qui lui permet, sans qu'on en corrige une ligne, de dicter d'interminables proces-verbaux de confrontations au cours desquelles quarante personnes se sont exprimees. En deux ans, il interroge lui-meme cent soixante-dix personnes. Il essaie de renouer le fil des memoires souillees par les deja vu, deja entendu, les ragots. Il se tait et on lui en sait gre. Jusqu'au 10 septembre 1989, ou il donne une etonnante interview a Paul Lefevre sur la Cinq et ou il laisse entendre qu'il sait maintenant ou il va.... Cela suffit a reveiller aussitot les passions dans la vallee de la Vologne. Les temoins, desormais, disent qu'ils se mefient de lui. Certains avocats lui reprochent d'etre partial. Pourquoi, meme s'il n'a rien dit de precis, a-t-il choisi de parler ? On n'echappe pas au narcissisme, a la vanite, ricanent ceux qui ne l'aiment pas et qui s'etonnent que le juge ait accepte de poser - profil gauche, profil droit, de face - pour le journal local. Strategie de la tension? Elle est explosive, on le sait bien, des qu'il s'agit de l'affaire Villemin. Le juge, qui pense que l'avenir dira s'il a fait une gaffe, a du mal a maitriser son emotion. On l'a vu sur la Cinq lorsque ses yeux se sont embues en evoquant la mort du petit garcon. Et c'est l'emotion toujours qui lui fait dire tendrement : " Je ne vois que cet enfant. Je l'ai vu naitre. J'ai vu sa personnalite se dessiner. Je connais son caractere, son mauvais caractere. Je le vois grandir, un peu en avance sur tout le monde. " Cinq ans apres sa mort, il parle de Gregory au present. Incapable d'admettre que puissent rester inconnus celui, celle ou ceux qui ont assassine le petit garcon. " La mort d'un enfant, c'est terrible. Il suffit de se demander comment on reagirait si c'etait le sien. Mais premediter la mort d'un enfant, si c'est cela, il faut que je sache... " L'emotion, un trop-plein d'emotion, c'est peut-etre la faille du juge Simon. Le dispositif qui devrait permettre d'assurer le logement des plus demunis est en train de se mettre en place. On sait que c'est une des priorites du gouvernement et du chef de l'Etat. Jeudi 26 octobre, le rapport demande a Mr Francois Geindre le 17 fevrier dernier par le ministre de l'equipement et du logement de l'epoque, Mr Maurice Faure, sur l'attribution des logements sociaux est rendu public, et Mr Louis Besson, ministre delegue charge du logement signe avec les partenaires sociaux, patronat et syndicats, aisi qu'avec l'Union nationale interprofessionnelle du logement (UNIL), qui regroupe la plupart des organismes collecteurs du 1 % logement, des textes permettant l'utilisation d'une fraction des sommes disponibles en faveur des plus demunis, et de ceux qui n'ont pas acces au logement social (ce sont souvent les memes). Les attributions de logements sociaux (essentiellement dans le parc d'HLM) ne repondent pas tout a fait a la vocation premiere de ces organismes, qui est de loger les familles modestes ou defavorisees. Et c'est, bien sur, dans les agglomerations ou le marche du logement est tendu, singulierement dans la region parisienne, que la faillite des mecanismes existants est la plus evidente. Le constat dresse par Mr Francois Geindre, maire (PS) d'Herouville-Saint-Clair (Calvados) est severe. Il a identifie quatre grandes categories d'"exclus de l'acces au logement social". On y trouve, bien sur, les plus demunis, aides ou non, dont les ressources mensuelles sont inferieures au SMIC : titulaires du RMI (revenu minimum d'insertion), familles monoparentales beneficiant de l'API (allocation de parent isole). Autre grand groupe d'exclus, les populations etrangeres ou francaises de couleur. "Alors qu'ils constituent en moyenne 20% a 30% de la demande prefectorale en region parisienne, ecrit Mr Geindre, les etrangers ne representent que 5% des attributions sur le contingent du prefet". Quelques familles relevant de cette categorie echappent cependant a cet ostracisme en beneficiant de la politique dite du "un pour un" : un logement est attribue a un locataire de couleur si un autre menage similaire quitte le parc. Et puis il y a les " salaries precaires ", les titulaires d'un contrat a duree determinee ou les " interimaires ", quel que soit leur revenu. Ne pas avoir d'employeur constant en fait des personnes " a risque " qui n'ont aucune chance d'etre acceptees comme locataires par un organisme d'HLM. Or, les contrats a duree determinee, tout comme le recours a des societes d'interim se sont multiplies ces dernieres annees. Enfin, en region parisienne, " la barre du revenu est plus haute qu'ailleurs ", ecrit Mr Geindre. Comme le loyer ne doit pas absorber plus du quart du revenu, il faut gagner au moins un SMIC et demi (soit un peu plus de 7 500 F), meme si l'on a un emploi stable et si l'on demande un logement de petite taille... " La pression de la demande des categories moyennes sature les fichiers des demandeurs. A Paris, en aout 1989, sur 33 000 inscrits au fichier des mal-loges, 4 000 demandeurs seulement ont un revenu inferieur au SMIC, et 15 000 ont un revenu superieur a deux SMIC " (10 000 F mensuels). L'Etat a-t-il le moyen d'intervenir efficacement pour ameliorer cette situation ? Pas vraiment, repond Mr Geindre. Certes, le prefet, dans chaque departement, dispose theoriquement d'un droit de proposition sur un contingent de logements (neufs ou liberes). Il est de 30% des logements (25% + 5% reserves aux fonctionnaires). Pratiquement, "dans la majeure partie des departements, les prefets ne disposent que d'environ 5% de logements reserves". Pour la plupart des departements d'Ile-de-France, cela represente 1 000 a 1 500 "capacites d'attribution annuelles", pour un stock de demandes qui varie de 10 000 a 50 000 par departement... La connaissance de l'offre est tres aleatoire, la demande est massive et mal connue, les services prefectoraux, quand ils existent, sont sous-equipes et sous-qualifies. Soucieux de ne pas accroitre les desequilibres sociaux, ethniques et culturels, municipalites et organismes d'HLM gerent la demande avec une infinie prudence, souvent teintee de protectionnisme. Et le prefet, pour sortir de la spirale "refus de l'organisme, reprise du logement-etiolement du contingent", opere lui-meme une selection et propose "les candidatures les plus adaptees". Pour tenter d'ameliorer le systeme, Mr Geindre propose toute une serie de mesures qui ne remettent pas en cause la responsabilite des organismes d'HLM, qui "restent parmi les acteurs en presence ceux qui peuvent le mieux assurer la gestion de l'acces au logement social". Pour arbitrer entre les priorites, il conviendrait de creer un "espace de confrontation et de negociation debouchant sur une contractualisation entre les partenaires", regroupant, par bassin d'habitat, l'Etat (represente par le prefet et ses services), les communes, les organismes d'HLM, les organismes collecteurs du 1 %, les caisses d'allocations familiales, les associations en charge de l'hebergement et de l'insertion des menages en difficulte, etc. Tous ces intervenants mettraient au point, dans les departements juges "sensibles" un "programme departemental d'accueil" (PDA) des populations exclues du logement social, elabore pour trois ans et reactualise. En Ile-de-France, ce PDA sera regional et detaille au plan departemental. Ces travaux fondes sur la transparence enfin organisee de l'offre et de la demande, devraient (grace notamment a un fichier unique des demandes) deboucher sur des "contrats d'occupation du patrimoine social" (COPS), dont la mise en oeuvre et le suivi seraient assures par les partenaires du PDA et du COPS. Ce qui n'exclut pas la conclusion, en attendant, de "conventions provisoires d'attribution de logement." Le bilan social des organismes d'HLM deviendrait obligatoire, le refus d'un logement devrait etre signale au demandeur. Bien sur, les organismes jouant le jeu des conventions beneficieraient d'une priorite en matiere d'aide a l'investissement... Simultanement, on creerait un "fonds departemental unique logement-solidarite" qui regrouperait la totalite des aides destinees au logement des plus demunis, et, dans chaque prefecture, d'un guichet specialise. Mr Geindre va jusqu'a envisager la creation de commissions d'attribution dans les societes anonymes d'HLM (jusqu'ici seuls les offices en sont dotes) et dans les societes d'economie mixte (SEM) specialisees dans le logement... " Un avant-projet de loi a ete prepare avec un tres grand soin par une commission animee par Mr Braibant. Il a pour ambition de fixer un cadre legislatif durable. Cet avant-projet traite d'abord d'un certain nombre de sujets techniques sur lesquels le legislateur doit prendre poistion sans plus tarder. Il s'agit notamment de modifications factuelles de la loi Informatique et liberte. La pratique courante, et non reprehensible sur le fond, de tres nombreuses equipes de recherche en epidemiologie s'est en effet ecartee de l'esprit et de la lettre des textes en vigueur. Il est donc devenu necessaire et urgent de regulariser une pratique a la fois honnete et indispensable a la recherche medicale, laquelle se trouve actuellement parfois dans une situation de marginalite. " A l'inverse, certains des grands problemes que tente de resoudre l'avant-projet Braibant sont encore l'objet de debats, parfois passionnes, tant au sein de la communaute scientifique nationale que dans l'opinion publique nationale et internationale. (...) J'ai d'ailleurs ete saisi de nombreuses demandes de la part de ministres de la recherche d'autres pays europeens qui souhaitent une concertation sur ces sujets. Les concepts de base sur lesquels reposeraient une legislation ne sont peut-etre pas encore suffisamment et clairement degages, de sorte que le legislateur risquerait de " figer " artificiellement le debat, voire de susciter plus de problemes qu'il n'en resoudrait. Les problemes de fond et les interrogations philosophiques sous-tendus par l'avant-projet Braibant necessitent manifestement une discussion prealable et approfondie, tant dans les milieux judiciaires et scientifiques que, plus largement, au sein de la population. " " Evoquant les problemes souleves par le concept de " personne humaine potentielle " invente pour decrire les etats limites (embryon in vitro, coma depasse, etat vegetatif chronique), le ministre a ajoute : " Ces questions fondamentales, chacun se les pose. J'ai rencontre longuement le cardinal Lustiger. Nous avons debattu de ces sujets et nous nous sommes accordes a dire qu'une legislation hatee risquerait de figer artificiellement un debat qui n'etait pas acheve. " Un glissement de terrain s'est produit dans la nuit du 24 au 25 octobre dans un bidonville de Sao-Paulo (Bresil). Douze personnes (neuf personnes et trois adultes) ont peri et seize autres sont portees disparues. Quelle est la proportion de personnes, femmes et hommes, se livrant en France a la prostitution et contaminees par le virus du sida ? La Direction generale de la sante fournit dans le dernier numero de son Bulletin epidemiologique hebdomadaire une serie de donnees chiffrees qui apportent, enfin, quelques elements de reponse a cette question essentielle de sante publique. En depit du mode de transmission sexuelle de l'epidemie du sida et du role important joue par les prostituees dans la dissemination des maladies sexuellement transmissibles, les epidemiologistes semblaient jusqu'a present incapables d'evaluer ce phenomene. On sait aujourd'hui que sur les mille femmes deja atteintes du sida en France, vingt-neuf ont declare exercer la prostitution. Elles sont pour la plupart originaires de quatre regions : Provence-Cote d'Azur, Languedoc-Roussillon, Ile-de-France et Antilles-Guyane. Seize sont toxicomanes et neuf ont, semble-t-il, ete contaminees par un partenaire sexuel regulier seropositif. Les epidemiologistes notent une nette et inquietante augmentation du nombre des cas ou la frequentation des prostituees semble etre a l'origine de la contamination masculine. Plusieurs etudes ont, d'autre part, ete menees pour tenter de preciser la proportion de prostituees seropositives. L'etude la plus importante a ete effectuee de 1986 a 1988 aupres de deux cent quatre-vingt-quatre prostituees ayant consulte dans un laboratoire prive d'analyses medicales du neuvieme arrondissement de Paris (1). " L'echantillon ainsi constitue recouvre differents types de prostitution (bars, salons de massage, trottoirs) dans differents quartiers de Paris (Pigalle, Saint-Lazare, rue Saint-Denis), precisent les auteurs. Toutes ces femmes ont declare utiliser regulierement des preservatifs avec leurs clients mais de facon exceptionnelle avec leurs partenaires sexuels " non payans. " Au total, huit femmes sur les deux cent quatre-vingt-quatre ont ete trouvees seropositives. Outre ces deux cent quatre-vingt-quatre femmes, vingt-cinq travestis prostitues originaires du Bresil, du Maghreb ou de France ont participe a l'etude ; parmi elles, huit sont seropositives. Une autre etude effectuee a Toulouse sur une centaine de prostituees a permis de trouver cinq femmes contaminees. En Martinique, la proportion est nettement plus elevee puisque vingt-six femmes sur soixante-quatre consultant dans un dispensaire de venerologie ont ete diag- nostiquees seropositives, les medecins observant par ailleurs une nette progression de ces contaminations. Ces chiffres doivent a l'evidence etre consideres comme une sous-evaluation du phenomene. "Les etudes sont tres difficiles a realiser dans ce milieu, et les rares personnes acceptant de participer a ce type d'etudes ne sont, a l'evidence, pas representatives de la population prostituee en France expliquent les specialistes. Par exemple, les femmes travaillant dans les secteurs d'abattage, dans les parkings et les jardins publics, les Africaines travaillant dans les foyers de travailleurs immigres ou recluses dans les squatts, les toxicomanes se prostituant de facon occasionnelle pour se procurer de la drogue, n'ont peu ou pas du tout participe a ces enquetes." C'est dire l'urgence qu'il y aurait a rappeler de maniere systematique, et par tous les canaux d'information disponibles, l'absolue necessite de recourir aux preservatifs masculins dans toutes les relations sexuelles pouvant etre considerees comme potentiellement infectantes. Le Marion-Dufresne appartenant a la Compagnie generale maritime, qui dessert les trois bases subantarctiques francaises de l'ocean Indien (Kerguelen, Crozet, Amsterdam), et qui est aussi le plus grand navire francais de recherche oceanographique, a brule a Djibouti dans la nuit du 25 au 26 octobre. On ne savait pas encore jeudi en fin de matinee si le bateau etait reparable. Le territoire d'outremer des Terre australes et antarctiques francaises (TAAF) va devoir chercher d'urgence un autre navire capable de transporter le personnel et le materiel indispensables a l'activite des bases. Le Marion-Dufresne etait entre en service au debut de 1973. Apres la publication, par l'hebdomadaire le Nouveau Detective date du 26 octobre d'un entretien avec le juge Maurice Simon, charge de l'affaire Gregory Villemin, les avocats de Mmes Marie-Ange Laroche et Muriel Bolle ont ecrit au garde des sceaux pour lui demander audience "dans les plus brefs delais". Ils considerent que les violations repetees du secret de l'instruction devraient conduire au dessaisissement du magistrat. Charge, depuis le printemps 1987, d'instruire le dossier de l'assassinat de Gregory Villemin - apres cassation de l'arret qui renvoyait la mere de l'enfant en cour d'assises, - Mr Simon est sorti une premiere fois de sa reserve le 10 septembre, en accordant un entretien a la 5 ; une deuxieme fois lorsqu'il a ete interroge, samedi 22 octobre, par un journaliste du Nouveau Detective. Souvent presente comme l'antithese du premier juge charge de l'affaire, Mr Jean-Michel Lambert - jeune, inexperimente, piege par la presse et par un dossier trop grand pour lui, - le "president" Simon affirme faire du secret de l'instruction "sa bible". Mais, sous sa reserve, la passion affleure. Malgre ses cheveux blancs, sa longue experience (la guerre d'Algerie, l'affaire Javilliey, la premiere presidence du Syndicat de la magistrature), lui qui voulait regler ce dossier de facon exemplaire, a ete rattrape a son tour par le vertige qui a pris tous ceux qui ont touche a cette affaire. Mercredi 25 octobre, on ne trouvait pas le Nouveau Detective a Dijon. C'est donc par telecopie, envoyee depuis le ministere de la justice, que les magistrats de la cour d'appel et, au premier chef, Mr Maurice Simon, ont pris connaissance de " l'interview exclusive " publiee le jour meme par cet hebdomadaire. Dans les propos qui lui sont pretes sur deux pages, le juge charge de l'affaire Gregory s'exprime longuement. Il laisse entendre que Mme Christine Villemin, inculpee de l'assassinat de son fils, pourrait etre mise hors de cause et que le crime aurait ete commis par plusieurs personnes. Le magistrat serait arrive a " trois hypotheses " mais " se refuse a proceder a des inculpations et a des arrestations dans le but de faire craquer les prevenus ". Il precise que Bernard Laroche - le premier inculpe qui a ete tue par Jean-Marie Villemin - " a peut-etre enleve " l'enfant. " De la a etre son assassin, il y a un pas que, pour le moment, je ne peux pas franchir ". Le juge fait ensuite etat de nombreuses menaces qu'il aurait recues et dont certaines visaient aussi sa famille. " Ce qui me trouble, c'est que, seuls, Albert et Monique Villemin (les grands-parents de Gregory) connaissent l'existence de ma famille ", precise le juge. La premiere polemique sur l'authenticite de cette " interview " naissait aussitot. Mr Simon, que nous avons joint par telephone,reconnait avoir rencontre le journaliste du " Nouveau Detective ", Mr Jean-Paul Pradier, samedi 22 octobre : " Je l'ai rencontre dans la rue. Il m'a dit qu'il avait quelque chose a me demander et qu'il en avait pour cinq secondes. Par politesse -et c'est la mon erreur - je l'ai recu dans mon bureau. Cette rencontre n'a jamais eu le tour d'un entretien et rien de ce qui a pu etre dit n'etait destine a etre publie. D'ailleurs, je n'ai pas l'habitude de donner de reponses sur le fond ". Selon le magistrat, le journaliste, qu'il connaissait de vue pour l'avoir frequemment rencontre sur le terrain, lui aurait parle " de sa vie ". Mr Pradier, de son cote, explique, au contraire, que le juge Simon, qu'il souhaitait interroger sur les menaces dont il serait l'objet, lui avait fixe un rendez-vous le vendredi 21 octobre pour le lendemain a 10 heures. De redactionnelle, la polemique n'a pas manque de devenir judiciaire. Sitot connue l'existence de cet entretien, le ministere de la justice demandait des explications au parquet general de Dijon, dont le procureur general, Mr Bruno Estrangin, apres avoir rencontre Mr Maurice Simon, publiait le communique suivant : " L'interpretation donnee par le redacteur aux propos pretes a Mr le president Simon ne correspond pas a l'etat de l'information. Les investigations se poursuivent pour tenter de faire la lumiere dans ce dossier particulierement complexe. Elles ne permettent actuellement aucune conclusion definitive. " Mais les avocats de Mmes Marie-Ange Laroche et de sa soeur Murielle Bolle, Mes Paul Prompt, Gerard Welzer, Hubert de Montille et Jean-Paul Teissonniere, convaincus de la gravite des accusations, directes ou sous-entendues contre leurs clientes, ont ecrit au garde des sceaux pour lui demander audience " dans les plus brefs delais ", afin de l'entretenir de la situation creee "par les debordements mediatiques auxquels donne lieu l'instruction en cours (...) et du role qu'assume dans ces debordements le president Simon." En clair, ces avocats estiment que la parution de l'"interview" du juge Simon n'est qu'un exemple supplementaire des violations repetees du secret de l'instruction, qui les ont conduits a porter plainte contre plusieurs journaux presentant des theses defavorables a leurs clientes et qu'ils estiment inspirees par le magistrat-instructeur. L'une de ces plaintes, pour violation du secret de l'instruction, a ete confiee par la Cour de cassation a la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, qui l'a confiee a son tour a Mr Albert Moatty. Celui-ci a convoque Mme Laroche et sa soeur pour le 27 octobre. Les avocats ont annonce qu'ils s'appretaient a porter de nouvelles plaintes contre Paris-Match et le Nouveau Detective. Au ministere de la justice, on n'entend pas, pour le moment, donner une suite favorable a la demande d'audience de ces quatre avocats. Si l'incident parait regrettable, on note qu'il n'y a pas grand-chose dans cette affaire, depuis son commencement, qui ne soit dans le domaine public et l'on estime que rien ne prouve que Mr Simon ait perdu son objectivite et sa serenite. Toutefois, le procureur general de Dijon a ete charge, apres consultation du dossier, de determiner si des personnes privees ont ete atteintes par une eventuelle violation du secret professionnel. Mr Simon, de son cote, nous a precise qu'il s'expliquerait desormais - apres avoir repondu a sa hierarchie - devant les juges charges des plaintes pour violation du secret de l'instruction. L'affaire Touvier et son triste heros sont trop pleins de secrets lourds de sens pour ne pas enfievrer le journalisme d'investigation. " Papiers " et " scoops " ont au reste, on s'en souvient, ponctue notre prise de conscience de l'enjeu : une page discrete de l'Express du 5 juin 1972, signee Jacques Derogy, a sonne le branle en revelant que le president Georges Pompidou avait gracie en novembre 1971 le " bourreau de Lyon ", qu'on croyait disparu ; la voix de l'ancien milicien sur les ondes de RTL, le 13 mars 1973, donna consistance a cette histoire sepulcrale ; un entretien-fleuve, mene sans complaisance par Dominique Jamet et Jacques Chambaz pour le Quotidien de Paris en 1980, sut dire jusqu'a la nausee le delire satisfait qu'entretiendrait desormais le vieux cavaleur pour assurer sa defense. C'est le resultat d'une nouvelle, d'une belle enquete, rondement " bouclee ", prudente et sure, que nous livrent d'une plume alerte Laurent Greilsamer et Daniel Schneidermann. Fera-t-elle a son tour monter d'un cran la virulence des passions, meme si le dernier mot, demain, revient a un tribunal ? On serait tente de repondre par l'affirmative, et pour deux raisons : la premiere est circonstancielle. Dans un chapitre sombrement intitule " Cluedo a l'Elysee ", les deux comperes posent abruptement la question : " Qui a fourvoye Pompidou ? " a l'automne 1971, quand l'ombre discrete de Mgr Duquaire rodaillait sous les lambris officiels et que faisait rage au " Chateau ", entre une " aile gauche " Jobert-Balladur et une " aile droite " Juillet-Garaud, une guerilla de tous les instants dont l'etrange saint homme, si devoue a la cause de Touvier, sut tirer parti ? Ils citent deux noms. Celui d'Anne-Marie Dupuy, le "grognard en jupon" qui dirigeait le cabinet du president : elle aurait enleve a la hussarde la signature de la grace ; celui de Pierre Arpaillange, alors directeur des affaires criminelles et des graces place Vendome, dont ils suggerent, avec deux lettres a l'appui, qu'il aurait "gere le dossier Touvier sans animosite particuliere envers l'ancien milicien". Dans le doute, precisent-ils, une quasi-certitude : l'attention de Georges Pompidou n'a guere ete attiree sur l'accablant et minutieux rapport du commissaire Jacques Delarue, date du 10 juin 1970 - et cite en annexe dans le livre, - dont il se degageait que "l'activite passee de Touvier a ete nefaste, crapuleuse et sans excuse", et qu'accorder la grace du milicien de Lyon entrainerait inevitablement "des incidents" ; la seconde raison tient a la tenacite probante avec laquelle Greilsamer et Schneidermann, partis a la recherche du cortege des soutanes qui abriterent Touvier depuis la Liberation, en arrivent a formuler une revelation moins attendue qui deplace l'enjeu de l'Eglise a la police. Tout se passe en effet comme si, depuis 1947, depuis l'"evasion" de Touvier arrete a l'heure du "Plan bleu" et du "Complot des soutanes", l'emmure des Charmettes a Chambery puis le visiteur hagard des couvents amis n'avait pas ete si activement recherche par certains policiers. Jusqu'a ce jour de mars 1988 ou Claude Grellier, le troisieme juge d'instruction charge de l'affaire, fut "traverse par une idee de genie" en confiant l'enquete a la gendarmerie... La diligence du "chef" Jean-Louis Recordon fit le reste, jusqu'a l'arrestation de Touvier le 24 mai 1989. Le livre detaille aussi, on l'imagine, les activites du responsable du Deuxieme service de la milice lyonnaise et la cascade d'exactions et de crimes qui lui valurent d'etre inculpe pour crimes de guerre puis pour crimes contre l'humanite. C'est implacable. On sera sensible aussi a la nuance du portrait de Mgr Gerlier, a la prudence dont il est fait preuve a propos de l'assassinat de Victor Basch. On comprendra mieux l'etrange silence de Chambery depuis 1945, puisqu'il est maintenant bien etabli que Touvier sut systematiquement eviter de s'en prendre trop visiblement a ses compatriotes aux pires heures. Et comment ne pas etre pris, au passage, par quelques scenes inattendues ? Cette messe commune des brutes et de leurs victimes, celebree par le pseudo-aumonier de la Milice, par exemple ; ou telle negociation entre des hommes de la Resistance et des porteurs du " gamma " qui ont senti que le vent a tourne a l'ete 1944. Surtout, Greilsamer et Schneidermann ont su decrire Touvier en fuite : pris, hypnotise meme, par son propre personnage ; jete dans une rage d'auto-justification, collationnant les coupures de l'Argus de la presse, pondant des libelles et tenant ses archives de vieux flic maniaque... " au cas ou " ; si expert dans l'art de " mouiller " le moindre correspondant. Fut-il en outre agent des services secrets ? Espion du Vatican ? Detenteur du " tresor de la Milice " ? Lie au cardinal Gerlier par quelque pacte ? " Tout cela est peut-etre vrai - et peut-etre rien ", tant " le puzzle donne le vertige ", avouent-ils. Mais leur livre, qui en decoupe les pieces, lui, ne tangue pas. Laurent Greilsamer et Daniel Schneidermann. Un certain Monsieur Paul. L'affaire Touvier, editions Fayard, 260 p., 89 F. L'heure n'est plus a la moralite. Apres avoir entendu les temoignages des ecrivains, des artistes et de tous ceux qui ont souhaite apporter leur soutien a Roger Knobelspiess, la cour d'assises des Pyrenees-Orientales a du se resoudre a aborder les faits. Des cet instant, le ton des debats a change. Mercredi 25 octobre, il n'etait plus question de s'interroger sur le passe torture d'un homme dont certains se sont servis pour justifier une cause et d'autrse pour la detruire. Il ne s'agissait plus que d'une affaire de "braquage" de banque, qui se situe, en outre, parmi les plus sordides. Cet aspect derisoire a encore ete renforce par l'attitude de Walter Murgia, accuse d'avoir attaque la Banque populaire de Thuir (Pyrenees-Orientales) avec Roger Knobelspiess le 6 avril 1987. Murgia nie tout en bloc. A l'entendre, le veritable complice de l'attaque, c'est quelqu'un qui se nomme Jean-Francois Perier. C'est ce meme homme qui a tire sur les gendarmes. Lui, il a rencontre Knobelspiess "par hasard", juste avant d'etre arrete. Le passe-montagne de braqueur trouve dans une voiture? Il admet que c'est le sien, et, tres serieusement, affirme : "J'ai toujours froid a la tete, j'en mets toujours un, meme quand je dors." La salle rit devant ce spectacle a la fois comique et navrant. Knobelspiess lui-meme est parfois enferme dans cette logique. Il reconnait le hold-up, mais se refuse a denoncer son complice. Quand il parle de lui, il dit " mon comparse " et ajoute : " Murgia n'est pas mon comparse. " Il explique aussi qu'il n'est pas un delateur : " J'entre en prison, mais j'y reste tout seul ". D'ailleurs, il s'irrite chaque fois qu'une question lui est posee sur une circonstance exterieure a l'attaque a main armee. Il a reconnu en etre l'un des auteurs et souhaite, en substance, qu'on le juge pour cette affaire mais qu'on ne l'ennuie pas avec le reste. " J'ai fait un hold-up et vous me posez des questions en dehors ", se plaint Knobelspiesss en guise de reponse aux interventions des avocats des parties civiles, qu'il ne supporte pas. Knobelspiess ne se cherche pas d'excuses. Certes, " la cavale coute cher " et il lui fallait de l'argent pour ne plus vivre aux crochets de ses amis, pour la plupart anciens codetenus. Mais il precise, a propos de l'attaque a main armee :" Sur ce point, je ne suis pas defendable, je sais que ce n'est pas bien. " Et il ajoute :" Pour les employes ! Pas pour la banque. " Le desespoir de Knobelspiess decrit par certains temoins de moralite et son attitude suicidaire, evoquee par les experts psychiatres sont apparus lorsqu'il a declare :" J'ai tout fait pour minimiser la violence. Si en face, ca tirait, eh bien tant mieux ! " Verdict vendredi 28 octobre. Les deux hommes interpelles a Grenoble dans le cours de l'enquete sur le meurtre de l'ancien batonnier du barreau de Tours, Me Charles Reverand (le Monde du 26 octobre), ont ete transferes a Tours ou il devaient etre entendus par les inspecteurs de la police judiciaire, jeudi 26 octobre. Bertrand Guerin, vingt-six ans, et Vincent Ferreira, vingt ans, tous deux sans domicile fixe ni profession, avaient ete trouves en possession de la voiture de Me Reverand, ainsi que d'objets derobes au domicile de l'ancien batonnier, qu'ils tentaient de revendre a un antiquaire. Des chequiers voles, provenant, selon les premiers elements de l'enquete, de larcins commis a Pau (Pyrenees-Atlantiques) et a Arcachon (Gironde) et de l'agression d'un septuagenaire dans la region de Saint-Maixent (Deux-Sevres), ont egalement ete retrouves sur eux. Le corps de Charles Reverand, soixante-huit ans, avait ete decouvert mardi 24 octobre par la femme de menage du batonnier. L'avocat etait mort etrangle. - Le docteur Pierre Sava, quarante ans, chirurgien du centre hospitalo-universitaire de Limoges, a ete tue d'une balle de fusil de chasse en pleine tete. Le corps du medecin ainsi que l'arme du crime ont ete retrouves, mercredi 25 octobre, a son domicile. Le frere de la victime, Mr Paul Sava, a ete interpelle mercredi apres-midi a la clinique Chenieux de Limoges et entendu par les enqueteurs. Ceux-ci n'excluent qu'une hypothese, celle du suicide. Mr Pierre Culie, president de la chambre d'accusation de Paris, a notifie, mardi 24 octobre, une trente-quatrieme inculpation dans l'affaire des fausses factures de la SORMAE. Celle-ci vise Mr Luc Bieret, quarante ans, directeur general de la societe Sud-Est Equipement SA, qui a ete inculpe de " faux et usage de faux en ecriture de commerce, complicite et recel de faux, complicite et recel d'abus de biens sociaux et corruption ". La societe Sud-Est Equipement SA, dont le siege est a Aubagne (Bouches-du-Rhone), est reputee travailler en etroite relation avec des municipalites communistes, en particulier. Elle aurait, moyennant commissions, conseille les entreprises desireuses de presenter des dossiers de marches de travaux devant les elus locaux. La chambre civile de la cour d'appel de Nancy vient d'annuler le mariage auquel avait ete contrainte une jeune fille d'origine et de nationalite marocaine vivant en France. En aout 1985, Habiba, orpheline de pere et de mere a la suite d'un accident de la route survenu en 1983, avait ete emmenee au Maroc par son oncle, devenu son tuteur. La-bas, Habiba avait ete mariee contre son gre avec son cousin, le fils de son oncle. Quelques mois auparavant, en fevrier 1985, la jeune fille, qui pressentait ce qui allait lui arriver, avait fait une fugue, alerte une assistante sociale et s'etait placee sous la protection d'un juge des enfants, redoutant par-dessus tout de devoir se marier. Elle n'avait que seize ans. La justice s'etait alors adressee a l'oncle, qui vit dans la region de Nancy, afin de lui demander ses intentions. Ce dernier avait confirme qu'il avait bien l'intention d'emmener Habiba au Maroc, mais c'etait pour que la jeune fille y renoue avec les racines et traditions familiales. En fait, a son retour en France, en aout 1985, l'oncle avait annonce que la ceremonie avait eu lieu. Jamais, cependant, Habiba ne devait se resigner. De retour en France avec ce mari dont elle ne voulait pas, elle s'adressait a un avocat, Me Fabienne Villemin. Dans un premier temps l'oncle, poursuivi devant un tribunal correctionnel, etait condamne pour detournement de mineure. Mais en appel il etait relaxe en raison de sa qualite de tuteur. L'instance civile s'engageait dans le meme temps, Habiba et son avocat demandant l'annulation du mariage pour vice de consentement. En premiere instance elles obtenaient satisfaction. La cour d'appel de Nancy a confirme la decision des premiers juges. Au regard de la loi francaise comme de la loi marocaine, en effet, le consentement de la femme au mariage est necessaire et il doit etre libre. La cour a constate que dans le cas d'Habiba son consentement lui avait ete arrache et que la jeune fille mineure avait signe des documents rediges en arabe, une langue qu'elle ne comprenait pas. Elle a donc annule le mariage. Le tribunal de grande instance de Paris a condamne, mercredi 25 octobre,Jean-Edern Hallier et la societe editrice de l'hebdomadaire l'Idiot international a verser 300 000 F de dommages et interets a Me Georges Kiejman pour des articles juges diffamatoires. Mr Hallier etait poursuivi pour injures, diffamation et atteinte a la vie privee, a un double titre, en tant qu'auteur des articles incrimines publies les 5 juillet et 30 aout et comme directeur de la publication. Le batonnier Guy Danet, qui assurait la defense de Me Kiejman, avait reclame 500 000 F de dommages et interets. En juillet, l'Idiot international avait publie un article particulierement virulent contre Me Kiejman qui venait de plaider pour Mr Jack Lang contre Mr Hallier. La societe editrice de l'Idiot international avait deja ete condamnee, depuis juillet dernier, a verser 750 000 F au total dans trois affaires : 250 000 F a Mr et a Mme Lang pour diffamation et injures publiques, 100 000 F a Mr Christian Bourgois, l'editeur de Salman Rushdie, pour propos injurieux et atteinte a la vie privee et 400 000 F a Mr Bernard Tapie pour propos diffamatoires. La majorite senatoriale a adopte, dans la nuit du mercredi 25 au jeudi 26 octobre, le projet de loi relatif a l'action des collectivites locales en faveur du developpement economique. La gauche a vote contre le texte. Le projet de loi presente au Senat en premiere lecture par Mr Jean-Michel Baylet, secretaire d'Etat charge des collectivites locales, avait pour ambition de donner aux collectivites territoriales des moyens accrus pour intervenir dans la vie economique locale. La philosophie du texte a rencontre l'hostilite des senateurs, hostilite qui s'est manifestee d'emblee par le rejet de l'article premier pourtant epargne par les travaux des commissions (le Monde du 26 octobre). Elle s'est concretisee avec le rejet de l'article 3. Le texte etait ainsi ampute de dispositions essentielles touchant a l'attribution d'aides directes par les departements et les communes, alors que cette attribution est actuellement du seul ressort de la region. Ces modifications apportees au projet ont entraine alors la demission du rapporteur, Mr Jean-Marie Girault (RI, Calvados). La discussion s'est poursuivie apres le remplacement de Mr Girault par le president de la commission des lois, Mr Jacques Larche (RI, Seine-et-Marne), avec le rejet des articles 2 et 4 du projet puis par l'adoption d'amendements revisant considerablement les ambitions du texte. Les senateurs ont repousse la disposition permettant aux collectivites de souscrire a des titres participatifs emis par des societes cooperatives. Ils ont egalement prefere le systeme de l'exoneration de la taxe professionnelle sur les salles de cinema plutot que l'octroi aux collectivites locales de nouveaux moyens d'intervention en faveur de l'activite culturelle. A l'issue de la discussion, Mr Baylet, " ne reconnaissant rien a un texte taille en pieces ", s'est demande s'il avait " fait le bon choix en venant presenter ce texte en premiere lecture au Senat qui aurait pu le completer". Soumis au conseil des ministres mercredi 25 octobre le projet de loi completant l'amnistie partielle prevue par le referendum du 6 novembre 1988 par son extension aux crimes de sang a provoque l'indignation d'une partie de la droite et a l'extreme droite. Premier a reagir le Front national considere que le texte "ne rend pas justice aux morts de la gendarmerie". Pour Mr Jean-Louis Debre depute (RPR) de l'Eure, le projet de loi est "l'expression d'un double mepris", d'une part "a l'egarde des familles des victimes des assassinats", d'autre part "a l'egard du peuple francais". Si Mr Debre annonce que ses collegues RPR s'opposeront au projet qui a l'aval du RPCR de Mr Lafleur, Mr Charles Millon n'apparait pas plus conciliant. Pour le president du groupe UDF de l'Assemblee nationale l'amnistie envisagee aujourd'hui "exclue de la loi approuvee par les Francais, est de nature a recreer un climat de tension et de passion". Pour Mr Millon "l'exercice du droit de grace par le president de la Republique pourrait exprimer la pardon de la nation aux coupables ". " C'est, ajoute-t-il, au chef de l'Etat qu'il reviendra de determiner les conditions dans lesquelles il peut en faire usage. " Choque mais non surpris Mr Yvon Briant secretaire general du CNI affirme que le gouvernement socialiste " verse dans le sordide " en affirmant que " l'indemnisation " equitable et integrale " des victimes et de leur famille interviendra avant le 15 novembre ". Une epouse de l'un des quatre gendarmes tues a Ouvea en Nouvelle-Caledonie le 22 avril 1988 Mme Linda Zawdzki s'est declaree " revoltee " par le projet du gouvernement. " Les familles des gendarmes ont ete bernees ; cette decision prouve qu'un gendarme n'est pas un homme comme les autres puisque son assassin est considere comme innocent " a-t-elle ajoute. De son cote Mr Jean-Pierre Chevenement ministre de la defense, explique que le but de l'amnistie est " de tourner definitivement la page d'un douloureux passe d'incomprehension et de passions, de consolider la paix et la reconciliation entre les communautes vivant sur le territoires et de preparer un meilleur avenir ". Apres avoir souligne que " les armees et la gendarmerie nationale ont apporte une contribution decisive a cette necessaire evolution " le ministre de la defense assure que l'amnistie " n'est pas l'oubli " ni " une injure a la memoire des soldats disparus ". " Le sacrifice de nos soldats, precise-t-il, n'aura pas ete vain s'il permet d'assurer definitivement la paix civile et partant d'eviter que d'autres crimes se reproduisent. " Voici les principaux extraits du discours prononce, mercredi apres-midi 25 octobre, par Mr Mitterrand devant le Parlement europeen de Strasbourg. Mr Mitterrand s'exprimait en tant que president de la Communaute. Il convient maintenant de poursuivre nos avancees avec en tete une idee fixe, obstinee, une idee dont la force doit balayer tous les obstacles : appliquer l'Acte unique, tout l'Acte unique en temps voulu (...). La recherche d'un equilibre entre union economique et union monetaire constituera - vous etes nombreux a l'avoir dit et justement - un puissant facteur d'integration politique, qui nous amenera a revoir en profondeur le fonctionnement de nos institutions. Il nous faudra aller plus vite et garantir la legitimite democratique de nos decisions. Cela ne se fera qu'avec des institutions renovees. On le voit, on le comprend, l'union economique et monetaire signifiera qu'un pas decisif aura ete accompli en vue de l'objectif qu'il faut bien designer, l'union politique de la Communaute. Raison de plus pour la vouloir et pour la faire. Dans l'immediat, un groupe d'experts reunis par l'actuelle presidence se penche sur la liste des questions a soumettre a la future conference intergouvernementale. On se preoccupe egalement de la date qu'il conviendra d'arreter d'ici peu. (...) Je souhaite pour ma part - j'annonce la couleur - que la conference d'ouverture sur le nouveau traite se tienne a l'automne de 1990 et qu'elle donne aux parlements nationaux le temps de ratifier le nouveau traite avant le 1er janvier 1993. En prohibant tout alignement par le bas et en developpant les moyens du dialogue, la charte dessinera, si elle correspond a mon voeu et a celui, sans doute, de nombreux d'entre vous, les contours d'un modele europeen, qui sera en avance sur tous les autres. On ne croit pas, en depit de ce qui est souvent repete, que cette charte se bornera a de vaines ou de vagues formules. Ou bien, je le dis tout net, nous n'en voudrions pas non plus. (...) Elle engagera ceux qui (y) souscrivent a instituer, la ou ce n'est pas deja fait, ou a proteger, la ou ils existent deja, les droits des travailleurs et des categories les plus faibles. (...) Le 30 octobre prochain, les ministres competents examineront le projet qui sera soumis le 8 decembre au Conseil europeen de Strasbourg. Je demanderai de surcroit qu'un bilan de l'application de la charte soit remis chaque annee au Conseil europeen et aux institutions qui le desireront. Nous avons recu des demandes d'adhesion. Elles emanent, pour l'instant, de l'Autriche et de la Turquie, pays d'Europe. Mon point de vue est que d'ici a 1993 nous avons beaucoup a faire entre nous. Nous n'avons pas domine nos contradictions. C'est l'objet meme de nos debats. Peut-etre faudrait-il prendre le temps de la respiration entre les Douze. (...) A priori, nous n'avons pas de raison de dire non. On verra a posteriori comment se posera le probleme. Vous en conviendrez, l'Europe n'est pas qu'une manufacture. Elle n'est pas qu'un marche. Elle rassemble plusieurs centaines de millions de femmes et d'hommes qui aspirent a vivre ensemble, a porter les memes esperances. Or chacun ne se sentira partie prenante que s'il constate que nos decisions ameliorent sa vie quotidienne. L'Europe des citoyens se realisera d'abord avec des mesures pratiques, dont le benefice sera ressenti par tous. Nous avons vecu pendant plus d'un demi-siecle dans le cadre d'un ordre qui se defait sous nos yeux. C'etait l'Europe de Yalta (meme si l'expression n'est pas historiquement exacte), celle des blocs, celle des systemes. Nous n'en avons pas fini avec elle. L'Histoire n'est pas un fleuve tranquille. Passer d'un equilibre a l'autre suppose des transitions heurtees, des retours en arriere, des troubles et des crises. Y sommes-nous prepares ? N'avons-nous pas tendance a voir seulement s'ouvrir un horizon lumineux sans penser que les affaires des hommes sur la terre ne se reglent pas de cette facon-la ? L'equilibre nouveau, essentiellement desirable, supposera une somme de volonte, d'imagination, d'efforts, de continuite, que peu de generations ont connue avant nous. Aux questions qui seront posees, il n'y a pas de reponse unique. Bref, ce sera plus complique. Ma conclusion est simple : il faut renforcer et accelerer la constrution politique de l'Europe. C'est la seule reponse. (...) Non seulement nous nous doterons de moyens superieurs, mais notre communaute exercera une attraction plus forte sur le reste du monde. Lors du conseil europeen de Strasbourg, les 8 et 9 decembre, Mr Francois Mitterrand proposera que la conference intergouvernementale chargee de definir le contenu des deuxieme et troisieme etapes de l'Union economique et monetaire (UEM), ainsi que les amenagements a apporter au traite " se tienne a l'automne de 1990 et qu'elle donne aux Parlements nationaux le temps de ratifier le nouveau traite avant le 1er janvier 1993 ". Les des sont ainsi jetes : la presidence francaise considere que les travaux preparatoires sont suffisamment avances, et qu'il est necessaire d'aller de l'avant. Cette determination convient au Parlement europeen : il est d'autant plus impatient de jeter les bases de l'UEM qu'il n'est guere satisfait de la maniere dont se met en place le marche unique et, en particulier, son volet fiscal. Elle repond egalement au voeu de Mr Jacques Delors : celui-ci a repete a Strasbourg que fixer la date de la conference inter-gouvernementale donnerait " un dynamisme interne au systeme " qui aujourd'hui fait defaut. Aux yeux du president de la Commission europeenne, cette decision de procedure equivaudra a une obligation de resultat. Ce n'est sans doute pas ainsi que l'entendra Mme Margaret Thatcher qui, en juin dernier a Madrid, a deja indique qu'elle participerait a la conference, meme si elle en desapprouve les objectifs. Cependant, pourra-t-elle et voudra-t-elle differer l'affrontement ? La pression qui s'exerce sur elle est d'autant plus vive que les protagonistes mettent en relief le caractere eminemment politique de l'entreprise en cours : " L'union economique et monetaire signifiera qu'un pas decisif aura ete accompli en vue de l'objectif qu'il faut bien designer : l'union politique de la Communaute ", a constate Mr Mitterrand. Le president de la Republique souhaite, d'autre part, davantage associer le Parlement europeen aux travaux en cours et a venir : " Je demanderai qu'un contact etroit soit maintenu avec votre Assemblee dans le courant du mois de novembre, car c'est maintenant que les decisions se prennent (...). Si, comme je le demande, la conference intergouvernementale se reunit a la fin de l'annee prochaine, pourquoi ne serait-elle pas l'occasion de ce qu'on appellerait un aggiornamento de la Communaute ? " Pourquoi le Parlement europeen n'organiserait-il pas des assises sur l'avenir de la Communaute auxquelles participeraient aux cotes de votre Assemblee des delegations de Parlements nationaux et les representants de la Commission et des gouvernements ? " Mr Delors, pour sa part, a souligne que c'etait la seule voie pour " conforter la Communaute, assurer son avenir et eviter les risques de dilution dans je ne sais quel rejet vague dont sont porteurs des responsables politiques a l'interieur comme a l'exterieur de la CEE ". L'ambiance a Strasbourg etait tres largement consensuelle, mais le conseil europeen n'est pas le Parlement, et Mme Thatcher n'est probablement pas aussi isolee que les interventions de mercredi pouvaient en donner l'impression. Car le Parlement, qui avait debattu de l'UEM durant la matinee, a adopte une resolution volontariste dont la tonalite, souvent peu conformiste, a ete notamment marquee par les amendements presentes avec succes par sa majorite de gauche. Celle-ci, conduite par le groupe socialiste, s'affirme avec de plus en plus de nettete dans l'Assemblee issue des elections de juin dernier : on y trouve ainsi des critiques a l'egard du systeme monetaire europeen (SME), qui, s'il a assure une certaine stabilite des monnaies, " a eu des effets negatifs, en particulier par l'incitation a des politiques deflationnistes au plan salarial ". La resolution epingle aussi l'excedent des comptes courants allemands, manifeste de la mefiance a l'egard de la libre et complete circulation des capitaux, insiste pour que la Communaute s'affranchisse de l'utilisation du dollar, et bien sur demande que le Parlement europeen soit associe a la preparation et aux travaux de la conference intergouvernementale. A droite, l'intervention la plus remarquee fut de loin celle de Mr Giscard d'Estaing. A propos de la premiere etape de l'UEM, qui debutera le 1er janvier 1990, il a suggere " le resserrement des marges de fluctuation pour les pays participants de 2,25 % vers 1,5 %. " Le president du groupe liberal du Parlement voudrait eviter un affrontement destructeur entre le Royaume-Uni et les autres Etats membres. Dans cet esprit, il a suggere d'adopter " une attitude de tolerance mutuelle ou ceux qui ne souhaitent pas avancer ne cherchent pas a bloquer les autres et ou ceux qui veulent avancer cherchent a mettre au point un systeme ouvert ". En repondant a Mr Mitterrand, Mr Giscard d'Estaing a souligne notamment que l'avenement du marche unique de 1993 avait encore besoin d'une volonte politique. " Nous craignons qu'elle se relache ", a-t-il explique, en soulignant que les progres concernant l'harmonisation de la fiscalite indirect etaient " decevants et inquietants ". " En dehors d'une harmonisation des taux de TVA, les frontieres fiscales ne pourront pas etre supprimees en 1992, mais seulement rebaptisees, rapetissees. " Cette inquietude, quant a la facon dont evolue le debat sur le regime de TVA a appliquer dans le marche unique, est partagee par une large majorite de l'Assemblee comme en temoigne la resolution adoptee mercredi. Il ne pourra y avoir de veritable elimination des frontieres fiscales que le jour ou les marchandises echangees entre les Etats membres seront assimilees du point de vue de la TVA a celles echangees a l'interieur des Etats membres, souligne ce texte. Par consequent, le dispositif sur lequel les ministres des finances des Douze se sont mis d'accord le 9 octobre, et qui prevoit le maintien d'une distinction entre les deux types d'operation - dans les echanges intracommunautaires, la TVA continuerait a etre percue dans le pays de destination ne peut etre accepte, a souligne le Parlement, " que pour une periode de transition limitee ". Lors du vote de la resolution sur la fiscalite, les groupes de gauche, une fois de plus, ont fait adopter des amendements significatifs. Ainsi a propos du rapprochement de la TVA, le texte demande que soit assuree " une convergence des taux d'imposition dans une fourchette axee sur la moyenne des taux d'imposition nationaux actuels, de maniere a eviter un nivellement par le bas desdits taux ". J'AI un truc marrant pour vous, aujourd'hui. C'est un lecteur qui me l'envoie. Merci, t'es un chat. Son pere, boulanger, tres apprecie dans le quartier, se contentait pour toute reclame d'un panonceau indiquant que son pain etait cuit au bois. Et puis, la, il va acheter une baguette, et on la lui enveloppe dans un petit chef-d'oeuvre de cuistrerie a la mode. Outre ses pourcentages calcules au millieme pres en humidite, lipides, protides et le reste, cette merveille de baguette qui allie, je cite, le plaisir gastronomique et l'equilibre nutritionnel, est personnalisee, je cite encore, par son aplat mousseline et sa flaveur legerement acidulee. - Faudrait que tu saches de quoi tu parles, mais, bon, ca... A l'epoque, il s'agissait simplement d'indiquer combien il y avait d'alouettes pour un cheval dans ton pate. Tout le cote analyse de laboratoire, tant de calories, de sels mineraux, c'est ta faute a toi ! - T'es malade, ou quoi ? - Voyons, reflechis, c'est pour appater les connasses dans ton genre, les obsedees de la sante-minceur que les mecs du marketing en ont rajoute, c'est pour reconcilier tes miches avec celles du boulanger. Je te signale en passant que le vin, autre symbole de simplicite biblique, il y coupe, lui, a l'etiquetage. D'accord, c'est plus poetique, mais sur le plan de la dietetique, je te raconte pas. - Si, raconte... Ils nous rajoutent plein de glucides en douce, c'est ca ? Ah ! les chiens ! Et tu reste la, les bras ballants ! Qu'est-ce que t'attends pour exiger des precisions sur la facon dont on l'obtient, la flaveur du beaujolais, enfin ! LE beau scandale ! Elles seraient allees aux cours en portant l'uniforme occidental - tee-shirt, blue jeans et vetements informes, - elles n'auraient evidemment jamais fait parler d'elles. Elles se seraient habillees en petites putes, comme Madonna, personne ne s'en serait emu non plus. Elles auraient ete franchement delinquantes, elles auraient accumule les petits ou grands delits et meme un peu trafique l'heroine, on n'en aurait pas fait une affaire : le mal de vivre des adolescentes, n'est-ce pas ? Le crime de Samira, Fatima, Leila, Malika, Loubna et les autres est autrement plus grave. Elles ne veulent pas enlever le foulard islamique (hidjeb), dont le port leur apparait, a tort ou a raison, comme necessaire a l'observance de la foi qu'on leur a transmise. Au moment ou certains envisagent de depenaliser l'usage de la drogue, on est en train de criminaliser le port du voile. Quelle prodigieuse inversion des valeurs ! Il faut evidemment etre d'une mauvaise foi indigne pour assigner ce port du foulard a une quelconque forme de proselytisme. Pas plus que la kippa des juifs orthodoxes ou le symbole cruciforme des chretiens, le hidjeb ne constitue une " agression ". Il ne porte atteinte a la liberte de personne. Seule est atteinte en l'occurrence la liberte de celles qui veulent le porter. Mince sur le fond, l'affaire n'en est pas moins revelatrice. D'abord, elle remet a sa juste place la pretendue " neutralite " de l'enseignement public. Mais celle-ci a-t-elle jamais existe ? Ces derniers mois, la " neutralite " a l'ecole consistait a celebrer la guillotine et a inculquer aux enfants les vertus de l'ideologie revolutionnaire. De meme qu'il n'y a rien de plus ideologique que la croyance a la " fin des ideologies ", la " neutralite " est en fait, elle aussi, un choix ideologique. La democratie est une ideologie. Le laicisme en est une autre (qui, dans le passe, a d'ailleurs toujours fonctionne comme un laminoire des differences culturelles). Les droits de l'homme en sont une egalement, et c'est seulement par un tour de passe-passe qu'on peut les eriger, sans nuances, en verite universelle censee s'imposer a chacun. Mais l'affaire est revelatrice aussi dans la mesure ou elle fait apparaitre dans l'opinion des clivages qui n'ont plus grand-chose a voir avec la vieille dichotomie gauche-droite. Plaisant spectacle, assurement, de voir associes dans une meme reprobation les tenants de l'ideologie du bunker national et les adeptes du melting-potes republicain, ceux qui professent qu'on ne peut pas etre en meme temps musulman et francais et ceux qui n'aiment que le beur pasteurise, occidentalise, porteur d'un islam de convenance, epure de ses " pratiques coutumieres " et adapte aux requisits de la philosophie des lumieres, ceux qui croient qu'on peut defendre son identite en niant celle des autres et ceux qui n'admettent de differences culturelles que reduites a l'etat de folklore, conformes aux imperatifs d'une socialite fondee sur le seul regne de la quantite. Tous egalement convaincus que les valeurs occidentales sont soit superieures, soit universelles, c'est-a-dire tous immerges dans cet ethnocentrisme seculaire qui n'a cesse de detruire les identites collectives et de generer le vide spirituel a la surface de la terre. Je n'ai pas de sympathies particulieres pour les integrismes et, si je devais me convertir a une quelconque religion, ce ne serait certainement pas a l'islam. Il est clair, par ailleurs, qu'il existe un probleme de l'immigration, et singulierement de l'immigration a l'ecole, probleme qui ne se resoudra ni en niant son existence ni en flattant la xenophobie. Mais ce probleme n'est pas le seul. Un Occident secularise, qui considere que la croyance n'est qu'une opinion, et qui trop souvent, comme le disait Bernanos, parle de tolerance pour cacher son indifference a la verite, n'est tout simplement plus en mesure de comprendre ce que signifie une foi reellement vecue. Cheres Samira, Fatima, Leila, Malika, Loubna et les autres, tenez bon ! Dans les faubourgs de Madrid, l'ete dernier... violente collision entre deux voitures a un carrefour : un mort. Le capot de son vehicule remplace la veille l'a decapite. L'expertise est formelle : ce capot n'a pas la flexibilite conforme aux normes ; il n'est qu'une mauvaise copie des pieces de carrosserie fournies par la firme Renault. Kenya 1979 : les plants verdoyants de cafe promettaient une riche recolte. Le moment venu, la moisson est nulle. L'insecticide de marque est toxique car ses composants fabriques en Espagne et en Italie sont des faux. Amphetamines contrefaites qui tuent une douzaine de personnes aux Etats-Unis, fausses " OVULEN 21 " vendues au Panama comme pilules contraceptives : tous ces pseudo-medicaments font des ravages. Plus de six cents helicopteres, destines aux forces aeriennes du Royaume-Uni, de la RFA, de la France et de la Belgique dans le cadre de l'OTAN, comportaient des elements contrefaits dans les engrenages du train d'atterrissage. Ce probleme n'est pas nouveau. Deja en 1977, l'administration federale americaine avait ordonne le retrait des installations de detection et de controle d'incendie sur une centaine d'avions de ligne Boeing-737. Selon une estimation communement admise, la contrefacon se traduirait par une perte de vingt mille emplois en France, quarante a cinquante mille en Allemagne, plus de cent mille aux Etats-Unis. La contrefacon represente entre 3 et 9 % du commerce mondial et ferait perdre 60 milliards par an a l'industrie americaine, comme a celle de la CEE. En Afrique meme, le Nigeria inonde de faux le marche du whisky et des allumettes, au point de provoquer la fermeture d'entreprises camerounaises qui, elles, se contentent de faire " du vrai ". Ce bilan, negatif pour les nations developpees, s'inverse dans les pays contrefacteurs. L'enjeu de cette guerre commerciale est aussi politique, souligne l'enquete publiee a ce sujet par le Monde diplomatique d'avril 1988 sous le titre " Brevets et marques dans la guerre commerciale ". Autres signes inquietants : la contrefacon ne se limite plus aux marques mais s'etend a tous les droits de propriete industrielle, aux dessins et modeles, droits d'auteur, appellations d'origine, indications de provenance et noms commerciaux. C'est ce que denoncaient en substance les participants d'un colloque tenu a Paris le 19 avril 1988 sous l'egide de l'Association Paris-I international. Conclusions identiques au Bureau international d'enquete sur la contrefacon a Londres, et au Comite d'organisation de la lutte contre la contrefacon (COLC). Cet organisme s'est cree en 1983 pour obtenir un renforcement de l'arsenal juridique international. De quarante entreprises au depart, le COLC, installe a Geneve, groupe aujourd'hui mille quatre cents societes europeennes. Les accords bilateraux se multiplient, comme les conventions internationales dans le cadre du GATT et de l'Organisation mondiale de la propriete intellectuelle. Dans cette cooperation, la France fait figure de chef de file. Sa reglementation est la plus repressive. Son code des douanes dispose, depuis le 8 juillet 1987, d'un nouvel article, le " 215 ". Desormais, une marchandise suspecte peut etre bloquee en douane. Cette " suspension de l'octroi de la mainlevee pour dix jours " est placee sous l'autorite de l'administration douaniere. L'authentique fabricant est invite a examiner un echantillon. Confirme-t-il le soupcon de faux ? Il peut alors deposer plainte. La saisie par huissier dans l'entrepot des douanes se fait, elle, sur l'ordonnance prealable du president du tribunal de grande instance. Le proces a lieu devant le tribunal civil ou penal. Les sanctions penales encourues sont de trois mois a trois ans de prison assorties d'amendes pouvant aller jusqu'a 20000 F, et de dommages et interets avec confiscation, voire interdiction professionnelle temporaire. Parfois, la procedure emprunte des voies inattendues : ainsi, a Toulouse-Le Mirail, les douaniers saisissent, au printemps dernier, douze mille pieds de rosier en provenance du Maroc. Marque affichee : Meillan. Ce pepinieriste convoque repere le faux. Un huissier saisit quelques plants qu'il fait mettre en pots jusqu'a la floraison. A ce moment seulement, Mr Meillan et la justice auront la preuve du delit. C'est avec l'appui des fabricants de luxe regroupes dans le comite Colbert que l'administration francaise marque des points sur son territoire. Sa reglementation repressive fait ecole. La Communaute europeenne et les Etats membres ont pris conscience de l'importance de ce fleau et ont renforce leurs moyens d'intervention et de repression. Ainsi, les autorites de Bruxelles ont-elles adopte en 1986 un reglement qui interdit l'entree dans la Communaute des marchandises de contrefacon. Ce texte est en vigueur depuis le 1er janvier 1988. Il laisse a chaque pays la liberte de designer en harmonie avec ses propres lois l'autorite competente en la matiere. En France, c'est l'administration des douanes qui a ete chargee de l'appliquer (decret 87-1171 du 24 decembre 1987). Celle-ci peut desormais suspendre pendant dix jours l'octroi de mainlevee des marchandises presumees contrefaites ; en clair, les bloquer a leur arrivee en France et informer le titulaire de la marque qui pourra a son tour saisir l'autorite judiciaire seule habilitee a statuer sur la realite de la fraude. Ce reglement communautaire a aussi ses limites. Il ne s'applique qu'aux contrefacons de marques de fabrique ou de commerce originaires de pays tiers. En France, le legislateur a renforce le dispositif repressif douanier en incluant les marchandises de contrefacon dans la liste des produits soumis a l'article 215 du code des douanes. Le detenteur ou le transporteur de ces produits vises doivent etre a tout moment et en tout point du territoire capables de produire la facture d'achat ou la declaration d'importation regulieres. En l'absence de ces justificatifs, les douanes prononcent la saisie de ces marchandises alors reputees avoir ete importees en contrebande. Fait grave. Les infractions a l'article 215, delits douaniers, sont punissables d'un emprisonnement pouvant aller jusqu'a trois ans, de la confiscation pure et simple, et d'une amende atteignant au maximum deux fois la valeur des objets de fraude. Mais chaque Etat n'a pas la solidite des convictions francaises. Les recommandations europeennes commencent peu ou prou a etre entendues de tous. A ce jour, seule la Belgique se refuse a prendre une quelconque mesure. Le probleme est pesant, au point que l'administration belge des douanes s'est refugiee depuis janvier 1989 dans la passivite, une forme de greve larvee. Sur le plan mondial, le GATT negocie en ce moment un renforcement de la repression. Les pays qui abritaient hier les contrefacteurs en Asie du Sud-Est, par exemple, commencent eux-memes a patir du faux. Leur image de nations nouvellement developpees s'accommodent mal de ces trafics. Ainsi les Échos de la Republique de Chine, hebdomadaire de Taiwan, publient dans leur numero du 1er juin 1989 la photo de vingt mille cassettes video copiees illegalement et ecrasees par un rouleau compresseur. Voila qui est symbolique... Le rouleau compresseur n'a pas attendu Taiwan pour entrer en action chez Cartier ; le manager de cette firme l'a ostensiblement utilise a plusieurs reprises sous l'oeil des cameras du monde entier. Cartier est d'ailleurs un des pionniers de la chasse aux contrefacteurs. S'il fait confiance a l'administration, il ne s'en est pas moins dote d'un service de police interne. Detaillants-informateurs, discretes " personnes de contact ", detectives et procedures judiciaires : cette protection coute cher. Lors d'une conference de presse debut avril 1989, la societe annoncait avoir depense, en 1988, 4,7 millions de dollars, avec un cabinet juridique comprenant quarante prives, pour un chiffre annuel de 850 millions de dollars. Bernard Lacoste ne s'en cache pas non plus. Son conseil : deposer et enregistrer la marque dans chaque pays, et partout dans le monde. Reconnaitre l'existence du faux a un mauvais effet publicitaire. Mais parfois la contrefacon permet de prendre place sur un marche jusqu'alors ignore. La puissance des contrefacteurs peut aussi inciter a la negociation. Le cas n'est pas rare : ainsi les onze producteurs regroupes depuis 1963 dans l'Association pour le developpement des treillis soudes (armatures pour le beton arme) recherchent un arrangement en integrant les contrefacteurs - allemands ou italiens - ou en les aidant a trouver une marque legale. Chaque entreprise se bat a sa facon et a son rythme. Le marquage electronique, a base de codes cryptes et d'holographie, est plus difficile a imiter desormais qu'un simple logo. Dans la guerre qui les oppose a leurs imitateurs, les industriels marquent des points importants. Il leur reste un adversaire a convaincre : le consommateur qui achete la contrefacon. L'affaire n'est pas simple. Les associations de defense des consommateurs se gardent pour le moment de prendre position. Le bon sens du porte-monnaie semble avoir encore de beaux jours devant lui. Ainsi en traitait avec humour un avocat italien (1). "M. Louis Vuitton de Paris s'est dit un beau jour : "Moi, maintenant, je vais confectionner des milliers de sacs en plastique, j'ecrirai dessus mes initiales et puis je vendrai le tout dix fois plus cher que son prix : tu veux parier que je vais trouver un nombre incalculable de cretins pour en acheter ?" Existe-t-il une loi bornant les profits d'un particulier ? C'est la qu'on se retrouve, mon cher Vuitton ! Article 603, definition du delit : "Quiconque soumet une personne a son propre pouvoir afin de la reduire a l'etat de totale sujetion est passible de reclusion de trois a cinq ans." Or j'affirme que, si un individu a reussi a convaincre des milliers de personnes qu'un sac en plastique, meme recouvert de monogrammes, vaut mieux qu'un sac en cuir, cela veut dire que cet individu a reduit a l'etat de totale sujetion ses propres clients, et donc, fort de cette deduction, j'accuse Mr Louis Vuitton de Paris de ce delit." Bonne lecon pour les vacanciers en goguette dans les cavernes d'Ali Baba du monde entier... Bien que la Pologne et la Hongrie soient au premier rang, l'evolution des pays communistes vers la democratie depend surtout de l'Union sovietique. Sur le plan politique, la perestroika parait en bonne voie. A la fois chef du parti et de l'Etat, Mr Mikhail Gorbatchev detient officiellement plus de pouvoir que Staline. Controlant l'ensemble de l'appareil gouvernemental, il ne risque guere une deposition comme celle de Khrouchtchev. La majorite de la Nomenklatura lui est hostile, mais elle n'a plus les moyens de l'eliminer. Dans ce domaine, les reformes accomplies portent deja des fruits visibles, dont la population n'admettrait pas d'etre privee. Plus de liberte dans la presse, a la radio, la television, les elections, le Parlement, la vie quotidienne, ce n'est pas rien pour des citoyens si longtemps opprimes. Sur le plan economique, la situation reste plus inquietante. Habitues a une planification centralisee, les dirigeants des grandes firmes industrielles se trouvent desorientes par leur nouvelle autonomie. Il leur faudra du temps pour acquerir la pratique d'une gestion competitive. Ils n'y sont guere pousses par des ouvriers beaucoup plus attaches a leur securite presente qu'a la perspective de remunerations accrues par la productivite. La stagnation est plus forte encore en agriculture. Depuis la liquidation des koulaks, l'URSS n'a plus de veritable paysannerie. Mises a part les parcelles personnelles des kolkhoziens, la terre est cultivee par des salaries dont l'ardeur ne semble pas la qualite principale. Le systeme sovietique reste paralyse par le mecanisme fort bien decrit par Alexandre Zinoviev. Aucun autre regime au monde ne permet de vivre avec une si faible quantite de travail. A un niveau mediocre, evidemment, mais suffisant pour subsister sans se fatiguer. Pour inciter beaucoup d'ouvriers, de paysans, d'employes a sortir de leur apathie dans l'espoir de gains plus eleves, il faudrait que ces derniers permettent d'obtenir des avantages substantiels. Tel n'est pas le cas. Quand il n'y a rien a acheter, pourquoi travailler plus afin de disposer de plus d'argent qu'on ne pourra pas depenser ? Il serait sans doute possible de mobiliser la population en lui expliquant la necessite de sacrifices pendant une periode transitoire permettant de construire une societe moderne. Mais il faudrait alors dire clairement ou l'on va et on ne le peut pas puisqu'on ne le sait pas. L'empirisme suffit pour des reformes secondaires quand il ne met pas en cause les structures fondamentales d'une nation. Il ne suffit plus quand on est oblige de reformer ces structures. Ainsi, l'obstacle principal a la perestroika est ideologique. On n'obtiendra des Sovietiques l'effort indispensable qu'en leur proposant un modele clair de la societe nouvelle qu'on veut construire. Mais comment le faire quand ce modele n'existe pas encore, et qu'il faut preciser l'objectif en meme temps qu'on marche vers lui ? Commentant le changement de nom du Parti hongrois, un des proches de Mr Mikhail Gorbatchev - Mr Fedor Bourlatski - declarait que " les partis communistes europeens doivent revenir a leurs racines social-democrates car ils se sont developpes a partir d'elles ". Sur le plan symbolique, le PCUS ne pourrait pas mieux souligner sa volonte de renouer avec ses origines et de rompre avec les methodes developpees depuis la guerre civile qu'en reprenant l'etiquette de social-democrate sous laquelle Lenine a fait la revolution d'Octobre, a la tete de la fraction qui se qualifiait de " bolchevique ", c'est-a-dire de majoritaire. Mais la social-democratie d'aujourd'hui apparait aussi depassee que le communisme. Certes, une difference considerable les separe : elle a reussi tandis qu'il a echoue. Le Manifeste de 1848 assignait comme objectif au socialisme de remplacer la societe bourgeoise par une " association ou le libre epanouissement de chacun est la condition du libre epanouissement de tous ". Si le meme texte prevoit que " le premier pas dans la revolution ouvriere est la montee du proletariat en classe dominante " et que " celle-ci abolit violemment les anciens rapports de production ", cela ne designe evidemment qu'une transition breve. En la figeant dans un parti unique et totalitaire, Lenine a perennise la dictature du proletariat que Staline a transformee en l'une des tyrannies les plus terribles de l'Histoire. Soixante-douze ans apres la revolution d'Octobre, l'Union sovietique est aussi loin - sinon plus - du libre epanouissement de chacun. L'Europe de l'Ouest en est beaucoup plus proche depuis que la social-democratie a encadre le capitalisme en regularisant les mecanismes du marche par des interventions de la puissance publique. En les equilibrant dans la comprehension des syndicats de travailleurs, en les corrigeant par une redistribution d'environ 40 % des revenus qui assure une securite sociale quasi generalisee. Mais son succes meme affaiblit le dynamisme du socialisme occidental qui prend maintenant un visage de gestionnaire. Il n'a pu, d'ailleurs, empecher que la recherche des profits ne devienne le but supreme de l'existence et que l'omnipotence de la publicite pousse a des exces de consommation. Egoisme et gaspillage tendent a dominer les nations de l'Ouest. Les pays forges par le marxisme-leninisme ne peuvent pas se transformer suivant le modele social-democrate. Dans le domaine politique, ils devront aller aussi loin que lui en parvenant a des elections integralement libres pour designer des Parlements reellement pluralistes et en developpant toutes les libertes publiques necessaires a la democratie. Dans le domaine de l'economie, ils devront se plier a la concurrence sur le marche international et faire une large place a l'initiative privee, surtout dans l'agriculture, l'artisanat et le commerce. Mais ils n'auront probablement pas interet a reduire le secteur public aux dimensions qu'il a dans l'Europe de l'Ouest. Reposant comme elle sur une societe mixte, ils resteront differents dans les dimensions respectives des secteurs qui le constituent. Apres l'Etat-producteur cree par le communisme et l'Etat-protecteur etabli par la social-democratie, le temps parait venu d'un Etat-promoteur incarne par un troisieme socialisme. Sous ce terme, on designe un systeme ou l'argent des entreprises pourrait venir non seulement des banques et des autres firmes ou institutions privees, mais aussi des impots verses sous controle d'un Parlement democratique ou de l'epargne des citoyens recueillie par des organisations etatiques et des collectivites locales. Dans ce cadre, des entreprises nationalisees ou des caisses officielles analogues a notre Caisse des depots pourraient avoir une influence importante en entrant dans les mecanismes du marche au meme titre et de la meme facon que les entreprises capitalistes. Naturellement, les traditions maintiendront en Union sovietique un secteur public maintenant transforme dans sa gestion. Au contraire, le secteur prive restera sans doute preeminent en Occident pour les memes raisons. Bien d'autres differences que celles des proportions de la mixite subsisteront au terme d'une evolution des pays de l'Est qui sera probablement longue. Elle tend neanmoins a rapprocher les deux Europes. Qu'on le veuille ou non, l'une et l'autre sont engagees maintenant dans des voies convergentes. Ainsi va disparaitre peu a peu le grand schisme qui dechire le socialisme en 1920 a Tours, en 1921 a Livourne et a peu pres au meme moment dans d'autres nations du monde. Au-dela des voies du communisme et de la social-democratie, qui furent radicalement opposees a partir de Staline - sauf pendant la guerre contre le nazisme, - voici qu'apparait aujourd'hui la perspective d'un socialisme unitaire. La perestroika serait facilitee si Mr Mikhail Gorbatchev prenait conscience de cette situation, et en tirait un modele applicable a l'Union sovietique. La renovation des partis socialistes d'Occident le serait egalement s'ils regardaient ce vaste horizon, au-dela de leurs querelles de clocher. LA Cegos, societe de conseil, formation et recrutement, a mene une enquete aupres de quatre-vingts multinationales europeennes, americaines et japonaises, de toutes tailles et de tous secteurs d'activite, pour connaitre les pratiques de leurs dirigeants en matiere de management international. Il en ressort un tableau assez homogene, les disparites s'estompent devant l'acceleration des processus de decision, le raccourcissement des cycles de production et la mondialisation des marches. " Votre enquete insiste sur les methodes d'internationalisation eclair qui ont succede aux demarches longues et couteuses d'hier. Cette tendance est-elle valable pour tous les pays couverts par l'etude ? - Oui. Et et elle est vraie tant pour les jeunes multinationales, comme les societes americaines Apple ou Sun dans le domaine de l'informatique, ou la societe italienne Benetton dans le textile, que pour des entreprises plus anciennes comme le hollandais Philips ou le japonais Sony. " Ce phenomene est du a l'entree en resonance de plusieurs vecteurs. Un vecteur technologique tout d'abord. Il a entraine une miniaturisation des produits et donc une baisse des couts necessaires pour les transporter. Il a permis le developpement de reseaux, en 1988, les seules entreprises americaines ont depense 14 milliards de dollars en equipement de transmission pour leurs besoins prives. Il a accentue l'interdependance entre le materiel et les programmes, qu'il s'agisse d'informatique ou d'audiovisuel, entrainant du meme coup des rapprochements a l'echelle mondiale, comme le recent rachat de Columbia par Sony. " Un vecteur economique, ensuite, du au renforcement de la competitivite internationale et a la creation de marches uniques, en Europe, mais aussi en Amerique du Nord. Un vecteur logistique, lie a la multiplication des transporteurs rapides. Un cycle mondial de production et de distribution, qui aurait necessite six a huit mois auparavant, peut maintenant etre boucle en soixante jours. Enfin, un vecteur mediatique qui a fait que les gouts des consommateurs se sont homogeneises pour une meme tranche de revenus. Les standards de qualite sont ainsi devenus mondiaux. " Les modes d'implantation ont donc aussi change : on observe beaucoup plus d'achats de societes que de creations de filiales, de cessions de licence ou de franchise. - Observe-t-on d'un pays a l'autre des differences dans l'organisation mise en place par les multinationales, pour attaquer ces differents marches nationaux ? - La structure qui consiste a ce qu'une division internationale coordonne les politiques de produits et les activites est encore tres courante aux Etats-Unis. Dans ce pays, on a en effet longtemps concu un produit pour le marche interieur, et on ne se preoccupait qu'ensuite de son adaptation. Mais cela change. L'organisation par lignes de produits se generalise. C'est-a-dire que les produits sont developpes pour un marche mondial. La fabrication est aussi optimisee mondialement. Mais selon des criteres qui ont evolue. Si l'on cherche a reduire le nombre de sites industriels pour atteindre des economies d'echelle, on ne delocalise plus la production vers des pays a bas cout de main-d'oeuvre. Ce critere est devenu secondaire. Mais on choisit des pays qui disposent d'une main-d'oeuvre disponible ayant un savoir-faire technique. " Seuls le marketing et la distribution sont traites localement. Les sieges de zone geographique sont donc alleges, voire carrement supprimes : entre 1979 et 1986, cent trente et une multinationales americaines qui avaient leur quartier general europeen a Paris, sont parties pour regrouper leurs etat-major aux Etats-Unis. " La diversite de l'Europe, qui oblige tres tot les entreprises a se preoccuper de marches differents, est un point fort a l'echelle mondiale. - Des disparites apparais- sent-elles dans la facon dont les multinationales controlent leurs filiales ? - Le " reporting " est devenu tres banal. Seuls son niveau de detail et sa periodicite varient. Les rapports ne sont plus transmis par le courrier normal, mais par courrier express, ou telecommunication. Mais ce qui evolue, c'est qu'en fait le regard peut devenir quotidien, grace aux banques de donnees des entreprises. Si cette information est bien geree, elle peut alors creer d'importants ecarts de gestion. Car la vitesse devient un facteur preponderant. - Ces modifications ont-elles un impact sur le personnel ? - On observe une diminution du nombre d'expatries. Car d'abord ils coutent cher, environ le double d'un cadre local de meme niveau que l'on trouve desormais dans tous les pays developpes. " Les expatries ne sont plus que des hommes de tres haut potentiel a qui l'on fait faire un tour, pour leur donner une vision mondiale avant de leur confier un poste de haut niveau au siege. Ou des individus porteurs d'un savoir-faire tres specifique. Ou encore des cadres superieurs qui, lors du demarrage d'une activite, sont envoyes pour propager la culture du groupe. " En consequence, les jeunes ambitieux ne devront plus se demander s'ils doivent se specialiser dans la finance, la technique ou le marketing, pour reussir leur vie professionnelle. Mais bien plutot chercher a avoir une carriere internationale. D'autant plus que l'Europe va entrainer une modification des diplomes. On va voir emerger des diplomes internationaux comme celui de l'INSEAD. Et on assistera a une remise en cause de ce qui etait notoire, des grands diplomes qui n'auront plus de signification au-dela des frontieres, car on n'aura plus les memes reperes pour dechiffrer des curriculum vitae europeens. Si les grandes ecoles n'ont pas de strategie internationale vigoureuse, elles auront de reels problemes de notoriete. " Lunaire, cet entrepot dans la banlieue de Rotterdam... IDG, industriel du pret-a-porter domicilie en Belgique, a ouvert, ici, ce magasin d'usine aussi vide qu'un hangar desaffecte. De rares cintres pendent, exposant quelques tenues de jogging et robes de coktail de texture mediocre et sans marque. A la ronde, ni trace d'ouvriers ni cliquetis de machines a coudre. Deja, il y a un an et demi, la firme avait fait scandale : son "PDG" fut inculpe du delit de contrefacon. Les enqueteurs neerlandais avaient decouvert dans ce meme entrepot un stock de dix mille chemises Lacoste. Des faux. Sur ces vetements importes "nus" du Pakistan, IDG s'etait contente de faire coudre des etiquettes Lacoste importees, elles, de Turquie. L'operation rapportait gros : pour 1 franc d'investissement, 10 francs de profit, soit un benefice total de 900 000 francs. Et ce n'etait pas tout : dissimules dans les piles, 700 kilos de haschisch avaient egalement fait le voyage. Le PDG fut aussi inculpe de trafic de stupefiants. L'homme avait deja ete l'objet d'une premiere inculpation pour contrefacon. Cela ne l'avait pas empeche de continuer son commerce. L'instruction de son dossier trainait en longueur, et le risque encouru demeurait de toute facon faible - comme d'habitude dans ce genre d'affaires. La deuxieme saisie, y compris de la drogue, allait-elle mettre un terme aux activites d'IDG ? C'est ce que, depuis un an et demi, esperaient les autorites du Benelux. A tort, visiblement. Ces jours-ci, dans cet entrepot de Rotterdam, quatre employes sirotent leur biere, tasses dans un recoin. Ils n'attendent guere le chaland. Dehors, il fait un froid de chien. Soudain, la porte s'ouvre sur un homme longiligne a l'allure degingandee, accompagne d'une femme. Tour rapide dans les maigres rayons : elle tate l'etoffe, lui discute avec le personnel. La transaction tourne court. Le couple repart. Du fond parviennent des rires etouffes et quelques mots : " Ça va pour les chaussettes. " Le visiteur tend l'oreille et rebrousse chemin, visiblement interesse. " Vous avez des chaussettes ? Montrez-les moi. " Les employes, genes, s'executent. L'un d'entre eux croit reconnaitre en ce client un detective mele aux precedentes enquetes. De la dizaine de paires de chaussettes marquees " Lacoste " qui surgit sur l'etal, l'homme en choisit une. Il paie et exige une facture. Puis, dans un silence pesant, le couple s'eclipse. Cet acheteur est bel et bien un " prive " travaillant pour le compte des chefs de file mondiaux du pret-a-porter de luxe. En un temps-record, il se rend a Amsterdam, ou il verifie dans la boutique d'un depositaire agree la nature de sa prise-echantillon : les chaussettes sont des faux. Immediatement averti, le siege parisien de la firme peut deposer plainte. A la police locale d'executer alors constats et saisies. Le detective previent enfin son patron, Vincent Cerratu, qui dirige a Londres un important cabinet international d'investigateurs pourchassant la contrefacon. Flagrant delit reussi pour cet ancien policier reconverti en de plus rentables missions. On trouve " de tout " au bazar du faux. Ses rayons se diversifient a une vitesse folle. On n'arrete pas le progres. Le trafic s'enrichit au fil du developpement economique mondial. Il talonne de pres les innovations industrielles. Il tisse son propre reseau d'echanges, enchevetrant ses fils de plus en plus complexes, peu soucieux d'une reglementation toujours plus repressive. Jadis les touristes operaient des razzias sur les marches d'Extreme-Orient. L'oeil aussi brillant que celui de l'explorateur decouvrant le yeti, ils denichaient pour quatre sous, a la pelle - et signes, - montres Cartier et Rollex, sacs Vuitton, chemises Lacoste, parfums Gucci, etc. Le filon etait d'or : on y puisa d'abord des objets a offrir, et bientot de quoi rembourser l'integralite des frais de voyage. Entre 1983 et 1988, les succes de cette methode ont fait ecole. Promptement apparaissent sur le marche d'autres contrefacons, destinees a de tout autres clients. Elles vont de l'horticulture a l'industrie en passant par la pharmacie : roses Meillan, treillis soudes pour beton arme, roulements a billes, pace-makers, pilules abortives, pieces detachees pour avions et helicopteres, cassettes video de Bruce Lee, ordinateurs Apple ou IBM, rien n'echappe au savoir-faire des trafiquants. Au fil des ans, le bazar du faux se transforme en veritable industrie de la copie. Le pseudo-fabricant s'equipe de machines tres perfectionnees utilisant l'ordinateur pour reproduire le produit convoite avec plus d'exactitude et a plus grande echelle. Une simple disquette contenant la topographie des cotes commande l'action du robot-copieur coupant des milliers de vetements. Depassees, les montres napolitaines au cadran trompeur et au ventre vide, qui se vendaient jadis sous le manteau et ne fonctionnaient... qu'une heure, le temps de la transaction. Leurs descendantes, made in Singapour, ont une horlogerie fiable. L'artisan isole bricolant dans le fond de son garage a encore de quoi vivre. Ainsi a Ancone, dans la province italienne des Marches, les ateliers artisanaux mobilisent toute la famille autour de son chef et d'une ampoule nue pour coudre les chaussures coupees ailleurs sous l'autorite d'une entreprise ayant pignon sur rue. Ici, a en croire les statistiques, ni chomeurs ni lois sociales ! Et peu d'autonomie : le chef de famille est aux ordres d'un fabricant omnipuissant. Naturellement, ce travail au noir est associe a la contrefacon. Mais celle-ci, desormais, structure sa production en " PME " efficientes. De recentes saisies operees a Roissy le confirment : logiciels, cafetieres Melchior et compacts de l'opera Carmen sont si minutieusement copies qu'il faut avoir l'oeil averti... La concurrence sevit sur le marche de cette nouvelle industrie. La course aux profits rapides et peu risques appate des chevaliers sur tous les continents. " Les Turcs cassent les prix du pret-a-porter ", constate un expert de la chasse aux faux. Au grand dam des Thais, ancetres dans le metier clandestin. En 1987, Apple a moins vendu de Macintosh que ses concurrents deloyaux inondant le marche mondial d'appareils a moitie prix, affirme ce meme expert. " Combien sont-ils, ces clandestins, a s'arracher les parts de ce gateau ? Impossible a preciser. Ils sont nombreux. C'est tout ce que l'on peut dire. " Le faux Apple n'est a l'evidence pas fabrique dans un " laboratoire artisanal " d'Ancone, mais sur les chaines d'une " PME " installee a Taiwan ou aux Etats-Unis, utilisant les techniques de pointe. La distribution emprunte, elle aussi, des meandres tres elabores. Le temps de la prohibition est de retour. Le cloisonnement est roi. Le vendeur en bout de chaine ignore l'identite du grossiste, qui ne sait rien du fabricant. Pour en temoigner, ici ou la sur les cinq continents, les anecdotes ne manquent pas. Ainsi a Paris, les parfums sous le label Gucci sont ecoules selon un mode original de diffusion. Les jeunes " VRP " sont recrutes sur annonce : " Voyages assures en Europe et au Moyen-Orient ". Les livraisons sont adaptees au gout de chaque client : le meme Gucci est plus corse pour les belles des emirats que pour les discretes Francaises. Sa transaction terminee, le " VRP ", dans sa chambre d'hotel, doit encore remplir pour son employeur de savants " tableaux de correspondance " afin de brouiller les pistes d'un eventuel controle fiscal. Pour sa part, la firme Valeo (mecanique automobile notamment) a decouvert recemment a ses depens une autre escroquerie. Des acheteurs se plaignaient d'avoir recu par poste des pieces defectueuses. Verification faite, il s'agissait de faux. Un escroc - dont il fut impossible de retrouver la trace - avait habilement substitue aux " vrais " ses propres copies, tout en gardant l'emballage authentique. Cette distribution de l'ombre sait se faire experte en marketing. A Paris, par exemple, la fausse Lacoste confectionnee par le meme contrefacteur se vend a Passy le double de ce qu'elle se brade a Belleville. IDG, de Rotterdam, prefere la recette type Tupperware. Elle organise une soiree dans un faubourg de Bruxelles. Lieux de predilection : une salle de bal ou un cinema desaffecte. L'invitation se fait de bouche a oreille. Quand la fete commence, les invites passent a la caisse et repartent, en echange d'especes, avec leur stock de pseudo-Lacoste. Le tour est joue. La distribution se deplace aussi au gre du mouvement des grandes zones de consommation. Rayon " objets de luxe ", elle favorise, sans exclure l'ordinaire, au jour le jour, des concentrations urbaines et les lieux du tourisme de masse : l'Italie au charme eternel comme le Middle-East secret ou l'Extreme-Orient. L'electromenager prefere envahir l'Europe. Les medicaments ou les pieces detachees debarquent plutot dans des pays moins developpes. Le fameux marche aux voleurs de Vintimille et celui d'Orchard Street a Bangkok gardent leurs adeptes. Le Grand Bazar d'Istanbul elargit sa clientele. Le " Black Market " du Limbourg, a la frontiere commune entre la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, attire, lui, de nouveaux venus. Dans la perspective du marche unique de 1993, le Benelux est en passe de devenir la plaque tournante en Europe des contrefacons en tout genre. Tel le veut le progres. Au rythme des ameliorations techniques et des variations de la mode touristique, les pirates modifient leurs plans. Ils fuient le dedouanement couteux et risque en jouant sur les differences de degres repressifs entre les reglementations nationales. Industriels de mieux en mieux organises, ils modifient la geographie du faux. Les pays developpes, deja consommateurs, deviennent producteurs. Les Etats-Unis a eux seuls alimenteraient pour un cinquieme le marche avec un gout prononce pour la haute technologie de l'aeronautique et de l'electronique ; sans negliger riches parfums et bijoux. La Suisse, le Canada sont entres dans la danse. Mais, a ce jour, l'Asie tient encore le haut du pave : la Coree du Sud devance Taiwan, Singapour, Hongkong et Manille : les " petites mains " n'y coutent guere. Mais qui donc fait vivre cette industrie florissante ? Quels sont les seigneurs de cette guerre commerciale ? Retour a l'interieur des frontieres europeennes... La voiture conduite par un detective quitte Delft et longe la voie ferree de l'" Intercity ". Soudain, en contrebas, emergent les caravanes d'un " Autokampen " (village de caravanes). En rangs serres, comme autour d'une place de village fortifie qu'entoure une muraille de carcasses de voitures empilees les unes sur les autres. Pas ame qui vive en ce midi. Le rideau se souleve aux fenetres d'une caravane : plein champ sur un vaste canape de cuir blanc, un lustre de cristal de Boheme et les visages hostiles d'un couple surpris par la visite importune. Dans ce village de caravanes, comme dans les dizaines d'autres existant sur le territoire, la police neerlandaise fait des rondes aussi rares que breves. Pourtant, elle devine, elle sait... L'Autokampen abrite, en effet, tous les trafics. Ses membres - roms ou autres - jouent les intermediaires dans la production et la distribution de contrefacons. Nouvelle corde a leur arc, qui va de la drogue a la voiture volee, en passant pas les P 38. Le reseau a ses liens avec le milieu du crime organise. L'argent sale circule cash, d'un bout a l'autre de la chaine. La " prise " de Rotterdam en fevrier 1988 - haschisch et faux Lacoste - illustre tout autant l'imbrication des divers trafics. Les Pays-Bas ne font pas exception. Un recent rapport americain du Comite de l'energie et du commerce cite de nombreuses preuves de ce phenomene nouveau. Filiere commune pour heroine et fausses montres a Bangkok, cocaine et faux medicaments au Bresil. Aux Etats-Unis, reseau de fausses cartes de credit et double filiere " montres-drogue " crees sous le controle de la Mafia. Distribution en Italie d'objets de luxe sous l'autorite de la Camorra, qui fait venir des centaines de clandestins africains que l'on voit jour et nuit harceler le touriste dans les rues napolitaines ou milanaises. Les yakusas japonais sont tout aussi actifs. La mort est promise a celui qui trahirait. En echange, ils financent et organisent le trafic a des taux dignes des usuriers les plus retors : de 60 a 100%. De ces constats ponctuels ressort une evidence parmi d'autres : le crime organise a pris pied dans l'industrie de la contrefacon. " Le role de la Mafia est en pleine croissance ", confirme le rapport du Comite de l'energie et du commerce americain. C'est ainsi qu'elle procede pour blanchir ses benefices d'autres trafics ou pour disposer plus rapidement et a moindre risque de tresorerie cash avec laquelle elle paiera ses achats de drogue ou d'armes. La mainmise du " milieu "sur la contrefacon s'explique aussi par les profits sans doute moins eleves que dans certains domaines, mais tellement plus surs. Place aux specialistes serieux. Tenant les renes de cette structure industrielle, le crime organise est a l'affut de nouveaux horizons... Raison sociale : redresseur de torts. Ou " Assistance a la gestion des interets oublies ". A trente-sept ans, Bernard Guillen n'a pas vraiment l'allure d'un philanthrope. Et pour cause : Agio, la societe lyonnaise d'une vingtaine de personnes qu'il a lui-meme creee fait de l'argent avec les erreurs des autres, le trop taxe comme le surfacture. Son job : traquer l'economie. Son argument massue : " Mieux vaut la moitie de quelque chose que la totalite de rien du tout. " Une idee de bon sens qu'il a encore du mal a imposer. Lorsqu'il debarque en 1982 dans la filiale informatique d'une grande banque nationalisee, le jeune PDG d'Agio n'en mene pas large. La recommandation d'un de ses anciens professeurs de Sup de Co Lyon a fait office de sesame. Suffira-t-elle pour autant a lui epargner une scene d'hilarite generale lorsqu'il formulera sa proposition ? L'homme en doute. " Laissez-moi consulter vos declarations et avis de paiement de taxe fonciere et de taxe professionnelle. Je peux vous faire gagner de l'argent, annonce-t-il a ses interlocuteurs quelque peu ahuris. Si je ne trouve rien, pour vous l'operation est blanche. Vous ne me payez pas. Par contre, si vous etes sur-impose, 50 % du degrevement que je vous obtiens sont pour moi. " La formule est pleine d'astuce, mais la demarche encore presomptueuse. Agio, qui vient de se creer, n'a aucune experience a faire valoir en matiere de fiscalite locale. Bernard Guillen vend sa bonne mine et une certaine notoriete acquise aupres des chefs d'entreprise de la region Rhone-Alpes. Installe a Grenoble en 1981, Bernard Guillen a permis a certains d'entre eux d'obtenir reparation de leurs etablissements de credit, apres avoir decele dans leurs releves des commissions " musclees " bien superieures au taux de l'usure. Devant des banquiers, ce n'est pas la meilleure des cartes de visite. Qu'importe ! L'affaire est conclue. Elle en appellera d'autres. Marketing efficace, gout des formules chocs (" Agio, le Robin des Bois des entreprises ") et quelques jolis coups realises (dont un degrevement record de 600 000 francs) : sept ans apres sa creation, la societe est montee en graine. Elle dispose desormais d'antennes a Paris, en Bretagne, en pays de Loire et dans sa region d'origine, la Haute-Savoie. Son chiffre d'affaires a depasse les 4 millions de francs en 1988. Son PDG annonce avoir franchi le cap des 6 millions pour cette annee. La taxe professionnelle reste le produit vedette. Affreusement compliquee a calculer, elle est souvent source d'erreurs, dans les deux sens d'ailleurs. " On a eu des clients sous-imposes pour 1,5 million de francs. On a procede a une evaluation rapide du redressement auquel ils s'exposaient si d'aventure un verificateur... C'etait assez effarant. Comme il s'agissait reellement d'une erreur, ils nous ont enroles comme consultants pour les aider dans leur declaration. " Autre " niche " peu exploitee et particulierement opaque : les prelevements URSSAF en matiere de cotisations du travail. Le PDG d'Agio procede toujours de la meme maniere : il flaire le filon, se concilie les services d'un specialiste pointu (dans ce cas precis, un docteur en droit du travail) et lance ses equipes commerciales dans la bataille. Seulement la, l'exercice est perilleux. L'image de marque en prend un coup lorsqu'on ergote sur la qualification d'un accident du travail ou sur la nature du risque supporte par les salaries. La societe a des rapports plutot tendus avec les experts-comptables, qui estiment leurs competences mises en cause a chaque trop paye identifie. Les grands cabinets d'audit, " regles au taximetre quel que soit le resultat ", ne l'apprecient pas davantage. L'obstination mise par les equipes d'Agio a obtenir des degrevements ne risque-t-elle pas d'amener des retours de baton de l'administration fiscale, glissent certains conseils juridiques ? Bernard Guillen s'en defend : C'est tres simple : nous disposons de deux anciens verificateurs de la direction generale des impots. Ils sont assez competents pour ne pas prendre a rebrousse-poil une administration qu'ils connaissent. Et la plupart du temps, c'est nous qui freinons notre client. " Et s'estimant inattaquable sur le sujet, Agio s'apprete, sans complexe, a lancer une formule d'assistance a controle fiscal. Ce qui fait rever Bernard Guillen ? Les vastes horizons que dessinent a sa societe tous les gisements potentiels d'economies non encore exploites. " Les frais generaux, c'est trop touffu. Mais pourquoi ne pas s'attaquer au transport, a la logistique ?... " Faux-faux Chanel, vrais-faux Liberto, faux-vrais Vuitton, vrais-vrais Saint Laurent, etc. Casablanca la blanche, l'industrieuse capitale economique du Maroc prend de plus en plus des allures de petit Seoul. Des echoppes crasseuses de la Medina aux boutiques les plus modernes du centre, c'est une debauche d'articles griffes, d'allure plus ou moins authentique, pele-mele, tous les grands noms de la maroquinerie et de la mode francaise et italienne. Une contrefacon doublee de contrebande ou l'habitue a vite fait de reperer la franche copie (le faux-faux), de l'article fabrique sur place sous licence (le vrai-vrai), en passant par tous les stades intermediaires comme le modele imite, mais fabrique avec des matieres premieres authentiques importees (le " faux-vrai ") voire la copie executee en sous-traitance pour un maitre copieur etranger (le " vrai-faux ")... Tous les cas de figure existent des lors que le Maroc est devenu l'un des principaux centres de sous-traitance des industries de la confection et du cuir europeennes. Des marques les plus reputees jusqu'aux entrepreneurs du Sentier, peu resistent a l'attrait de salaires huit fois et demie moins eleves a une portee d'avion du Vieux Continent. " A partir du moment ou les industriels se delocalisent, la contrefacon est presque inevitable ", constate le conseiller commercial a Rabat, assurant ne recevoir somme toute que fort peu de plaintes des interesses. Il est vrai que la contrefacon, realisee pour l'essentiel par les innombrables ateliers clandestins qui peuplent les ruelles surchauffees de " Casa ", se limite jusqu'ici au marche local. Les entreprises ayant pignon sur rue se reservent, elles, l'exportation et se gardent bien en general de " tuer la poule aux oeufs d'or " en se risquant dans la contrefacon. " Le marche local c'est la jungle, on ne peut pas lutter ", explique Mr Dahan, patron d'une bonneterie de 100 personnes, " Record Casa ", qui travaille a 99 % pour des clients etrangers : Rodier, Saint Laurent, Crossword, etc. " Pour vendre, ici, il faut vendre francais ou italien. On laisse ca aux petits ateliers, les " Rank Xerox " de la confection qui vont deux fois l'an a Paris pour les collections et achetent 20 ou 30 pieces qu'ils copient toute l'annee. " Un partage des genres de plus en plus bouscule par l'irruption recente sur le marche de la sous-traitance marocaine des entrepreneurs du Sentier, eux-memes specialises dans la " copie conforme " des marques et modeles populaires sur le Vieux Continent. On trouve ainsi, des tee shirts Liberto, fabriques au Maroc pour le compte d'une des plus grandes maisons du Sentier, et exportes en toute legalite par le producteur local, conscient de son bon droit : " Ce n'est pas nous qui copions... " Bien que l'industrie locale se soit hissee a un niveau tout a fait comparable - voire parfois superieur - aux normes europeennes, le prestige de l'article importe reste intact et justifie tous les derapages. Ici, tous les polos doivent s'appeler Lacoste, les chemises de nuit Valisere, les jeans Lewis - et meme si possible " 501 ", - les tennis Adidas, les tee shirt Naf Naf ou Benetton pour avoir une chance de se vendre... a des prix variant parfois du simple au double, non en fonction de la qualite intrinseque du produit, mais de la credibilite du vendeur. Dans la meme boutique du centre de Casa un ensemble Valisere sera vendu 140 F ou 320 F, selon que le tissu est importe ou local. Un meme sac de voyage, fabrique dans un cuir Vuitton se negocie 350 F dans les echoppes de la Medina, 700 F dans les boutiques du centre ville, et 1 750 F dans la galerie marchande d'un palace, contre plus de 5 000 F pour l'original a Paris ! Une tentation irresistible pour les touristes meme les mieux places. On raconte a Rabat que des membres de la famille Hermes, en visite a Marrakech, ont achete des copies de la noble maison, si parfaites - mis a part les ferrures - qu'" a ce prix-la, cela valait la peine "... meme pour eux. Couturiers, parfumeurs mais aussi restaurateurs, laboratoires pharmaceutiques et meme journaux : beaucoup d'activites doivent proteger leurs marques, leurs modeles ou leurs brevets de fabrication. Comme quelques autres, Helene Petit s'est fait une profession de les y aider. En France, une soixantaine de cabinets se sont specialises dans le domaine de la propriete industrielle, ce qui souvent inclut la lutte contre les contrefacons. " Notre travail consiste a gerer le portefeuille de marques et de brevets de nos clients ", explique Helene Petit dont le cabinet cree en 1983 emploie dix-sept personnes dont quatre juristes. Ancienne eleve de l'ecole de chimie de Lyon, Helene Petit a toujours travaille dans le domaine des brevets. La recherche d'anteriorite, les procedures d'enregistrement, le depot d'une marque dans un ou plusieurs pays et les systemes de renouvellement n'ont plus de secret pour elle. Toutes ces demarches constituent un parcours oblige pour une entreprise ou un createur qui souhaite proteger sa creation artistique ou ses inventions industrielles. " Cette gestion du portefeuille des marques et des clients inclut une surveillance permanente, donc une lutte contre les copies, explique Helene Petit. Mais il arrive aussi que certains clients nous saisissent uniquement en cas de contrefacons. " La surveillance des marques et la lutte contre les contrefacteurs suppose d'avoir des systemes d'observation des marches et des produits a travers le monde. Pour cela les cabinets tel que celui d'Helene Petit recourent a des services specialises qu'ils chargent des investigations. Ensuite, ils engagent avec des avocats, si necessaire, les poursuites judiciaires. En realite, tous ces problemes de protection des marques de la creation et des brevets sont extremement complexes. Des parts de marches importantes et donc des sommes financieres considerables sont en jeu. Et nombreux sont ceux qui profitent de la moindre faille. D'ou la necessite d'etre tres vigilant sur tous les contrats de licence ou de franchise, par exemple, dont les cabinets tels que celui d'Helene Petit s'occupent aussi de traquer les pieges. Comme la plupart des professions liberales, ces cabinets de conseils voient avec inquietude l'horizon 1933. Ils savent en effet qu'a partir de cette date, les Allemands et les Britanniques pourront venir s'installer en France. Et surtout les grands cabinets americains auxquels il suffira de se doter d'un specialiste des brevets. De lourdes pertes pour la division automobiles, une recherche d'alliances urgente, et une vive concurrence dans les secteurs camions et aeronautique : le constructeur suedois entre dans la zone des tempetes. LE griffon couronne, l'orgueilleux embleme heraldique du groupe Saab-Scania, tire toujours la langue, mais, aujourd'hui, c'est d'etre etrangle par un etau qui se resserre de jour en jour. L'inauguration officielle, vendredi 20 octobre, de la nouvelle usine de montage de Malmo, fief d'origine de Saab, n'aura guere apporte la touche d'optimisme qui aurait pourtant ete bienvenue dans le contexte de l'annonce simultanee des resultats du groupe pour les huit premiers mois de l'annee et de la rupture des negociations avec Ford. Saigne par l'hemorragie de la division automobiles qui s'est poursuivie depuis le printemps a un rythme accelere, le groupe presente des resultats considerablement affaiblis par rapport a la periode correspondante de l'annee passee : 1 003 millions de couronnes de benefice (autant de francs) pour les huit premiers mois de 1989 contre 1964 jusqu'a fin aout 1988, et le bilan total de 1989 sera selon toute probabilite encore pire. Pour la division automobiles, la situation est plus que critique face a une concurrence feroce. De 450 millions de couronnes de deficit pour les quatre premiers mois de l'annee, " l'evolution negative des resultats " - selon l'euphemisme du PDG du groupe Saab-Scania, Mr Georg Karnsund - s'est effectivement poursuivie comme il l'avait predit, pour atteindre 800 millions en juin et 1,2 milliard a la fin du mois d'aout. En decembre, elle devrait atteindre 1,8 milliard de couronnes, alors qu'il y a seulement deux ans la division avait realise un benefice de 720 millions de couronnes. En fait, Saab a vendu 86 900 voitures jusqu'ici cette annee, soit 500 de plus que l'annee derniere, mais elle a perdu 14 000 couronnes sur chacune. La baisse de 12 % des ventes sur le marche nord-americain, pourtant prioritaire pour la societe, serait la cause des maux qui la frappent, d'autant que cette baisse n'a pu etre compensee par la remontee sur les marches d'Europe occidentale et d'Asie. Les mesures de rationalisation entreprises au niveau du personnel (1 500 emplois doivent disparaitre " naturellement ", espere- t-on, d'ici a 1991, soit un dixieme du personnel de Saab-voitures) et l'effort de restructuration du management, que d'aucuns jugeaient particulierement necessaire, bien que la direction s'en defende, n'apporteront pas de resultats immediats. Il apparait dans ces conditions irrealiste que Saab se redresse seul sans aide exterieure comme l'affirmait encore la direction en juin dernier. Aujourd'hui, on n'en est plus la, et il s'agit de faire vite pour trouver le partenaire adequat..., mais pas a n'importe quel prix. Ainsi, les negociations avec Ford entamees le 4 septembre dernier ont echoue faute d'avoir abouti a un " resultat acceptable pour les deux partenaires ", indiquait vendredi a Malmo Mr Karnsund. Ce resultat acceptable aurait ete, selon Detroit, que les deux parties arrivent a " quelque chose de constructif ", mais tel n'a pas ete le cas. La seule " explication " donnee par Saab est que les deux entreprises se ressemblent trop, qu'elles visent les memes segments du marche et que, " pour cooperer, il faut se completer "... Mais pas un mot, par exemple, sur le trop grand interet que Ford aurait manifeste pour les poids lourds Scania. Plutot que de lacher 51 % a l'americain, qui aurait retrouve ainsi une Europe qui le boude, le groupe suedois prefere continuer sa prospection parmi les allies possibles. Aujourd'hui, on reparle de Fiat, avec lequel Saab avait, avec bonheur et 2 milliards de couronnes d'economie, developpe sa " 9000 " sortie en 1984. L'italien pourrait apporter des ressources financieres et participer au developpement du " projet 102 " - la construction du prochain modele de Saab, auquel manquent les quelque 10 milliards requis pour cela. Lundi, la direction de Saab confirmait d'ailleurs les pourparlers en cours avec Fiat. Peugeot, autre " possible ", presenterait, malgre une bonne sante nouvellement recouvree, l'inconvenient de ne pas etre complementaire mais concurrent : la 605, dont on dit en Suede le plus grand bien, ferait de l'ombre a la 9 000. La seule branche du groupe qui ait ameliore ses resultats est celle des poids lourds. La aussi, cependant, l'avenir menage des problemes : la demande diminue sur le marche sud-americain et celui d'Europe occidentale montre des signes de saturation. Scania a beau occuper la cinquieme place mondiale de la specialite (derriere Volvo, cependant) avec des produits qui ont leurs aficionados irreductibles, la concurrence s'organise et, aussi aureole de prestige qu'il soit, le camion extra-communautaire aura du mal a maintenir a la longue sa part face aux " mariages " europeens qui se negocient. Et puis, troisieme volet des preoccupations du groupe : la division aeronautique. Du cote civil, avec le SAAB 340-B, pas de probleme, le turbo-jet developpe a l'origine avec Fairchild se vend tres bien. C'est, entre autres, l'appareil qu'a choisi American Airlines pour equiper la flotte de sa compagnie regionale American Eagle. Saab, qui a signe un contrat de 700 millions de couronnes avec la compagnie regionale suedoise Saleniz Aviation AB pour dix courts-courriers turbopropulses, a recu en debut de semaine une autre commande des Etats-Unis, de 2 milliards de couronnes. La compagnie Expresslines de Memphis (Tennessee) a en effet passe un marche de trente-cinq appareils dont quinze SAAB 340. Le Saab-2000 (version allongee a 50 passagers du 340) n'est encore qu'a l'etat de projet, mais son carnet de commandes se remplit deja : Expresslines en recevra dix entre 1993 et 1996. La societe a demande, pour le developpement de l'appareil, une aide a l'Etat de 1,5 milliard de couronnes, qui devrait selon toute vraisemblance lui etre accordee. Mais du cote militaire, c'est, la aussi, l'hemorragie : le retard accumule dans le developpement de l'avion de chasse et d'attaque Jas-39 Gripen (Griffon) et aggrave au printemps dernier par l'avarie en vol d'essai du prototype rend les couts deja astronomiques. Mais, trop avance desormais pour etre abandonne, ce projet orgueilleux (le dernier sans doute du genre) a des chances d'etre mene a terme, et le Griffon volera. Il doit bien cela aux contribuables. Comme Volvo, Saab compte sur le controle du groupe sur ses propres elements pour combattre l'absenteisme, fleau de l'industrie suedoise. Chez Saab, il est de 25 %. Cette nouvelle conception du travail devrait, espere la societe, reduire de moitie le temps de production par unite de voiture. Les 1 300 employes qui seront sur place a la fin de l'annee produiront en principe 38 000 unites des la fin de l'annee prochaine. Les installations sont pourtant prevues pour 60 000, voire 90 000 unites. De Saab ou d'hybrides. Il refuse de parler de l'avenir de Saab-Scania et pourtant il en est maintenant, avec 16 % du capital (plus de 2 milliards de couronnes, avec une action a 255 couronnes), le principal actionnaire particulier a travers sa societe d'investissement, Barkman, dont il est seul proprietaire. Pourquoi n'investit-il pas plutot dans Volvo, plus stable par les temps qui courent que son concurrent ? " Saab ne met pas Barkman en danger ", indiquait-il il y a un mois a la television suedoise. Et si le cours changeait ? " Nous avons les reins solides. " Sven-Olof Johansson, un universitaire converti aux affaires qui s'habille elegamment et conduit... une Ferrari, ne veut pas non plus expliquer ses motifs. En revanche, il affirme, et tout porte a croire qu'il n'a pas tort, que " l'industrie automobile suedoise changera de physionomie dans les annees 90. " Apparemment, il prepare ses pinceaux pour mettre la patte au nouveau portrait s'il est vrai, comme il l'a dit par ailleurs, qu'il a une petite idee derriere la tete sur la maniere de renverser l'evolution negative de la production automobile. Du cote de l'empire Wallenberg, le grand proprietaire de Saab-Scania, avec 23,9 % du capital et 27,1 % des voix, on affiche la plus exquise courtoisie d'affaires - pour l'exterieur - lorsque le sujet Johansson est aborde. On assure entretenir avec lui des contacts sur une base tout a fait amicale en esperant que la cooperation sera bonne. Cela a plutot des allures de paix armee. Sven-Olof Johansson achete, Wallenberg ne bouge pas. D'autres se depechent de vendre. " Nous prenons des risques calcules ", dit-il encore. Les sceptiques secouent la tete : pour eux, Mr Johansson ne tiendra pas. Mais le gouvernement suedois, qui voulait en savoir davantage sur ses intentions, l'a convoque lundi 23 octobre pour qu'il donne des explications au ministere du commerce sur la nature des responsabilites qu'il serait pret a prendre. LE Monde du 11 octobre a publie un texte de Noel Raimon et Patrice Wolf, intitule " Associations : ethique et generosite " qui m'a suggere certaines reflexions. Depuis quelque temps, les associations sont gatees. De nombreux professeurs de bonne conduite se precipitent a leur chevet : parlementaire en mal de citations au Journal officiel ; fonctionnaire, qui, s'il ne subventionne plus, a des idees sur ce que les associations doivent faire ; journaliste qui vient de trouver l'affaire que l'on ressort periodiquement a propos de la celebre association qui a fait un fameux " plante " dans une campagne de collecte ; voire commissaire aux comptes qui a fait les siens. L'Etat de droit ne s'appliquerait-il pas aux associations ? Que nos censeurs soient rassures : il s'applique, et avec la meme rigueur qu'ailleurs. Certains l'ont decouvert a leurs depens. Les lois sur la publicite mensongere ou trompeuse, sur les difficultes economiques des entreprises, sur l'escroquerie a la charite publique, s'appliquent aussi aux associations. Qui s'en plaindra ? Les associations " beneficient " aussi de controles fiscaux qui donnent lieu a des redressements sans pitie. Les textes reglementaires sur le controle des subventions publiques aux associations sont nombreux, meme s'ils ne sont pas toujours appliques. La Cour des comptes et les chambres regionales s'interessent aussi aux associations. Sans compter les tribunaux civils, voire les tribunaux de commerce ; les inspections generales des ministeres de tutelle et celle des finances. Bref, il ne manque pas de controleurs pour se pencher sur les associations et decouvrir que parmi les 700 000 associations francaises, il se cache quelques personnes malhonnetes ou que certaines associations commettent des erreurs de gestion ou des erreurs tout court. Bien sur, de tels faits sont toujours regrettables et dommageables a l'ensemble du secteur associatif. Mais ne faut-il pas justement relativiser ces quelques bavures a l'echelle de ce secteur aussi disparate qu'important ? Les associations n'ont pas attendu les doctes recommandations de quiconque pour agir en faveur de la transparence et pour mettre en place une deontologie. Des 1987, a l'initiative d'Antoine Vaccaro et de Voie privee (la Lettre du Fund Raising), un grand prix de la transparence a ete cree pour recompenser les associations faisant des efforts particuliers dans ce domaine. Aide et Action et la Fondation Raoul-Follereau ont ete les premiers recompenses. Dans le numero de janvier 1988 de ce meme periodique, j'ai publie un article proposant, apres d'autres, la creation d'une charte de deontologie s'appuyant sur un label et un comite de label, s'inspirant de ce qui existe dans la vente par correspondance. Les associations concernees ont repris cette idee, qui a muri dans les differents cercles associatifs, tels l'UNIOPPS et la FONDA. Les grandes lignes d'une charte de deontologie, d'un label et d'un comite de surveillance sont maintenant tracees, a l'issue d'un travail de plusieurs mois. Les principes definis par les associations ressemblent a s'y meprendre a ceux que nous proposent MM Raimon et Wolf, heureusement inspires ! Deja bien encadrees par le dispositif juridico-administratif et fortes de leurs convictions, les associations regleront elles-memes leurs problemes de deontologie. En attendant, elles continueront a travailler au quotidien pour aider les plus demunis du tiers ou du quart-monde a vivre et a faire entendre leur avis, pour rendre la vie de tous plus agreable et plus riche, ou pour faciliter le fonctionnement democratique. Et pour tout cela, il faut de l'argent. De l'argent public et prive. Que ceux qui continuent - et ils sont heureusement nombreux - a soutenir les associations en depit des discours medisants sachent que leur confiance n'est pas mal placee. QUEL est le juste partage social ? La surestimation du possible conduirait a sous-estimer les efforts necessaires pour preparer l'avenir. Nous sommes certes aujourd'hui dans une phase de " croissance retrouvee " (au moins par rapport aux annees precedentes), de profits reconstitues, et de desinflation accentuee. Mais nous ne pouvons distribuer d'une annee sur l'autre que le revenu supplementaire genere par l'accroissement de la productivite globale de l'economie. Des la premiere moitie des annees 60, Pierre Masse avait clairement percu que la croissance economique etait menacee par une evaluation inexacte des marges de manoeuvre. Son jugement s'appuyait sur l'analyse du surplus de productivite. La methode n'a rien perdu de sa pertinence. Actuellement, la productivite globale croit de facon moderee et a un rythme tres inferieur a celui du produit interieur brut. D'une part, la productivite du capital progresse lentement, parce que nous sommes en train de reconstituer nos capacites de production et d'accelerer notre modernisation. En 1989, l'investissement productif augmente deux fois plus vite que la production - environ 6,5 %, - ce qui est d'ailleurs un objectif du Xe Plan. D'autre part, la croissance de la productivite du travail se ralentit. Les entreprises adaptent leurs comportements au retour de la croissance et acceptent plus facilement d'embaucher. Les services aux entreprises et aux particuliers contribuent fortement au developpement de l'emploi. En 1989, l'economie francaise aura sans doute cree pres de deux cent cinquante mille emplois. Nous devons nous feliciter d'une telle performance. C'est, la encore, un des objectifs du Xe Plan. En bonne logique, il faut constater que la remuneration des facteurs supplementaires de production, travail et capital, representera deux points d'une croissance evaluee aujourd'hui a 3,5 %. Enfin, cette annee, le prix de nos importations s'eleve plus rapidement que celui de nos exportations, en raison de la hausse du dollar et du prix des matieres premieres. Il en resulte un transfert au profit de l'exterieur de 0,5 %. Le surplus qui reste disponible pour l'augmentation du pouvoir d'achat est donc de l'ordre de 1 %. Au-dela, ce ne sont plus les fruits de la croissance que l'on distribue, mais des illusions, de l'inflation a une echeance plus ou moins rapprochee. Nous retrouvons les principes de repartition enonces par le premier ministre et le ministre de l'economie et des finances sous la forme de la " regle des trois tiers ". Loin d'etre arbitraire, cette repartition est la seule qui soit compatible avec la preparation de l'avenir, la stabilite du franc et la construction europeenne. Bien entendu, cette contrainte ne signifie pas que l'on soit quitte avec le probleme des inegalites et des injustices, vivement ressenties par l'opinion. Meme avec une enveloppe limitee, la negociation sociale reste un enjeu considerable, a l'echelle de la branche comme a celle de l'entreprise, avec le delicat equilibre des differentes composantes des remunerations : avancement automatique ou au choix, interessement et participation. Et le traitement des situations les plus injustes est necessairement au coeur de cette negociation. Il faut aussi donner toute leur importance aux reformes structurelles, aussi complexes qu'elles soient : les carences dans notre systeme de redistribution et de transferts sociaux, le caractere trop inegalitaire de nos politiques du logement, de l'education et de l'emploi, les faiblesses bien connues de notre fiscalite et notamment celle des patrimoines. Les solutions miracles n'existent pas, mais les exemples etrangers nous montrent qu'une volonte politique s'appuyant sur la duree permet d'obtenir des ameliorations significatives. Un exemplaire de la Porte de l'Enfer, de Rodin, vient d'etre achete par la prefecture japonaise de Shizuoka. Un bronze " original " de Rodin peut etre tire douze fois, a partir d'un platre. Huit exemplaires portent des chiffres arabes (1 a 8) et quatre, des chiffres romains (I a IV). Ces derniers sont reserves aux institutions (musees, fondations, etc.) et ne peuvent, en principe, etre revendus. Certaines oeuvres sont maintenant epuisees (le Penseur ou le Balzac). D'autres peuvent encore etre fondues, comme cet exemplaire de la Porte de l'Enfer. Le prix d'une oeuvre varie en fonction de sa taille et de la complexite de la fonte. Un bronze de petite taille (une douzaine de centimetres ) est vendu a partir de 300 000 F. Une oeuvre de grande taille, comme l'un des Bourgeois de Calais (2 metres environ), vaut 2,5 millions de francs. Un groupe - les Trois Ombres, - 6 millions de francs. La Porte de l'Enfer, un travail monumental, a ete vendu 1 milliard de yens soit plus de 30 millions de francs. Inutile de dire que ce droit, tout a fait legal, est conteste par certains. En effet, affirment ces derniers, l'artiste n'est plus la pour verifier la bonne qualite de son oeuvre qui risque de s'alterer au fil des tirages : les moules peuvent se deformer et le resultat, imparfait, necessite l'intervention de praticiens qui n'ont pas necessairement la meme sensibilite que l'artiste. La legislation ultraliberale dont est dotee la Grande-Bretagne en matiere d'avortement depuis 1967 va probablement etre modifiee dans les mois qui viennent. Le gouvernement est maitre du calendrier, mais le debat sur l'avortement aura necessairement lieu au cours de la prochaine session parlementaire qui commence le 21 novembre. Le discours du Trone, qui ouvre cette derniere, doit en effet contenir l'annonce d'une nouvelle loi concernant les experiences medicales sur les embryons humains. Celles-ci seraient autorisees jusqu'au quatorzieme jour d'existence de l'embryon. Les militants du droit a la vie, totalement opposes a toute experimentation de ce genre, deposeront a cette occasion un amendement abaissant la date limite pour les avortements. Ils sont decides a bloquer le travail parlementaire si on ne leur donne pas satisfaction. Or le gouvernement souhaite combler le vide juridique a propos des experiences sur les embryons... Mme Thatcher est personnellement favorable a une periode legale de vingt-quatre semaines. Son opinion est fondee sur l'avis de l'Association des medecins britanniques, selon lesquels un foetus peut etre viable apres cette date. Mme Thatcher avait evite jusqu'ici de politiser le debat qui surgit regulierement sur cette question depuis des annees et laissait ses ministres, de meme que les deputes conservateurs, voter " selon leur conscience ", sans discipline de parti, lorsque les partisans du droit a la vie cherchaient a modifier la loi de 1967. Le Sunday Times et le Sunday Telegraph affirmaient, dimanche 22 octobre, qu'elle avait change de tactique et allait lors de la prochaine session parlementaire imposer une ligne gouvernementale precise. En l'absence de la " Dame de fer ", en voyage en Extreme-Orient, le cabinet dementait energiquement. Cette fois encore, affirmaient les ministres concernes, le vote serait libre... L'avortement etait une pratique frequente en Angleterre jusqu'au dix-huitieme siecle. En 1803, le Parlement legiferait pour la premiere fois pour limiter cette pratique, mais les poursuites judiciaires etaient extremement rares. L'avortement devenait illegal sous la reine Victoria en 1861, assorti de peines de prison tres lourdes et parfois meme de la peine de mort. Un peu plus d'un siecle plus tard, en 1967, le depute liberal David Steel faisait adopter la loi autorisant l'interruption de grossesse jusqu'a la vingt-huitieme semaine. Symbole de la societe permissive des annees 60, ce texte suscite une contestation croissante. Les arriere-pensees comptent ici davantage que les realites. L'abaissement d'un mois du delai legal ne changerait a peu pres rien en pratique, puisque sur 172 000 avortements effectues l'an dernier, seulement 22 l'ont ete entre la vingt-quatrieme et la vingt-huitieme semaine. Mais ce serait le premier retour en arriere de ce genre. Les militants du droit a la vie n'avaient echoue que de tres peu en mai 1988 dans leur tentative d'abaisser la limite a vingt semaines. Adopte en premiere lecture par les Communes, le projet du depute catholique liberal David Alton avait ete abandonne a la suite d'une obscure querelle de procedure. Les decomptes successifs avaient alors montre qu'une majorite de deputes etaient favorables a vingt-quatre semaines mais que le Parlement etait divise a peu pres a egalite si le delai etait reduit a vingt semaines. Le debat promet d'etre vif lors de la prochaine session. Les catholiques sont traditionnellement a la pointe du combat. Les arguments des uns et des autres sont presque toujours d'ordre religieux ou moral, et presque jamais lies a une preoccupation nataliste. L'Eglise anglicane a, quant a elle, une position assez ambigue. Elle insiste sur la " compassion "due aux femmes qui veulent interrompre leur grossesse, mais rappelle egalement une declaration de son synode general, adoptee en juillet 1983, dans laquelle elle se disait " gravement preoccupee par le nombre et les consequences " des avortements pratiques en Grande-Bretagne. Le Senat belge a commence, mardi 24 octobre, un debat, en seance pleniere, sur une proposition de loi visant a assouplir la legislation sur l'interruption volontaire de grossesse. En depit de l'opposition sans nuances du principal parti de la coalition au pouvoir, le CVP (Social-chretien flamand), la commission senatoriale competente avait, en effet, decide, en juin dernier, a une majorite confortable (socialistes, liberaux, liberaux francophones et ecologistes), de permettre enfin l'ouverture d'une discussion parlementaire sur ce sujet. Le CVP avait tout mis en oeuvre pour que cette proposition de loi, deposee en 1986 par deux senateurs - le socialiste Roger Lallemand et la liberale Lucienne Herman-Michielsens, - soit enterree, comme le furent les differentes initiatives prises dans ce sens depuis de nombreuses annees. La situation actuelle est paradoxale puisque, si la Belgique est un des derniers pays europeens a ne pas avoir liberalise l'avortement, cette pratique est neanmoins courante et quasi officielle dans certaines regions du royaume. Tout depend, en fait, de la circonscription judiciaire, de la conviction du juge, voire de l'appartenance a l'une ou l'autre communaute du pays. " N'est-il pas etrange que les ailes francophone et neerlandophone de la cour d'appel de Bruxelles divergent dans leur appreciation de l'avortement provoque, l'une envisageant l'evolution de la notion de sante, l'autre s'y refusant ? ", ecrit ainsi Berangere Marques-Pereira dans son livre l'Avortement en Belgique (1). C'est pour mettre fin a cette incoherence que la proposition de loi fut deposee. Si le Senat - ce qui arithmetiquement, ne devrait poser aucun probleme - vote en faveur de ce projet, le texte sera revote a la Chambre. Que va-t-il alors se passer ? Les sociaux-chretiens flamands tenteront-ils de " faire durer " la procedure jusqu'a la fin de l'actuelle legislature (1992), auquel cas, tout devrait ensuite repartir de zero ; ou bien decideront-ils de faire tomber le gouvernement sur ce dossier, ce qui entrainerait une nouvelle election et la mise en route d'une nouvelle procedure ? Quant aux socialistes, revenus au pouvoir a la suite des elections generales de decembre 1987 et qui comptent bien y rester, ils ne semblent pas tentes par une nouvelle traversee du desert. Le noeud semble donc bien serre, d'autant plus que certains murmurent - aucune information officielle n'a, bien entendu, filtre sur ce sujet - que le roi Baudouin lui-meme pourrait mettre son autorite dans la balance, pour ne pas avoir a contresigner une loi qui irait a l'encontre de ses convictions religieuses. La crise politique pourrait se transformer alors en une crise institutionnelle. A moins que l'art consomme des responsables belges pour parvenir a des compromis apparemment impossibles au premier abord, ne triomphe une fois encore. Paris accueille, du mercredi 25 au samedi 28 octobre, un colloque international sur le theme " Patrimoine genetique et droits de l'humanite ". Cette rencontre est organisee conjointement par la Commission des Communautes europeennes, l'Universite europeenne de la recherche et l'universite Jussieu Paris-VII, avec la participation de l'UNESCO et de l'INSERM. Dans l'entretien qu'il a accorde au Monde, Mr Francois Gros, professeur au College de France et biologiste de renommee internationale, souligne le role moteur joue par la France dans la reflexion sur la bioethique. Il prend aussi position, a titre personnel, contre l'eventuelle promulgation d'une loi dans ce domaine. "Pourquoi organiser, aujourd'hui en France, un tel colloque international ? - Il est en train de se passer beaucoup de choses autour de la genetique. D'une part, les aspects pratiques du genie genetique commencent a etre examines au niveau du Parlement europeen et du Conseil de l'Europe. D'autre part, se profile aussi en France une traduction, en termes legislatifs, du rapport Braibant sur la bioethique. Il y a aussi le projet de recherche sur le genome humain, qui est en train de converger vers des decisions de plus en plus precises dans les pays concernes. On doit egalement evoquer le projet "Frontieres humaines" du Japon. " J'ajouterai enfin que les prises de position du Comite national d'ethique francais sur l'experimentation sur l'embryon, ainsi que sur les embryons congeles, n'etaient valables que pour une periode de trois ans, periode qui se termine dans quelques semaines. - Tous ces elements ne changent pourtant pas, sur le fond, la nature des problemes souleves depuis une quinzaine d'annees par le developpement du genie genetique et de la procreation medicalement assistee. - Certes, tout cela ne cree pas une philosophie ou une metaphysique nouvelles. En revanche, l'addition de tous ces facteurs rend de plus en plus necessaires que soient arretees de concert des attitudes precises et concretes. Je ne veux pas, d'emblee, parler de prises de position juridiques, mais de discussions sur ce qu'il convient de faire. Comment devons-nous proceder ? Est-il necessaire de prendre des dispositions au niveau europeen ou international ? Est-il necessaire de legiferer a l'echelon national ? Tout cela est tres important pour l'avenir de la biologie et de la medecine et doit etre imperativement discute entre toutes les personnes concernees, depuis les "acteurs" scientifiques, jusqu'a ceux qui peuvent beneficier de la science ou la subir, la demultiplier ou la communiquer. - Comment coordonner tous ces points de vue, toutes les reunions sur la bioethique ? - Je suis biologiste et, a ce titre, j'assiste a de nombreuses reunions de caractere professionnel et technique sur le theme du genome. La, on parle travail, on echange des idees sur les progres de la connaissance, mais les questions d'ethique ne sont que rarement soulevees. A l'autre extremite, les reunions de juristes auxquelles j'ai pu participer revelent des prises de position extremement intelligentes et interessantes sur des scenarios generalement deja depasses, ou qui n'avaient jamais ete mis en pratique. On y confond le possible et l'actuel. " C'est pourquoi l'idee nous est venue de diviser ce genre de rencontres en deux exercices : l'un, ou l'on donne la parole a des experts parlant de ce qui est veritablement en train de se faire, ainsi qu'a des philosophes, des theologiens qui pourront dire ce qu'ils pensent, sans avoir le sentiment d'etre observes ou nargues par les scientifiques. L'autre ou l'on tentera de realiser un travail plus transversal avec les philosophes, historiens, theologiens. La tache n'est pas aisee, car, en general, l'experience montre que chacun n'ecoute que lui-meme ou ses confreres et ses consoeurs immediats. - Tout en etant un scientifique, vous estimez donc que la science ne possede pas en elle-meme les moyens de mener cette reflexion ethique. Pensez-vous que l'appetit de connaissance et d'action de vos collegues leur interdit, en definitive, de pouvoir mener a bien une telle reflexion ? - Entendons-nous bien. Il s'agit, sur des questions tout a fait precises, d'interroger les scientifiques en leur demandant d'arreter un instant leurs travaux et de reflechir a ce qu'ils font, je suis convaincu que des solutions peuvent etre trouvees. Les scientifiques l'ont deja fait en 1975, par exemple, pour le genie genetique. Contrairement a ce que certains disent aujourd'hui, ils le font aussi pour la dissemination de plantes transgenetiques. En ce qui concerne la procreation medicalement assistee, il serait egalement injuste de dire que toutes les personnes concernees ne se posent pas non plus et a chaque instant ce genre de probleme. " En revanche, ce qui manque, c'est le recul necessaire sur les choses. Les comites d'ethique fonctionnent certainement tres honnetement et, jusqu'ici, de facon assez satisfaisante ; mais vient un moment ou la cinetique du developpement de la recherche devient tellement rapide que la philosophie, la morale n'ont plus le temps de digerer les nouveaux acquis. Il faut donc trouver une dimension plurielle, qui soit autre que celle des seuls savants. " D'autre part, je suis tres inquiet des langages ou plutot des proclamations isolees : d'un cote, des savants qui disent : "Nous sommes des citoyens comme les autres, laissez-nous travailler..." ; de l'autre, des moralistes, qui auraient pour seul reflexe de devenir des censeurs, qui edictent des normes bloquant le developpement de progres essentiels pour l'humanite. - Pensez-vous que l'on puisse faire l'economie de nouveaux textes de loi encadrant les activites medicales et scientifiques qui soulevent des problemes ethiques ? Y a-t-il d'autres solutions ? - Il existe d'autres mecanismes possibles. Je pense, en particulier, aux codes de bonne conduite dans l'industrie, aux codes de deontologie medicale... On pourrait, en reactualisant ces sortes de "reglements interieurs", les rendre plus proches de la nouvelle realite. Les scientifiques peuvent aussi admettre, de maniere spontanee et implicite, certaines formes de moratoire. C'est, par exemple, le cas pour les travaux qui modifieraient le patrimoine des cellules sexuelles humaines. Quiconque enfreindrait cette regle se mettrait en dehors de la communaute scientifique... - La France a-t-elle, selon vous, un role particulier a jouer, a l'echelon mondial, dans la reflexion sur la bioethique? - En France, le chef de l'Etat et les gouvernements successifs se sont beaucoup interesses aux problemes de la bioethique. Jamais cette question n'a ete prise a la legere, elle est toujours apparue comme une question de fond. Francois Mitterrand, notamment, s'est toujours attache avec une grande hauteur de vue a ces problemes. Tout cela est d'ailleurs connu a l'echelon international. " La France est aussi le seul pays a s'etre dote d'un comite national pour l'ethique, un geste qui a montre que nous prenions les choses tres au serieux. Certes, d'autres pays, notamment les pays anglo-saxons, se sont penches sur telle ou telle question ethique, mais je crois qu'en definitive la situation actuelle fait que la France est un pays moteur pour la reflexion sur la bioethique. - Personnellement, que pensez-vous de l'avant-projet de loi Braibant sur la bioethique ? - Je pense d'abord que c'est un effort tres louable de la part du conseil d'Etat et du conseiller Braibant. Mais - et c'est un jugement personnel - je pense qu'il ne faudrait pas aller trop vite. On pourrait prendre l'exemple des greffes de cellules embryonnaires humaines pour soigner des personnes atteintes de maladies musculaires graves. De telles greffes pourraient, demain, revetir une dimension tres importante en medecine. Il serait certes intolerable de prelever les cellules sur des embryons vivants, on le fera probablement, en revanche, sur des foetus non parvenus a terme. " Ce serait la une sorte de prolongation des greffes d'organes, et l'on peut imaginer que des greffes de cette nature seront peut-etre effectuees. Je veux dire par la qu'il ne faut pas generaliser une position particuliere vis-a-vis des recherches sur l'embryon, car on s'interdirait alors des possibilites therapeutiques qui, dans le meme temps, seraient mises en oeuvre dans d'autres pays. D'une maniere generale il me semble que pour l'heure les reglements interieurs, les points de consensus, les reunions frequentes entre specialistes et les prises de position des comites d'ethique devraient, je le pense, suffire. " Le Louvre inaugure un cycle consacre au cinema muet avec orchestre. L'Amsterdamer Ensemble accompagnera en direct l'Eventail de Lady Windermere, d'Ernst Lubitsch (1925), les 26 et 30 octobre, et Gloria Transita, de John Gildemmeijer (1917), les 28 et 29 octobre. Dans un entretien a paraitre, jeudi 26 octobre, dans le Nouvel Observateur, Mr Lionel Jospin, ministre de l'education nationale, se prononce sur le port du foulard islamique dans les etablissements scolaires. Il devait preciser sa position, mercredi 25 octobre a l'Assemblee nationale, lors de la seance des questions au gouvernement. Le ministre invite les chefs d'etablissements scolaires a accueillir, en dernier ressort, les eleves coiffees du foulard islamique. Mais le ministre ajoute qu'il n'acceptera aucune derogation a la laicite. Mr Jospin rappelle que l'ecole est un lieu de " neutralite confessionnelle " et que l'on " ne doit pas y arborer des signes religieux ". Il engage, dans un premier temps, les chefs d'etablissement a " etablir un dialogue avec les parents et les enfants concernes pour les convaincre de renoncer a ces manifestations et leur expliquer les principes de la laicite. Si, au terme de ces discussions, des familles n'acceptent toujours pas de renoncer a tout signe religieux, l'enfant - dont la scolarite est prioritaire - doit etre accueillie dans l'etablissement public, c'est-a-dire dans les salles de classe comme dans la cour de recreation ", estime-t-il. Selon le ministre, si l'ecole francaise " est faite pour eduquer, pour integrer, pas pour rejeter, en revanche, elle doit interdire strictement tout proselytisme " a l'interieur des etablissements scolaires. Enfin, ajoute Mr Jospin, " les eleves doivent accepter sans derogation les regles d'organisation, notamment les matieres obligatoires et les contraintes de securite (par exemple dans les ateliers) des etablissements scolaires. " " J'entends par la qu'il ne peut etre question de deserter les cours d'education physique, de musique, d'arts plastiques ou de biologie en pretextant que le contenu de ces enseignements serait en contradiction avec le Coran ". Dans le cas contraire, il suggere aux parents de faire alors pour leur enfant " un autre choix ". Mr Jospin estime par ailleurs que cette " affaire de foulard " est en realite " un formidable hommage qui est rendu a l'ecole publique ", qui accueille " tous les enfants ". Quant a la laicite, elle n'a plus besoin d'etre, selon lui, une " laicite de combat. Elle doit etre au contraire une laicite bienveillante, faite precisement pour eviter les guerres, y compris les guerres... de religion ! " " Ce serait une faute grave, ajoute-t-il, en adoptant une attitude rigide, que de souder par reflexe de solidarite autour de quelques elements isoles l'ensemble de cette communaute (islamique). Ce n'est pas par le refus, en pratiquant l'exclusion, ajoute le ministre, qu'on favorisera l'evolution de l'islam dans le monde occidental. Qui vous dit que dans dix ans, ces jeunes musulmanes qui defraient aujourd'hui la chronique porteront encore le foulard, qu'elles ne seront pas emancipees ? " Mr JEAN-MARIE LE PEN : " Un referendum ". - Le president du Front national a declare, mardi 24 octobre sur la Cinq, que " le probleme doit etre debattu devant le pays pour aboutir tot ou tard a faire s'exprimer le peuple francais dans un referendum sur le fond du probleme, car il n'y aurait plus d'affaire de tchador, ni beaucoup d'autres problemes en France, s'il n'y avait pas un courant d'immigration tout a fait excessif. Quand on va chez les autres, on se conforme a leurs moeurs. Quand on ne se croit pas capable de le faire, on rentre chez soi ", a ajoute Mr Le Pen. Mr LOUIS MERMAZ : " Laicite et tolerance ". - Le president du groupe socialiste a l'Assemblee a estime mardi qu'" il faut faire preuve d'esprit de finesse pour regler l'affaire et s'appuyer sur les deux piliers de la sagesse que sont la laicite et la tolerance. Il faut que l'ecole publique soit laique et eviter toute exclusion. " Mr JEAN KAHN : " Interdire tout integrisme ". Le president du Conseil representatif des institutions juives de France a declare mardi que " le respect legitime de l'identite de l'enfant interdit toute propagande politique, toute manifestation d'integrisme, tout comportement faisant obstacle a l'enseignement ou violant la liberte d'autrui (...). Mais, au nom de la liberte de l'enseignement, on ne peut separer l'ecole laique, ecole de la tolerance et du respect d'autrui, des ecoles libres susceptibles de proposer une solution plus adaptee aux parents et aux enfants soucieux d'epanouissement religieux. " Mr MICHEL MORINEAU : " Ni sacre ni eternel. " Le secretaire national de la Ligue francaise de l'enseignement, signataire en juin dernier d'un " nouveau pacte laique " avec la Federation protestante de France, ecrit : " Est-ce que ces jeunes filles ont manifeste vraiment le desir d'influencer leurs condisciples ? Ont-elles fait ostensiblement leurs prieres en classe, exprime leur hostilite a l'egard des catholiques, protestants, israelites ou incroyants ? Ont-elles refuse de participer a certains cours ? Si non, qu'elles gardent leur foulard. Un reglement n'est ni sacre ni eternel, et la laicite ne consiste pas dans le maintien a tout prix de l'ordre etabli. " Mr Michel Rocard est oppose a une "veritable reforme" de l'orthographe mais favorable a des "rectifications utiles". Dans un discours prononce, mardi 24 octobre, a l'occasion de l'installation du Conseil superieur de la langue francaise cree en juin dernier et qu'il preside, le premier ministre a exclu "une veritable reforme qui modifierait les principes memes de la graphie de notre langue et altererait son visage familier". "En revanche, a-t-il precise, en depit des modifications effectuees depuis deux siecles, il reste encore a operer des rectifications utiles. " Selon le chef du gouvernement, "les amenagements, les ajustements" doivent porter sur "trois sortes de problemes ". Mr Rocard a note en premier lieu "un certain nombre d'anomalies et d'absurdites contraires a l'origine et a l'histoire de notre langue dans la partie deja stabilisee du vocabulaire francais". Il a ensuite souligne l'existence de "contradictions entre les dictionnaires" qui "posent a l'evidence de serieux problemes d'enseignement". Enfin, Mr Rocard a constate "des incertitudes concernant la vingtaine de milliers de composes et derives qui se creent chaque annee" dans le vocabulaire scientifique et technique sous des graphies changeantes. L'objectif fixe est de "donner une forme unique aux mots a orthographe flottante et d'etablir des regles pour les mots a venir". Associee avec Pathe-Cinema, la carte jeunes propose un nouveau service a ses titulaires: la Cine carte jeunes. Gratuite, elle permet de payer la seance 24 francs, tous les jours a toutes les heures, dans les cinemas Pathe et dans un grand nombre de salles independantes. Tel.: 42-67-50-00 ou 3615 code CJEUNES. Une exposition lui sera egalement consacree a la mediatheque Jean-Pierre Melville, 79, rue Nationale. Avec lui, les lignes bougent, ondulent, construisant des figures dans un espace qui n'est pas celui de la mode, mais de la sculpture. Le corps s'allonge, se plie, quadrille ou strie en jaune et noir, variations infinies d'un ecran d'ordinateur, chez Issey Miyake, qui inaugure cette semaine ses nouveaux locaux et bureaux place des Vosges a Paris. L'ete n'est pas la saison de l'abandon : voici des combinaisons de gymnastes, des maillots de bain inspires des tenues de culturistes, des impermeables de nylon en couleurs gonflent comme des parachutes. Sur les tee-shirt, les imprimes evoquent une image mobile, un " bouge " en noir et blanc. Nul ne saura jamais comment chez lui un blouson se metamorphose en liquette, un pantalon en pareo, ou commence et ou finit le col pris dans la mouvance d'un dos. Tout semble si simple... La structure est invisible, aeree par ses tissus incroyables, melange de rayonne, de suede et de polyester, que l'on dirait modeles sans fils et sans boutons. Apparaissent alors en finale des " fleurs ", des " insectes ", des " oiseaux ". Il y a comme un souffle, une energie nouvelle car ces carapaces en mouvement semblent jaillies de l'interieur et non pas peser sur le corps. L'attaquant international Eric Cantona devrait prochainement quitter l'equipe de Montpellier. Connu pour ses debordements physiques et verbaux, ce marginal du football francais se retrouve une nouvelle fois au centre d'une "affaire". Eric Cantona ne portera plus le maillot de l'equipe de football de Montpellier. Arrive dans l'Herault au debut de la saison, l'attaquant international devrait rapidement quitter le club. La nouvelle devait etre officialisee, mercredi 25 octobre, en debut d'apres-midi : les dirigeants montpellierains souhaitent se separer de leur joueur, coupable notamment de s'etre battu avec un coequipier. L'affaire remonte au samedi 21 octobre. A l'issue du match Lille-Montpellier (defaite de Montpellier 0-1), une breve mais violente bagarre oppose Eric Cantona a son coequipier Jean-Claude Lemoult dans les vestiaires du stade nordiste. Cantona crache au visage de son partenaire et l'insulte. Au coeur de l'echauffouree, Louis Nicollin, president du club, aurait lance a l'agresseur : " Je te vire ", avant de " passer un savon " a l'ensemble de l'equipe. Cette explosion de colere n'a rien de surprenant : depuis le debut de saison, la formation heraultaise n'obtient pas des resultats conformes a ses ambitions. Sa treizieme place au classement du championnat de France de premiere division ne correspond pas aux investissements consentis en debut de saison par Louis Nicollin, president d'une importante societe de ramassage d'ordures : avec l'aide du maire de la ville, Mr Georges Freche (PS), et du president du conseil general de l'Herault, Mr Gerard Saumade (PS), il avait en particulier engage Eric Cantona (prete par Marseille pour une saison pour 3 millions de francs) et son ami sochalien Stephane Paille (12 millions de francs pour trois ans) dans le but de reconstituer un duo qui avait parfaitement fonctionne en equipe de France Espoirs (le Monde du 10 juin). Pour epauler ce " couple parfait " - tres mediatique - du football francais, il avait egalement enrole Vincent Guerin (Matra Racing), Daniel Xuereb (Paris SG), le Neerlandais Wilbert Suvrijn, ainsi qu'un entraineur de renom, l'ancien responsable des Girondins de Bordeaux, Aime Jacquet. Un tel recrutement devait placer le club montpellierain, rebaptise " Montpellier-Herault ", dans les equipes de tete du championnat. Il n'en a rien ete. Au contraire. Des tensions sont tres vite apparues. Deux clans se sont constitues : d'un cote les " vedettes ", ou considerees comme telles, c'est-a-dire Cantona, Paille et leur coequipier en equipe de France Laurent Blanc, un ancien du club, de l'autre quelques joueurs moins renommes mais consideres comme des piliers du club, Jean-Claude Lemoult, Kader Ferhaoui... Les seconds reprochaient aux premiers leur attitude hautaine et meprisante. Une attitude egalement tres mal ressentie par une partie du public de Montpellier, traditionnellement tres proche de son equipe. Des le debut du mois d'aout, les premiers signes du malaise, aggrave par les mauvais resultats, transparaissent (le Monde du 12 aout). L'abces finira par eclater samedi 21 octobre dans les vestiaires du stade de Lille. Eric Cantona s'est retrouve en premiere ligne. Est-ce vraiment surprenant ? Ce joueur, qui s'est toujours affiche comme un marginal dans le milieu du football, est repute pour ses debordements verbaux et physiques. Du temps ou il jouait a Auxerre, il en etait venu aux mains avec son coequipier Bruno Martini, gardien remplacant de l'equipe de France. Plus tard, en aout 1988, il avait injurie le selectionneur Henri Michel, coupable de ne pas l'avoir retenu pour un match international. Puis il avait jete son maillot de l'OM en plein match amical a Sedan en janvier 1989. " Nous aimons les fortes tetes ", avaient declare Louis Nicollin et Georges Freche, au moment de faire signer l'attaquant international. Ils n'ont pas ete decus. Eric Cantona a confirme sa reputation, meme si, sur le terrain, il a ete l'un des meilleurs joueurs de l'equipe depuis le debut de saison. Dimanche, au lendemain des incidents de Lille, Louis Nicollin, Aime Jacquet et Michel Mezy, le directeur sportif du club, ont longuement rencontre les joueurs des deux clans. Des entretiens qui se sont poursuivis dans la journee de lundi. Mardi, Eric Cantona n'etait pas a l'entrainement, mais Louis Nicollin est venu parler a ses joueurs regroupes au centre du terrain. Il leur aurait alors signifie le depart de leur partenaire. Le comite directeur du club, reuni mardi soir, s'est refuse a confirmer cette information. Reste a savoir quelle va etre l'attitude des amis d'Eric Cantona (Stephane Paille et Laurent Blanc) et surtout ce que va devenir " l'indesirable ". A condition de trouver un terrain d'entente avec l'Olympique de Marseille, toujours proprietaire du joueur, Montpellier pourrait essayer de le ceder a un club francais ou etranger. Mais quelle equipe voudra encore d'un joueur, plutot doue pour les choses du ballon, mais precede d'une telle reputation ? Plusieurs clubs francais, dont le Paris-SG, sont actuellement en quete d'un " joker " mais le risque encouru en rebutera plus d'un. Le remorqueur le Fort de la marine nationale a ete touche par le tir d'une roquette, depuis un avion Alize du porte-avions Foch en exercice, mardi 24 octobre, au large de l'ile du Levant en Mediterranee. Le le Fort remorquait, a 9 kilometres de distance, un vieux batiment de la marine, qui servait de cible lors d'un exercice de tir reel de douze Super-Etendard et d'un Alize. Le maitre-manoeuvrier Gerard Legrand, 36 ans, a ete tue et trois autres marins blesses. Une enquete a ete ouverte pour determiner les causes de cette erreur de tir, selon la prefecture maritime de Toulon. Le secretaire general du RPR, Mr Alain Juppe, a qualifie, mardi 17 octobre, de " mise en scene " les commentaires presentant comme un " echec " la motion de censure de l'opposition sur le budget. " Il n'a traverse l'esprit d'aucun d'entre nous que (...) le gouvernement fut renverse ", a-t-il declare. La motion de censure constitue " un instrument de procedure qui a pour but de manifester l'union de l'opposition, ce qui a ete fait a 95 % ", a-t-il ajoute. Le deficit de la balance des paiements courants britanniques s'est eleve, en septembre, a 1,64 milliard de livres, soit une tres legere amelioration par rapport au solde negatif de 2 milliards de livres en aout. Sur les neuf premiers mois de l'annee, le deficit atteint 15,6 milliards de livres, depassant les 14,6 milliards prevus par le gouvernement pour l'annee. Les echanges de marchandises ont ete particulierement dynamiques en septembre. Les exportations se sont elevees a 8,34 milliards (+ 3 % par rapport a aout) et les importations a 10,37 milliards (+ 6 %), portant le deficit commercial a 1,94 milliard. Commentant ce chiffre, Mr Nigel Lawson a fait part de son intention de maintenir des taux d'interet eleves. Comme un ouragan, la tempete qui s'etait abattue, la semaine derniere, sur l'ensemble des marches mondiaux, s'est deja eloignee... des cotes boursieres. Le mini-krach du vendredi 13 octobre (une chute de 7 % en moins d'une heure de la valeur des actions a la Bourse de New-York) n'a pas debouche sur un veritable effondrement des cours. Mais les marches boursiers restent tres nerveux, tres " volatils " comme disent les experts. La journee du 24 octobre a New-York en a ete une nouvelle preuve, avec une nouvelle chute des cours puis un rebond (lire page 37). Pour l'instant, le film d'octobre 1989 n'a pas cherche a surpasser dans le grandiose celui d'octobre 1987, encore moins celui d'octobre 1929. Dix jours apres la grande bourrasque, les effets en ont deja presque ete effaces sur la plupart des grandes places financieres. La suite du scenario ? Les meteorologues financiers restent prudents. " On peut avoir a tout moment un nouveau krach boursier ", n'a pas hesite a predire, samedi 21 octobre, Mr Maurice Allais, le prix Nobel d'economie 1988, a Nice, a l'occasion de l'universite annuelle du Club de l'Horloge. Les acteurs financiers eux-memes sont plonges dans une grande incertitude. Le pronostic est difficile. Les economistes sont cette annee beaucoup plus prudents dans leurs declarations qu'ils ne l'etaient il y a deux ans. Des evenements recents, trois lecons peuvent neanmoins deja etre tirees. Le mini-krach a confirme l'emprise croissante du Japon sur la finance mondiale. L'issue a demontre que si le systeme financier mondial reste fragile, il n'est pas " hors du controle " des grands argentiers. Enfin, l'evenement a ete l'occasion de rappeler au monde occidental que ce dont il souffre, ce n'est pas tant d'un systeme financier inefficace mais d'un exces de dettes... ou d'une insuffisance d'epargne. La premiere lecon porte sur le role joue par le Japon - ses investisseurs et ses banquiers - dans la tempete. Tres tot, les Americains ont accuse Tokyo d'avoir mene la danse. Ils en ont multiplie les preuves. On sait que le detonateur dans le mini-krach de Wall Street, le 13 octobre, ce fut l'echec dans la mise au point d'un financement destine au rachat de la compagnie aerienne United Airlines. Or, si la Citicorp americaine n'a pas reussi ce montage financier, c'est que les banques japonaises initialement acquises a l'operation ont, a la derniere minute, decide de se retirer du tour de table. Ont-elles ainsi agi sur ordre du gouvernement, comme l'ont insinue les Americains ? Mr Makoto Utsimi, vice-ministre des Finances, a categoriquement dementi avoir " envoye un signal quelconque ". Quoi qu'il en soit, la Bourse de New-York a plonge - une chute de 7 % le vendredi en fin de seance. Lundi 16 octobre, le monde entier avait les yeux tournes vers... la Bourse de Tokyo. Le Kabuto-Cho a donne le la au reste des places boursieres, avec une baisse de 1,8 % semblant signifier aux operateurs americains qu'ils avaient peut-etre ete un peu trop loin. Des lundi donc, Wall Street - ou les investisseurs japonais occupent une place croissante - rectifiait le tir et se redressait sensiblement. Dans le meme temps, Tokyo obtenait, grace au mini-krach, un coup de frein a la hausse du dollar et le debut d'un assouplissement de la politique monetaire americaine. Determines avec les six autres pays du G7 (les grands pays industriels) lors de la reunion de Washington, le 23 septembre dernier, ces objectifs n'avaient pu etre atteints jusqu'alors. Certes, il est quelque peu reducteur de voir sur tous les marches et en toute occasion la " main de Tokyo ", comme sont tentes de le faire certains analystes americains. Il n'en reste pas moins vrai que le Japon conforte desormais sa suprematie dans la finance mondiale. La Bourse de Tokyo constitue, avec ses mysteres (le niveau exceptionnellement eleve des cours en particulier), la premiere place financiere mondiale par sa capitalisation. Les huit premieres banques mondiales sont japonaises. Le pays degage chaque annee une epargne considerable qui s'investit dans toutes les formes d'actifs disponibles. La seconde lecon concerne la fragilite du systeme financier. Une fois de plus, l'informatique a ete mise en cause. A Wall Street, des programmes automatiques d'achat et de vente - quelque peu abandonnes apres le krach d'octobre 1987 - avaient ete remis en fonctionnement il y a peu. Ils ont, a n'en pas douter, contribue a accentuer la tendance a la baisse. En Europe, notamment a Paris mais aussi a Bruxelles, les cotations n'ont pas pu etre realisees pendant un certain temps, les systemes informatiques n'etant pas capables de resister aux quantites d'offres de vente recues. Au-dela, certains produits financiers ont de nouveau ete mis en cause. Les junk bonds - ces obligations " pourries " a haut risque et a haut rendement, ont ete jugees en partie responsables de la debacle. Utilisees pour le financement d'achat d'entreprises (les LBO notamment, les leverage buy out), ces junk bonds ont connu outre-Atlantique un succes foudroyant au cours des dernieres annees. Pres de 200 milliards de dollars de titres de ce type ont deja ete emis. La qualite de ces titres inquiete, a juste raison, la communaute financiere internationale. Apres la dette du tiers-monde et les problemes des caisses d'epargne, ils constituent desormais une nouvelle bombe a retardement pour le systeme financier americain et, au-dela, international. Malgre cette fragilite, le systeme a reussi a surmonter la bourrasque. Les " grands argentiers " (les ministres des finances et les autorites monetaires des grands pays industriels) ont gere avec succes la crise. Tout au long du week-end qui a suivi la chute du vendredi 13, ils ont organise un concert de declarations rassurantes. Mais surtout, ils ont, les uns et les autres, fait preuve d'un grand pragmatisme. Par rapport a leurs principes " liberaux " : a Tokyo comme a Paris par exemple, les investisseurs institutionnels - prives et publics pour la France - ont ete " invites " par leur Tresor respectif a se porter acheteur pour eviter une trop rapide chute des cours. Par rapport a leur politique monetaire, les gouverneurs des banques centrales ont tous tres rapidement compris la necessite pour eux d'abandonner les principes auxquels ils etaient pourtant attaches. Alors qu'il avait confirme, quelques jours auparavant et en direct de Moscou, son opposition a tout assouplissement de sa politique monetaire, Mr Alan Greenspan, president de la Fed, a accepte d'injecter d'importantes quantites de liquidites dans l'economie americaine, la encore, pour eviter un effondrement de la Bourse. D'autres en firent autant, meme la Bundesbank. Ce pragmatisme des dirigeants financiers des sept grands pays industriels a permis d'eviter une veritable crise financiere. Pour l'instant, neanmoins, les causes profondes de la tempete subsistent : elles resident dans la persistance des grands desequilibres financiers et du premier d'entre eux, celui entre epargne et investissement. Le monde occidental continue a manquer d'epargne et a chercher a surmonter cette penurie par la dette sous toutes ses formes (du junk bond des entreprises au credit revolving du particulier...). Le systeme financier ne fait qu'imaginer des solutions pour faire face a ce desequilibre. Ce n'est pas l'outil qui est en cause, mais les ingredients utilises. Sous l'effet du now nowism (tout, tout de suite) - pour reprendre l'expression du directeur du budget americain, Mr Richard Darman (le Monde du 11 aout), tous les acteurs de la vie economique (les Etats, les entreprises et les menages) s'endettent. Apres les pays en developpement (1 300 milliards de dollars de dettes), ce sont les Etats industrialises qui accumulent les decouverts. La dette publique americaine approchera les 3 000 milliards de dollars a la fin de 1989. Les entreprises et les particuliers empruntent - les uns pour acheter tout de suite leur principal concurrent, les autres pour consommer immediatement quelques loisirs. Si le Japon a pu donner l'impression, au cours de la tempete recente, qu'il menait desormais la danse, c'est en grande partie grace a sa capacite d'epargne. Son epargne nette represente encore 20,2 % de son PNB en moyenne (contre 25,6 % dans les annees 70). Si le systeme financier americain est fragile, c'est qu'il se developpe sur une epargne insuffisante : le taux d'epargne nette y est tombe a 3,9 % dans les annees 1980 (pour 10,6 % dans les annees 70). Le mini-krach du 13 octobre rappelle aux Occidentaux le risque d'une economie fondee sur l'endettement. Il devrait etre un rappel aux vertus de l'epargne, mais n'est peut-etre plus seulement la une question economique. Le gouvernement a donne le feu vert a la mise en place, des la rentree de 1990, de nouvelles formations destinees a enrayer la penurie d'ingenieurs en France. A cote de la filiere des grandes ecoles, une nouvelle voie d'acces au diplome formera, en particulier par la formation continue, des ingenieurs de terrain. Des etablissements superieurs et des industriels seront associes a cette formation, comme devaient le preciser MM Lionel Jospin, ministre de l'education nationale, et Robert Chapuis, secretaire d'Etat a l'enseignement technique, devant le conseil des ministres du mercredi 25 octobre. Le constat est desormais unanime: la France manque d'ingenieurs. Lance il y a deux ans par le Haut Comite education-economie et son president d'alors, Mr Daniel Bloch, ce cri d'alarme a ete depuis repris et amplifie par tous les acteurs concernes: commission des titres d'ingenieur, Comite national pour le developpement des grandes ecoles, directeurs d'IUT (instituts universitaires de technologie), Conseil national du patronat francais et syndicats d'ingenieurs et cadres. Ce retard francais dans la formation des ingenieurs s'est impose comme une evidence d'autant plus criante que les echeances europeennes ont favorise les comparaisons internationales. Les cent soixante-seize ecoles d'ingenieurs de l'Hexagone forment un peu plus de 14 000 ingenieurs par an, contre plus de 20 000 en Grande-Bretagne et 29 000 en Republique federale d'Allemagne. Et toutes les previsions montrent que les effectifs de cadres techniques (400 000 actuellement) devront a peu pres doubler d'ici vingt ans. Ce deficit quantitatif se double d'une inadaptation qualitative sensible. Les diplomes des grandes ecoles d'ingenieurs derivent de plus en plus souvent vers la recherche, la conception ou le management, au detriment de la production. Au point que plus de la moitie des ingenieurs diplomes n'exercent plus, a proprement parler, des fonctions d'ingenieur apres cinq ou six ans d'exercice. Les industries francaises manquent donc d'ingenieurs de terrain ou de production. Faute d'un systeme de formation continue largement ouvert, elles ne peuvent guere piocher dans le vivier des techniciens superieurs pour faire emerger les cadres techniques de demain. Cete absence de perspectives de carriere pour quelque sept cents mille techniciens superieurs, dont 60 % ont moins de trente-cinq ans, constitue des a present une source de blocages et de tensions inquietants dans les entreprises. Synthetises au printemps dernier par un groupe de travail constitue a la demande de Mr Jospin et preside par Mr Bernard Decomps, president du Haut Comite education-economie, ces differents constats sont desormais enterines par le gouvernement. A ses yeux, il est urgent que tous les partenaires se mobilisent pour former davantage d'ingenieurs sur des profils plus diversifies, par la voie de la formation initiale (ecoles et universites) comme par celle de la formation continue. Pour y parvenir, les ministres concernes (travail, formation professionnelle, enseignement technique, industrie) proposent de mettre en oeuvre l'essentiel des propositions formulees par le rapport Decomps (le Monde du 21 juillet). Tout d'abord, au grand dam des responsables d'IUT qui esperaient trouver la un prolongement logique au succes de leurs formations superieures en deux ans, le gouvernement ecarte l'idee d'un niveau de formation intermediaire (a bac + 3 ou + 4) entre celui des ingenieurs et celui des techniciens. Un tel scenario presenterait, estime-t-il, le double risque de compliquer a l'exces et de destabiliser l'ensemble du dispositif des formations technologiques superieures. Il retient par consequent le principe, tres novateur, d'ouvrir largement une nouvelle voie d'acces au diplome d'ingenieur, favorisant ainsi la naissance d'une "nouvelle race" d'ingenieurs dont le diplome sera, comme aujourd'hui, habilite par la commission des titres d'ingenieur, mais sur un profil original. Ce profil presente quatre traits dominants. Tout d'abord, cette formation sera largement accessible par la formation continue, meme si le gouvernement prevoit egalement de creer de telles filieres en formation initiale, pour les bacheliers scientifiques et technologiques. S'il ne reprend pas, par souci de prudence, les flux suggeres par le rapport Decomps (80 % en formation continue, 20 % en formation initiale), le ministre de l'education conserve l'idee que la formation continue sera majoritaire. Elle permettra a des techniciens ayant un minimum d'experience professionnelle (trois a cinq ans) et d'un niveau de formation equivalant au DUT (diplome universitaire de technologie) ou au BTS (brevet de technicien superieur) d'acceder au diplome d'ingenieur grace a une formation equivalant a une annee a temps plein et selon des parcours aussi individualises que possible. Deuxieme element, ces formations devront associer trois types de partenaires : les universites et les ecoles d'ingenieurs qui sont rodees a la formation scientifique generale, les IUT ou etablissements equivalents qui ont une longue experience des formations technologiques finalisees ; enfin, les partenaires professionnels qui connaissent les besoins des entreprises et participeront aux formations, financierement mais aussi pedagogiquement. C'est en effet le troisieme trait caracteristique : ces formations se feront tres largement en alternance dans l'etablissement universitaire et dans l'entreprise. Ainsi, sur les cinq annees de formation initiale, il est prevu d'en consacrer trois a la formation academique (standard europeen oblige !), mais deux a une formation sur le terrain, autour de projets reels et avec l'appui de tuteurs dans les entreprises. Enfin, les contenus de la formation seront sensiblement differents des programmes des grandes ecoles actuelles. L'idee est de trouver une voie moyenne entre des generalistes et des specialistes trop pointus, et par consequent d'axer ces formations sur quelques grandes specialites (chimie, materiaux, informatique, mecanique, genie civil par exemple), qui pourront avoir un caractere permanent ou temporaire. L'ensemble des partenaires susceptibles de mettre en oeuvre ces nouvelles formations sont invites a proposer tres rapidement des projets capables de demarrer des la rentree 1990. Sans reprendre le chiffre du rapport Decomps qui prevoyait un flux de formation de mille ingenieurs par an, il est clair que le ministre de l'education entend donner tres vite a cette nouvelle voie un caractere massif. Pour la formation initiale, les premieres operations devraient etre mises en place d'ici a septembre prochain dans quelques sites, de preference dans des regions disposant d'un bon potentiel de developpement industriel mais presentant un deficit de formation d'ingenieurs. Pour la formation continue, le secretaire d'Etat a la formation professionnelle va engager une concertation approfondie avec les partenaires sociaux et les organismes de formation permanente pour determiner les modalites de financement. Cette mise en place devrait etre rapide puisque plusieurs partenaires industriels importants, comme l'UIMM (Union des industries mecaniques et metallurgiques) ou de grandes entreprises sont deja en train de definir des modalites precises de mise en oeuvre de cette nouvelle formation. Et le marche unique ? Le gouvernement ouest-allemand a adopte, le mardi 24 octobre, un projet de loi instituant, a partir du 1er mai, une taxe sur tous les poids lourds empruntant le reseau routier de la RFA. Cette taxe, de 3400 F a 30600 F, selon le poids et le nombre des essieux du vehicule, sera aussi acquittee par les camions allemands... mais ceux-ci verront le cout de leur vignette diminuer d'un montant equivalent. Aux camionneurs neerlandais, belges ou espagnols qui crient au protectionnisme, les Allemands repondent qu'ils ne peuvent se permettre de laisser circuler gratuitement sur leurs routes et autoroutes les camions des autres pays, alors que leurs poids lourds sont contraints de payer des taxes ou des peages autoroutiers chez les voisins. Le patronat ouest-allemand, qui redoute des mesures de retorsion, deplore cette initiative. Le gouvernement neerlandais la denonce. La Commission de Bruxelles s'apprete a trainer la RFA devant la Cour europeenne de justice de Luxembourg. Bonn fait valoir a sa decharge que cette taxe durera seulement jusqu'a la fin de 1993. Ce sera toujours ca de gagne ! Aider l'autre Europe, celle de l'Est, tous les dirigeants occidentaux y travaillent. Du moins, affirment-ils. La reunion a Paris mercredi 25 et jeudi 26 octobre du COCOM (1), ce comite informel cree il y a quarante ans pour controler et empecher les exportations de materiels susceptibles de renforcer la puissance militaire de l'Est, demontre qu'il n'y a pas unanimite sur les chemins a suivre. Malgre les beaux discours du president americain, les Etats-Unis ne souhaitent pas un veritable assouplissement dans la politique d'exportation de technologie vers l'Est. Ils s'opposent a ce sujet a l'ensemble des seize autres pays membres de ce groupe. L'administration americaine pretexte des " interets strategiques ". " Rivalites commerciales " retorquent les Europeens, en particulier les Allemands de l'Ouest, principaux interesses. Deux themes sont a l'ordre du jour de la reunion (secrete) du COCOM cette semaine a Paris : l'allegement des restrictions commerciales a l'egard des deux pays les plus engages dans les voies de la reforme, la Pologne et la Hongrie d'une part, la reduction de la liste des produits interdits a la vente a l'Est d'autre part. Depuis plusieurs semaines maintenant, les Americains ont, semble-t-il, lance une offensive contre ces projets. Mr Georges Bush aurait envoye, d'apres le Herald Tribune de mercredi, une lettre personnelle aux dirigeants occidentaux leur demandant de ne pas assouplir la politique dans l'immediat. Simultanement, les Americains ont revele de nouvelles ventes illegales de certaines machines-outils a l'Union sovietique. Apres avoir denonce la societe japonaise Toshiba en 1987, ils engagent une vaste offensive contre la societe italienne Olivetti. L'accusant d'avoir livre a Moscou des machines pour la fabrication de moteurs d'avions de combat, ils menacent la firme de Mr De Benedetti de se voir interdire l'acces au marche americain. Pour cette reunion, les Americains se retrouvent seuls contre tous. Les discussions de Paris pourraient s'achever sur un maintien du statu quo. Les Americains autorisent bien les Europeens a vendre des Airbus a la RDA... dans l'espoir de pouvoir a leur tour ecouler les Boeing a l'Est. Ils obtiennent pratiquement automatiquement les derogations qu'ils demandent (80 % des entreprises qui beneficient de derogations aux listes Cocom sont americaines). L'Europe peut-elle accepter longtemps ce double langage ? Avant de rencontrer en test-match l'Ecosse et l'Angleterre, l'equipe de rugby des Fidji a termine sa tournee en France en battant 32-16, dimanche 22 octobre a Bordeaux, les Barbarians francais. Une victoire ponctuee par six essais et saluee par une ovation du public. Decidement cette Federation francaise de rugby - qui s'etait invente de toutes pieces un centenaire quand elle a ete privee de Bicentenaire (le Monde du 6 octobre) - est bien mesquine. N'offrir aux Fidjiens qu'une rencontre sur un stade de banlieue avec les Barbarians, autrement dit un match de gala, en guise de cloture a la breve tournee des Fidjiens dans l'Hexagone (1), ce n'etait pas tres classe. D'autant que la verite du jeu de demain, ce sont peut-etre ces joueurs, la poitrine fierement frappee d'un cocotier, qui l'ont trouvee. En tout cas, les quelque cinq mille spectateurs, qui avaient rempli le stade du SBUC a Buscat, ont fait dimanche soir aux quinze Melanesiens une ovation qui en disait long sur le plaisir fou qu'ils leur avaient procure pendant ces 80 minutes de jeu ensoleille. Il y avait eu bien sur les six essais qui s'etaient ecrases dans l'en-but barbarian comme ces vagues qui deferlent pour la joie des surfeurs aux antipodes. Il y avait surtout l'emballage du " paquet ", une ambiance coureur-jongleur-farceur qui, loin d'avoir ete etouffee par l'experience de la premiere Coupe du monde, se serait exacerbee au contact des lourds bataillons de l'ovale. Selectionneur-entraineur de l'equipe de France, Jacques Fouroux a coupe le vin de la louange avec l'eau de l'argutie : " Face a une equipe qui jouera pour gagner et non pas pour jouer, les Fidjiens auront toujours des problemes. Dimanche les Barbarians ont voulu les prendre a leur propre jeu. " Fallait-il vraiement incriminer, comme cela etait sous-entendu dans le propos, le manque de rigueur des deux trois-quarts toulousains incorpores aux Barbarians ? Eric Bonneval et Denis Charvet n'ont certes pas montre beaucoup d'empressement quand il s'est agi de plaquer les attaquants fidjiens. Mais s'agissait-il bien de cela ? Pouvait-on jouer " au ras " de la melee face a ces feux follets ? Rien de moins evident quand les piliers remontent le terrain a la vitesse d'un Carl Lewis aux Jeux olympiques, quand la deuxieme ligne n'est jamais a plus de 2 metres du porteur du ballon, quand un joueur intercepte trouve toujours le moyen d'expedier la balle a un partenaire qui semble jaillir du gazon comme un diable d'une boite, quand les degagements au pied sont aussi secs que ceux d'un gardien de but, ou quand les trois-quarts reussissent leur passe par-dessus une dizaine de tetes pour attaquer a droite alors qu'ils semblaient bloques a gauche. Les Fidjiens n'ont pas de systeme ou de dogme sur l'ovale. Pas de theoriciens. Ils ont seulement une capacite inouie a occuper l'espace, a changer la dimension du jeu, a perpetuer le mouvement. Est-il besoin dans ces conditions d'un pack classique ? En depit de la malice d'un Dominique Ertbani et de la rigueur d'un Peter Winterbottom, les avants barbarians ont termine la partie sur les rotules sans avoir pu un seul instant prendre l'ascendant dans les phases statiques de conquete. Jusqu'a present un seul homme semblait reunir toutes ces qualites : Serge Blanco, l'arriere du Quinze de France, que certains considerent comme le meilleur du monde a ce poste. Or les Fidjiens en ont quinze comme lui a la parade sur le terrain. Le feu d'artifice est permanent. Pour Jacques Fouroux, ce rugby n'est donc que " desordre ". Mais pour tout pouvoir en place, revolution n'est-elle pas synonyme de desordre ? Theoriquement selectionnes pour leur fair-play et leur technicite, les Barbarians (2) n'ont pas apprecie d'etre destabilises de pareille facon. Ils ont quitte le terrain sans proceder a l'habituel echange de maillots. Une marque de depit qui n'etait apres tout que le plus bel aveu. Bien que la Finlande et l'URSS soient liees depuis plus de quarante ans par un pacte d'amitie et d'assistance, les visites officielles de chefs d'Etat sovietiques a leur "bon voisin" du Nord ont ete fort rares: Nikita Khrouchtchev en 1960, Leonid Brejnev en 1975 pour la signature de l'Acte final de la Conference d'Helsinki - un evenement qui consacrait aussi la reconnaissance de la neutralite finlandaise par Moscou. C'est au tour de Mr Gorbatchev de venir dans ce petit Etat nordique, qui, apres quelque six cents ans de domination suedoise, devint en 1809 grand-duche du tsar Alexandre Ier. Ce statut lui conferait une tres large autonomie que les Finlandais contesterent quand les maitres de Saint-Petersbourg se mirent dans la tete de "russifier" leur pays. La farouche resistance qu'ils opposerent, seuls, a cette tentative d'assimilation, puis pendant la seconde guerre mondiale, avec des armes presque rouillees, a l'invasion de l'armee rouge explique sans doute pourquoi les Sovietiques n'ont pas essaye d'annexer un pays et un peuple qui - ils le sentaient - ne se plieraient jamais, tant l'allergie au systeme communiste y etait grande. Bien sur, les Finlandais perdirent cette guerre et des territoires, mais ils sauverent ce qui pouvait l'etre : leur independance, au prix de ce fameux traite d'amitie et du paiement de lourdes reparations a Staline. MAIS la situation demeurait precaire, et pendant quarante ans la diplomatie finlandaise, conduite par les presidents Paasikivi, Kekkonen et Koivisto, s'est efforcee d'etablir avec Moscou des rapports de bon voisinage, en insistant sur la " neutralite " et en tenant compte des interets strategiques de grande puissance de l'URSS dans la region. Aujourd'hui, ces relations sont sans nuages. Certains avanceront que cette independance est limitee, evoqueront une fois de plus la " finlandisation ", mais cette expression ne choque pas les Finlandais aussi longtemps qu'elle est appliquee a la situation et a l'histoire specifiques de leur pays, qui a connu un sort plus enviable que l'Estonie, la Lituanie ou la Lettonie. En Europe de l'Est - notamment en Hongrie et en Pologne, - on parle de plus en plus du " modele finlandais ", qui permettrait d'echapper a l'emprise sovietique. Mais la situation de ces pays est fondamentalement differente, comme on le fait remarquer a Helsinki. Entre autres, parce que la Finlande n'a pas ete occupee pendant ou apres la guerre, et qu'elle a ainsi pu preserver son systeme politique democratique et ses institutions. Mr GORBATCHEV, qui avait remis sa visite a plusieurs reprises ces dernieres annees, est donc arrive mercredi a Helsinki, ou il restera trois jours. Sur le plan politique, il n'y a pas de contentieux. Au plan economique, en revanche, le commerce bilateral, qui se fait selon les principes du " clearing ", donne des signes d'epuisement. La Finlande importe plus de 90 % de son petrole d'Union sovietique, et paye la facture avec des biens de consommation, des navires et des equipements industriels. Mais la desorganisation de l'economie sovietique empeche la Finlande de diversifier ces echanges, largement deficitaires. A quelques mois de la discussion de son projet de budget pour la region Rhone-Alpes, le president du groupe UDF de l'Assemblee nationale, Mr Charles Millon, a commence a s'exercer a son tour a la pratique de la majorite relative. Alors qu'en janvier dernier, trois mois apres son election a la presidence du conseil regional, le depute (UDF-PR) de l'Ain avait beneficie de l'abstention du groupe socialiste pour faire passer son premier budget, la majorite regionale qu'il conduit s'est retrouvee unie, mercredi 24 octobre, avec le groupe du Front national pour adopter la decision modificative numero trois, c'est-a-dire le troisieme budget supplementaire de l'annee, consacre pour l'essentiel a l'aide a l'investissement dans les lycees prives d'enseignement technique. C'est la premiere fois depuis un an qu'une telle convergence apparait sur un dossier significatif, autant par son contenu politique que par le montant des credits affectes (10 millions de francs). Depuis l'entree au gouvernement de Mr Michel Durafour, la majorite regionale ne compte plus que soixante-quinze membres sur un effectif total de cent cinquante et un conseillers regionaux. Comme les ministres a l'Assemblee nationale, Mr Millon se voit donc contraint, dans sa propre region, de menager tantot la gauche, tantot le Front national pour faire aboutir ses projets. Cet exercice d'equilibre sera toutefois plus difficile a realiser lors de l'examen du budget regional de 1990. Compte tenu du nouveau role joue par Mr Millon sur le plan national, les socialistes rhonalpins ne paraissent guere disposes a s'abstenir une nouvelle fois. Quant au FN, il semble peu probable qu'il puisse avaliser l'augmentation importante des impots locaux prevue dans les premieres esquisses budgetaires. "Notre objectif consiste aujourd'hui a imprimer a l'economie espagnole un rythme de croissance plus modere. " C'est le tout-puissant ministre espagnol de l'economie, Mr Carlos Solchaga, qui l'affirme, dans l'entretien qu'il nous a accorde a quelques jours des elections legislatives du dimanche 29 octobre. Des elections qui devraient permettre aux socialistes - les sondages sont unanimes sur ce point - d'entamer avec une commode majorite leur troisieme legislature. Face a la surchauffe actuelle de l'economie espagnole et aux desequilibres qui s'en suivent, les socialistes s'appretent-ils a mettre en oeuvre, au lendemain du rendez-vous avec les urnes, un severe plan de "refroidissement" . "Le gouvernement a perdu le controle de l'economie", affirment les Cassandre de l'opposition, qui evoquent le redoutable precedent du plan de stabilisation implacablement mis en oeuvre par les socialistes apres leur arrivee au gouvernement en 1982. Une comparaison que Mr Solchaga s'empresse de rejeter. "La situation est tout a fait differente, souligne-t-il. En 1982, nous ne faisions pas face comme aujourd'hui a un probleme d'exces de demande. Au contraire : avec la crise, la consommation et l'investissement etaient en dessous de la production (...). Notre premiere tache en arrivant alors au gouvernement etait donc de retablir les equilibres afin d'assurer la competitivite des entreprises et de reduire le deficit du budget de l'Etat, gonfle par les pertes des entreprises publiques. C'est aujourd'hui chose faite." "Tout cela n'a rien a voir avec la situation actuelle, poursuit notre interlocuteur. Desormais, nous creons des emplois au rythme meme ou nous en perdions en 1982. L'investissement croit depuis trois ans a un rythme annuel de 15 % alors que sa croissance etait negative a l'epoque de la crise. Notre probleme, aujourd'hui, c'est que la demande se developpe trop vite, d'environ 7 % par an, plus de deux points au-dessus de la croissance de la production. Et c'est ce dephasage la qui est reellement a la base de nos desequilibres, bien davantage qu'un probleme de competitivite insuffisante. " " A probleme distinct, solution distincte, affirme Mr Solchaga. En 1982, il fallait centrer notre action sur les conditions structurelles de l'offre : reconvertir l'industrie, rendre plus flexible le marche de l'emploi, reduire les salaires reels. Aujourd'hui, il s'agit au contraire de se concentrer sur la demande, ce que nous sommes en train de faire depuis le debut de l'annee. " Cela sera-t-il suffisant ? L'economie espagnole ne tarde-t-elle pas a reagir a ces mesures ? Mr Solchaga le reconnait, mais ajoute : " Il faut attendre encore quelques mois avant de pouvoir reellement mesurer l'impact des mesures prises. Nous avons choisi une strategie d'atterrisage en douceur de l'economie. Ce qui implique d'avoir la patience d'accepter un certain decalage dans le temps entre la mise en oeuvre de ces mesures et leur effet pratique. " L'Espagne peut-elle se permettre un tel decalage ? Le secteur exterieur ne risque-t-il pas de devenir, pour les socialistes espagnols, un dangereux goulet d'etranglement, comme il l'avait ete en 1981 pour leurs camarades francais ? " C'est en effet la question la plus importante, repond le ministre. Il est evident que l'Espagne devra, durant les prochaines annees, se developper plus rapidement que ses voisins : parce que son taux de chomage reste plus eleve, parce que sa population active croit plus vite, parce qu'elle a un besoin urgent de developper ses infrastructures. Et il faut donc se resoudre a voir se maintenir durant plusieurs annees, en raison de ce differentiel de croissance, un certain deficit de notre balance des paiements courants. " " L'important, c'est que nous soyons a meme de le financer. Et je crois que nous en avons les moyens. D'une part, parce que nous pouvons compter sur un flux continu de capitaux etrangers a long terme qui compense ce deficit. Durant les huit premiers mois de cette annee, les investissements etrangers ont encore augmente de 80 % par rapport a la meme epoque de 1988. Et nous sommes persuades que cette situation se maintiendra tant que la stabilite politique du pays apparait assuree, et tant que le gouvernement fait preuve de sa volonte de lutter contre l'inflation. Deux conditions que remplissent les socialistes. En outre, nous avons un niveau de reserves de devises qui atteint les 47 milliards de dollars (soit plus d'une fois et demie le total de la dette exterieure espagnole). En un mot, nous disposons aujourd'hui d'une confortable marge de manoeuvre pour financer notre relance : c'est la grande difference avec la France de 1981, ou avec l'Espagne de 1982. " Le talon d'Achille de la croissance espagnole ne reside donc pas, aux yeux de Mr Solchaga, dans le secteur exterieur. C'est au contraire a l'interieur qu'il pourrait se cacher : dans le faible taux d'epargne national, qui risque de faire office de goulet d'etranglement. Comme les Etats-Unis du president Reagan, l'Espagne socialiste n'est-elle pas obligee, pour compenser la faiblesse de l'epargne interne, d'attirer l'epargne exterieure par des taux d'interet artificiellement eleves ? Des taux qui contribuent a surevaluer la peseta... et donc a desesperer les exportateurs espagnols ! " Il y a quand meme une difference de chiffres : aux Etats-Unis, le taux d'epargne se situait aux alentours de 7 % du PIB, tandis qu'en Espagne il etait l'an dernier de 22 %, retorque notre interlocuteur. Notre veritable probleme aujourd'hui, c'est que l'investissement s'est developpe tellement vite qu'il a provoque un desequilibre avec l'epargne interne, qui n'a pas suivi le rythme. Surtout au niveau des particuliers : les entreprises ont grosso modo maintenu leur taux d'epargne, et ce sont les familles qui l'ont reduit au profit de la consommation. Mais ce phenomene etait previsible. Apres dix ans de restrictions, nous sommes entres, avec la recuperation du pouvoir d'achat des salaries et la diminution du chomage, dans un cycle normal de renouvellement des biens durables : la vente d'automobiles, par exemple, a double par rapport a 1982. " Maintenant qu'elle a resolument pris le train de la croissance, l'Espagne peut-elle aspirer a rejoindre bientot le peloton de tete au sein de la Communaute ? Quel est au juste son creneau, entre les pays a la technologie la plus avancee, telle l'Allemagne, et ceux dont les faibles couts salariaux constituent toujours le principal atout, comme la Grece ou le Portugal ? " Notre ambition est bien sur de devenir un pays de technologie avancee, assure Mr Solchaga. Mais nous sommes realistes : nous savons que nous partons d'un faible niveau de recherche et de developpement technologique, et que notre dependance, en la matiere, a l'egard des multinationales est tres elevee. Il nous faut donc realiser desormais une veritable accumulation technologique. Mais, pendant cette periode transitoire, force est de profiter de notre avantage comparatif actuel, qui est celui de nos moindres couts salariaux. " Et d'ajouter : " Cela dit, l'Espagne n'est bien sur pas encore l'Allemagne, mais il est evident que ce n'est plus non plus Taiwan. Plus d'interpenetration des economies europeennes se produira, et plus les couts salariaux espagnols se rapprocheront immanquablement de la moyenne. Ce qui obligera nos entreprises, ne serait-ce que pour une raison de survie, a se preoccuper toujours davantage de recherche et d'innovation. C'est tout simplement une necessite historique. " En France, la hausse des prix aurait de nouveau ete moderee en septembre (+ 0,2 % comme en juillet et en aout). La hausse sur un an serait de 3,3 %. Mais l'inflation reviendrait a un rythme annuel de 2,4 % (calcule sur les trois derniers mois connus). L'ecart de hausse annuelle avec la RFA descendrait a son plus bas niveau depuis fort longtemps, 0,2 point, la RFA enregistrant une augmentation de 3,1 % entre septembre 1988 et septembre 1989, consequence eloignee de la poussee des prix en janvier 1989 (Bonn avait augmente sensiblement un certain nombre de taxes indirectes pour reduire le deficit budgetaire). L'ecart France-RFA se creusera donc brusquement en janvier 1990, mois a partir duquel " l'effet taxe " aura cesse de jouer en RFA. Pour eviter un mouvement trop brusque qui peserait sur le franc, Mr Beregovoy pourrait deplacer la hausse de certains tarifs (ceux d'EDF par exemple) comme il a retarde le relevement de la TIPP (taxe interieure sur les produits petroliers) en fevrier. Porte-drapeau de la lutte contre l'erreur judiciaire et symbole du combat des detenus pour une humanisation des prisons, Roger Knobelspiess comparait pour la cinquieme fois devant une cour d'assises. Il repond d'une attaque a main armee qu'il ne conteste pas, commise le 6 avril 1987. " Pour se reinserer, il faut le vouloir, il a assez d'ingeniosite, assez d'intelligence pour pouvoir choisir une autre voie. " C'est l'avis d'un expert-psychiatre, exprime, le 24 octobre, devant la cour d'assises des Pyrenees-Orientales qui devra se prononcer sur la culpabilite de Walter Murgia, quarante et un ans, accuse de tentatives d'homicides volontaires sur des gendarmes qui le poursuivaient apres une attaque a main armee commise a la Banque populaire de Thuir (Pyrenees-Orientales) en compagnie de Roger Knobelspiess, juge uniquement pour vol a main armee. Le propos de l'expert concerne Walter Murgia, un Sarde venu en France a l'age de dix ans apres avoir ete abandonne par sa mere deux ans plus tot. Eleve par un pere intemperant, c'est lui qui s'occupera de son jeune frere. Mais, en 1966, les mauvaises frequentations l'entrainent dans la delinquance. Il connait la prison et l'expulsion. Puis il revient en France pour repondre d'attaques a main armee. Condamne a vingt ans de reclusion criminelle en 1972, il est libere en 1984 et renvoye en Italie, ou il retrouve sa mere pour la premiere fois. Il a trente-sept ans. En avril 1987, il revient en France, ou un ami le presente a Roger Knobelspiess. En quelques minutes, Murgia a tout dit, puis s'enferme dans le silence. Le reste ne le concerne pas puisqu'il nie tous les faits. Le president Georges Moitie se tourne alors vers celui qu'il nomme " l'autre accuse ", Roger Knobelspiess. Mais, lorsque le magistrat evoque son enfance difficile dans un quartier pauvre d'Elbeuf (Seine-Maritime), Knobelspiess s'insurge : " Je n'ai pas envie de parler de ca du tout. Etalant ma misere, j'ai l'impression de me saper moi-meme. La misere en cour d'assises, c'est une circonstance aggravante. " Patiemment, le president renoue le dialogue, et Knobelspiess accepte de raconter comment, en 1972, la cour d'assises de l'Eure l'a condamne injustement a quinze ans de reclusion criminelle pour l'attaque a main armee d'une station-service pour un butin de 800 francs qu'il a toujours niee. Amer, Knobelspiess remarque : " J'en ai fait douze, meme si je suis un symbole du laxisme. " Le 30 octobre 1981, la cour d'assises de la Seine-Maritime le condamne a cinq ans de reclusion criminelle pour plusieurs attaques a main armee commises lors d'une permission de sortir transformee en evasion. Toutefois, la cour emet le voeux qu'il beneficie d'une grace et, six jours apres, le president de la Republique lui accorde une remise de peine. Le 5 juin 1983, il est de nouveau arrete. On lui reproche d'avoir participe a l'attaque d'un fourgon blinde a Massy-Palaiseau. Mais, le 19 janvier 1986, la cour d'assises de l'Essonne prononce son acquittement. Des intellectuels, des ecrivains, des artistes, se sont mobilises en sa faveur. Il est devenu l'une des figures de proue de la lutte contre l'erreur judiciaire et contre l'enfermement carceral. Lui-meme ecrivain de talent a publie plusieurs livres, dont QHS et l'Acharnement. Cependant, il est aussi soupconne d'avoir ete l'un des auteurs d'une fusillade avec des policiers, survenue a Elbeuf dans la nuit du 23 au 24 septembre 1982. Pour ces faits, il doit comparaitre le 19 septembre 1986 devant la cour d'assises de la Seine-Maritime, mais la ville de Rouen lui rappelle de mauvais souvenirs, et il ne se presente pas a l'audience. Le 6 avril 1987, il est arrete pres de Perpignan apres l'attaque a main armee d'une agence de la BNP. Ceux qui ont fait de lui le symbole d'un laxisme de la gauche ricanent ouvertement alors que ses amis, consternes, sont moins nombreux a venir devant la cour d'assises de la Seine-Maritime, qui le condamne, le 17 avril 1987, a sept ans de reclusion criminelle pour la fusillade d'Elbeuf. Knobelspiess n'a pas pour autant renonce a son combat et crie : " J'ai fait trois hold-up et vingt-cinq ans de prison ! Je n'ai jamais verse le sang d'un homme. Je suis l'otage de quelques amis " et, parlant des policiers, il ajoute : " Je suis aussi l'otage d'une haine corporatiste. " Pour les experts-psychiatres, c'est " un ecorche vif " qui vit " sur le symbole de la fuite ", fuite de lui-meme, de son passe, de la prison tout en rejetant ses fautes sur " les autres ", et les specialistes concluent en parlant d'un comportement conduisant a un " suicide social ". Walter Murgia, l'air las, assiste ensuite au long defile des temoins de moralite cites par son co-accuse. L'ecrivain Yves Frenion, adjoint a un depute ecologiste du Parlement europeen, resume le personnage de Knobelspiess : " C'est un punching-ball pris entre des gens qui se sont servis de lui (...) Qu'a-t-il fait ? C'est un terroriste ? " Si le musicien Paco Ibanes soutient avec simplicite un ami " qui trebuche dans les chemins de la vie ", le journaliste Bernard Langlois s'adresse aux jures pour leur dire : " Au moment de juger, demandez-vous s'il n'a pas deja paye d'avance. " Mais surtout, deux femmes viennent dire leur douleur : Elyett Bloch, qui fut la compagne de Knobelspiess pendant dix ans, soupire, sans illusions : " Il a pris sept ans a Rouen alors que je sais qu'il etait innocent. Mais vous n'en tiendrez pas compte ; devant vous, j'ai l'air de faire le pantin. " Derriere elle, l'actuelle compagne de l'ecrivain delinquant, la comedienne Marie Riviere, evoque sa rencontre avec Knobelspiess a la cour d'assise de l'Essonne, leur liaison, leurs voyages et l'enfant qu'ils ont eu. C'est un immense monologue entrecoupe de larges periodes de silence que le president Moitie respecte. Un long cri d'amour comme si elle se parlait a elle-meme, ignorant la foule qui l'ecoute, medusee. Elle demande seulement aux jures : " Je vous supplie de ne pas en rajouter. " Cette fois, Knobelspiess n'a plus le droit de decevoir. La France a viole la Convention europeenne des droits de l'homme en mettant sept ans a trancher un recours devant ses juridictions administratives : c'est ce qu'a decide a l'unanimite la Cour europeenne des droits de l'homme. Elle alloue une indemnite de 50 000 F pour prejudice moral a l'ancien instituteur strasbourgeois de cinquante-deux ans qui l'avait saisie et decide de le rembourser pour 40 000 F de ses frais de procedure. Mr H., qui est reste anonyme dans cette affaire, etait instituteur remplacant quand, en 1961, il fut hospitalise quatre mois a la clinique psychiatrique des Hospices civils de Strasbourg. Il reprend ensuite son travail, mais, mis en conge-maladie a la fin de l'annee, il est radie de l'education nationale deux ans plus tard. Depuis, il vit d'une pension d'invalidite (le Monde du 4 janvier 1989). En 1974, l'ancien enseignant attaque devant les tribunaux administratifs les Hospices civils de Strasbourg, qu'il juge responsables de son drame personnel : le traitement aurait fait plus de dommages que sa maladie a cause d'un " choc amphetaminique " subi a la clinique. Les juges refusent cette these, mais mettent en tout sept ans et sept mois pour rendre leur decision finale : le tribunal administratif de Strasbourg statue en 1978, le Conseil d'Etat en 1981. Mr H. porte alors son affaire devant la Commission et la Cour europeenne des droits de l'homme. A ses yeux, la Convention a ete violee deux fois : parce que les juges francais ne se sont pas fondes sur un rapport d'expertise, et a cause des lenteurs de la procedure. L'article 6 paragraphe 1 de la Convention europeenne des droits de l'homme precise, en effet, que " toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue equitablement (...), et dans un delai raisonnable, par un tribunal (...) ". Les juges europeens ont donne entierement raison a Mr H. sur le second point : dans une affaire qui n'etait pas particulierement complexe, note l'arret, la duree de la procedure devant le tribunal administratif de Strasbourg - quatre ans - apparait " excessive ". En revanche, les trois ans demandes par le Conseil d'Etat ne sont pas critiques. Considere comme le principal responsable des attentats de 1985 et 1986 a Paris, Fouad Ali Saleh a ete inculpe, mardi 24 octobre, par Mr Gilles Boulouque, juge d'instruction a Paris, de " complicite de tentatives d'assassinat, complicite de destruction volontaire de biens mobiliers ou immobiliers appartenant a autrui ayant entraine des infirmites permanentes " pour les dossiers concernant les attentats contre les Galeries Lafayette et le Printemps (decembre 1985, 41 blesses), la Galerie Claridge (3 fevrier 1986, 8 blesses), Gibert Jeune (4 fevrier 1986, 6 blesses), la FNAC Sports (5 fevrier 1986, 26 blesses). Beaucaire, treize mille habitants, jolie ville provencale des bords du Rhone, a un " probleme d'immigration ". Jeunes ou vieux, commercants du centre-ville ou habitants de la ZUP, tout le monde le concede, jusqu'a certains immigres eux-memes : " 25 % de Maghrebins, c'est trop ! " entend-on de toute part. Estimant que l'arret de toute nouvelle immigration est " une question de vie ou de mort pour sa ville ", le maire Mr Jean-Marie Andre (divers droite) refuse d'inscrire - alors que la loi l'y oblige - une quarantaine d'eleves dans les ecoles de la ville. " Ces eleves, dit-il, sont des " primo-arrivants ", c'est-a-dire des enfants non francophones, tout juste debarques en France au titre du regroupement familial. Les services scolaires dependant directement de la municipalite - la cantine et le transport en car - leur sont egalement interdits. Seules ces deux dernieres mesures affectent en realite une partie des enfants. Car les refus d'inscription municipale ne les empechent pas d'aller normalement en classe. La prefecture, qui prevoit une reunion avec tous les services concernes, dont la mairie, "pour regler le probleme avant la fin des vacances", a use de son droit de substitution pour faire inscrire les eleves. Et Mr Andre, meme s'il a apporte son soutien a son homologue de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), n'a utilise ni menaces ni sanctions sur les directeurs d'ecole. Il faut dire que le maire de Beaucaire est lui-meme instituteur depuis vingt-huit ans, mari et pere d'institutrices. C'est en partie pour des raisons "educatives" qu'il justifie les mesures prises a l'encontre d'enfants immigres. "J'ai dans ma classe quatre enfants maghrebins sur vingt-huit. Ça ne pose aucun probleme. Mais, quand on arrive, comme c'est bien souvent le cas a Beaucaire, a plus de 50 %, ca devient impossible". Il cite deux chiffres selon lui alarmants. Lanterne rouge de la region Languedoc-Roussillon, la ville de Beaucaire avait en 1982 deux fois moins de bacheliers que la moyenne nationale. Sans nier ce contexte scolaire difficile, Mr Daniel Aniort, directeur de l'ecole publique de la rue Nationale, au centre-ville, n'en denonce pas moins les methodes du maire, cette facon de "prendre les enfants en otages". Les classes pleines de petits Maghrebins en retard scolaire, il connait. Instituteur a Saint-Gilles-du-Gard (premiere ville de plus de 10000 habitants a avoir un maire FN) a une dizaine de kilometres de la, il a ete ensuite directeur a l'ecole de la prefecture, celle, justement, qui, a Beaucaire, accueille le plus d'enfants d'immigres. "Beaucaire est une zone d'education prioritaire avec des problemes reels. Ces enfants deracines, issus de couches sociales defavorisees, ont besoin de un a trois ans de plus pour accomplir leur scolarite. " Un temps d'acclimatation que le directeur estime necessaire. Meme si cela ne l'empeche pas d'etre d'accord avec le maire pour reclamer davantage de moyens pedagogiques et une aide scolaire accrue. Mais, en refusant de nouvelles inscriptions, Mr Jean-Marie Andre ne se soucie pas uniquement du niveau scolaire de sa ville. En empechant des enfants d'immigres de s'inscrire a la cantine, le premier magistrat entend " pousser un cri d'alarme " et attirer l'attention sur une situation " explosive " a ses yeux. " A Beaucaire, le seuil de tolerance est largement depasse. " Cette affirmation, nombre de ses administres la reprennent a leur compte qui s'estiment " envahis ", " debordes ". Le maire n'a eu aucun mal a recueillir plusieurs centaines de signatures dans une petition qui denonce l'arrivee prevue - par le biais du regroupement des familles - de plusieurs milliers de nouveaux arrivants (" de deux mille a six mille " selon les estimations municipales). A Beaucaire, les deux communautes se cotoient, se touchent meme, mais s'ignorent. Les femmes maghrebines en foulard ne parlent pas le francais. Elles habitent les magnifiques batisses du vieux centre - certaines deja renovees, d'autres insalubres et croulantes. Le dimanche, elles vont au marche. Les Francaises, elles, l'evitent. Restent quelques jeunes Beurs beaucairois de naissance pour qui l'integration est une realite quotidienne. Eux qui ont fait leurs classes sur les bancs des ecoles municipales s'interrogent pour ceux qui viennent derriere : " Comment est-ce qu'ils vont se mettre dans le bain, eux ? " Le 27 octobre, la chaine Canal Inter fera son apparition sur le reseau cable de Roubaix-Tourcoing, exploite par la societe Region Cable (groupe Generale des eaux). Dans un premier temps, Canal Inter parlera surtout du Maghreb et des pays francophones du Sud. Car ce nouveau canal puisera l'essentiel de ses programmes dans les emissions de 2M International, la chaine marocaine a peage lancee en mars dernier. C'est la premiere illustration de la volonte de 2MI (chaine dont TF1 est actionnaire) de creer un courant de programmes du Sud vers le Nord, a destination notamment des populations arabophones immigrees en Europe. Ulterieurement, Canal Inter s'etendra a d'autres reseaux cables de Region Cable. Et sa programmation s'ouvrira a d'autres communautes, avec des programmes venus du Portugal, de Pologne ou d'autres cieux... Les responsables du reseau cable de Roubaix-Tourcoing esperent, avec ce nouveau type de chaine et sa mosaique de programmes, creer une television de proximite " centree sur les specificites sociologiques et culturelles locales ". Canal Inter sera payante (15 F par mois) ou gratuite, selon la nature des programmes. En quatre ans d'existence, les societes de financement du cinema et de l'audivisuel (SOFICA) - destinees a drainer l'epargne vers la cretion audiovisuelle - ont largement demontre leur utilite. Il en existe douze et les plus grands noms du septieme art veulent creer la leur. Dommage que les pouvoirs publics n'aient pas encore leve les hypotheques pesant sur leur avenir. Tous les grands noms de la profession sont de l'aventure. Jean-Jacques Annaud comme Bertrand Tavernier, Jean-Jacques Beineix comme Jean-Luc Godard, Claude Lelouch comme Coline Serreau. Reunis depuis deux ans deja au sein de l'ARP - une societe civile de collecte de droits, - ces auteurs-realisateurs-producteurs viennent de decider, cette fois, de creer leur propre SOFICA. " Cree par nous et pour nous ", comme l'explique Claude Berri, president de l'ARP, SOFICARP espere, grace a la notoriete et au prestige de ses membres, recolter 100 millions de francs d'ici a la fin de l'annee, aupres d'etablissements financiers, de banques ou de grands groupes industriels. Canal Plus est la premiere des chaines de television a avoir decide d'y participer. La gestion, enfin, de la nouvelle societe est confiee a un specialiste en la matiere, l'Institut pour le financement du cinema et des industries culturelles (IFCIC). Apres la creation de la SOFICA Lumiere - dont le president, Marcel Jullian, espere reunir d'ici au 1er janvier 20 millions de francs pour contribuer a la realisation de films "ethiques", - le lancement de SOFICARP temoigne du dynamisme de ce mode de financement de la production. En quatre ans, plus de milliard de francs au total a ete ainsi investi dans le secteur, et tout le monde reconnait que ces societes - dont les contours ont ete definis dans la loi de finances adoptee en decembre 1985 - jouent parfaitement leur role d'intermediaire entre les investisseurs (particuliers et entreprises) et les producteurs. Le systeme, pourtant, demande a etre amenage, comme le recommande un haut fonctionnaire, Mr Jacques Graindorge, dans un rapport remis il y a plusieurs mois, aux ministeres de la culture et des finances (le Monde du 7 janvier), faute de quoi la machine pourrait gripper. Beaucoup de SOFICA, - il en exite un douzaine - menacent de ne pas proceder, cette annee, a leur appel public a l'epargne annuel, appel necessaire pourtant a la reinjection de fonds nouveaux de la production. "Nous ne le ferons pas, explique ainsi Pierre Desgraupes, president de SOFICA Creations, pour au moins trois raisons. D'abord, parce que nous touchons aujourd'hui les premiers dividendes de nos investissements et que nos recettes devraient etre suffisantes pour investir 20 a 30 millions dans les nouveaux projets. Ensuite, parce que la loi nous contraint a reinvestir dans l'annee 90 % des sommes recueillies lors d'une augmentation de capital, sommes dont nous n'aurions pas l'utilite. Enfin, parce que le delicat probleme de la " sortie " des actionnaires d'une SOFICA n'est toujours pas regle. " La sortie ? Une querelle a ce sujet oppose depuis des mois les gestionnaires de ces societes aux pouvoirs publics. La loi, en effet, a cree une ambiguite que l'on ne se decide pas a lever. D'un cote, le ministere des finances accorde un agrement aux SOFICA pour dix ans ; de l'autre, les particuliers qui souscrivent au capital d'une de ces societes, peuvent deduire de leur revenu imposable l'integralite des sommes versees, a condition toutefois de conserver leurs actions pendant cinq ans. Les entreprises elles sont, autorisees a amortir 50 % de leur investissement des la premiere annee. Mais les textes ne disent rien de la periode intermediaire courant entre ces cinq ans et les dix ans de l'agrement. Les souscripteurs peuvent-ils recuperer leur argent au terme des cinq premieres annees ? Et a quelle condition ? " Nos actionnaires ne sont pas des mecenes ", s'emporte ainsi Mr Kemal Zahar, responsable des SOFICA SLAV 1 et 2, deux societes dont les membres appartiennent en quasi-totalite aux professions medicales. " Immobiliser ses economies pendant cinq ou six ans, meme en echange d'une importante deduction fiscale, represente une contrainte tres lourde. Une immobilisation plus longue serait inacceptable. L'Etat doit tenir parole et trouver une solution. Faute de quoi, c'est l'ensemble du systeme qui serait compromis ". Les professionnels suggerent donc l'adoption d'une technique fiscale particuliere, autorisant les SOFICA a reduire progressivement leur capital par remboursements successifs et echelonnes de l'apport de chacun des souscripteurs. Une solution mediane qui permettrait aux particuliers de recuperer une partie de leur mise au terme des cinq ans. Defendue par le ministere de la culture - c'est a Mr Jack Lang que l'on doit cet " abri fiscal " a la francaise, - cette solution est encore combattue par le ministere des finances. Tous les yeux se tournent aujourd'hui vers le premier ministre dont on attend l'arbitrage. " Nous sommes prets a proceder a une augmentation de capital de 46 millions de francs, dit-on ainsi a Investimages 3, mais nous ne nous risquerons qu'apres le verdict de l'hotel Matignon ". La societe Medium Communication publie un mensuel consacre a la television et a la video, Sequences. Comprenant 68 pages en quadrichromie, ce nouveau magazine (30 F) a ete tire a 20 000 exemplaires. Il se propose de faire le point sur la television, la production, l'image de synthese, la formation aux nouveaux medias, etc., ainsi que sur l'actualite francaise et europeenne du secteur de la television et de la video, grace a des portraits, des enquetes et des fiches-produits. Un incendie a failli provoquer une catastrophe dans la centrale nucleaire de Vandellos, pres de Tarragone (nord-est de l'Espagne). Le Conseil espagnol de securite nucleaire (CSN), qui a revele les faits lundi 23 octobre, a estime qu'il s'agit du " plus grave accident " jamais survenu dans le parc electronucleaire du pays. Le feu a pris, jeudi 19 octobre, a 21 h 39, sur un alternateur, a la suite, semble-t-il, d'un defaut electrique qui a provoque l'explosion de l'hydrogene servant a refroidir l'appareil. Les pompiers sont parvenus a maitriser le sinistre apres plus de cinq heures de lutte, mais ont noye les deux circuits d'arret et de secours qui se trouvent dans les sous-sols du batiment. Ces dispositifs sont destines a evacuer la puissance residuelle du reacteur - donc a eviter sa fonte - en cas d'arret des quatre " turbo soufflantes " du circuit principal. Deux de ces dernieres sont heureusement restees disponibles, et la temperature du reacteur n'a pas depasse les normes de securite. Le coeur n'a pas subi de dommages, il n'y a eu aucun rejet de radioactivite a l'exterieur, et l'accident n'a pas fait de blesse. Mais la centrale devrait rester a l'arret pendant plusieurs mois, a precise son directeur. Vandellos-1, qui est une copie conforme des reacteurs A-1 et A-2 au graphite-gaz de Saint-Laurent-des-Eaux, est exploitee par la firme Hifrensa (Hipano Francesa de energia nuclear) dont EDF detient 25 % des parts. Les autorites de surete francaises avaient detecte la vulnerabilite des pompes des circuits d'arret et de secours et - soulignent-elles aujourd'hui - exige que, dans la centrale francaise, elles soient surelevees pour etre a l'abri des inondations. Construits en 1969 et 1970, les reacteurs de Saint-Laurent devraient etre arretes definitivement l'an prochain. Le bilan de l'explosion qui s'est produite le 23 octobre dans une usine de matieres plastiques de Pasadena (Texas) apparait tres lourd : cent vingt-quatre blesses dont six tres grievement brules, et vraisemblablement vingt-quatre morts. L'explosion, suivie d'un violent incendie, s'est produite a la suite de la fuite d'un melange d'ethylene et d'isobutane. Elle equivalait en puissance a l'explosion de 10 tonnes de dynamite. Selon les responsables de l'environnement a la Phillips Petroleum, proprietaire de l'usine, les fumees de ce melange explosif ne sont pas toxiques. On ignorait toujours mercredi les causes de la fuite. Cent cinquante futs d'acide acetique, sulfurique et chlorhydrique ont ete perdus en mer au sud-ouest d'Ouessant, a la suite de la tempete du 21 octobre, par un cargo battant pavillon liberien et arme par un armateur de Hambourg (RFA). Aucun des futs n'avait ete retrouve mercredi 25 octobre, malgre les recherches menees par le remorqueur Abeille-Flandre. Une mise en garde a ete lancee a l'adresse des pecheurs et des navigateurs. Etant donnee leur densite, les futs d'acide sulfurique et chlorhydrique ont du couler. Seuls les futs d'acide acetique, plus legers, pourraient etre rejetes a la cote. Le sherpa nepalais Sungdare a ete retrouve mort, noye dans la riviere Dudh-Kosi pres du village de Pangboche. Age de trente-quatre ans, Sungdare etait un heros national au Nepal pour avoir atteint cinq fois le " Toit du monde ", c'est-a-dire le sommet de l'Everest (8 848 metres) avec des expeditions ouest-allemande (1979), americaine (1981), canadienne (1982), norvegienne (1985) et sino-japonaise (1988). Sungdare pourrait s'etre suicide a la suite d'une dispute avec sa femme. Ou va le communisme ? Quel est son avenir ? Mr Georges Marchais, secretaire general du PCF, estime que le socialisme de type sovietique trouve une " seconde jeunesse ". Il l'a dit a la derniere Fete de l'Humanite, en parlant de la perestroika, apres s'etre declare persuade de la superiorite de ce socialisme sur le capitalisme. A contrario, les dirigeants communistes hongrois se rallient a la social-democratie en liquidant leur Parti communiste, qui, a les en croire, n'a fait la preuve de son efficacite ni sur le plan economique ni sur le front des libertes ou de la democratie. Exces d'optimisme ? Exces de pessimisme ? Mr Anicet Le Pors, ancien ministre, membre du comite central, et Mr Michel Naudy, ancien journaliste a l'Humanite proche de Mr Claude Llabres (renovateur), donnent leur point de vue. Meme si Mr Le Pors rencontre, aujourd'hui, des difficultes au sein de son parti, il n'en reste pas moins attache au communisme. Mr Naudy, lui, prone la rupture avec cette ideologie. Les senateurs ont commence l'examen, mardi 24 octobre, en premiere lecture, du projet de loi relatif a l'action des collectivites territoriales en faveur du developpement economique local. Ce projet a ete presente par Mr Jean-Michel Baylet, secretaire d'Etat aupres du ministre de l'interieur, charge des collectivites locales. Le projet de loi qualifie d'" element fondamental " de la politique gouvernementale en faveur de l'emploi, a pour objectif d'impliquer plus encore dans la lutte contre le chomage des collectivites publiques qui, depuis l'instauration du RMI, prennent largement part au traitement social du chomage. Les collectivites territoriales ont deja eu l'occasion de s'engager dans la creation d'emplois, mais dans un cadre legislatif que le gouvernement estime maintenant desuet et depasse. Le texte se fixe egalement comme objet de definir les regles du jeu en matiere d'intervention economique des collectivites locales pour prevenir la concurrence et des rivalites souvent acharnees pour attirer sur leur territoire des implantations d'entreprises, synonymes d'emplois et de recettes grace a la taxe professionnelle. Le dispositif soumis aux senateurs par Mr Baylet s'articule autour de quatre objectifs majeurs : etendre le regime des aides directes (prime a la creation d'entreprise, prime a l'emploi, prets), dont les regions ont la responsabilite depuis la loi de decentralisation du 7 janvier 1982, aux departements, mais aussi aux communes pour qu'ils remplissent un role accru en matiere de soutien a l'extension ou a la reconversion des PME et PMI ; permettre aux departements de s'associer au renforcement des fonds propres des entreprises par le biais de participation au capital des societes de developpement regional et habiliter communes et departements a souscrire des titres participatifs emis par des societes cooperatives en cas d'emissions par appel public a l'epargne ; permettre aux societes d'economie mixte locales de s'engager plus encore dans la gestion des services de proximite en milieu rural et d'activite touristique grace a des derogations aux regles de plafonnement des garanties d'emprunt. Parallelement, le projet rend possible la participation au capital de ces societes, de collectivites territoriales etrangeres sous reserve d'un accord prealable entre Etats, ceci pour preparer l'Europe de 1993. Le texte donne enfin aux collectivites territoriales les moyens d'intervenir en faveur d'activites culturelles par le biais de subventions aux entreprises existantes et gerant des services a caractere culturel. Le gouvernement entend par ces mesures lutter tout particulierement contre la crise qui touche actuellement le cinema, en zone rurale comme en ville. Mais tous les rapporteurs et les differents orateurs doutent que la competence premiere des collectivites territoriales soit d'intervenir dans l'economie, et estiment qu'elles doivent plus administrer que produire. Les collectivites locales font d'ailleurs deja beaucoup pour le developpement economique en assurant un environnement fiscal favorable et des infrasctructures adequates grace a l'amenagement du territoire, ont-ils fait remarquer. Aller plus loin en epousant les vues du gouvernement est interprete comme un transfert de l'Etat aux collectivites locales de la charge que representent le chomage et son cout. Les intervenants ont souligne le danger que comporterait, selon eux, le texte, compris et utilise comme une incitation pour les entrepreneurs prives a faire pression sur les collectivites pour obtenir des avantages ou des aides. De fait, ce role moteur que le gouvernement entend faire jouer aux collectivites territoriales entraine des risques importants pour leurs finances. C'est d'ailleurs ces craintes qui expliquent le refus de la majorite senatoriale (favorable a l'opposition nationale) de voter le projet en l'etat. A l'initiative du groupe RPR, l'article premier du texte n'a d'ailleurs pas ete adopte. Les nationalistes corses dissidents - exclus ou demissionnaires - d'A Cuncolta naziunalista, ont annonce, mardi 24 octobre a Ajaccio, la creation d'un nouveau mouvement, Accolta naziunale corse (ANC). Les militants de ce " Regroupement national corse ", dont notamment, Mr Pierre Poggioli, ancien elu regional, ont denonce un " veritable blocage au niveau des debats et (des) clarifications " a l'interieur du mouvement nationaliste qu'ils ont quitte. Ils critiquent " le mythe d'infaillibilite politique du mouvement de liberation visant a eluder tout debat democratique " et considerent que leurs divergences avec la Cuncolta portent " sur l'analyse du nouveau pouvoir depuis son avenement ". Le malaise au sein du mouvement nationaliste est aussi une consequence de la treve des actions militaires appliquee depuis juin 1988 par l'ex-FLNC. Le nouveau mouvement se prononce pour une " solidarite conditionnelle " avec d'eventuelles nouvelles actions militaires de l'ex-FLNC et indique que son " seul ennemi est l'Etat colonialiste francais ". Ancien membre du Comite national de la Resistance, ancien ministre, Mr Eugene Claudius-Petit est mort, mardi 24 octobre a Paris a l'age de quatre-vingt-deux ans. Eugene Claudius-Petit a ete l'un de ces hommes qui ont marque aussi bien la Resistance que les annees qui ont suivi la Liberation. Il a illustre une sorte d'humanisme chretien et de generosite sociale auxquels il est constamment reste fidele. Compagnon de la Liberation, co-fondateur du Conseil national de la Resistance, createur de l'Union democratique et socialiste de la Resistance, l'UDSR, a laquelle devait adherer Mr Francois Mitterrand, Eugene Petit, apprenti ebeniste a douze ans, devient professeur de dessin a Lyon avant la guerre. Sous le pseudonyme de " Claudius ", il entre dans la Resistance, ou il dirige le reseau Franc-tireur. Il gagne Londres en 1943, siege au CNR puis aux Assemblees constituantes d'Alger et de Paris. En 1946, il est elu depute de la Loire et il conservera ce mandat - avec quelques interruptions - jusqu'en 1973 avant de devenir depute de Paris jusqu'en 1978. Sous la IVe Republique, son nom est associe a la reparation des destructions subies par la France pendant la guerre. Il occupe en effet le ministere de la recontruction et de l'urbanisme, et realise dans la ville de la Loire dont il est le maire, Firminy, de nombreuses experiences architecturales - en accueillant Le Corbusier - urbanistiques et sociales. Fervent europeen, il demissionne du poste de ministre du travail du gouvernement Mendes France en septembre 1954, en raison de l'echec du projet de communaute europeenne de defense. Ce sera son dernier poste ministeriel. Pendant la guerre d'Algerie, il dirige la SONACOTRA, organisme charge de construire des logements pour les Francais musulmans originaires d'Algerie, et prend position frequemment en faveur de la paix. Il s'eloignera peu a peu aussi bien de l'UDSR que des gaullistes pour le rapprocher des mouvements centristes issus du MRP, tandis que, dans la Loire, il combattra toujours les communistes. Il preside ainsi, de 1969 a 1973, le groupe parlementaire Progres et democratie moderne, puis de l'Union centriste, et devient vice-president du mouvement CDP (Centre democratie et progres). Membre de la LICRA, favorable a l'abolition de la peine de mort, partisan de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, Eugene Claudius-Petit, qui n'exercait plus aucun mandat politique depuis 1978, participait cependant toujours aux deliberations du mouvement centriste, le CDS, ou il s'exprimait sur les problemes de societe et d'humanisme et comme defenseur des droits de l'homme, selon la conception chretienne qui a inspire son action. Mr Raymond Barre, depute apparente UDC. " La reunion est terminee, monsieur le premier ministre. Elle avait lieu au 101 ", explique l'un d'entre eux. Furieux, Mr Barre replique : " Je n'avais pas l'intention de m'y rendre. Je vais a une reunion de la commission des affaires etrangeres... " Si tous les deputes UDC ne boudent pas l'intergroupe, nombreux sont ceux qui s'interrogent sur son devenir. " L'intergroupe ? C'est une piqure de cortisone sur un cancer generalise ", estime Mr Bruno Durieux (UDC-Nord). Le depute barriste, qui n'a pas vote lundi la censure, estime que l'UDC fait fausse route en se fondant au sein d'un intergroupe. " Le centre doit etre autonome s'il veut reprendre des parts de marche au Parti socialiste ", estime-t-il en affirmant qu'il ne fait que " dire tout haut ce que la moitie du groupe UDC pense tout bas ". Mme Christine Boutin (apparentee UDC, barriste, Yvelines) n'a pas non plus vote la censure : " On ne va pas la voter tous les quatre matins si l'on souhaite conserver a cette procedure une certaine credibilite ". Pour le reste, Mme Boutin se sent a l'aise au sein de l'UDC, meme si elle revendique, comme Mr Durieux, un positionnement plus independant, sans pour autant etre suspectee en permanence de vouloir passer a gauche : " C'est un groupe tres sympa. Chacun a le droit de s'y exprimer comme il le veut ", dit-elle. La decision de voter contre le budget 1990 et de s'associer a la motion de censure apparait toutefois aux tenants de la ligne autonome comme un gage politique qui brouille l'image de l'UDC. " L'annee derniere, nous nous sommes abstenus sur le budget. Celui-ci est, sur plusieurs points, meilleur que le budget 1989. L'inflexion de l'attitude de l'UDC est une erreur ", explique encore Mr Durieux. Ceux qui partagent son analyse estiment que le president de l'UDC, Mr Pierre Mehaignerie, a tire trop vite et trop sommairement les enseignements du semi-echec de la liste du centre, emmenee par Mme Simone Veil, lors des elections europeennes du 18 juin. Ils constatent que le theme de l'" union " agite par le RPR est " a sens unique ". " Des qu'il y aura un probleme au sein de l'intergroupe, le RPR tentera de nous faire porter le chapeau de la desunion ", affirme un elu centriste. L'ancien secretaire general de l'UDC, Mr Francois Froment-Meurice, se demande si " les renovateurs RPR " auront vraiment " le courage " d'utiliser les possibilites de l'intergroupe pour " prendre leurs distances par rapport a la tyrannie molle de l'appareil de Mr Bernard Pons ". " Il faut que l'UDC serve d'ouvre-boites de l'opposition, pas de couvercle... ", ajoute-t-il. " Il ne faut pas melanger le court terme et le long terme ", explique pour sa part Mr Jean-Jacques Hyest (UDC, Seine-et-Marne), qui a vote la censure sans etat d'ame : " Il y avait un 49-3 sur le budget, il etait normal que nous y repondions par la censure. Mais nous devons veiller a ne pas en deposer a repetition. Sur d'autres textes, le groupe UDC pourra mieux manifester sa personnalite ". Un episode recent a apporte de l'eau au moulin des centristes sceptiques. Soucieux de pousser un peu plus loin la logique de l'union, le president du groupe UDF, Mr Charles Millon, avait propose a Mr Bernard Pons que l'opposition ait un orateur unique dans le debat de censure. Dans la mesure ou la presidence tournante de l'intergroupe etait assuree par l'UDC, Mr Millon proposait que ce soit Mr Edmond Alphandery (UDC, Maine-et-Loire) qui soit cet orateur. La proposition de Mr Millon a ete fermement repoussee par Mr Pons... " Vous voyez ! ", n'ont pas manque de dire des deputes UDC. Les memes causes produisant les memes effets, l'UDC pourrait etre confrontee aux memes difficultes lors du vote final sur le projet de loi de finances. Mr Mehaignerie avait du mettre tout son poids dans la balance pour convaincre certains deputes de son groupe de ne pas s'abstenir sur la partie recettes du budget. Parviendra-t-il une seconde fois au meme resultat, alors que le meme scenario se profile (49-3, motion de censure) ? L'intergroupe UDF-UDC-RPR se reunira, quant a lui, en seance pleiniere, le 7 novembre, pour adopter une position commune. D'ici la, l'UDC a decide de voter au cas par cas les budgets des differents departements ministeriels, avec une variante par rapport a l'annee derniere : consigne a ete donnee d'eviter de s'abstenir pour ne pas donner une image timoree... L'organisation terroriste du Djihad islamique, responsable de l'enlevement d'Occidentaux au Liban, dont deux Americains, a de nouveau propose, mardi 24 octobre, d'echanger ces derniers contre la liberation de dix-sept chiites emprisonnes au Koweit. Dans un communique publie a Beyrouth, le Djihad affirme que ses "combattants" ne "s'arreteront pas tant que leurs freres d'armes ne seront pas relaches". Ce communique, remis a une agence de presse internationale, etait accompagne d'une photo polaroid du journaliste americain Terry Anderson, enleve le 16 mars 1985. Le Djihad a egalement revendique la responsabilite de l'enblevement, le 9 juin 1985, d'un autre Americain, Mr Thomad Sutherland, doyen de l'universite americaine de Beyrouth. Le mouvement terroriste a reclame a plusieurs reprises dans le passe la liberation des dix-sept chiites detenus depuis decembre 1983 pour une serie d'attentats contre des interets americains, francais et koweitiens. L'accord intervenu au sein du Parlement libanais sur " les principes d'une entente nationale (...) devrait permettre la mise en place d'institutions renovees et la restauration de la souverainete du Liban, dont le retrait de toutes les forces non libanaises du territoire doit etre l'aboutissement ", estime le gouvernement francais. Un communique publie, mardi 24 octobre, par le Quai d'Orsay souligne egalement que les principes auxquels ont souscrit les deputes " constituent une etape tres importante dans le processus de reconciliation et de paix au Liban ". Le Liban devrait avoir un president de la Republique avant le 7 novembre : pour assurer le succes de l'accord de Taef auquel sont parvenus les soixante-deux parlementaires libanais, le Comite tripartite (Arabie saoudite, Algerie, Maroc) a decide d'aller tres vite. C'est en effet avant cette date que le Comite a appele a la convocation du Parlement libanais a Beyrouth, qui, au cours de la meme seance, devra elire son president, ratifier le document d'entente nationale qui prevoit a la fois des reformes du systeme politique libanais et definit les relations futures entre la Syrie et le Liban et, enfin, elire le president de la Republique, dont le Liban est prive depuis le 23 septembre 1988. Dans un long communique lu par le chef de la diplomatie saoudienne, le prince Saoud El Faycal, mardi 24 octobre, lors de la cloture de ces assises parlementaires, presidee par le roi Fahd d'Arabie saoudite, en presence des ministres des affaires etrangeres algerien et marocain, le Comite tripartite a, d'autre part, annonce la poursuite de son action en faveur de la restauration de la souverainete libanaise, affirmant que " les chefs d'Etat arabes suivraient l'application et la ratification des accords a conclure entre les gouvernements syrien et libanais " sur le sort des troupes syriennes au Liban. A defaut d'obtenir, comme ils l'exigeaient au depart, un calendrier de retrait definitif de l'armee syrienne, les elus du camp chretien ont eu satisfaction sur deux points : la poursuite d'une certaine forme de parrainage arabe au-dela meme de la duree de l'accord et l'engagement que le Comite tripartite arbitrerait les divergences d'interpretation qui pourraient naitre de l'application de celui-ci. Si ce communique de cinq pages, redige en des termes tres diplomatiques et dans lequel le mot souverainete revient a plus de dix reprises, fait constamment reference a la resolution du sommet de Casablanca - la seule acceptee par la Syrie, - il n'en affirme pas moins la determination des pays arabes a voir le Liban recouvrer sa pleine independance, ainsi que sa souverainete, et a suivre de tres pres cette affaire. Dans une autre concession faite aux elus du camp chretien, le Comite tripartite precise que le role de securite devolu aux forces syriennes pendant les deux annees ou elles devront aider les forces legales libanaises s'arretera a l'issue de cette periode, c'est-a-dire que l'armee syrienne sera alors regroupee sur les positions prevues par l'accord, mais sans mission sur la scene interieure libanaise. Sur le papier tout au moins, les elus du camp chretien ont donc recu des garanties susceptibles d'apaiser leurs craintes quant au retrait de l'armee syrienne du Liban. Ce retrait restera toutefois fonction d'un accord entre les deux gouvernements, comme l'exigeait la Syrie, qui a, pour sa part, largement le temps d'en etudier les formes. Toutefois, au Liban plus qu'ailleurs, deux ans - et sans doute plus, - c'est beaucoup, et la situation peut evoluer de maniere a remettre en cause les principes acquis. C'est maintenant sur le delegue du Comite tripartite arabe au Liban, Mr Lakhdar Ibrahimi, que repose l'organisation des elections, la prochaine etape d'importance dans le processus engage a Taef. Mr Ibrahimi a en effet recu la tache delicate d'etablir, " en concertation avec les autorites concernees ", un plan de securite autour du lieu de la reunion du Parlement, qui devrait etre la villa Mansour, situee sur le passage du Musee reliant les secteurs chretien et musulman de la capitale libanaise. C'est la que sont prevues les futures elections. Le president sortant du Parlement, Mr Husseini, a toutefois precise que, "en cas de force majeure ", celles-ci pourraient avoir lieu " n'importe ou ailleurs ". A moins de quinze jours de cette reunion, de nombreux problemes restent en suspens, le premier etant la cooperation necessaire du general Aoun, dont l'armee controle la partie est de Beyrouth. Les contacts se poursuivent avec lui, indique-t-on. Mais on estime que, en refusant l'offre que lui a faite, dimanche soir, Mr Ibrahimi de venir en Arabie saoudite participer a la reconciliation nationale en cours, il s'est d'une certaine facon lui-meme exclu du jeu. Reste que son attitude demeurera determinante et, dit-on, c'est avant tout au sein du camp chretien que ce probleme doit etre regle. En attendant, il semble que les deputes residant dans les regions sous le controle du general Aoun vont laisser passer quelques jours avant de rentrer au Liban. Certains d'entre eux, dont Mr Georges Saade, president du parti Kataeb, se rendaient, mercredi 25 octobre, a Rome, ou ils ont sollicite une audience du pape. Sur les soixante-deux deputes reunis a Taef, cinquante-six n'auraient pas l'intention de rentrer directement au Liban, une dizaine d'entre eux, dont Mr Husseini, devant en outre effectuer une visite dans les deux autres pays du Comite tripartite, l'Algerie et le Maroc. Restent aussi les problemes qui peuvent surgir du cote des milices pro-syriennes, dont l'attitude a l'egard de l'accord de Taef est pour le moins negative. Voici le passage du communique du comite tripartite arabe (Algerie, Maroc, Arabie saoudite) traitant de la presence militaire syrienne au Liban : " Les forces syriennes presentes au Liban termineront leur role de securite dans deux ans au maximum, comme il a ete mentionne dans la charte nationale, et les forces legales libanaises prendront alors la responsabilite totale de la securite a la place des forces syriennes, qui seront deployees dans les regions mentionnees dans la charte nationale. Le temps pendant lequel les forces syriennes resteront dans ces regions sera precise par l'accord qui devra etre conclu entre les deux gouvernements, syrien et libanais, et le sommet sera concerne par la ratification et par l'application de cet accord. " Plus le general Michel Aoun, premier ministre en exercice dans le secteur chretien, "l'homme du refus" du pacte de Taef, reunit de manifestants venus appuyer son rejet du "diktat consacrant l'hegemonie syrienne sur le Liban", plus il apparait politiquement isole dans son propre camp. En plusieurs vagues, ce sont de trente mille a quarante mille personnes, peut-etre meme cinquante mille, essentiellement des jeunes, qui sont venus lui apporter leur caution enthousiaste, alors que l'ensemble du reduit chretien observait, mardi 24 octobre, avec plus ou moins de conviction, l'ordre de greve lance par les medias "aounistes". A l'echelle du reduit chretien et de son million d'habitants (qui ne doivent plus etre que huit cent mille aujourd'hui, compte tenu des departs provoques par la "guerre des six mois" encore toute recente, c'est beaucoup. Dans l'entourage du general on y a vu un plebiscite, et celui-la s'est montre egal a lui-meme dans ses harangues a la foule : pugnace, intransigeant, sur de son bon droit et de sa bonne cause, proche de la population. Il a repete ses arguments contre le pacte de Taef, l'element nouveau de son discours etant une invitation a tous les deputes, y compris ceux qui resident hors du reduit, a venir discuter librement dans le secteur chretien, ou il s'engage a garantir leur securite, le document qu'ils viennent d'approuver "afin de convaincre leurs interlocuteurs qu'ils ont eu raison de l'approuver ou de se laisser convaincre du contraire et de revenir sur leur erreur". C'est, evidemment, une vue de l'esprit. En pratique, l'element important du discours du general Aoun est plutot l'engagement, qu'il a reitere, de "poursuivre son action jusqu'au bout". Donc, jusqu'a nouvel ordre, la situation demeure bloquee a Beyrouth, et l'epreuve de force risque de s'exacerber des lors qu'il s'agira de passer a l'application du pacte de Taef, ce qui ne saurait tarder compte tenu de la date limite du 7 novembre fixee par le Triumvirat pour les elections des deux presidents : du parlement et, surtout, de la republique. La prise de position du patriarche maronite, Mgr Sfeir, claire et nette, mardi, en faveur du pacte de Taef, n'a pas ete une surprise ; elle n'en constitue pas moins un coup dur pour le general Aoun. " Nous remercions Dieu de l'accord qui est intervenu et qui, de toute maniere, est une revendication essentielle dans les circonstances actuelles (...) Nous ne pouvons que remercier le Triumvirat arabe (...) Les deputes ont adopte la position que leur a dictee leur conscience nationale ", a souligne Mgr Sfeir, s'inscrivant en faux contre les theses du general. Il s'en est explique ainsi : " Le compromis de Taef ne donne pas satisfaction a tout le monde, c'est clair, mais il est apparu qu'on ne pouvait aller au-dela : ce sont les limites de ce qui pouvait etre fait car les Libanais ne sont pas seuls impliques, le monde arabe et la communaute internationale le sont egalement. " Et si le patriarche a donne un satisfecit au general en declarant : " Dans l'absolu, ceux qui refusent l'accord sur la souverainete ont raison ", il a, dans la meme phrase, blanchi les deputes en ajoutant : " Mais, dans la pratique, ceux qui ont signe l'accord ont aussi raison. " Tous les dirigeants politiques vont ainsi pouvoir s'abriter sous l'ombrelle du patriarche : les deputes, les forces libanaises (milice chretienne), de longue date en etat de rivalite, sinon d'hostilite, avec le general Aoun - bien qu'elles aient ete contraintes de combattre a ses cotes durant la " guerre des six mois " - et meme des hommes comme Mr Dany Chamoun (chef du PNL), qui l'a toujours soutenu mais qui est en train de se rallier aux decisions de Taef. En proclamant sa candidature a l'election presidentielle a partir de Paris, Mr Raymond Edde lui-meme - bien qu'il ergote sur la constitutionnalite du document de Taef - ne l'accepte-t-il pas de facto en s'engageant dans une election organisee selon le processus defini par ledit document ? Comment le general Aoun contrera-t-il tout cela ? D'autant plus que les obstacles qui ont entrave, par le passe, l'election presidentielle sont, cette fois, d'office aplanis : la villa Mansour est, en principe, d'ores et deja choisie pour la seance, et l'emissaire de la ligue, Mr Lakhdar Ibrahimi, est charge d'organiser un perimetre de securite tout autour, en faisant appel, si necessaire, a des militaires algeriens, marocains ou autres. Ce sera bien difficile. D'autant que la position de la France, favorable au pacte de Taef, ajoutee a toutes celles qui parviennent du monde entier - notamment des États-Unis, de la Grande-Bretagne, d'Egypte et de Jordanie, - est venue donner au processus engage un elan determinant. On commence aussi, a Beyrouth, a parler des presidentiables. En se portant candidat, Mr Raymond Edde a rappele qu'il etait apparu, en septembre, comme l'homme incarnant les aspirations cachees de beaucoup de Libanais, en particulier musulmans. Mais aujourd'hui, parmi les nombreux noms cites, emerge nettement, jusqu'a nouvel ordre, celui de Mr Rene Moawad, depute de Zghorta, modere et vieux routier de la politique libanaise, bien accepte par tous les camps. Le ministre israelien des affaires etrangeres, Mr Moshe Arens, a fait savoir au secretaire d'Etat Mr James Baker que Jerusalem acceptait, sous deux reserves, ses idees sur un dialogue israelo-palestinien. Dans une lettre recue lundi 23 octobre a Washington, Mr Arens insiste pour que le secretaire d'Etat donne l'assurance que l'OLP ne participera pas indirectement a ces discussions. La seconde reserve prevoit que le dialogue ne porte que sur l'organisation d'elections en Cisjordanie et Gaza, sans aborder le statut ulterieur de ces territoires occupes. Commentant l'accord de Taef, le general Michel Aoun souligne, dans un entretien au Figaro, publie mercredi 25 ocotbre, qu'il n'y a pas oppose un " non categorique ". " Au contraire, declare-t-il. J'accepte toutes les reformes institutionnelles. Qu'elles soient bonnes ou mauvaises, je ne m'en mele pas. C'est une affaire libano-libanaise. Si tout le monde est d'accord, je m'incline. " En revanche, concernant la presence syrienne, le general Aoun declare : " Ce qui est evoque dans l'accord (de Taef), c'est un vague redeploiement, puis, deux ans apres l'installation des nouvelles institutions, un retrait. (...) Non, a Taef, il fallait etablir un calendrier precis, avec une carte : tel jour, retrait la et la. Il fallait qu'on sache. " Passant outre aux objections de Mr Gorbatchev, le Soviet supreme a decide une democratisation des lois electorales. Il s'est prononce, mardi 24 octobre, en faveur de la possibilite, pour chaque Republique de l'Union, d'elire dorenavant son president au suffrage universel. Il s'est egalement prononce contre la pratique des mandats de depute reserves a des representants d'organisations politiques ou sociales, comme le Parti communiste. Ces dispositions n'auront force de loi que si elles sont approuvees a leur tour par le congres des deputes. Ignorant les objections de Mr Gorbatchev et depassant toutes les esperances des deputes les plus radicaux, le Soviet supreme s'est prononce, mardi 24 octobre, en faveur de l'election au suffrage universel direct des presidents des differentes republiques de l'URSS. S'il etait confirme, en novembre, par les 2 250 membres du Congres auxquels revient le droit de modifier la Constitution, ce vote provoquerait un bouleversement radical des institutions sovietiques en creant de nouvelles legitimites politiques. Son importance a toutefois ete aussitot eclipsee par une seconde decision, sans doute moins importante sur le fond mais plus spectaculaire encore. Le Soviet supreme a en effet propose une autre modification de la Constitution qui retirerait aux organisations politiques et sociales constituees le droit de designer directement des deputes en leur sein. Un tiers des membres du Congres avaient ainsi ete elus, l'annee derniere, non pas par le corps electoral dans son ensemble, mais par les membres (ou, plus souvent, les directions) du Parti communiste, de l'Academie des sciences, des syndicats, de l'Union des ecrivains, ou encore... de l'Association des philatelistes. Tres vivement critiquee, cette disposition n'avait pas seulement permis de donner plusieurs voix a ceux des Sovietiques qui sont membres d'un ou plusieurs de ces mouvements et qui pouvaient donc voter plusieurs fois sous differentes casquettes. Elle avait egalement assure des sieges a des personnalites conservatrices qui n'auraient sans doute pas trouve autrement de circoncription ou se faire elire. Dans la pratique, beaucoup de ces organisations, et notamment le parti, avaient toutefois ete amenees a etablir des listes representant leurs differentes tendances et ces deputes " d'organisations " (au nombre de cent pour le Parti communiste) s'etaient donc fondus dans les differents courants de l'ensemble du Congres. Reste que si le Congres donne raison au Soviet supreme, le parti ne beneficiera plus dans les prochains scrutins de sieges reserves. Ce n'est pas ca qui lui assurait une majorite qui n'est, de toute maniere, plus automatique en raison de ses affrontements internes. Le fait que le Soviet supreme - dont les trois quarts de ses membres sont communistes - ait decide de retirer un privilege institutionnel au parti n'en marque pas moins la force de la dynamique parlementaire. Moins d'un semestre apres les premieres elections partiellement libres de l'Union sovietique, le centre du pouvoir se deplace lentement, mais surement, du comite central vers le Parlement ; des hommes nouveaux commencent a se reveler dans les seances et en commissions, et Mr Gorbatchev lui-meme n'est plus assure de pouvoir toujours se faire entendre. Absent, mardi, des debats, il avait explique la veille que l'election directe des presidents des republiques en ferait des " gouverneurs ", et violerait surtout le principe de la plenitude des pouvoirs aux soviets. Entraine par les deputes baltes, le Soviet supreme a, lui, ete seduit par l'idee de doter les republiques de veritables chefs d'Etat beneficiant d'une legitimite populaire que les institutions n'assurent jusqu'a present a personne. Elu, lui, chef de l'Etat sovietique par le Congres, au deuxieme degre donc, Mr Gorbatchev pourrait, en consequence, avoir demain a traiter avec un president estonien, armenien, azerbaidjanais ou ukrainien, elu au suffrage universel. La possibilite (que les republiques pourraient ou non saisir) d'organiser leur election presidentielle au suffrage universel devrait renforcer l'independance des republiques, accentuer plus encore que prevu la nouvelle predominance de l'appareil d'Etat sur celui du parti et accelerer enfin, par la personnalisation de la lutte politique, la cristallisation de nouveaux partis. La dynamique parlementaire cree une dynamique politique, et le Soviet supreme vient de se reveler d'une audace que les deputes les plus reformateurs croyaient reservee au Congres. - En huitiemes de finale aller de la Coupe d'Europe des clubs vainqueurs de coupe, les Allemands de l'Ouest de Leverkusen ont battu, le 24 octobre, les visiteurs francais de Mulhouse 97-88. Au deuxieme tour aller de la Coupe Korac, Pau-Orthez a domine les Islandais de Reykjavik 97-78. - Outre les deux supporters de Feyenoord interpelles, dimanche 22 octobre, a la suite de l'explosion de deux bombes artisanales dans le stade de l'Ajax d'Amsterdam, qui a fait quatorze blesses (le Monde des 24 et 25 octobre), la police neerlandaise a interpelle, le 24 octobre, un troisieme suspect, un garcon age de dix-sept ans. Selon un sondage effectue pour le quotidien populaire De Telegraaf, 42 % de la population demanderait une suspension du championnat de football aux Pays-Bas. Dans le discours qu'il a prononce, mardi 24 octobre a Bucarest, devant un plenum du comite central du Parti communiste roumain, Mr Nicolae Ceausescu a denonce l'"intensification des activites des cercles reactionnaires et anticommunistes" qui cherchent a s'immiscer "dans les affaires interieures des pays socialistes" et a "destabiliser et affaiblir la construction du socialisme". Dans une claire allusion a la situation en Hongrie, en Pologne, ainsi qu'en URSS, le chef de l'Etat roumain a de nouveau attaque les "reformistes" et les "theses qui sont proclamees et commencent a etre pratiquees dans certains pays socialistes". Selon des diplomates occidentaux a Bucarest, le limogeage recent, en RDA, de Mr Erich Honecker - vieil ami de Mr Ceausescu - aurait ete accueilli avec consternation et une certaine nervosite au sein de la direction du PC roumain, toujours aussi reticente au changement. A quelques semaines de l'ouverture du quatorzieme congres national du Parti communiste roumain (PCR), qui devrait se tenir du 20 au 25 novembre a Bucarest, un certain nombre de membres du parti, regroupes dans un Front de salut national, ont adresse un "appel" a ceux d'entre eux qui ont ete elus delegues pour qu'ils demettent Mr Nicolas Ceausescu de ses fonctions. Les contestataires, dont on ignore l'importance numerique, prient leurs camarades - pour lesquels ils eprouvent un respect tout a fait relatif puisqu'ils les qualifient de " masse inerte " - d'arreter pour une fois " de mystifier, encenser, ecouter et applaudir " durant cinq jours la dictature Ceausescu et de reclamer une vraie discussion, " avec courage et esprit de sacrifice s'il le faut ", pour sortir la Roumanie d'une impasse tragique. Il demande a ces delegues qui, au fond d'eux-memes, " sont, la plupart, conscients de la situation catastrophique actuelle ", de monter a la tribune pour dire la verite sur les realites economiques, sociales et politiques. La listes de ces tristes " realites " est longue : incompetence des cadres, investissements rates, plans de production irrealistes, rationnement en serie, exportation de produits a des prix inferieurs aux couts de production, desastre de l'agriculture en raison de l'exploitation des paysans qui sont remplaces " par des etudiants, des eleves, des militaires, des droits communs (et parfois) des ouvriers d'usines ". Avec pour resultat, selon les signataires de cet appel, que " tous les ans, une grande partie de la recolte reste sur pied " et qu'une grande partie de la population " est condamnee a la famine ". Autres themes qui meriteraient un debat publique au congres dans la Roumanie d'aujourd'hui : les carences de la politique de sante, la mortalite infantile, la reapparition de maladies telles que la syphilis, la tuberculose et la gale, les penuries de medicaments. Egalement mentionnee: la faillite totale du systeme d'education, autrefois prise, qui a pratiquement tire un trait sur la formation generale. Le bacalaureat a ete transforme en " parodie ", les enseignants etant notamment obliges de presenter des " statistiques triomphales " en fin d'annee. Les douze annees d'ecole obligatoire ont provoque un desinteret general pour les etudes et rendu " moralement infirmes les jeunes generations qui, de la maternelle a l'universite, sont formees dans le moule du mensonge, de la demagogie et de l'arrivisme ". Toutes ces critiques contre le regime ne sont pas vraiment nouvelles, de meme que les tracasseries quotidiennes auxquelles sont soumis des dissidents comme Mme Doina Cornea, ancienne enseignante de francais a Cluj, l'ecrivain Mircea Dinescu et six anciens dirigeants du parti qui avaient denonce en mars dernier, dans une lettre ouverte, la politique de la " famille " Ceausescu et l'isolement de la Roumanie qui en resulte sur la scene internationale. Mais elles emanent quand meme d'un groupe de personnes, membres du PCR, qui affirment parler " au nom d'un peuple que l'on a mis a genoux, terrorise et qui est au seuil de son propre aneantissement ". Le Front du salut national demande que le prochain congres decide de " liberer de ses fonctions " Mr Ceausescu, de renouveler la direction du PCR et de definir une nouvelle strategie politique. Dans ces conditions, il estime que les delegues ont une " mission historique " a accomplir en novembre en essayant de mettre a l'ecart le " Conducator ". " C'est peut-etre la derniere occasion, ecrit-il, d'eviter un conflit social majeur et un bain de sang auquel conduit toujours le desespoir. " Pour l'heure, en tout cas, Mr Ceausescu parait maitriser cette contestation, et Moscou, qui a d'autres chats a fouetter, ne semble pas particulierement pressee de contribuer a la chute d'un regime, peu gorbatchevien - c'est evident - mais qui, sur le plan commercial, lui rend bien des services, ne serait-ce que sous la forme de fournitures de produits chimiques... et de denrees alimentaires. Les changements a Varsovie et a Budapest, le limogeage plus recent de Mr Erich Honecker a Berlin-Est, n'ont pas fait changer d'avis le numero un de Bucarest. Dans un discours prononce le 16 octobre a Sinistra-Nasaud, lors d'une visite dans le sud-ouest du pays, il a dit en substance que les Roumains n'entendaient pas revenir a un etat d'" esclavage " en adoptant les mesures prises en Pologne et en Hongrie. Il a maintenu son attachement visceral a l'economie centralisee et a certifie que la Roumanie ne travaillera jamais avec les " capitalistes ". L'approche du quatorzieme congres du PCR aidant, Mr Ceausescu avait quelques jours plut tot " fait le marche " a Bucarest. Il y avait constate, selon des organes officiels, de " grandes insuffisances ", concernant notamment l'hygiene alimentaire. Comme de coutume, dans ce pays, il en a impute la responsabilite a des " cadres incompetents " dans les ministeres. " Les recoltes, a-t-il ajoute, sont suffisantes pour subvenir aux besoins de la population " et realiser " l'objectif d'autarcie que la Roumanie s'est fixee ". Des photos, dans la presse, montrent Mr Ceausescu, devant des etalages de poissons frais et de legumes de saison, produits qui sont d'habitude quasiment inexistants... Toujours est-il que le quatorzieme congres du PCR doit etre, selon Mr Ceausescu, " un resume des grandioses realisations " et ouvrir " de nouvelles perspectives pour l'application sans failles des principes du socialisme scientifique ". Sans doute, espere-t-il que le nouveau Centre civique de Bucarest - de style mussolinien et neo-classique, bref " ceausescusien " - et le boulevard de la victoire du socialisme seront enfin inaugures a cette occasion. Les ceremonies, qui devaient consacrer la demolition d'une partie du centre historique de la capitale roumaine, etaient prevues pour la fete nationale, le 23 aout dernier. Elles ont du etre ajournees. On dit que certains architectes et entrepreneurs reticents, bien qu'appointes par le regime, ne seraient pas etrangers a ces retards... Fait inhabituel en tout cas, le quatorzieme congres du PCR a ete " prepare " par un plenum du comite central les 24 et 25 octobre. Outre le projet de loi relatif a l'amnistie en Nouvelle-Caledonie, le conseil des ministres du mercredi 25 octobre a adopte un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social (DDOS), relatives a la sante et a la Securite sociale, presente par Mr Claude Evin. Mr Michel Durafour a presente, de son cote, le decret instituant une prime de croissance de 1 200 F pour les fonctionnaires en activite, et une allocation de 900 F pour les fonctionnaires retraites. Mr Lionel Jospin a presente une communication sur la rentree universitaire, rentree qu'il a jugee " difficile, mais maitrisee ", selon les termes de Mr Louis Le Pensec, porte-parole du gouvernement. Le ministre de l'education nationale a egalement presente une communication sur la formation des ingenieurs dans le contexte europeen (lire page 1). De nouvelles voies d'acces au titre d'ingenieur par la formation continue seront desormais ouvertes. Mr Jean-Marie Rausch a presente un bilan du programme d'action du gouvernement en matiere de commerce exterieur, ainsi que les objectifs maintenant poursuivis dans ce secteur. Enfin, Mr Roland Dumas a presente deux projets de lois relatifs a l'approbation de conventions internationales. Sur propositions de Mr Jacques Lang, ministre de la culture, de la communication, des grands travaux et du Bicentenaire, le conseil des ministres a nomme, d'autre part, Mr Jean Lebrat, ingenieur en chef des ponts et chaussees, president de l'etablissement public du Grand Louvre, et Mme Evelyne Pisier, directeur du livre et de la lecture. LORSQUE le bras droit de Gorbatchev affirme que le marche est le seul critere democratique en matiere economique, quand un membre du bureau politique du Parti polonais, frais promu, ne retient pour seul modele possible que le systeme suedois, quand la majorite du nouveau Parti socialiste hongrois n'envisage plus qu'une seule voie, la voie pluraliste, mieux vaut ne pas se tromper de diagnostic et, partant, d'ordonnance. L'ete qui vient de passer a vu s'operer - comme disent les marxistes bon teint - un saut qualitatif : le communisme, en tant que systeme planetaire, n'est plus seulement malade, il est mourant. Des lors, le probleme est moins de s'interroger sur les conditions de sa survie que d'en abreger les souffrances et notamment celles qu'il inflige encore aux peuples qui le subissent. C'est une singularite de l'intelligentsia francaise dominante que de se poser les questions que d'autres ont deja resolues. A de rares exceptions pres, elle en est encore, au nom du " droit-de-l'hommisme " de tendance kouchnerienne, a tenir le bulletin quotidien des occasions manquees par Gorbatchev de transformer la sainte Russie en paradis hawaen. L'histoire passe, le faubourg Saint-Germain fait des additions. Il demeure une certaine contagion de la mesquinerie dans la sphere politique qui, a terme, peut etre fort dommageable. Ce que certains ont du mal a concevoir, apres soixante-dix ans de diabolisation des equipes dirigeantes sovietiques, c'est que la derniere nee ne manoeuvre pas en recul pour preserver ce qui demeurerait le " noyau dur " du dogme. Mr Gorbatchev a cesse de manoeuvrer parce qu'il n'a plus de marge pour ce faire et que la democratisation comme le desarmement lui sont imposes par les peuples de l'Est comme par l'etat de leurs economies. Et gare, ici, a faire de la Chine l'exception qui infirmerait la regle quand Mr Deng ne fait plus que de la tactique de retardement au prix du sang, evidemment. Des lors, on est un peu confus de devoir reconnaitre que c'est Mr Bush et, plus subtilement, Mr Giscard d'Estaing, qui ont le mieux saisi l'esprit du temps en inversant les termes de la fameuse formule de Lenine selon laquelle les capitalistes finiraient bien par lui vendre la corde destinee a les pendre. Voler au secours financier de la Pologne, investir en URSS, injecter francs et dollars en Hongrie apparait desormais, en effet, comme plus " rentable " que de developper des systemes d'armes qui n'ont jamais ete aussi inutiles. La memoire collective joue parfois de mauvais tours, la France rentiere serait-elle toujours hantee par le fantome des emprunts russes ? Certes, transposees du Nord-Est bresilien a l'Oural, les recettes minceurs du FMI auront des effets approchants et le temps n'est peut-etre pas si eloigne ou l'on s'expatriera " librement " de Slovaquie pour remplacer les Turcs de la Ruhr. Mais sont-ce la les scrupules qui animent les principales forces politiques francaises ? Un bon exercice preparatoire consisterait, avant de formuler de plus hautes pretentions, a gerer avec plus d'efficacite la fin du communisme francais. Il est a ce propos assez etrange que nombre de dirigeants socialistes d'envergure oscillent toujours entre deux attitudes egalement discutables et parfois complementaires : considerer que la question ne se pose plus ou prendre son mal en patience. Or, si le declin de l'influence communiste semble irremediable, tout indique que le transfert electoral vers le PS, s'il a jamais eu lieu dans des proportions significatives, est aujourd'hui a peu pres nul. Un, deux, trois millions de suffrages potentiels seraient-ils a ce point superflus que l'on persiste a les negliger ? Les efforts deployes pour rallier quelques ministres giscardiens sans autres bagages que leur bonne mine auraient-ils epuise les ressources imaginatives des socialistes. La " fizbinisation " constituerait-elle le nec plus ultra du traitement de la question communiste ? Sans doute l'affaire n'est-elle pas aisee. Aucune force autonome significative n'a pu, jusqu'ici, se degager de l'orbite du PCF pour fixer durablement une part de son ancienne influence et ce n'est pas le confusionnisme de la campagne menee en 1988 par Mr Pierre Juquin qui a du eclaircir la perspective. Mais avant de rever d'une grande social-democratie francaise occupant l'ensemble du champ progressiste, avant d'imaginer l'integration au PS d'un courant heritier de la culture communiste, pourquoi ne pas convenir que les socialistes ne sont toujours pas en mesure de realiser pareils projets et que la desherence ne profite qu'a Mr Georges Marchais et a la droite, sans promettre d'autre avenir a Charles Fiterman que celui de sacrifie d'avance ? N'est-il pas etrange que l'on n'ait pas compris que Saint-Etienne, Nimes, Reims, Amiens (a qui le tour ?) se sont fort bien passees du PS pour tomber directement des mains de maires communistes dans de plus rudes poignes ? On ne prend pas de raccourci avec l'Histoire hors les periodes de crise. Polonais et Hongrois, Baltes et Russes vont a leur rythme qui est celui du bouleversement. Nous n'en sommes pas la et le flamboiement de l'Orient europeen n'est ici que timide lueur. Que le PS ait l'ambition de " rafler la mise ", on le comprend, qu'il se serve de sa puissance pour steriliser des forces qui ne manqueront pas de lui faire defaut un jour est moins justifiable. Negocier au plus juste prix des accords municipaux avec Mr Marchais est necessaire mais n'epuise pas le probleme. Lacher quelques concessions a Mr Krasucki est indispensable mais ne regle rien sur le fond. Pourquoi donc, a Rennes ou ailleurs, ne pas s'inquieter des conditions de passage a une nouvelle ere politique, celle ou un " reformisme fort ", pour ecrire comme Mr Ochetto, secretaire general du PC italien, surmonterait le clivage de Tours et rendrait, a terme, Mr Marchais tout simplement inutile. Y aurait-il pire disparition pour lui et plus allechante incitation pour Mr Gorbatchev ? SPÉCULATION financiere et menace permanente de krach boursier, deux tiers de l'humanite insolvables et internationalisation du fleau de la drogue, chomage endemique et austerite chronique, mise en cause des souverainetes nationales et multiplication des atteintes aux droits et libertes, etc. Tel qu'en lui-meme, le capitalisme egrene sa crise de jour en jour. Une crise qui provoque le mouvement social. Les luttes revendicatives, a l'ordre du jour en France, en temoignent : l'action pour le SMIC a 6 500 francs, les puissants mouvements des fonctionnaires des finances, des travailleurs de chez Peugeot, des personnels hospitaliers et bien d'autres, la protestation contre les licenciements et les entraves multipliees aux droits des travailleurs expriment le refus d'une societe injuste en meme temps que, consciemment ou non, elles mettent en cause le capitalisme comme mode de production et formation sociale. D'autant plus que, au-dela du discours liberal, la faillite theorique du systeme est patente. Un ecart croissant existe entre la realite et les premisses de la pensee liberale. Si celle-ci se refere fondamentalement a la concurrence des entreprises face au marche pour realiser les conditions de l'optimum economique, dans les faits la production, la consommation, les echanges, les financements sont caracterises non par la concurrence ideale, l'egalite, la divisibilite, l'information parfaite des agents economiques, mais au contraire par des hierarchies de puissances, le jeu des rapports de force, des coalitions et une intervention publique massive. C'est dans ce contexte, ou le capitalisme voit fortement contestee sa capacite propulsive historique, qu'il est devenu de bon ton de speculer sur la mort du communisme. Il n'est evidemment pas question de nier la situation de crise grave que connaissent aujourd'hui les pays socialistes qui se sont donne le communisme comme ideal et objectif. Des causes specifiques en ont ete identifiees. Par exemple, s'agissant de l'Union sovietique : l'arrieration originelle, l'encerclement imperialiste et la guerre, le stalinisme. Mais une analyse plus approfondie des causes inherentes a la nature meme du socialisme permet de montrer que ce dont souffrent les pays qui se sont engages dans cette voie n'est pas un exces de socialisme mais une insuffisance de socialisme dans ses trois fondements : la propriete sociale des grands moyens de production d'echange et de financement, le pouvoir de la classe ouvriere et de ses allies, la democratie. La propriete sociale est evidemment irreductible a un simple transfert de propriete juridique, les nationalisations de 1982 en ont apporte en France une preuve supplementaire. Elle implique l'intervention active des createurs, la mise en oeuvre de nouvelles methodes de gestion, le developpement maitrise d'interactivites et de cooperations. Le sens du service public finalise par des valeurs d'interet general, oppose a l'esprit managerial fonde sur la recherche exclusive du profit, participe de cette appropriation qui est, en definitive, une creation continue, jamais absolument acquise. La classe ouvriere ne se concoit plus aujourd'hui en dehors de l'imbrication des travailleurs collectifs combinant travail manuel et travail intellectuel, directement productif et improductif, activites industrielles, de recherche et de service. La remise en cause de la notion de dictature du proletariat, devenue largement obsolete, entraine necessairement une nouvelle definition plus complexe, plus riche de la base de classe de l'action revolutionnaire et, partant, de la vocation des revolutionnaires dans la societe : levain dans la pate, sel de la terre, avant-garde d'un type nouveau a requalifier. La democratie ne saurait elle-meme limiter ses references aux droits individuels dont la propriete privee etait a l'origine le soutien. Les encyclopedistes ne disaient-ils pas : " C'est la propriete qui fait le citoyen. " Ni meme aux droits de la seconde generation, droits economiques et sociaux que les luttes ont pourtant portes en France a un niveau relativement eleve. Elle doit aujourd'hui inclure l'ensemble des droits du genre humain, c'est-a-dire ceux qui correspondent aux valeurs individuellement reconnues : la paix, l'environnement, le developpement, la souverainete nationale, l'Etat democratique de droit, l'integrite de la personne, etc. C'est l'insuffisance de reponses apportees a ces conditions de fond qui explique la nature de la crise des pays socialistes et ce diagnostic vaut pour eux comme pour tous ceux qui, dans des conditions nationales specifiques, se donnent le socialisme comme objectif et solution de la crise du capitalisme. Non seulement l'avenir du socialisme, le communisme, n'est pas detruit, mais il se presente au contraire comme un immense chantier ou, fortes de l'experience acquise, avec ses echecs, ses erreurs et ses fautes, les revolutionnaires modernes peuvent aller de l'avant pour construire une societe plus humaine fondee sur la justice sociale, l'efficacite economique et la democratie politique la plus complete. Au cours des dernieres decennies, les communistes francais ont beaucoup accumule d'enseignements pratiques et de reflexion theorique, mais la barre des exigences posees par la construction du socialisme dans un pays developpe tel que la France s'est beaucoup elevee et appelle plus que jamais un enorme travail d'approfondissement ideologique et politique, accompagnant l'action pour les revendications immediates et pour des perspectives de reel changement. Nul encore n'y a echappe. " Mr Anicet Le Pors, ancien ministre et membre du comite central du PCF. Il etait temps de celebrer le tricentenaire de Montesquieu (ne le 16 janvier 1689). En l'associant, mardi 24 octobre dans sa seance solennelle de rentree, au rappel du siecle des Lumieres et de leur corollaire, notre Revolution, deja surcommemoree, l'Institut de France a degage les liens profonds qui ont uni la pensee et l'action en cette periode de rupture historique. Chacune des cinq Academies s'y est employee dans le domaine de sa vocation propre. Ainsi, Mr Jean Aubouin, president de l'Academie des sciences, en relatant les missions, les expeditions souvent mouvementees, les travaux qui peu apres la creation de cette academie, soit de 1668 a 1799, ont determine la forme et la mesure de la Terre, et par voie de consequence l'etablissement d'un systeme de mesure universel, le systeme metrique, a mis en evidence les continuites discretes qui se sont etablies entre l'Ancien et le Nouveau Regime. En regard de ces resultats positifs, Mr Germain Bazin, delegue de l'Academie des beaux-arts, a recherche l'architecture des Lumieres plutot dans ses projets utopiques, "en papier", que dans ses realisations "en dur", une architecture qui soit le reflet de la societe nouvelle revee par les "philosophes" de cette societe pragmatique qui doit regenerer l'humanite. Conservees, elles foisonnent, les speculations graphiques et theoriques de fort nombreux architectes. "Sur les cendres de Dieu on celebre le culte de l'homme." Mais comment se defaire de l'antique ? Par bonheur, avec les dessins ramenes par Soufflot de Paestum, on a la revelation d'un antique inedit, que notamment Ledoux et surtout Boullee soumettront a encore plus de depouillement et dont ils seront les precurseurs, au-dela d'une Revolution " fatale aux arts " et de plus d'un siecle d'une sorte de classicisme affadi d'un Le Corbusier ou d'un Zehrfuss. Pour en revenir aux Lumieres, faut-il toujours donner raison aux encyclopedistes ? Les " antiquaires " (ainsi nommait-on les archeologues), et a leur tete le comte de Caylus, leur menent la vie dure. Notre collaborateur Andre Chastel evoque l'attachante figure de son predecesseur lointain a l'Academie des inscriptions et belles-lettres, qui avait ramene de ses voyages un veritable musee d'objets de fouilles, de chefs-d'oeuvre antiques. La polemique, periodiquement renouvelee, qui opposa Caylus aux " philosophes " et, particulierement, a Diderot, fut souvent d'une extreme violence. Mais, grace a son " erudition un peu folle ", et en depit de ses erreurs, de faux trop hativement authentifies, Caylus a ouvert la voie a l'archeologie moderne. Et Montesquieu dans tout cela ? On y vient avec Mr Bernard Chenot, secretaire perpetuel de l'Academie des sciences morales et politique qui salue en l'auteur de l'Esprit des lois le promoteur de la separation des pouvoirs. Non sans nuances. " Tout se passe comme si la sainte philosophie des Lumieres etait deviee, quand elle traverse le prisme du temperament aristocratique de Montesquieu. Ni la separation des pouvoirs ni l'idee de loi ne peuvent plus alors etre dissociees d'une certaine conception de la liberte. " Theorie qui devait connaitre des fortunes diverses et retrogrades jusqu'a notre Constitution de 1875 "qui, dans son esprit et dans sa brievete, semblait etre inspiree par une separation des pouvoirs selon Montesquieu. Helas ! Par l'effacement du chef de l'Etat, elle degenera vite en un gouvernement d'assemblee, coupe, a partir de la premiere guerre universelle, par des periodes d'abdication des assemblees entre les mains d'un president du conseil, issu d'elles, mais dont le systeme des decrets-loi - de quelque noms qu'on les appelat - faisait le dictateur des temps difficiles. Or les crises etaient de plus en plus frequentes dans les dernieres annees de la IIIe et sous la IVe Republique. La Constitution de la Ve Republique, la notre, a voulu reagir contre le gouvernement d'assemblee mais elle l'a fait sans nuance, au profit de la prerogative presidentielle. Nous cherchons encore un equilibre des pouvoirs qui nous rapproche de la pensee de Montesquieu. Si nous sommes fideles a celle-ci, peu importe le mode. " Restait a definir le Montesquieu chretien. C'est a travers Lacordaire que l'a evoque le Pere Carre, au nom de l'Academie francaise. Un Lacordaire qui, en 1861, trouvait dans le 24e livre de l'Esprit des lois " la plus belle apologie du christianisme au dix-huitieme siecle et le plus haut temoignage de ce que peut la verite sur une grande ame qui a mis sincerement sa pensee au service des hommes ". Une sorte de parallele se dessine alors entre les positions politiques et morales de Montesquieu et de Lacordaire. Le premier, par exemple, " condamne l'Inquisition avec une rigueur implacable ". Il est rejoint par Lacordaire en ce qui concerne la liberte de conscience, Lacordaire qui s'eleva contre le colonialisme et le racisme. Cependant, " comme Montesquieu, il sait que la loi est la pour empecher les exces du liberalisme ; d'ou la magnifique declaration qu'il fait a Notre-Dame de Paris : " Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maitre et le serviteur, c'est la liberte qui opprime et la loi qui affranchit. " La seance de reception a l'Academie francaise de Mme Jacqueline de Romilly aura lieu le jeudi 26 octobre sous la Coupole. Mme de Romilly prononcera l'eloge de Mr Andre Roussin et sera accueillie par Mr Alain Peyrefitte. Le Monde publiera le texte des deux discours dans son numero date 29-30 octobre. L'interfederale CGT-CFDT-FO-SNUI des finances a propose, mardi 24 octobre, lors d'une conference de presse, la reouverture des negociations et annonce une manifestation, jeudi, autour de l'hotel Matignon, ainsi qu'une " grande initiative nationale " la semaine prochaine. Quant a Mr Pierre Beregovoy, ministre de l'economie et des finances, dont l'entourage discerne une tendance a la reprise du travail - hormis dans l'administration des impots, - il a recu, le meme jour, un soutien qu'il attendait depuis longtemps : celui des deputes socialistes, dont le porte-parole, Mr Jean Le Garrec, a souhaite que " le travail reprenne " dans la mesure ou le gouvernement " a pris en compte les revendications ". Apres les entreprises, les particuliers commencent a ressentir les effets de la greve des agents des finances. Pour certains d'entre eux, la gene est reelle. Il s'agit en premier lieu des acquereurs ou des vendeurs de biens immobiliers qui peuvent se trouver dans l'impossibilite de se procurer certains documents administratifs indispensables delivres par les services de la Conservation des hypotheques et du cadastre, notamment. Il arrive ainsi, selon le Conseil superieur du notariat, que le deblocage des fonds pour l'achat d'un appartement ou d'une maison ne puisse etre effectue. Les representants de la profession et les pouvoirs publics ont bien tente de trouver des solutions mais, pour le moment, cette concertation n'a guere permis d'ameliorer la situation. Plusieurs dizaines de milliers de contrats concernant les achats de fonds de commerce ou les transactions immobilieres (plus de soixante mille dans ce dernier cas, selon la Federation nationale de l'immobilier) seraient actuellement suspendus. D'autre part, il devient difficile de se procurer les timbres fiscaux necessaires pour obtenir un permis de sejour, une carte d'identite, faire valider son permis de conduire ou renouveler son passeport. Le ministere des finances envisage, en liaison avec celui de l'interieur, de generaliser la procedure du " paiement sur etat " (qui consiste a regler le prix du timbre, l'administration apposant ensuite un cachet certifiant que le paiement a bien eu lieu), mais, pour l'heure, aucune decision n'a ete prise. De meme, le versement des droits de succession ne subira qu'un retard limite. Dans le cas contraire, les departements, auxquels ce prelevement rapporte quelque 10 milliards de francs chaque annee, en patiraient. Enfin, quelques menaces commencent a se dessiner autour de la perception des impots locaux, dont les echeances s'etalent du 15 octobre au 15 decembre. La paralysie de nombreux centres informatiques des impots risque fort de perturber le traitement des dossiers, ce qui pourrait penaliser financierement les collectivites locales. Neanmoins de nombreux contribuables (y compris certains dirigeants syndicaux des finances) ont deja recu leur avis d'imposition pour la taxe d'habitation. Longtemps attendue, la decision des Rothschild de revenir dans la ville ou naquit il y a plus de deux siecles leur illustre ancetre Mayer Amschel s'est enfin concretisee. Lors d'une conference de presse, lundi 23 octobre a Francfort, le baron Elie de Rothschild, president du conseil d'administration de la banque suisse Rothschild AG de Zurich, ou toutes les branches de la famille sont representees, s'est felicite de l'accueil " extremement chaleureux " rencontre aupres des autorites de la ville. Faute d'heritier male, la derniere banque Rothschild, qui est devenue aujourd'hui le siege du seul musee entierement consacre a la culture juive en RFA, avait ferme ses portes en 1901 apres la mort du baron Wilhem Carl von Rothschild. Ce retour au bercail de l'une des plus illustres familles de Francfort est loin d'etre triomphal. L'ouverture dans un premier temps d'un simple bureau de representation, dans lequel sont egalement presentes les branches britanniques (N.M. Rothschild & Sons Ltd) et francaises (Rothschild & Cie), atteste de la prudence avec laquelle le groupe a decide d'aborder le marche allemand. Mais l'importance grandissante de Francfort comme place financiere internationale et la perspective du grand marche europeen de 1993 rendaient d'autant plus incomprehensible une absence prolongee des Rothschild que le groupe a deja des bureaux dans dix-neuf pays, notamment l'Italie, l'Espagne et le Portugal. En ce qui concerne la nouvelle antenne qui ouvre avec seulement trois employes, le soutien qu'elle trouvera aupres de ce reseau devrait lui permettre de compenser la modestie des moyens mis en place pourla prospection de nouveaux clients. Chacun des trois etablissements apportera en effet son savoir-faire et sa clientele par le biais de cette representation, afin d'offrir la gamme la plus diversifiee possible de services. Zurich, dont c'est le point fort, sera charge de la gestion de portefeuilles. Une activite qui lui a permis de degager, l'an dernier, 20,9 millions de francs suisses de profits nets. Les relations avec l'Allemagne, deja importantes en raison de la similitude linguistique, vont donc s'intensifier dans ce secteur. En ce qui concerne les branches de Londres et Paris, c'est un tout autre type d'activite qui les interesse : les fusions et acquisitions d'entreprises. N.M. Rothschild & Sons Ltd, qui est l'un des principaux actionnaires de la compagnie financiere Smith New Court PLC, a acquis une considerable experience dans ce secteur. Depuis le debut, elle a manifeste son interet pour le marche allemand. De son cote, Rothschild & Cie, banque du baron David, qui a retrouve en 1986 l'usage bancaire du patronyme Rothschild (apres la nationalisation de la Banque Rothschild en France devenue l'Europeenne de banques), s'est egalement specialisee dans les fusions et acquisitions. Elle considere sa presence en RFA comme indispensable, particulierement au vu des relations privilegiees entre Paris et Bonn a un moment aussi important pour la construction de l'Europe. Interroge, le baron David, qui etait seul a defendre les couleurs de sa banque face a une delegation impressionnante du cote anglais, n'a pas exclu la possibilite d'une competition entre les deux branches en ce qui concerne le marche des fusions et acquisitions. Mais ainsi qu'il l'a souligne lui-meme, la question ne sera vraiment a l'ordre du jour qu'en cas de pertes au niveau de l'activite : " Le partage des dividendes ne devrait poser aucun probleme, s'il y a benefices. " Petite revolution dans le monde de l'informatique : DEC (Digital Equipement), champion des mini-ordinateurs, victime de la concurrence des micros, sort par le haut et se lance sur le marche des grosses machines, terrain de predilection d'IBM. L'annonce constitue incontestablement un changement de strategie pour le numero deux mondial de l'informatique (12,7 milliards de dollars de chiffre d'affaires, soit 80 miliards de francs), dont les performances pietinent, et prelude a une jolie bataille avec le numero un mondial, qui tire la moitie de ses benefices de ce marche. Reste a savoir si, en proposant sa nouvelle machine deux fois moins cher a l'unite que celle d'IBM, DEC est en mesure de supporter une guerre des prix face a IBM, cinq fois plus gros que lui. "Big Blue" a d'ailleurs commence a reagir en faisant une nouvelle annonce completant sa gamme de grands systemes 3090, le meme jour ou DEC devoilait son dernier-ne en grande pompe. La societe Burke Marketing Research, qui avait refuse de reprendre un de ses employes atteint du sida apres un arret de travail et avait, par la suite, revele son etat par affichage dans l'entreprise, a ete condamnee, mardi 24 octobre, par le tribunal des prud'hommes de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour " licenciement sans cause reelle et serieuse " et " rupture abusive du contrat de travail ". La societe devra verser 105000 francs d'indemnites de licenciement et 50000 francs de dommages et interets a la mere de Marcel Devilaine, mort recemment. Selon Me Philippe Trouchet, avocat de Marcel Devilaine, " le jugement des prud'hommes est particulierement important car il rappelle aux employeurs que les malades du sida ont droit au travail comme les autres malades ". Il y a quelques mois, le tribunal de grande instance de Paris avait deja condamne la societe Burke a verser 100000 francs de dommages et interets a Marcel Devilaine, a la suite de l'affichage dans les locaux de l'entreprise d'une note revelant que ce dernier etait atteint du sida. Le tribunal avait rappele a cette occasion que toute personne a droit au respect de sa vie privee et que les informations affichees dans les locaux de l'entreprise relevaient du secret medical. Les televisions europeennes sont envahies par les " produits americains " qui sont une forme de " sous-culture " donnant une " image deplorable " des Etats-Unis, a affirme, mardi 24 octobre a Washington, le ministre francais du commerce exterieur, Mr Jean-Marie Rausch. A l'issue d'une visite de deux jours aux Etats-Unis, le ministre a indique qu'il avait tente, sans succes, d'expliquer aux autorites americaines le " contenu culturel " de la decision de la CEE de limiter le volume des programmes de television etrangers dans les pays de la Communaute europeenne. Les Americains ne voient dans cette affaire que " un dangereux precedent et un pretexte pour faire du protectionnisme ", a-t-il explique lors d'une conference de presse. " Il faut continuer a discuter pour trouver des solutions ", mais l'Europe doit rester ferme sur ses positions, a ajoute Mr Rausch, en precisant que l'adoption de la directive " Television sans frontieres ", le 3 octobre, avait constitue l'essentiel de ses discussions avec Mme Carla Hills, representante speciale du president Busch pour le commerce, Mr Robert Mosbacher, secretaire du commerce, et plusieurs responsables du Congres. La chaine TV 10 a vecu un 24 octobre bien agite. Quelques heures seulement apres l'annonce, dans les colonnes du Monde, du renoncement des dirigeants de TF 1 a participer a l'exploitation de la chaine hollandaise, les groupes de presse VNV et Elsevier faisaient savoir qu'ils abandonnaient l'idee de racheter la societe de production de Mr Joop Van Den Ende, berceau de TV 10. Loin de baisser les bras, cette derniere repliquait en entretenant un doute sur les propos tenus par le PDG de la Une (le Monde du 25 octobre). " Nous sommes toujours en discussion avec TF 1 et un entretien decisif doit avoir lieu ", nous a declare Mr Harry Severen, porte-parole de Mr Joop Van Den Ende, en refusant toutefois de preciser si les tractations avec la chaine francaise portaient sur TV 10, ou sur les accords plus generaux de production. Cette derniere hypothese est en fait la plus vraisemblable, TV 10 venant de recevoir du ministere de la culture l'assurance de pouvoir bientot emettre aux Pays-Bas en tant que " station commerciale legale ". Un retournement de situation qu'explique le depot imminent d'une nouvelle loi sur les medias permettant la creation, dans certaines conditions, de vraies televisions privees. Autorise dans son pays, Mr Joop Van Den Ende n'aurait donc plus besoin de chercher la tutelle d'une chaine etrangere, comme TF 1, ni de s'expatrier au Luxembourg, comme il projetait de le faire, a l'exemple de RTL-Veronique. Reste a savoir si TV 10, qui a differe " pour une duree indeterminee " son lancement prevu pour le 28 octobre, a financierement les moyens d'attendre le vote de la nouvelle loi. Les Verts, qui souhaiteraient voir "s'inflechir" en faveur de l'environnement le projet de budget 1990, viennent de demander une entrevue a Mr Michel Rocard. Dans leur lettre, ils marquent leur "desaccord" avec le secretaire d'Etat a l'environnement, Mr Brice Lalonde, qui "se complait dans un budget miserable". Selon leur porte-parole, Mr Christian Brodhag, le souhait d'une "synthese nouvelle" avec les ecologistes, exprime ce week-end par Mr Rocard, constitue "une dialectique interne au PS de recuperation de themes ecologistes qui ne (nous) concernent pas." Le responsable des affaires etrangeres du Congres national africain (ANC). Mr Thabo Mbeki, a declare, mardi 24 octobre, que son organisation s'appretait a renforcer la lutte armee pour obtenir le demantelement de l'apartheid. " Non seulement la lutte armee va continuer, mais elle va etre intensifiee " pour accroitre la pression sur le gouvernement minoritaire blanc du president Frederik de Klerk, a-t-il declare. " Nous sommes en train d'essayer d'accroitre notre capacite militaire ", a-t-il indique et, " pour mener une lutte militaire, il faut des troupes, correctement entrainees et correctement equipees. Nous devons nous assurer quelles sont partout. La Grande-Bretagne va mettre la France a egalite avec les Etats-Unis pour le cofinancement des etudes preparatoires a la conception d'un missile nucleaire aeroporte, qui serait commun aux armees de l'air du Royaume-Uni et de l'un des deux pays avec lequel les Britanniques collaboreraient. Depuis quelques annees, deja, la Grande-Bretagne envisage de remplacer les bombes nucleaires larguees par gravitation de ses Tornado par un missile air-sol tire du meme avion a distance de securite pour l'equipage. Elle a le choix entre deux formules: le missile SRAM (ou son derive encore a l'etude, le SRAM-T) qui equipe les bombardiers nucleaires americains ou le missile ASMP (air-sol a moyenne portee) qui arme les Mirage-IV et les Mirage-2000-N de la France. A ce jour, le gouvernement britannique n'a pas arrete sa decision, mais on sait que la Royal Air Force ne cache pas ses preferences pour le missile nucleaire americain. Les 10 millions de francs du Royaume-Uni viendraient s'ajouter aux 10 millions de francs que, de son cote, le budget francais de la defense consacre par an a ce projet. Dans l'attente de ce cofinancement britannique, on considere, a la Delegation generale pour l'armement, que le gouvernement de Mme Margaret Thatcher manifeste ainsi, concretement, sa volonte de placer les Etats-Unis et la France a egalite de chances si, dans les six mois a venir, comme il en est question, le Royaume-Uni devait finalement choisir le pays avec lequel ses industriels auront a cooperer. Ce programme de missile air-sol a tete nucleaire serait - s'il donne lieu a une collaboration franco-britannique - le premier du genre entre les deux pays, et il deviendrait le symbole d'une entente dans le domaine de la securite europeenne. Francais et Britanniques ont toujours, jusqu'a present, concu separement leurs panoplies nucleaires, strategiques ou prestrategiques, qui sont independantes les unes des autres. En derivant un nouveau missile aeroporte de l'ASMP actuel, qui est de construction specifiquement francaise, les deux pays n'enfreindraient aucun des traites de limitation des Euromissiles qu'ils n'ont pas signes et qui, pour l'instant, ne s'appliquent qu'aux systemes d'armes sovietiques et americains a base de missilles sol-sol intermediaires. L'optimisme francais en la matiere doit, cependant, etre tempere par le fait que le Royaume-Uni pourrait accepter, d'autre part, le stationnement sur son sol d'avions de combat americains, du modele F-15 E, porteurs de missiles nucleaires SRAM. Le projet est a l'etude, si l'on en croit la presse britannique, pour etre effectif en 1991. Dans ce cas, la Royal Air Force, partisane de la solution du SRAM americain ou d'une version amelioree pour ses Tornado, pourrait faire valoir que le Royaume-Uni a tout a gagner d'une cooperation avec les Etats-Unis, puisqu'il s'agirait de partager la logisitique d'un meme systeme d'arme deploye sur des bases en territoire britannique. Les Khmers rouges se sont bien empares de la ville miniere de Pailin, a l'ouest du pays, pres de la frontiere thailandaise (le Monde du 24 octobre), a-t-on confirme, mardi 24 octobre, a Bangkok. D'autre part, la ville de Svay-Chek, a environ 30 kilometres de Sisophon, a ete prise par les combattants du Front de liberation nationale du peuple khmer (nationaliste non communiste). Le conseil d'administration de cette societe du groupe Ferruzzi a decide, le mardi 24 octobre, de ceder 50 % du capital de Papeterie Beghin Corbehem au groupe allemand Feldmuehle AG et ses 50 % de Kaysersberg a une societe italienne controlee par Montedison Spa (groupe Ferruzzi). Le montant total de ces transactions, qui interviendront, sous reserve de l'accord des autorites francaises, avant le 31 janvier 1990, s'elevera a environ 2,025 milliards de francs. Beghin-Say a aussi decide de ceder avant le 31 decembre 1989 les 25 % qu'il detient dans ATB (holding des societes de negoce international de Ferruzzi) a une societe du groupe italien de Mr Raul Gardini pour un montant de 258 millions de francs. Pour expliquer ces operations, le groupe Beghin-Say a souligne qu'il poursuivait " sa strategie de recentrage sur l'agro-industrie " et desirait reduire son endettement. - La Compagnie bancaire (groupe Paribas) et Groupama. groupe des assurances mutuelles agricoles, ont signe un protocole d'accord (qui se concretisera dans le courant de 1990) pour collaborer dans le domaine du credit aux particuliers et des assurances-dommages. Groupama et Cetelem, filiale de la Compagnie bancaire, constituent a 50-50 Finama, qui proposera aux clients de Groupama une gamme de services financiers autour de la carte Aurore. Sera egalement creee a 50-50 l'Union europeenne d'assurances (UEA) entre Cardif, autre filiale de la Compagnie bancaire, et Groupama, pour distribuer des produits d'assurance-dommages, en commencant par l'assurance automobile. Enfin, Cardif et Soravie, societe d'assurance-vie de Groupama, qui avaient echange des participations de 10 % en avril dernier, vont developper leur cooperation dans l'assurance-vie et la collecte de l'epargne, chacune des societes distribuant des produits de l'autre. Les ministres de l'agriculture de la CEE ont accepte, le mardi 24 octobre, a Luxembourg, que les producteurs europeens de cereales ne paient pas cette annee de prelevement supplementaire de coresponsabilite, c'est-a-dire la taxe imposee en cas de surproduction. Les Douze ont demande a la Commission d' " accelerer les travaux " pour que cet accord de principe soit transforme en decision formelle lors d'un prochain conseil des ministres en novembre. La Commission avait suggere, la semaine passee, d'exempter de taxe tous les producteurs de la CEE malgre le fait que son estimation de la recolte de cereales pour 1989-1990 (160,5 millions de tonnes) depasse le plafond de production (garantie) fixe a 160 millions de tonnes. Selon la Commission, le depassement etait assez faible pour justifier une exoneration. La taxe aurait rapporte cette annee pres de 600 millions de francs, si l'on se base sur l'evaluation des recoltes faite par Bruxelles. - Dans une interview publiee par le Figaro du mercredi 25 octobre, Mr Giral le president de la commission sociale du CNPF estime que, " compte tenu de l'allongement de la duree de vie et de celle des etudes, et donc du raccourcissement de la duree de la vie active, nous aurons du mal a financer la retraite a soixante ans sans que cela devienne insupportable ". Doutant que les actifs continuent d' " accepter eternellement des hausses de cotisations ", Mr Giral considere qu' " il faudra a tout le moins imposer une duree d'activite superieure aux 150 trimestres actuels demandes par le regime d'assurance-vieillesse de la Securite sociale. La sagesse, conclut Mr Giral, serait de commencer a revenir sur cette situation, qui, a terme, n'est pas tenable ". L'Etat procedera le jeudi 26 octobre a une adjudication d'obligations assimilables du Tresor (OAT) libellee en ecus. Son montant sera compris entre 250 et 350 millions d'ecus (entre 1,75 et 2,45 milliards de francs), et elle s'ajoutera au gisement d'emprunts de l'Etat en ecus, qui atteint 1,3 milliard d'ecus. La France avait pour la premiere fois emis de telles obligations en avril dernier. Le groupe de batiment et de travaux publics Fougerolle va se rapprocher un peu plus de la SGE, pole BTP du conglomerat Generale des eaux. L'operation pourrait etre bouclee d'ici a la fin de l'annee, indiquent, mardi 25 octobre, les Echos. Fougerolle est deja dans le giron de la Generale, puisque le groupe que preside Mr Guy Dejouany possede 33 % du capital. Mais le principal actionnaire de Fougerolle, avec pres de 40 %, est Paribas. La banque devrait progressivement se desengager et ceder une bonne part de ses actions a la SGE precisement. En echange, Paribas entrerait dans le capital de la SGE. Mais a la Generale des eaux on refuse de commenter et de confirmer ces informations. Avec un chiffre d'affaires de 9,8 milliards de francs en 1988, Fougerolle se classe parmi les " moyens " du BTP, loin derriere Bouygues (50), la SAE (23), Dumez (22) et SGE (33). Mais son rapprochement avec SGE, dont les resultats se seront beaucoup ameliores en 1989, va donner naissance a un pole tres important de nature eventuellement a inquieter le " grand " Bouygues. On notera surtout les bonnes performances financieres de Fougerolle avec son benefice net de 200 millions en 1988, soit une hausse de 51 % par rapport a l'annee precedente. Le constructeur americain d'automobiles Ford a confirme, mardi 24 octobre, tout l'interet qu'il portait a Jaguar : continuant son " grignotage ", il a porte a 11,948 % sa participation dans cette entreprise, mettant a profit le coup de tabac a la Bourse. Jaguar avait confirme de son cote, le 9 octobre, qu'il avait pris langue avec General Motors, mais Ford a indique qu'il pourrait acheter la totalite de Jaguar quand les restrictions imposees par " l'action specifique " (golden share) que detient le gouvernement britannique seraient levees, d'ici a la fin 1990. Mr Adamichine est vice-ministre des affaires etrangeres d'URSS. Une omission typographique a rendu inintelligible le libelle de cette fonction dans l'article consacre au voyage de Mr Robert Badinter en URSS (le Monde du 25 octobre). Mme Thatcher est rentree mercredi 25 octobre d'un sommet agite du Commonwealth a Kuala-Lumpur pour trouver la discorde dans sa maison. Une polemique a en effet eclate en son absence entre son principal conseiller economique, sir Alan Walters, et le chancelier de l'Echiquier, Mr Nigel Lawson. Sir Alan est un eonomiste qui professe des vues ultra monetaristes et est resolument hostile a l'entree de la Grande-Bretagne dans le systeme monetaire europeen. Mr Lawson est un partisan declare de l'adhesion au SME. Il a publiquement invite mardi celui qu'il a qualifie de " conseiller a temps partiel du premier ministre " a garder ses opinions pour lui-meme... Sir Alan partage son temps entre les Etats-Unis, ou il enseigne a l'universite John Hopkins, et le 10 Downing Street, ou il dispose d'un petit bureau. Le chancelier de l'Echiquier est traditionnellement loge au 11 de la meme rue mais ce voisinage n'a pas facilite la communication entre les deux hommes, qui sont desormais a couteaux tires. Le fait que sir Alan, un elegant sexagenaire, a l'oreille de Mme Thatcher dont il fut le conseiller a plein temps de 1981 a 1983, et qu'elle a fait anoblir en 1983, alors que les relations entre la "Dame de fer" et le chancelier sont loin d'etre chaleureuses, n'arrange evidemment pas les choses. D'origine modeste, fils d'un militant communiste, sir Alan se situe tres a droite et contribue regulierement aux travaux d'un club de reflexion americain ultra conservateur, l'" Enterprise Institute ". En juin 1988, il avait donne a un magazine economique americain peu connu un article dans lequel il critiquait le principe meme du SME, affirmait le principe du libre flottement des monnaies au gre du marche, et se prononcait contre l'adhesion de la livre. Ce texte, qui vient seulement d'etre publie, a suscite la colere de Mr Lawson et declenche un debat anime aux Communes. La politique officielle du gouvernement, reaffirmee par Mme Thatcher au sommet europeen de Madrid en juin dernier, est en effet que la Grande-Bretagne est decidee a entrer dans le SME meme si elle attend pour ce faire une reduction de l'inflation britannique a un niveau equivalent a celui de ses partenaires. " Les idees de sir Alan sont les siennes et non celles du cabinet. Ecoutez plutot ce que disent les ministres. Ce sont eux qui ont la responsabilite de definir la politique du gouvernement ", a declare Mr Lawson. Ces dissensions ont fait l'objet aux Communes d'une attaque en regle de l'opposition travailliste. Mr John Smith, chancelier de l'Echiquier du cabinet fantome, a affirme qu'elles etaient a l'origine des difficultes economiques actuelles. Plusieurs deputes conservateurs, ce qui est nettement plus surprenant, n'ont pas davantage mache leurs mots. L'un d'eux a ainsi decrit sir Alan comme " une sorte de Raspoutine " et de " bouffon patente du 10 Downing Street ". Devant cet emoi, Mr Lawson a voulu etre encore plus clair. Dans une interview a la BBC, il a declare mardi soir : "Il est mauvais que les conseillers s'expriment en public. C'est une des regles du jeu, et l'une de celles que tout bon gouvernement doit observer." Mr Edouard Chevardnadze, ministre sovietique des affaires etrangeres, est arrive, mardi 24 octobre, a Varsovie pour une " visite de travail " de quarante-huit heures a l'invitation de son homologue polonais, Mr Krzysztof Skubiszewski. Le chef de la diplomatie sovietique doit ensuite participer a la reunion des ministres des affaires etrangeres du pacte de Varsovie, jeudi et vendredi, dans la capitale polonaise. Pendant son sejour, Mr Chevardnadze doit avoir des entretiens avec le chef de l'Etat, le general Jaruzelski, ainsi que le premier ministre, Mr Mazowiecki, et le premier secretaire du Parti communiste. Mr Mieczyslaw Rakowski, le chef du gouvernement polonais, devrait se rendre a Moscou le 23 novembre prochain. Le blocus du Haut-Karabakh continue et les transports routiers a travers cette region autonome peuplee en majorite d'Armeniens, enclavee en Azerbaidjan, sont " pratiquement impossibles ", a declare, mardi 24 octobre, lors d'une conference de presse a Moscou, le general Youri Chataline, responsable des troupes speciales du ministere de l'interieur. Le general a fourni quelques chiffres sur le deploiement des troupes en Transcaucasie. Plus du tiers de ces 10 000 soldats sont stationnes au Haut-Karabakh, ou les Azeris et les Armeniens sont virtuellement en etat de guerre civile, a indique le general Chataline. Cela signifie qu'il y a 1 soldat pour 32 habitants dans cette region. Il a egalement precise qu'il y avait 1 800 soldats en Armenie, 3 600 en Azerbaidjan, dont 2 600 a Bakou, la capitale ; 4 500, par ailleurs, sont stationnes en Georgie. Le responsable des forces du ministere de l'interieur a indique qu'environ 300 personnes avaient trouve la mort dans des conflits interethniques depuis le debut de 1988. Le general a ajoute que la tension au Nagorny-Karabakh restait " extremement dangereuse ". Une chaine de television " independante ", Nika-TV, pourrait emettre de facon reguliere en URSS dans un an environ, indique son promoteur, Mr Nikolai Loutsenko, dans l'hebdomadaire Nedelia. Cette chaine, qui se consacrerait principalement a l'information, a deja des locaux a Leningrad, Tachkent et Alma-Alta (Asie centrale) ainsi qu'a Perm, dans l'Oural. Elle serait controlee par un conseil de surveillance compose de deputes sovietiques, de representants des Komsomols (Jeunesses communistes), de l'Union des cineastes ou de l'agence Novosti. Nika-TV utiliserait, dans un premier temps, le reseau de diffusion de Gosteleradio, la radio-television d'Etat. La future chaine aurait deja signe deux contrats a Hollywood l'autorisant a diffuser 5 000 des " meilleurs films americains ". Au nombre des evenements a ranger dans la categorie deja riche du " jamais vu en RDA ", on a pu noter, mardi 24 octobre, le refus de cinquante-deux deputes (vingt-six contre et vingt-six abstentions) d'elire Mr Egon Krenz president du conseil d'Etat. La chambre du peuple avait ete reunie pour tirer les consequences de la chute d'Erich Honecker et le remplacer dans toutes ses fonctions etatiques par Mr Krenz. Seul, parmi les dirigeants dechus, Mr Gunther Mittag etait present. Il a vote sans hesitation son eviction de la vice-presidence du Parlement et de la presidence de la commission de l'industrie, du batiment et des transports. Les votes se faisant a main levee et sans appel nominal, on ne connaitra jamais les noms des opposants a Mr Krenz. Mais ces voix proviennent sans aucun doute des rangs du LDPD, le Parti liberal-democrate dirige par Mr Manfred Gerlach. Cette formation liee depuis toujours aux communistes du SED dans le cadre du Bloc des partis democratiques essaie maintenant de recuperer a son profit le mouvement populaire. Ses instances dirigeantes ont longuement et passionnement debattu de l'opportunite de presenter ou non un candidat contre Mr Krenz. Mr Manfred Gerlach a finalement decide d'attendre un moment plus favorable pour se poser comme chef d'une opposition legale. Il a d'ailleurs invite publiquement les membres du mouvement le plus connu de l'opposition, Nouveau Forum, a rejoindre les rangs du LDPD. Une fois elu, Mr Egon Krenz a prononce une allocution qui se situait dans la ligne de son adresse aux citoyens de la RDA de mercredi dernier. Le nouveau chef de l'Etat et du parti propose avec insistance un " dialogue " a toutes les categories de la population mais rappelle que celui-ci doit se derouler dans le cadre de la Constitution de la RDA, dont il a cite avec emphase l'article premier : " La Republique democratique allemande est l'Etat socialiste des ouvriers et des paysans ; elle est l'organisation politique des travailleurs de la ville et de la campagne sous la direction de la classe ouvriere et de son parti marxiste-leniniste. " Ainsi, le Parti communiste n'est pas pret a abandonner son role dirigeant mais il est dispose, selon Mr Krenz, a revivifier les organes de cette " democratie socialiste dont (nous) avons besoin comme l'air qu'on respire ". Ainsi les ministres seront desormais tenus de rendre des comptes reguliers de leurs activites devant le Parlement et le vote des lois pourrait comporter plusieurs lectures. Bien conscient que ce " detartrage " du systeme existant ne saurait suffire a contenter une population qui veut une vraie democratie et tout de suite, Mr Krenz a indique que, pour les prochaines elections locales et nationales, en 1991, la loi electorale pourrait etre modifiee. Ainsi le nouveau numero un, qui a repete, a l'intention des manifestants, qu'il entendait " regler politiquement les problemes politiques ", lache un peu de lest : il ne sera pas fait usage de la force contre les manifestations pacifiques. Mais il n'apporte aucune reponse a la principale revendication populaire : la reconnaissance legale de l'opposition. Cette attitude a provoque une reaction immediate dans les rues de Berlin-Est. A 17 heures, mardi, plus de dix mille personnes, des jeunes en majorite, ont defile dans le centre de la capitale en criant : " Egon Krenz, nous sommes la concurrence ! " et en reprenant les mots d'ordre maintenant bien connus a travers tout le pays : " Legalisez Nouveau Forum ! ", " Elections libres ". La police s'est encore une fois contentee de regler la circulation, et les automobilistes bloques par le cortege ont donne un concert d'avertisseurs pour saluer les manifestants : " Ça fait maintenant cinquante-six ans que ce pays n'a jamais vu le peuple descendre dans la rue sans y etre force ", faisait remarquer l'un de ces automobilistes. Devant cette mobilisation et cette mefiance persistante, Mr Krenz a decide d'accelerer le mouvement. Le bureau politique reuni mardi a decide de presenter au Parlement un projet de loi sur les voyages a l'etranger qui pourrait etre definitivement adopte fin novembre. Chaque citoyen de la RDA pourrait obtenir un passeport et solliciter un visa de sortie vers l'Ouest sans avoir a indiquer le motif de son voyage et sans avoir a indiquer la presence de membres de sa famille en RFA. Le comite central est convoque pour le 8 novembre prochain. On s'attend, lors de cette reunion, a une nouvelle charrette d'exclusions du bureau politique : MM Erich Mielke, chef de la securite d'Etat, et Kurt Hager, l'ideologue anti-gorbatchevien, pourraient etre sacrifies a la colere populaire, alors que Mr Hans Modrow, principale figure des reformateurs au sein du SED, devrait etre promu. Quarante-cinq ans de prison, pour ce qui n'est apres tout qu'une escroquerie comme une autre... Jim Bakker, le televangeliste au visage poupin, n'aura pas ete epargne par la justice des hommes, et plus precisement par celle du juge Robert Potter, dit " Maximum Bob ". Accuse d'avoir detourne pour son usage personnel plus de trois millions de dollars (sur un total de cent cinquante-huit millions) recueillis par l'intermediaire de son ministere televise, Jim Bakker avait ete reconnu coupable au debut du mois d'octobre par un jury populaire (le Monde du 7 octobre). Mais, conformement au droit americain, c'etait au juge de determiner souverainement la sentence et il a eu la main tres lourde : le long feuilleton ou le ridicule l'emportait sur le nauseeux, ou une prostituee racontait comment elle avait fait chanter l'homme de Dieu, tandis que son epouse, faux cils gigantesques et larmes disponibles a la demande, sortait d'une residence de nouveaux riches pour affirmer sa foi en son mari et dans le Seigneur, tout cela s'acheve donc sur un epilogue plutot penible : l'accuse sortant du tribunal menottes aux mains et fers aux pieds. Sur le trottoir on vendait les inevitables t shirts " Go to jail " (" Va en prison "), et seuls quelques inconditionnels chantaient encore " Jim, nous t'aimons ". Que Bakker ait abuse de la naivete de gens simples, souvent ages et aux ressources modestes, a de toute evidence ete considere comme une circonstance aggravante. L'accuse a en outre ecope de 500 000 dollars d'amende, tandis que plusieurs de ses associes ont ete condamnes a de lourdes peines de prison. Un excellent collegue, le televangeliste Pat Robertson, ex-candidat a l'investiture republicaine, fut le premier a se feliciter d'une condamnation qui l'a " ravi "... " Dieu a nettoye son Eglise ", a ajoute Mr Robertson. Le ravissement peu charitable de Mr Robertson s'explique facilement. Une serie de scandales, a base de sexe et d'argent, a serieusement ebranle la profession, et nombre de ces " eglises-spectacles ", organisees autour d'une emission de television et d'une sorte de club, sont en deconfiture : separer le " bon grain " de l'ivraie devenait urgent, dans l'interet bien compris des honnetes predicateurs. Mais un certain nombre d'observateurs, et meme de juristes, se posent tout de meme des questions devant l'enormite de la peine : Mr Bakker ne pourra etre libere sous caution avant dix ans et fera donc selon toute vraisemblance entre dix et quinze ans de prison, alors que les nouvelles " directives ", qui devraient servir dans l'avenir de guide aux juges americains, conseillent pour une escroquerie de cette ampleur une peine d'environ deux ans de prison. " Nous avons completement perdu le sens des proportions ", confiait un ancien juge federal, interroge par la chaine ABC. Au moins la journee judiciaire s'est-elle terminee sur une note plus plaisante et un verdict plus leger. Un juge de Beverly Hills a condamne Zsa Zsa Gabor a passer trois jours en prison et cent vingt heures a s'occuper de femmes sans abri, le tout pour avoir gifle un policier qui avait arrete l'actrice au volant de sa Rolls decapotable. (Zsa Zsa a nie le fait avec la plus grande energie). L'ex-Miss Hongrie, qui avec son talent publicitaire habituel avait transforme ce proces en veritable " show " mediatique (" J'ai peur d'aller en prison, c'est plein de lesbiennes, et moi j'aime les hommes "), a de plus ete priee de faire figurer sur son permis de conduire son age veritable et de ne pas parler a la presse en sortant du tribunal. Le juge avait particulierement peu apprecie qu'elle ait compare la justice americaine a celle de l'Allemagne nazie, ce qui, dixit le magistrat, etait " une gifle assenee au visage de l'Amerique ", s'ajoutant a celle dont aurait ete victime le malheureux policier. Purgeant depuis plus d'un an une peine de relegation en province, MM Manuel Bustos et Arturo Martinez, principaux dirigeants de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), ont ete gracies, lundi 23 octobre, par le general Pinochet. Les deux syndicalistes etaient accuses par les autorites d'avoir appele, il y a deux ans, a une journee de greve generale. L'elargissement de MM Bustos (democrate-chretien) et Martinez (gauche) doit en realite etre mis a l'actif de... Mr Lech Walesa. En effet, le leader de Solidarite, repondant a une invitation du CUT, devait arriver jeudi 26 au Chili pour y manifester son soutien aux deux delegues ; une demande de clemence qu'il avait adressee au chef de l'Etat la semaine derniere etait restee sans reponse formelle. Le general Pinochet a prefere faire ce petit pas en arriere plutot que de laisser Mr Walesa apporter sa contribution a la campagne electorale de l'opposition. Peut-etre esperait-il aussi qu'a la faveur de la mesure de grace le dirigeant polonais accepterait de le rencontrer. Mais sa venue au Chili etant desormais sans objet, Mr Walesa a decide d'annuler son voyage. Le proces en RFA de dix-neuf Kurdes inculpes de meurtres, sequestration et appartenance a un groupe terroriste s'est ouvert, mardi 24 octobre, au tribunal de Dusseldorf. Ces personnes, de nationalite turque, sont accusees d'avoir participe en Republique federale a des represailles contre d'anciens membres ou sympathisants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Pendant le week-end, six mille Kurdes et des sympathisants avaient manifeste a Dusseldorf contre ce proces qui doit durer au moins deux ans, reclamant la liberation de leurs compatriotes. A Paris, une soixantaine de manifestants kurdes ont occupe, mardi, le jardin de l'ambassade de RFA pendant une demi-heure pour protester contre la brutalite de la repression vis-a-vis de leurs compatriotes, ce proces " politique " et l'aide allemande a la Turquie. De meme, en Suede, une cinquantaine de refugies kurdes ont occupe pendant une heure les locaux de la compagnie Lufthansa pour les memes raisons. Un troisieme tour aura lieu pour l'election presidentielle le 31 octobre au Parlement turc, le deuxieme tour n'ayant pas permis, mardi 24, l'election d'un des deux candidats en lice. Favori de cette election, le premier ministre, Mr Turgut Ozal, a recueilli les suffrages de 256 des 284 deputes de son parti, le PMP, Parti de la Mere patrie. Aux deux premiers tours de l'election presidentielle, la majorite requise par la Constitution est des deux tiers (300 sur 450). L'autre candidat, Mr Fethi Celikbas, egalement du PMP, n'a obtenu que 17 voix. Comme le premier, le 20 octobre, ce deuxieme tour a ete boycotte par les deux partis de l'opposition representes a l'Assemblee, le Parti populaire social-democrate et le Parti de la Juste Voie. Pour le troisieme tour, seule la majorite absolue est requise. - Le pasteur protestant Laszlo Tokes, persecute par les autorites roumaines pour avoir donne en juillet dernier une interview critiquant le regime roumain a la television hongroise, s'est enferme depuis vendredi 20 octobre dans une eglise de Timisoara, dans l'ouest de la Roumanie. Selon des sources dissidentes, le pasteur entend ainsi protester contre le regime de Mr Nicolae Ceausescu et contre son expulsion forcee vendredi dernier de son appartement a Timisoara. Laszlo Tokes a recemment adresse une lettre a Mr Ceausescu dans laquelle il proteste contre les persecutions dont il est l'objet et demande une amelioration du sort de la minorite hongroise de Roumanie qui se plaint de mesures d'assimilation forcee. Manque de professionnalisme, mauvaise qualite de l'enseignement... Les resultats du sondage IPSOS pour " le Monde Campus " aupres des etudiants et des jeunes diplomes sont inquietants. LES architectes ne sont pas satisfaits de leur formation. Tel est le constat brutal qui ressort du sondage realise par IPSOS pour " le Monde Campus ", la direction de l'architecture et l'ordre des architectes, aupres de jeunes diplomes des quatre dernieres annees et d'etudiants. Si les etudiants sont, dans leur ensemble, moins severes, cet optimisme s'estompe quand on passe de ceux du premier cycle (27 % d'avis negatifs) a ceux du second (52 %). On trouve la, parmi les etudiants avances, un sentiment d'inadaptation face aux debouches professionnels aussi fort que celui qui existe chez les etudiants des universites. Ce mecontentement repose sur deux griefs majeurs : manque de professionnalisme et mauvaise qualite de l'enseignement. L'insuffisance des contacts avec la vie professionnelle et le fait que l'enseignement ne correspond pas a la pratique des chantiers sont les reproches le plus souvent cites. Les trois quarts des jeunes diplomes reprochent a l'enseignement d'etre trop theorique et de ne pas bien preparer au metier. Cette soif de professionnalisme apparait tres clairement dans les jugements portes sur les enseignements dispenses. A une tres grande majorite, les diplomes estiment que l'exercice du projet est, a la fois, le plus interessant et le plus utile. Ils souhaitent que soient developpees la pratique du metier (c'est-a-dire les relations avec les differents partenaires professionnels des architectes) et les matieres scientifiques et techniques. Les etudiants sont du meme avis. La moitie seulement des diplomes et des etudiants se disent plutot satisfaits de la qualite de l'enseignement - score tres faible si on le compare a celui des etudiants des universites, chez qui on trouve un taux moyen de satisfaction de 70 %. Cette severite s'explique aisement lorsque l'on constate que 65 % des etudiants - ... et 73 % des diplomes - partagent l'opinion selon laquelle "les enseignants ne sont pas toujours tres competents". Dans les griefs cites spontanement par les etudiants contre l'enseignement, la mauvaise qualite des enseignants vient en seconde position, apres le manque de contact avec la vie professionnelle. L'insatisfaction quant a la qualite de l'enseignement est particulierement vive dans les ecoles de province. Il semble bien que ce soit la competence professionnelle et pedagogique des enseignants qui soit en cause, plus que leur personne, puisque les trois quarts des etudiants reconnaissent qu'ils ont avec eux de bonnes relations. Le manque de moyens est le troisieme sujet de mecontentement, surtout dans les ecoles parisiennes. Ces difficultes materielles auraient-elles des repercussions sur le moral des etudiants ? On pourrait le croire, puisque, malgre les traditions de convivialite des ecoles d'architecture, 66 % seulement des eleves se disent satisfaits de l'ambiance de l'ecole - score qui n'est guere superieur a celui des etudiants des universites, et tres inferieur a celui qu'on trouve en particulier a Compiegne ou Dauphine. Les anciens, il est vrai, voient les choses plus en rose : chez eux, la satisfaction de l'ambiance grimpe a 76 %. Mais est-ce le signe d'une degradation ou l'enjolivement du souvenir ? En tout cas, compte tenu de toutes ces indications, ce n'est surement pas a la nostalgie seulement qu'on doit cette opinion, majoritaire chez les architectes, que l'enseignement de l'architecture ne s'est guere ameliore depuis dix ans. Une lueur d'espoir vient toutefois eclairer ce tableau melancolique : les diplomes les plus recents - ceux de 1988 - semblent avoir une opinion moins negative que leurs predecesseurs sur la qualite de l'enseignement et son adaptation a la profession. Cette generation est aussi nettement plus satisfaite de l'organisation des etudes. Si cette evolution se confirmait pour les promotions a venir, cela montrerait que la reforme de 1984 aura eu des effets positifs. Pour le moment, en tout cas, l'inquietude generale est manifestement attisee par les echeances europeennes et par les comparaisons qu'elles suscitent entre les systemes de formation des differents pays de la Communaute. Plus du tiers des etudiants (et 21 % des jeunes diplomes) se disent inquiets pour leur profession a la veille de l'avenement du marche unique. Le sentiment que la formation des architectes est plus efficace dans les autres pays d'Europe est la raison principale de leur inquietude. Plus de 40 % des etudiants estiment que " le niveau des etudes en France, n'est pas suffisamment eleve par rapport a celui d'autres pays europeens ". Les pays ou la formation parait meilleure qu'en France sont l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la Suisse. Ceux qui attireraient le plus les architectes pour y exercer leur metier sont l'Italie et l'Espagne. La situation professionnelle des architectes ne parait pourtant pas trop catastrophique : on compte tres peu de chomeurs parmi les diplomes (3 %) et 71 % d'entre eux ont trouve leur premier emploi ou leur premiere commande en moins de trois mois. Mais cette enquete confirme la grande diversite des situations : 70 % des diplomes exercent a titre liberal, les autres etant salaries (situation plus frequente pour les femmes) essentiellement dans le prive. L'eventail des niveaux de vie est tres large : 15 % des diplomes gagnent moins de 5 000 F par mois et 13 % plus de 15 000 F. Si les chiffres les plus eleves se trouvent surtout chez les liberaux, la majorite de ceux-ci ont des remunerations inferieures a 10 000 F, alors que les salaries sont, en majorite, dans la tranche 10 000-15 000 F. Les etudes d'architecture menent essentiellement au metier d'architecte. La direction de l'architecture souhaiterait encourager la diversification des debouches professionnels. Mais cette tendance parait encore limitee : 83 % des jeunes diplomes sont architectes, 10 % seulement font un metier " dans lequel ils utilisent leurs connaissances en architecture ". Toutefois, le message semble passer aupres des etudiants, 57 % seulement d'entre eux se voyant plus tard dans la peau d'un architecte, tandis que 39 % s'imaginent plutot dans un metier voisin. Pour eux, les activites qui vont se developper sont la rehabilitation et la restauration du patrimoine, l'urbanisme et la paysagisme, le design et la creation industrielle. Cette plus grande ouverture vers des territoires a la marge de l'architecture proprement dite est confirmee par le desir de tres nombreux etudiants de suivre une formation complementaire : 70 % ont cette intention, alors que 30 % seulement des jeunes diplomes avaient suivi cette voie. Les domaines qui attirent le plus les etudiants sont l'urbanisme et le design. Viennent ensuite les arts plastiques, les etudes d'ingenieurs, l'histoire, la sociologie, l'informatique. Devenues societe anonyme, le 1er janvier 1989, les PTT neerlandaises se portent bien. Le president de la nouvelle societe dont l'Etat detient toujours 100% des actions, Mr William Dik, s'est montre optimiste en presentant ses premiers resultats semestriels. Le chiffre d'affaires s'est etabli a 19,4 milliards de francs dont 67% a l'actif des PTT-Telecom et 31% a l'actif des PTT-Post. Les PTT, dans leur ensemble, ont degage un benefice avant impot de 3,7 milliards de francs. C'est la premiere fois, changement de statut oblige, que les PTT publient des resultats intermediaires... qu'il est donc impossible de comparer. Mais Mr Dik a pris les devants en extrapolant les chiffres de janvier a juin a l'ensemble de l'annee. Au terme de leur premier exercice en tant que societe geree comme une entreprise privee et intervenant sur un marche partiellement liberalise (le Monde du 3 janvier), les PTT enregistreraient un chiffre d'affaires annuel de 39 milliards de francs et degageraient un benefice net de 4,35 milliards. Par rapport a 1988, le chiffre d'affaires progresserait ainsi de quelque 5% et le benefice net ferait un bond de 14%. La comptabilite des PTT ayant change d'une annee sur l'autre, ces previsions montrent avant tout que la societe a bien negocie le virage du changement de statut et de culture. De 1987 a 1988, le "chiffre d'affaires" de ce qui etait alors une administration d'Etat avait progresse de 6,3%, le "resultat d'exploitation" chutant en revanche de plus de 40%. Ces premiers resultats constituent une heureuse surprise pour Mr Dik qui, au debut de l'annee, ne prevoyait qu'une croissance assez faible, sinon nulle, compte tenu "du developpement de la concurrence". Or, a-t-il constate, "les PTT ont mieux reussi que prevu a preserver leurs marches". C'est la seule explication qu'il ait donnee a la bonne sante de l'entreprise. Celle-ci a aussi beneficie de l'embellie des ventes entrainee par la deregulation d'une partie du marche des telecommunications. Mr Dik n'a cite aucun chiffre precis, mais, dans les milieux specialises, on estime que les PTT-Telecom ont conserve 70% du marche des centraux telephoniques d'entreprises (150 lignes au moins) et ont perdu encore moins de terrain dans le secteur des petits equipements (telephones, telecopieurs, semaphones). Mr Dik a par ailleurs refute les accusations de " dumping " portees a l'encontre de sa societe. Selon lui, c'est dans le secteur des telecommunications que se situent les meilleures opportunites de croissance et notamment sur le marche des transmissions de donnees et de la telematique (qui en est aux Pays-Bas a ses balbutiements). Les PTT ne detiennent actuellement que 6 % de ce marche. Elles ambitionnent de passer a 20 % en se lancant notamment dans le rachat d'entreprises. Une nouveaute liee a la liberte de mouvement acquise par les PTT qui entendent visiblement en profiter. Autre nouveaute : pour la premiere fois de leur histoire, les PTT vont avoir recours au marche financier. Elles lanceront dans les prochaines semaines plusieurs types de " papiers " pour un montant de 4,5 milliards de francs. Cette politique d'emprunts, appelee a prendre un caractere permanent, est destinee a financer les investissements. Cette annee, les PTT envisagent d'investir 14 milliards de francs. Jusqu'au 1er aout, elles ont deja investi pres de 5 milliards dont 89 % dans le secteur des telecommunications. Dans le secteur des postes proprement dites, l'heure serait plutot au desinvestissement. La fermeture de plusieurs centaines d'agences postales rurales (sur un total de 2600 bureaux de poste) est serieusement etudiee. Aucune decision n'a encore ete prise mais l'analyse de Mr Dik ne laisse planer aucun doute. Ces bureaux de poste travaillent encore a 70 % pour la Postbank, la banque postale qui a ete dissociee des PTT en 1986. Mais, celle-ci developpant un reseau de distributeurs, la remuneration que tirent les PTT-Post de la location de leurs services a la Postbank est appelee a diminuer, desequilibrant les conditions de gestion de nombreuses antennes postales. " Nous devons trouver le juste equilibre entre une fourniture optimale de services et une gestion economiquement responsable de l'entreprise ", a affirme Mr Dik qui n'a apparemment rien oublie de son passage par la multinationale Unilever. Mr Jacques Pelletier, qui a fait adopter, mardi 24 octobre, par l'Assemblee nationale le projet de budget 1990 pour le ministere de la cooperation et du developpement, ne veut surtout pas donner l'image d'un homme en proie au doute. La part de la " Rue Monsieur " dans l'aide publique de la France au developpement " devrait se stabiliser ou ne diminuer que legerement ", mais ses credits - d'un montant de 7,3 milliards de francs - sont en augmentation de 4,80 % par rapport a 1989 (en valeur absolue). " On avait demande 7 ou 8 %, dit le ministre. Vu la conjoncture economique que nous vivons, je ne suis pas mecontent. " Au-dela de cet optimisme rituel dans un cabinet qui, bon an mal an, dispose d'environ 0,50 % du budget total de la nation, les motifs de morosite demeurent, malgre toutes les declarations d'intention pour le sauvetage de l'Afrique, au sein du pouvoir et de la classe politique, qu'elle appartienne a la majorite ou a l'opposition. Il y a d'abord le vieux debat sur le fonctionnement et les structures d'un ministere dont l'action se limite a ce qu'on appelle le " champ " : un ensemble de trente-six Etats, compose a l'origine des anciennes colonies de l'Afrique subsaharienne et de l'ocean Indien, mais qui s'est enrichi au fil des annees de pays naguere sous tutelle portugaise ou espagnole, sans parler du cas specifique d'iles des Caraibes, de la Grenade a Haiti. Face au monde anglophone, on a voulu privilegier - comme le demandaient d'ailleurs les interesses - les pays francophones, auxquels se sont joints essentiellement d'anciens sujets de Lisbonne, assez enclins a faire place a la langue de Brazza. Ce qui est coherent sur le plan culturel pose quelques problemes en economie. Meme dans une Afrique sous-developpee, il faut tenir compte des entites regionales. En attendant que le Nigeria passe eventuellement de la competence du Quai d'Orsay a la sienne, la " Rue Monsieur " essaie d'agrandir le " champ " quand l'actualite lui en fournit l'occasion. " On a demande a Matignon de dire si la Namibie est pour nous ", indique Mr Pelletier. Puisqu'il s'occupe de l'Angola, pourquoi pas aussi de l'ancien Sud-Ouest africain, promis a une prochaine independance ? Au demeurant, si l'Afrique du Sud resout un jour ses problemes interieurs, on peut imaginer que se cree autour d'elle un pole de developpement dont l'Afrique francophone devra bien tenir compte, et un evenement de cette ampleur depassera de beaucoup les actuels problemes d'attribution. Pendant longtemps, le ministere de la cooperation a fait de la figuration a cote de la cellule africaine de l'Elysee. Le sentiment de beaucoup d'Africains est que le premier role incombe maintenant aux fonctionnaires du ministere des finances. Le Quai d'Orsay gere 10 % de l'aide publique de la France aux pays pauvres, le ministere de la cooperation 20 %, et le Tresor 70 %. Mr Pelletier assure ne pas avoir a ceder a un quelconque diktat de la haute technocratie du budget. " Avec Charasse et Beregovoy, nos rapports sont tres corrects ", dit-il. Mais il ironise peut-etre quand il assure sur le ton du contentement : " Nous passons un temps fou a nous concerter avec les autres ministeres. " Ou encore : " Chaque fois qu'il y a un probleme dans un pays, on envoie quelqu'un du Tresor, quelqu'un de la Caisse centrale (le principal organisme francais d'aide au developpement) et quelqu'un de la cooperation. Chacun fait un rapport... " En dehors de ces problemes " franco-francais " de competence territoriale et d'arbitrage budgetaire, la " Rue Monsieur " doit s'accommoder de l'imperialisme de la Banque mondiale et du Fonds monetaire international, ces grands dispensateurs des concours supranationaux qui imposent leurs conditions a une Afrique en faillite. A droite comme a gauche, on denonce en France la brutalite de leurs methodes. " La Banque mondiale voulait cloner sur l'Afrique ce qu'elle avait reussi ailleurs, affirme Mr Pelletier. Nous lui avons dit qu'elle allait trop loin, qu'elle destabilisait les Etats. Nous constatons qu'elle est devenue un peu plus modeste. Il y a maintenant un dialogue de fond sur les effets sociaux de l'ajustement structurel. " Au mois d'avril, beaucoup d'encre et de salive ont ete depensees pour un debat a l'Assemblee nationale sur la cooperation et l'aide au developpement. Mr Pelletier constate que, finalement, cela " n'a pas eu de grandes repercussions ". A l'epoque, il s'etait toutefois felicite d'un " relatif consensus sur la necessite de cooperer avec le tiers-monde, non seulement pour des raisons affectives et humanitaires, mais, aussi, conformement a nos interets bien compris ". Quand il a presente son budget a la presse, la semaine derniere, le ministre de la cooperation n'avait " pas encore eu le temps " de prendre connaissance du " projet pour un monde solidaire " que Mr Alain Juppe, secretaire general du RPR, a expose le 17 octobre, et a l'elaboration duquel le precedent occupant de la " Rue Monsieur ", Mr Michel Aurillac, a pris une part importante. Si ce projet est le premier d'une serie qui paraitra sous le titre generique d'" Idees pour la France " sous l'impulsion de Mme Michele Alliot-Marie, a dit Mr Juppe, c'est pour marquer que " la politique d'aide au developpement est un element-cle de la conception gaulliste de l'action exterieure de la France ". Cela au moment ou " le danger existe qu'un rapprochement entre l'Est et l'Ouest donne l'impression aux pays du Sud que va se constituer un bloc du Nord d'autant plus egoiste qu'il serait homogene ". Les considerations des gaullistes sur la deterioration des termes de l'echange et sur l'inhumanite des politiques de rigueur ordonnees par le FMI ne depareraient pas sous la plume de Mr Mitterrand. Mais le RPR ne voit pas l'interet de l'effacement comptable d'une dette africaine devenue de toute facon impayable si cela ne s'accompagne pas d'une restauration des credits sur une base saine. Concretement, il preconise la creation de deux fonds internationaux charges de la gestion et du rachat de la dette, dont l'existence sauvegarderait les interets des creanciers et des debiteurs. Bien que le RPR demande la creation d'" un veritable ministere du developpement qui aurait pour mission de gerer la totalite de l'aide " aux pays d'Afrique, des Caraibes et du Pacifique, il a une vision moins tiers-mondiste que le Parti socialiste et veut privilegier l'action en faveur des anciennes colonies. Il s'eleve contre " l'idee que l'Afrique serait un continent condamne a rester definitivement a la traine " et deplore " un desengagement sensible des entreprises francaises sans que les pouvoirs publics aient reagi avec la vigueur requise ". Les hommes politiques de la majorite et de l'opposition sont concients de la desaffection pour l'Afrique et essaient d'y remedier chacun a sa facon. Mais ils ont de plus en plus de mal a convaincre les decideurs du secteur prive, sans les investissements desquels la cooperation sera un mot creux. " Ah ! ces chefs d'Etat africains, soupire ce diplomate qui les a beaucoup frequentes, ce sont de grands enfants ! Il faut constamment les materner. " Pour un oui ou pour un non - un conseil, un appui, une recrimination - ils decrochent leur telephone pour appeler Paris. Et Paris, c'est d'abord et avant tout l'Elysee. Ainsi, l'ancienne puissance coloniale est-elle, aujourd'hui, prise a temoin du conflit en paternite qui oppose, a propos des negociations de paix entre freres ennemis angolais, Mr Felix Houphouet-Boigny, le president ivoirien, au marechal Mobutu Sese Seko, son homologue zairois. Rien ne va plus entre le doyen des chefs d'Etat francophones et celui qui aspire impatiemment a le devenir. A son corps defendant, Paris est donc mele a cette querelle de clochers africains. Avec les chefs d'Etat africains, mieux vaut savoir langue garder, car le contenu d'une conversation a vite fait le tour du continent. Les presidents se telephonent sans arret et se racontent tout. Un commentaire ainsi colporte peut facilement froisser la susceptibilite de celui auquel il n'etait pas directement adresse. Les chefs d'Etat du " pre carre " forment un club tres uni, pour ne pas dire tres ferme. Aussi ont-ils vu d'un oeil soupconneux les Sommets annuels franco-africains, auxquels ils tiennent beaucoup, s'elargir, avec la benediction de Paris, a certains de leurs pairs lusophones et anglophones. Pas d'amities particulieres. Les membres du cercle de famille francophone font des crises de jalousie s'ils devinent que l'ancienne metropole a des petits chouchous et leur manifeste trop ostensiblement ses sympathies. Ainsi, au plus chaud du conflit senegalo-mauritanien, l'Elysee a-t-il du finement manoeuvrer pour tenir la balance egale entre les deux protagonistes. Au point de veiller a ce que ses envoyes speciaux soient recus a Dakar et a Nouakchott le meme jour, a la meme heure, pour y tenir strictement le meme discours... La morale voudrait pourtant que la France, comme il lui est arrive de le faire ailleurs qu'en Afrique, module ses relations en fonction de l'honorabilite de ses interlocuteurs. Lorsqu'il etait dans l'opposition, le Parti socialiste vouait aux gemonies le marechal Mobutu, irrespectueux des droits de l'homme. Une fois au pouvoir, il s'est resigne a dialoguer avec lui, jugeant qu'en definitive il avait, seul, la carrure pour maintenir la fragile unite de l'ex-Congo belge. Au-dela de certaines realites difficiles a ignorer, les liens economiques, strategiques, politiques et - pourquoi pas ? - affectifs sont si forts entre les pays du " champ " et leur ancienne metropole que celle-ci n'a ni la volonte ni meme le gout de separer le bon grain de l'ivraie. La France a boude la Chine apres les massacres de la place Tiananmen, mais elle est restee coite au lendemain des executions sommaires de deux ministres burkinais. " Si nous devions nous contenter d'entretenir des relations suivies avec les seuls regimes africains qui suivent a la lettre un code de bonne conduite, confie un diplomate, nous n'aurions plus qu'a fermer boutique... " L'Afrique francophone est un tout a prendre ou a laisser, du moins l'entend-on ainsi a Paris. Pas question d'avoir des etats d'ame. Les pays du " champ " sont ce qu'ils sont ; il faut faire avec. Ce parti pris de realisme oblige les dirigeants francais a depenser leur temps, peut-etre beaucoup plus que necessaire, en palabres et en voyages pour satisfaire les exigences, voire le simple amour propre de leurs homologues africains. Mr Rene Lapautre, le president d'UTA, a-t-il laisse entendre que la recente destruction du DC 10 a ete provoquee par une matiere explosive embarquee a Brazzaville qu'aussitot les autorites congolaises, en guise de represailles, menacent de boycotter la compagnie francaise et que l'Elysee est appele a calmer le jeu. N'avait-on pas vu, en mars 1984, Mr Pierre Mauroy, alors premier ministre, se rendre la mine penaude a Libreville pour raisonner le president gabonais, Mr Omar Bongo, au comble de l'emportement apres la publication d'un ouvrage qui donnait de son regime une image peu flatteuse ? Lorsqu'elles ont ete implicitement mises en cause par l'agence de presse burkinaise dans la recente tentative de putsch contre le president Blaise Compaore, les autorites francaises, qui evitent de preter le flanc aux accusations de neo-colonialisme, se sont etonnees de ces insinuations. Il est vrai que, dans le passe, Paris ne s'est pas toujours prive, pour des motifs plus ou moins avouables, de s'ingerer dans les affaires interieures de ses anciennes colonies. Ce fut par exemple le cas, en septembre 1986, au Togo, lorqu'a la demande du president Gnassingbe Eyadema, en mauvaise posture, l'Elysee consentit, en vertu d'un accord de defense, a depecher sur place un corps expeditionnaire. Ce fut aussi le cas en septembre 1979, en Centrafrique, lorsqu'il fut decide en haut lieu de detroner Bokassa, dont les pitreries imperiales avaient fini par ne plus amuser personne. Au sein du club francophone, les " vieux ", donc les " sages ", ceux qui beneficient du privilege de l'age et de l'anciennete au pouvoir, donnent le ton. Ils supportent de plus en plus mal de voir des tetes brulees se hisser aux affaires a la faveur d'un putsch parfois sanglant qui dessert l'image du continent noir. Comme ce fut le cas en octobre 1987, au Burkina-Faso, avec l'assassinat du tres mediatique capitaine Thomas Sankara. Les convictions ideologiques, si tant est que chacun ne se soit pas rallie a un pragmatisme de bon aloi, pesent peu dans la qualite des relations entre chefs d'Etat. le " capitaliste " president Bongo n'est-il pas au mieux avec son homologue congolais, le general marxisant Sassou Nguesso, dont il vient d'epouser la fille... Entre membres du club, on se rend de " menus " services. Le president beninois, le general Mathieu Kerekou, vient de renvoyer discretement a son homologue centrafricain, le general Andre Kolingba, un lot d'opposants politiques qui avaient trouve refuge dans son pays. Sait-on jamais, a charge de revanche ? Question de langue, mais aussi de comportement, les chefs d'Etat francophones ont du mal a communiquer avec leurs pairs anglophones. Plus grave, le conflit entre Dakar et Nouakchott a illustre la sourde mefiance qui regit les rapports entre tous ces Africains noirs et les Africains " blancs ", qu'ils soient mahgrebins, mauritaniens ou libyens. Avec ses cent millions d'habitants, le Nigeria, le " poids lourd " africain, inquiete ses voisins, notamment francophones, qui craignent que celui-ci n'en arrive un jour a bousculer les regles d'un jeu bien etabli. Mais le plus derangeant et le plus imprevisible des chefs d'Etat du continent demeure, et de loin, le colonel Mouammar Kadhafi. Ses pairs africains qui l'ont courtise en vain pour ses petro-dollars continuent a le menager, de crainte - l'affaire du Tchad est la pour le prouver - de subir les contrecoups de ses coleres, voire de ses foucades. En definitive, aux yeux des membres du club francophone, l'ancienne puissance coloniale reste, malgre d'inevitables chamailleries, qui, en general, ne pretent pas a consequence, le plus attentif et le plus fidele des partenaires, pret a repondre present en cas de coup dur, qu'il s'agisse, par exemple, de voler au secours de la compagnie multinationale Air Afrique en pleine deconfiture ou de tenir en respect le grand mechant loup libyen en quete d'aventures. De " grands enfants ", ces presidents africains ? Peut-etre, mais pauvrete et insecurite obligent... Michel Elbel se defend d'etre l'ambassadeur de l'Ile-de-France, d'en etre le ministre des relations exterieures. Vice-president, UDF, de la region, ancien questeur, il fut, au depart, charge a la fois de l'administration generale et des relations internationales mais cette derniere tache, par gout et par necessite, tend a l'occuper entierement tant il devient important pour une collectivite de la taille et du poids de celle-ci d'entretenir avec ses homologues etrangeres des relations frequentes et suivies. L'exposition organisee a Madrid est un bon exemple de ce qui peut et doit etre fait dans ce sens. " La region joue un role d'appui et de sensibilisation en faveur des acteurs economiques de l'Ile-de-France, dit Michel Elbel. Nous n'avons quant a nous rien a vendre, notre objectif est d'aider les petites et moyennes entreprises a se presenter sur le marche espagnol pour y rechercher des clients ou des partenaires. Par ailleurs, nous avons amene avec nous un certain nombre de grandes societes de services nationales - specialisees dans le traitement des eaux, du cable, des ordures menageres, etc., travaillant pour les collectivites locales - qui font connaitre leur savoir-faire et, indirectement, les entreprises qui mettent en oeuvre celui-ci. " Madrid, dans cet esprit, n'est pas une premiere. " Il y a eu, il y a deux ans, un jumelage entre la region Ile-de-France et la ville-region de Pekin ; l'annee derniere, apres l'exposition organisee a Osaka en 1982, un accord signe avec Tokyo prevoit l'echange regulier de missions entre les deux pays sur les questions d'urbanisme et d'environnement. Parmi les projets : a la fin de cette annee un accord avec la region du Latium (celle de Rome), une reprise des relations avec Pekin lorsque la situation politique de la Chine sera eclaircie. Enfin, a la demande du president Krieg, des contacts sont pris ou vont l'etre avec les pays de l'Est, des villes comme Prague, Budapest, Varsovie. Tout cela, bien entendu, sans aucun prejuge politique puisque ni la communaute de Madrid, par exemple, ou la region du Latium, ne sont du meme bord que la region Ile-de-France. " En fait ce que recherche, ce qu'a pour tache de rechercher Michel Elbel, c'est a multiplier les contacts, a organiser, il insiste sur les termes, " l'action internationale de la region et non la politique internationale de la region ", a travers trois canaux principaux. Des actions economiques comme celle-ci menees en collaboration avec les chambres de commerce, les services des ambassades. Une action plus specialisee dans le domaine de l'urbanisme qui transite par l'IAURIF, l'Institut d'amenagement et d'urbanisme de la region, qui entretient depuis longtemps de nombreuses relations avec des villes ou des regions etrangeres, Le Caire par exemple, ou Buenos-Aires, ou encore l'autorite portuaire de New-York. Une action, enfin, d'un ordre plus general par l'intermediaire de Metropolis, association creee en 1985 et qui rassemble aujourd'hui quarante grandes metropoles internationales, dont la derniere en date, Moscou. Une grande question qui en recouvre en realite trois. Quelle peut etre la vraie portee de l'" action internationale " d'une region comme l'Ile-de-France compte tenu des competences limitees qui sont les siennes, de l'existence en son sein d'une grande capitale comme Paris, de la susceptibilite connue et normale du Quai d'Orsay vis-a-vis d'initiatives risquant de remettre en cause ses responsabilites internationales. " Nos competences, reconnait Michel Elbel, sont, bien entendu, limitees. Nous sommes une administration de mission dans les domaines en particulier du developpement economique de l'urbanisme et de la formation. Cela dit nous ne pouvons empecher certains de nos interlocuteurs etrangers qui ont des competences plus etendues que les notres de nous solliciter pour des actions, par exemple culturelles, comme c'est le cas pour l'accord que nous venons de signer avec Madrid. Nous ne refusons pas de prendre leur message que nous renvoyons sur les autorites auxquelles ils s'adressent chez nous. Ainsi ce que les Madrilenes nous demandent de faire pour la culture nous demandons a la Ville de Paris de le faire. " Paris. N'est-ce pas une gene de se presenter comme la region de Paris ? A l'interieur meme des frontieres nationales et a plus forte raison a l'exterieur, l'Ile-de-France n'est pas toujours bien identifiee. Pour beaucoup elle reste la region parisienne. " Paris, repond Michel Elbel, reste la grande chance de la France et donc de l'Ile-de-France. Dans le monde actuel, celui des Eurocites, il faut jouer sur les grandes metropoles et plus exactement sur les grandes agglomerations a l'interieur desquelles se posent dans leur vraie dimension tous les problemes d'urbanisme, de transport, de developpement economique. Encore une fois nous avons une grande chance, que, par exemple, l'Allemagne nous envie, d'etre la region ou existe une grande metropole de taille internationale. " Cela dit, il est vrai que notre action est d'autant mieux identifiee que nous nous adressons a des regions qui ont des tailles et des structures comparables a la notre, Madrid par exemple, ou Sao-Paulo. Notre force c'est de nous adresser a nos homologues etrangers. Reste, quoi qu'il en soit, que nous travaillons la main dans la main avec les responsables de la capitale. Un exemple : Pekin a d'abord pris contact directement avec Paris et ce sont les autorites parisiennes, lorsqu'elles ont vu les questions posees - questions d'urbanisme, d'environnement, - qui, spontanement, ont renvoye leurs interlocuteurs sur nous. " L'exposition de Madrid a ete inauguree tres officiellement par les presidents de l'Ile-de-France et de la communaute de Madrid avec la presence tout aussi officielle de l'ambassadeur de France en Espagne. Et celui-ci se sentait tout a fait dans son role. Il est normal, explique-t-il, que les regions europeennes nouent entre elles des contacts pour s'enrichir de leurs experiences reciproques et s'aider mutuellement dans les domaines qui sont de leurs competences. Le tout est qu'elles n'empietent pas sur les pouvoirs regaliens qui, comme leur nom l'indique, relevent de la competence exclusive des Etats. Ce partage est d'autant plus evident dans le cas de l'Espagne que l'accord de cooperation, conclu en 1985 entre les gouvernements francais et espagnol, comporte un volet regional prevoyant expressement un developpement de la cooperation entre les regions des deux pays. On a pu craindre, c'est vrai, un moment, que se multiplient dans le desordre les interventions de differentes collectivites territoriales francaises dans les pays etrangers. Non seulement ces initiatives locales tendent - ne serait-ce que pour etre plus efficaces - a se coordonner mais le Quai d'Orsay lui-meme, instruit par l'experience, se montre beaucoup moins ombrageux. " Les choses se passent tres bien, confirme Michel Elbel. Non seulement le Quai est informe de nos interventions a l'etranger, mais nous travaillons le plus souvent avec l'appui de ses services. Dans la mesure ou nous restons dans notre role, nous pouvons meme parfois faciliter les missions des responsables de notre politique etrangere en leur apportant des elements d'information, en nouant des contacts dans les pays ou ils souhaitent intervenir. " Mais encore une fois a chacun sa tache ; nous devons toujours nous effacer derriere les interets d'Etat. Un exemple : en visite a Berlin-Ouest, je souhaitais prendre contact avec le maire de Berlin-Est. J'y ai tout de suite renonce lorsqu'on m'a fait savoir que si le gouvernement francais avait reconnu la RDA, il n'avait pas pour autant reconnu Berlin comme capitale de cet Etat. " Des millions d'Americains continuent d'evoquer avec un certain regret le bon vieux temps ou, pour leur service telephonique, ils s'adressaient a ce qu'il appelaient familierement " Ma Bell ", c'est-a-dire les vingt-deux compagnies du systeme Bell, propriete de l'American Telephone and Telegraph Company (ATT). Pour l'installation, la reparation des appareils ou pour verifier leurs notes mensuelles, les usagers avaient un seul interlocuteur. Aujourd'hui, plus de cinq ans apres la rupture du monopole d'ATT, ils ont affaire a des compagnies differentes. D'une maniere generale, sollicites par diverses societes leur offrant des services varies, ils sont amenes a faire des choix difficiles. Cet inconvenient est compense par les nombreux avantages decoulant de la fin du monopole, acceptee en 1982 par ATT a la suite d'un long proces anti-trust. L'ere de la competition s'est ouverte pour les telecommunications le 1er janvier 1984 avec, pour consequence, une restructuration complexe de l'ensemble du systeme des telecommunications : les vingt-deux compagnies Bell ont ete regroupees dans sept nouvelles entites independantes (1), ATT garde ses activites de longue distance et est autorise a s'engager dans de nouveaux secteurs, comme l'informatique. La rupture du monopole n'a affecte ni le developpement de l'usage du telephone, ni celui de l'industrie des telecommunications : 93 % des foyers americains (contre 91 % en 1983) ont le telephone et le secteur des telecommunications represente 185 milliards de dollars, soit une augmentation de 60 % par rapport a 1983. Et cela bien que les usagers non commerciaux - la tres grande majorite (80 % du total) - ont du subir une augmentation d'environ 35 % des tarifs des services locaux (installation, communications). En effet, pendant la periode du monopole, les tarifs eleves des liaisons longue distance pratiques par ATT subventionnaient en quelque sorte les tarifs plus bas des services locaux. Mais le prix des communications longue distance a diminue de 38 % (certaines compagnies ont pu ainsi reduire de plus de moitie leurs frais de telephone) avec pour effet d'augmenter la demande generale des appels longue distance et internationaux. Cette reduction est la consequence directe de l'apre lutte que livrent a ATT des societes concurrentes pour le marche des longues distances. ATT a recule, certes, mais controle encore plus de 70 % de ce marche (au lieu de 90 % avant 1984) devancant les plus importantes compagnies comme MCI Communication (11 %) et US Sprint (7 %), elles-memes aux prises avec 500 nouvelles compagnies offrant a leurs clients potentiels d'innombrables services repondant a leurs besoins specifiques. Le resultat le plus positif de la competition est d'avoir favorise la modernisation de l'equipement et l'introduction de nouvelles technologies, ce qui a eu pour effet d'ameliorer sensiblement la qualite des services. Ainsi, le reseau d'US Sprint repose entierement sur des cables a fibres optiques assurant une meilleure qualite que les cables conventionnels. ATT a ete ainsi oblige de convertir son reseau en fibres optiques beaucoup plus rapidement qu'il l'avait envisage. Des tarifs preferentiels accordes a certaines heures ont ete assurees aux entreprises clientes mais aussi aux particuliers soumis, d'autre part, a une intense campagne de publicite pour les amener a augmenter leurs appels longue distance et internationaux. Les sept compagnies Bell, les " baby Bell " comme on les appelle familierement, dont on craignait qu'elles ne survivent pas a la rupture avec ATT, ont au contraire prospere. Elles ont investi des millions de dollars dans la modernisation de leurs equipements et meme ont diversifie leurs investissements dans d'autres secteurs, avec plus ou moins de succes. Elles ont demande a la FCC (Federal Communication Commission), l'organisme federal supervisant l'ensemble du systeme telephonique (notamment en matiere de tarifs), de pouvoir assurer les communications longue distance, des services d'informations sur ordinateur et de fabriquer de l'equipement. Elles ont herite de l'ATT un monopole sur les communications locales. Les " baby Bell " voudraient maintenant se debarrasser des restrictions qui leur sont imposees. Mais, jusqu'a nouvel ordre, le juge Green, qui supervise l'application de sa decision anti-trust de 1982, ne veut pas lever ces restrictions tant, a-t-il dit, qu'elles jouiront de leur monopole local susceptible de fausser la concurrence. Etant donnee sa position predominante dans le domaine des longues distances, l'ATT continue d'etre soumis au controle de la FCC. En revanche, ses concurrents sont libres de fixer leurs tarifs. ATT voudrait maintenant avoir plus de liberte pour maintenir sa position dans un marche tres competitif. Mais ATT, MCI et Sprint sont unis pour demander le maintien des restrictions empechant les " baby Bell " de les concurrencer sur le marche des longues distances. Partie au debut des annees 80 des Etats-Unis, la vague de dereglementation dans les PTT fait tache d'huile. Premier pays europeen a avoir emboite le pas, la Grande-Bretagne est allee le plus loin et le plus vite. Mais un a un les pays s'y mettent... meme la sage Allemagne qui vient d'adopter une reforme somme toute plus radicale que ce que l'on avait cru d'abord. Aujourd'hui, seuls le Danemark, le Luxembourg et... la France n'ont pas modifie leur organisation. Deux mois apres la publication du rapport Prevot, le gouvernement francais n'a pas encore fait connaitre ses decisions, se donnant le temps de la concertation. Et il est peu probable qu'un texte soit depose lors de la session d'automne devant le Parlement. Les Britanniques se flattent d'avoir un service postal public depuis que le Parlement en a decide ainsi en 1657, et d'avoir invente le timbre. Poste et telephone ont ete separes en 1981, la premiere restant dans le domaine public, le second etant privatise en 1984. La poste royale detient toujours le monopole de la distribution de toutes les lettres dont l'affranchissement est inferieur a une livre (10,3 F). Des economistes ultra-liberaux reclament periodiquement le demantelement de cette institution plusieurs fois centenaire et l'instauration de la concurrence. C'est deja le cas pour les plis urgents, dont l'expedition coute plus d'une livre, generalement plus pres de dix que d'une, et que se disputent les services de messageries privees. Les motocyclistes casques porteurs de lettres et de colis, laissant en permanence branches a tue-tete le talkie-walkie qui les relie au standard de leur entreprise, font partie de la vie quotidienne londonienne. A certaines heures de la journee on ne voit et n'entend pratiquement qu'eux dans la City. La privatisation du courrier general est une autre paire de manches. Mme Thatcher a refuse, comme premature, ce projet lors de la redaction du programme de son parti pour les elections de juin 1987. Ses conseillers sont d'ailleurs partages, leur zele ideologique en faveur du moins d'Etat etant contrebalance par la crainte de voir les compagnies privees concurrentes abandonner la desserte des zones rurales. Le Financial Times se posait d'autre part tres serieusement, il y a quelque mois, la question de savoir si l'effigie de la souveraine pourrait dans ce cas figurer sur des timbres emis par des societes privees. Dans l'expression " poste royale " l'adjectif n'a pas perdu toute sa signification. La souveraine elle-meme, dont les initiales sont inscrites sur les camions postaux, comme celles de son aieule Victoria restent gravees sur les celebres boites aux lettres rouge vif, est, dit-on, hostile a la privatisation. Les postiers sont des fonctionnaires qui remplissent d'autres taches de service public que la simple distribution du courrier. Ce sont eux, par exemple, qui delivrent certains documents officiels tels que les passeports, les vignettes automobiles, et les attestations de paiement de la redevance audiovisuelle. Mais les 21 000 bureaux de poste britanniques ont souvent de quoi derouter un Francais : dans les zones rurales et les petites villes, mais aussi parfois a Londres, il ne s'agit que d'un guichet installe au fond d'une epicerie ou de tout autre magasin. Les syndicats, tres puissants et hostiles a la privatisation, font valoir que la poste royale, qui ne beneficie d'aucune subvention, degage un benefice depuis douze annees consecutives, ce qui n'est le cas d'aucune de ses homologues des pays industrialises. Celui-ci a ete de 212 millions de livres, en 1988, sur un chiffre d'affaires de 3,7 milliards de livres. L'affranchissement du courrier de premiere classe, a 19 pence (environ 2 F), est plutot moins cher que dans les autres pays europeens. La privatisation du telephone, en 1984, n'est pas, de toute facon, un precedent enthousiasmant. L'operation a ete un succes politique pour Mme Thatcher, qui peut se targuer des 1,3 million d'actionnaires actuels de British Telecom. Mais le benefice pour l'usager est moins evident. La societe qui est passee en bloc, avec ses 230 000 salaries, du secteur public au prive a conserve beaucoup des reflexes bureaucratiques et des lenteurs de jadis. Il faut prendre rendez-vous plusieurs semaines a l'avance avec l'employe charge d'une quelconque modification, et celui-ci a tot fait de declarer que le probleme releve d'un autre service... La mauvaise humeur des usagers avait ete a son comble au cours de l'ete 1988 au point de provoquer un debat national. On s'etait alors apercu qu'une cabine telephonique sur quatre etait hors d'usage, et que la pose d'une ligne demandait parfois six mois. Les responsables de British Telecom s'avouaient d'autre part incapables, face a la montee des reclamations, de fournir des factures detaillees. La situation s'est nettement amelioree depuis. Des centraux modernes informatises sont livres a un rythme accelere et British Telecom promet que 60 % des factures porteront, en 1990, mention du numero appele, du jour et de l'heure de la communication, et de sa duree. Le plus important peut-etre a ete l'abandon de la brutale politique de degraissage des effectifs menee depuis la privatisation. 5000 emplois par an avaient ete supprimes depuis 1984. 1500 ont ete crees en 1988. British Telecom n'a plus le monopole du telephone, et le ministere du commerce et de l'industrie s'efforce d'instaurer une situation de concurrence. La societe rivale Mercury commence ainsi a s'implanter dans l'ensemble du pays a partir de sa base, situee en Ecosse et dans le nord de l'Angleterre. Tres combatif, le principal syndicat de British Telecom continue de reclamer, comme le Parti travailliste, le retour de l'entreprise dans le giron de l'Etat. Le climat reste tendu dans cette entreprise ou s'affrontent, parfois de facon caricaturale, des dirigeants partisans du capitalisme sauvage, et des salaries faconnes par des decennies de pouvoir syndical et de monopole public. La Grande-Bretagne est le pays europeen qui a la position la plus originale en matiere de telecommunications. Avant sa privatisation, British Telecom offrait un service de mediocre qualite qui alimenta les theses des partisans de sa denationalisation. En 1984, la Grande-Bretagne opta, dans les telecommunications, pour un duopole entre British Telecom, privatise (mais dans lequel les interets publics demeuraient importants), et Mercury, departement de Cabble and Wireless, ancien operateur du Commonwealth. Mercury focalisa son action sur les gros clients de la City et les grandes villes. Il batit un reseau tout a fait neuf, equipe en fibres optiques et en commutateurs numeriques (achetes a l'etranger). Parallelement, le gouvernement - tout en confiant le pouvoir reglementaire au DTI (Departement of Trade and Industry) - institua pour l'assister un organisme, l'Oftel, qui, d'une part, lui fait des propositions en matiere de reglements et de tarifs et, d'autre part, joue un role de gendarme (watchdog) pour s'assurer que la concurrence est bien respectee. Accuse de privilegier son image boursiere ainsi que sa diversification et de negliger la modernisation du reseau britannique, British Telecom fut severement critique il y a deux ans, ce qui amena la chute de son president. Depuis, la barre a ete redressee, l'entreprise reequilibrant a l'occasion ses tarifs : elle augmenta le prix des communications locales (de loin les plus onereuses pour un exploitant), abaissant a l'inverse ses tarifs urbains et internationaux..., ce qui posa des problemes a ses concurrents europeens, frequemment irrites des " detournements de trafics " auxquels se livrent de grosses entreprises qui font transiter par Londres leurs communications transatlantiques, par exemple. En regle generale, British Telecom (comme d'ailleurs Cabble and Wireless) se signale par une politique internationale tres agressive, soucieux de rester parmi les grands operateurs mondiaux de telephone qui demeureront en lice dans les prochaines decennies. La reforme des PTT allemandes qui est entree en vigueur le 1er juillet dernier a permis la creation de trois entites independantes : Deutsche Bundespost Postbank, Deutsche Bundespost Postdienst, Deutsche Postbank Telekom. En choisissant de nommer, a la mi-septembre, trois managers pour diriger ces nouvelles societes, les autorites allemandes montrent qu'elles sont determinees a lutter contre la concurrence du secteur prive. Le ministre de tutelle, Mr Christian Schwarz-Schilling, n'a pas cache sa satisfaction, le jeudi 14 septembre, en devoilant les noms des trois nouveaux presidents du directoire des PTT allemandes. Le secret avait ete bien garde pendant tout l'ete, alimentant les speculations sur tel ou tel candidat. Coupant court aux rumeurs portant notamment sur le montant des remunerations que Bonn avait du consentir pour attirer des pretendants valables, le ministre s'est ouvertement rejoui de la qualite de ses recrues, " tous trois des gestionnaires aguerris dont la reputation n'est plus a faire ". La tache qui attend Mr Gunter Schneider, ancien porte-parole de la banque KKB, a la tete des services bancaires postaux, Mr Klaus Zumwinkel, jusqu'alors president de la firme de vente par correspondance Quelle, a celle des services postaux, et Mr Helmut Ricke, directeur de la compagnie Loewe Opta, qui prend la tete des telecommunications, n'est pas facile. Scindees en trois entreprises independantes au niveau de la gestion, les nouvelles entites continuent toutefois d'appartenir au secteur public. Mais leur structure doit etre completement refondue. Or Mr Schwarz-Schilling a ete tout a fait clair : elles doivent etre pleinement operationnelles a partir du 1er janvier 1990. Ce qui leur laisse peu de temps pour mener les reformes destinees a les rendre plus performantes, notamment dans les telecommunications. Certes l'abandon du monopole en vigueur jusqu'ici dans le radiotelephone, les services a valeur ajoutee, les communications par satellite ou le marche des equipements terminaux ne s'est pas traduit, pour l'instant, par l'entree en force de concurrents prives. Ceux-ci preferent sans doute dans un premier temps se reserver pour tel ou tel segment du marche plus porteur. Ainsi BMW propose-t-il a ses clients un systeme de transfert de donnees par satellite. Son concurrent, Daimler-Benz, va meme plus loin : s'appuyant sur sa filiale spatiale Dornier, il a decide de mettre sur pied un systeme de distribution reliant directement une entreprise avec ses clients. De son cote, le reseau prive Meganet - qui appartient a Deutsch-Atlantische-Telegraphen et au consortium d'assurances reunissant Colonia et Magdeburger - joue la carte de la qualite en doublant les liaisons techniques entre ses abonnes pour reduire les risques de pannes. En RFA, comme ailleurs, les enormes besoins en informations des entreprises (notamment les banques) poussent au developpement d'un systeme de communications mondial collant mieux au marche. Jusqu'a present, les PTT allemandes avaient assure les investissements necessaires au transport de l'information, negligeant les services a valeur ajoutee comme la gestion de tresorerie ou l'echange de documents. Avec un chiffre d'affaires annuel d'environ 37 milliards de deutschemarks (126 milliards de francs) et quelque 200 000 employes, les nouvelles Telekom conservent une confortable avance dans le secteur des telecommunications. Mais l'etroitesse du marche allemand ainsi que son extreme complexite rendent le developpement de nouveaux services tres onereux, meme pour la puissance publique. Le telephone cellulaire est sans doute le meilleur exemple. Alors que la mise en place d'un reseau digital va permettre de reduire drastiquement le cout moyen d'un radiotelephone (de 6 000 deutschemarks aujourd'hui a 1 000 deutschemarks), le systeme implante actuellement en RFA (C-Netz) est sature avec des interruptions frequentes dans les grandes villes en raison d'une trop forte utilisation. L'ouverture des frontieres avec l'installation en 1991 d'un nouveau reseau europeen (D-Netz) devrait permettre de resoudre le probleme de l'engorgement. D'ores et deja une dizaine de consortiums inernationaux, parmi lesquels des geants allemands comme Daimler-Benz ou BMW, se sont formes pour obtenir le controle du reseau prive (D2-Netz) du telephone mobile. Les Telekom allemandes, qui se reservent la moitie de ce marche (D1-Netz), doivent faire connaitre leur decision le 12 decembre en ce qui concerne l'octroi de la licence necessaire a l'exploitation du reseau prive. Un seul consortium sera autorise et les speculations vont bon train pour savoir qui sera choisi dans la mesure ou ce marche potentiel represente un chiffre d'affaires global de 4 milliards de deutschemarks d'ici a 1998 quand deux millions de telephones cellulaires auront ete intalles. Mais la rarete des frequences en RFA, dont la plus grande partie est reservee aux troupes de l'OTAN stationnees sur le territoire ouest-allemand, et les couts de revient beaucoup plus eleves qui en resultent, notamment par rapport aux concurrents japonais, scandinaves ou americains, risquent toutefois de reduire d'autant les possibilies de gains. Dans un secteur plus traditionnel, celui de l'expedition, la poste a adopte une double strategie pour lutter contre la concurrence du secteur prive tout en relachant son monopole sur la distribution du courrier. Les taux de croissance (de 20 % a 30 % par an) des expediteurs prives, malgre une concurrence feroce dans certaines grandes villes ou leur nombre peut atteindre plus d'un millier, expliquant sans doute que les PTT allemandes cherchent a recuperer une partie de ce pactole. A cette fin, elles ont cree, depuis le 1er septembre, un service express qui existait deja depuis 1983 dans sept grandes villes. Les couts prohibitifs pratiques par les PTT allemandes pour ce service - 35 deutschemarks (120 francs) pour la livraison d'un paquet par porteur dans un rayon de 12 kilometres contre 13 deutchemarkes en moyenne ailleurs - ont provoque l'hilarite des expediteurs prives qui ne se sentent pas outre mesure menaces par cette nouvelle initiative. En revanche, certaines entreprises ont tres mal reagi a la decision de la poste d'autoriser ses concurrents a livrer du courrier a des fins professionnelles. C'est le cas, notamment, des OPS (Overnight Parcel Services) a Dusseldorf, qui s'etaient specialises dans le transport de paquets et de lettres apres les heures de bureau. UPS (United Parcel Service) dont le siege allemand est a Neuss, a decide, pour sa part, de saisir cette opportunite. La compagnie a annonce, au debut du mois, qu'elle allait etendre ses services a l'ensemble du territoire, y compris Berlin-Ouest, a des prix que la poste est incapable de battre. Et, maintenant que le monopole a commence a se relacher, il est a parier que la pression du secteur prive ne va pas s'arreter la. Du 18 au 21 octobre, 130 entreprises de l'Ile-de-France - des PME pour la plupart, travaillant souvent dans les hautes technologies - ont participe a l'exposition organisee a Madrid sur l'initiative du conseil general. Elles trouvaient ainsi l'occasion de presenter leurs productions sur le marche espagnol, de prendre contact avec d'eventuels acheteurs ou partenaires. Reciproquement, des entreprises madrilenes participeront a une manifestation similaire au cours du deuxieme semestre 1990, au palais du CNIT a la Defense. Cette exposition n'est qu'un des aspects de la cooperation qui s'est instauree entre la region Ile-de-France et la communaute de Madrid et s'est concretisee par un accord signe en septembre dernier. Les annexes concretes de l'accord ont d'ailleurs ete officiellement paraphees a Madrid le jour de l'ouverture de l'exposition par Pierre-Charles Krieg, president du conseil regional d'Ile-de-France, et Joaquim Leguina, president de la communaute de Madrid. Le developpement economique, la formation professionnelle, l'amenagement urbain au sens le plus large, l'education et la culture, sont les quatre grands axes des actions que les deux collectivites entendent mener ensemble. Chaque annee un programme precis sera elabore et un premier contingent de stagiaires sera echange des 1990 entre Madrid et Paris. L'Espagne est aujourd'hui, pour les investisseurs europeens, un pays a la mode. Il etait normal que l'Ile-de-France, qui trouvait dans la communaute de Madrid un partenaire a sa mesure, dote de competences plus etendues mais comparables, decide, elle aussi, de franchir les Pyrenees. Ce n'est pourtant, comme l'explique ci-dessous Michel Elbel, qu'un premier pas dans sa demarche de desenclavement international. Le conseil des ministres, reuni mercredi matin 25 octobre, a adopte un projet de loi portant amnistie d'infractions commises a l'occasion des evenements de Nouvelle-Caledonie. La loi referendaire du 6 novembre 1988 ne comportait qu'une amnistie partielle. Le seul et unique article de ce projet de loi etend le benefice de celle-ci aux auteurs de crimes de sang. Elle concerne quarante personnes inculpees d'assassinat, au nombre desquelles figurent les trente-deux inculpes de l'attaque de la brigade de Fayaoue a Noumea. " L'examen des faits demontre que tous ne pouvaient avoir ete auteurs directs de l'assassinat ", a precise Mr Louis Le Pensec, porte-parole du gouvernement, qui a egalement affirme que les " auteurs directs " de l'assassinat des quatre gendarmes de la brigade de Fayaoue sont morts dans les operations d'Ouvea du mois de mai 1988. Mr Le Pensec a egalement precise qu'une telle loi d'amnistie n'est pas sans precedent puisque des dispositions analogues avaient ete prises en janvier 1959 pour des evenements lies a l'insurrection du Maroc, et en mars 1962 pour les evenements d'Algerie. Il a ajoute : " Clore par le pardon le passe de violences et d'affrontements, representait, avec le retour au debat democratique et le partage des responsabilites et des fruits du developpement, l'une des trois necessites exprimees lors des accords de Matignon de l'ete 1988. " Mr Pierre-Yves Ligen, president du conseil d'administration de l'etablissement public Grand Louvre - organisme responsable de la construction du nouveau musee et de ses amenagements annexes, - a annonce, mercredi 25 octobre, sa demission. Elle est due a des divergences avec le ministere du budget et le secretariat d'Etat aux grands travaux - portant notamment sur la galerie commerciale et le parking souterrain, - et prendra effet a la fin du mois d'octobre. La France a decide un plan d'aide de pres de 4 milliards de francs sur trois ans a la Pologne, a annonce mercredi 25 octobre en debut d'apres-midi la presidence de la Republique. Ce plan est destine dans un premier temps a " aider a la modernisation de l'economie polonaise par la creation d'un fonds d'investissement " dote de 900 millions de francs de credits. Il comprend egalement l'ouverture de credits commerciaux d'un montant de 2 milliards de francs, qui viendront s'ajouter aux 900 millions de francs deja ouverts en 1989. Une dotation speciale de 90 millions de francs pour la formation et l'assistance technique sera aussi degagee. Mr Mitterrand devait faire, mercredi 25 octobre dans l'apres-midi, une declaration au Parlement europeen de Strasbourg, apres avoir dejeune avec des deputes europeens. Mardi soir, le president de la Republique s'etait entretenu a Paris pendant deux heures avec le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl. Cette rencontre avait pour objet la preparation du sommet europeen de Strasbourg des 8 et 9 decembre. Il est probable cependant, etant donne que les deux dirigeants se reverront a Bonn debut novembre pour le sommet franco-allemand, que le president de la Republique souhaitait egalement informer Mr Kohl de la trame de son discours de mercredi. A l'issue de cette rencontre, le porte-parole de l'Elysee, Mr Hubert Vedrine, a declare que les deux hommes font des " analyses tres proches et tres convergentes " sur les changements a l'Est qui revetent, selon eux, " une importance considerable pour le changement des equilibres en Europe ". Le porte-parole a souligne que, devant ces evolutions, Paris et Bonn devaient " rester en convergence etroite ", et que la Communaute economique europeenne etait " le bon niveau a partir duquel faire face a ces evenements ". L'acceleration des evenements a l'Est vaut bien un grand discours du chef de l'Etat francais. Ce discours, qu'il devait prononcer mercredi 25 octobre devant le Parlement europeen a Strasbourg, Mr Mitterrand le peaufinait encore dans l'avion qui le conduisait lundi vers la Vieille-Castille, pour le sommet franco-espagnol, puis a Valladolid meme. Il en aura presente les grandes lignes a ses deux plus proches partenaires europeens, Mr Felipe Gonzalez, puis le chancelier Kohl, qu'il recevait a diner a l'Elysee mardi soir, a son retour d'Espagne. Il se sera assure de leur " identite de vues " face a ce que Mr Gonzalez designait comme " le defi nouveau que comporte la phase actuelle des relations internationales ; une phase positive, mais dont l'issue n'est pas encore claire ". Mr Mitterrand n'a pas deflore son sujet ; mais la ligne de force du discours de Strasbourg se deduisait aisement des propos qu'il a tenus lors de la conference de presse franco-espagnole de Valladolid : " L'Histoire charge la Communaute d'une ambition supplementaire ", a dit le president de la Republique, ou encore : " Il n'est plus possible de developper la Communaute sans avoir en tete les relations de cette Communaute avec les pays de l'Est. " Autrement dit, c'est aux Douze d'accompagner, et, si possible, de guider, l'avenement d'un nouvel ordre europeen. Pour etre a la hauteur de la tache, la Communaute doit accelerer sa propre integration, dont la veritable pierre angulaire est actuellement la construction de l'Europe monetaire. Profitant de la question d'un journaliste espagnol qui lui demandait s'il avait en tete une sorte de modele socialiste transeuropeen, Mr Mitterrand a fait sur le passe et surtout sur l'avenir des ideologies un developpement qui peut s'interpreter soit comme une profession de foi socialiste, soit comme l'expression d'une double inquietude : inquietude, bien que tres prudemment formulee, quant a la nature des forces que peuvent liberer les mouvements qui agitent les societes est-europeennes ; inquietude aussi devant la trop grande impatience de ces peuples a couper les ponts avec le systeme dont ils cherchent a s'emanciper. Le president de la Republique a d'abord rappele la cesure au sein de la famille socialiste orginellle : " Les uns ont cru pouvoir fonder le socialisme en ignorant la liberte ; les autres ont pense qu'il n'y a pas de socialisme sans liberte. Quelle est la reponse de l'Histoire ? On commence a la voir. Il serait normal que les peuples qui aspirent a la liberte retrouvent les membres de leur famille qui, eux, n'ont pas devie de leur philosophie initiale. " Mais tout cela, ajoute le president de la Republique, n'est qu'une " vision theorique ", car les incertitudes planent, contre lesquelles il semble vouloir se rassurer lui-meme : " En fait, la pesanteur et les drames qui se sont produits la ou regnait le communisme marxiste-leniniste provoquent un sentiment de refus qui pourrait, le cas echeant, entrainer des populations au-dela de leurs propres revendications, pour veritablement, definitivement, couper le lien." "Je ne pense pas, ajoute Mr Mitterrand, que cela puisse aller jusqu'a ce que ces peuples s'egarent au point de rejeter le meilleur de ce qu'ils ont recu: le meilleur, ajoute a ce petit talisman qui change tout et qui s'appelle la liberte." Voila qui ressemble a une mise en garde contre un reniement philosophique radical et, peut-etre, contre les desequilibres geo-politiques qui pourraient en resulter. A la meme question, Mr Gonzalez avait plus sobrement repondu en declarant souhaiter "le depassement du socialisme reel", "la democratisation du socialisme", meme si se developpent parallelement "des alternatives elles aussi legitimes". C'est dans ce vaste contexte politique europeen que Mr Mitterrand devrait evoquer a Strasbourg la perspective de l'union monetaire, dont il s'est egalement entretenu a Valladolid avec Mr Gonzalez. Il proposera, lors du sommet europeen par lequel s'achevera en decembre la presidence francaise, que les Douze decident de convoquer pour le deuxieme semestre de 1990 la conference intergouvernementale chargee de proceder aux reformes institutionnelles necessaires. Le gouvernement espagnol souhaiterait aller plus vite et propose juillet 1990; il fait de la sorte contrepoids a ceux qui trainent les pieds, a savoir les Pays-Bas et surtout la Grande-Bretagne, hostile au principe meme d'une telle evolution. MM Mitterrand et Gonzalez ont egalement parle de la lutte contre la drogue, autre sujet sur lequel leurs points de vue sont tres proches. A propos du blanchiment de l'argent sale, Mr Mitterrand a ete plus net que jamais: "Il faut que les banques ouvrent leurs livres. Tout le reste ne sera que faux-semblant." La France a procede, mardi 24 octobre, a un essai nucleaire sur l'atoll de Mururoa, selon les autorites neo-zelandaises, qui evaluent la puissance de cette explosion a environ 25 kilotonnes (soit une puissance presque double de celle de la bombe sur Hiroshima). De meme source, on precise que c'est le cent huitieme tir nucleaire francais depuis 1975, date a laquelle la France a decide de passer a des experiences souterraines en Polynesie. L'URSS " propose la liquidation d'ici a l'An 2000 de toutes les bases militaires a l'etranger, ainsi que de toute presence militaire en territoire etranger ", a declare le ministre sovietique des affaires etrangeres, Mr Edouard Chevardnadze. L'OTAN a rejete en substance cette offre mercredi 25 octobre. L'Alliance atlantique est " necessaire a la stabilite " internationale et " la proposition sovietique (...) n'est pas nouvelle " a souligne le secretaire general de l'OTAN, Mr Manfred Woerner a l'issue de la reunion ministerielle du Groupe des plans nucleaires (GPN). " Nous sommes prets, avait propose le ministre sovietique dans son rapport prononce, lundi 23 octobre, devant le Soviet supreme (le Monde du 25 octobre), et dont le texte integral a ete publie, mardi, par les Izvestia, a mener la liquidation des groupes politico-militaires en Europe sur la base de la reciprocite. " Cette declaration reprend les propositions deja avancees par l'URSS d'un futur demantelement de l'OTAN et du pacte de Varsovie, mais elle les precise en suggerant une negociation sur un retrait total des forces sovietiques d'Europe de l'Est d'ici a l'an 2000, ainsi qu'une evacuation reciproque des bases militaires des deux blocs en Asie. " Pour la premiere fois depuis longtemps, a encore dit le ministre, aucun soldat sovietique ne participe a des combats a l'etranger et, j'en suis convaincu, n'y participera pas a l'avenir. Pour la premiere fois, egalement, les forces armees sovietiques stationnees a l'etranger sont fortement reduites. " L'etat-major sovietique avait annonce, le 19 octobre, que 27 400 militaires sovietiques ont ete retires d'Europe de l'Est depuis le debut de l'annee, dans le cadre de la reduction de 50 000 hommes prevue dans cette region d'ici a 1991. La version integrale du rapport de Mr Chevardnadze contient une autre autocritique de la politique passee, a propos, cette fois, des armes chimiques. "En 1969, a dit le ministre, les Americains ont arrete la production d'armes chimiques. " En reponse, nous avons continue d'en produire pendant pres de vingt ans, sans tenir compte des milliards de roubles depenses, du tort cause a l'environnement et du danger pour la sante des personnes." A Washington, le porte-parole du departement d'Etat a qualifie, mardi, d'"extraordinaires" de franchise et de "pas dans la bonne direction" les declarations de Mr Chevardnadze reconnaissant que l'URSS avait viole le traite ABM avec son radar de Krasnoiarsk et condamnant l'invasion de l'Afghanistan. Ces declarations, a dit Mme Tutwiler, "refletent la nouvelle pensee et demontrent que les Sovietiques reconnaissent qu'il est important qu'ils soient honnetes a propos de leurs politiques passees". Elle a ajoute que ces propos du ministre sovietique constituent "une evaluation positive des relations americano-sovietiques" et les a mis en parallele avec les recents discours du secretaire d'Etat James Baker, soulignant les chances "historiques" d'amelioration des relations avec l'Union sovietique. Le Washington Post a, en outre, revele, mercredi, que l'URSS va reduire de moitie la production de ses chars dans les cinq annees a venir. Cette decision aurait ete communiquee, selon le quotidien, par le general Iazov, ministre sovietique de la defense, au cours de ses entretiens avec son homologue americain a Washington au debut de ce mois. Selon le Pentagone, l'URSS produit chaque annee trois mille deux cents chars, contre sept cent soixante-quinze pour les Etats-Unis. Reiner Oude Groote Beverborg, dit Rogb, l'intermediaire neerlandais qui dirige une officine specialisee dans le commerce de reins a greffer (le Monde date 15-16 octobre), a ete arrete le 22 octobre par la police d'Hengelo, dans l'est des Pays-Bas. Sous le coup d'un mandat d'arret pour un arriere d'amendes routieres d'un montant total de 2700 florins (8100 francs), Rogb, mauvais payeur, doit passer cinquante-huit jours derriere les barreaux. En consequence, il ne pourra pas assister a l'adjudication de sa maison, qui devait avoir lieu, jeudi 26 octobre, a la demande d'une societe de credit immobilier lasse de voir les mensualites non payees s'accumuler. Les demeles financiers de Rogb confirment l'aspect purement mercantile du commerce de reins a transplanter auquel il se livrait. Nous etions parvenus a entrer en contact avec lui a ce sujet le vendredi 20 octobre, et Rogb nous avait affirme preparer une deuxieme transplantation commerciale, la premiere ayant bien eu lieu, selon lui, "le 9 octobre" dans une "clinique privee des environs de Paris". Se refusant a dire si le prelevement du rein d'une Neerlandaise de trente-huit ans et sa greffe consecutive sur une adolescente originaire du golfe Persique avaient ete pratiques dans le meme etablissement, Rogb avait declare que les interventions avaient ete assurees par "une equipe chirurgicale ne comprenant pas de medecin francais". Affirmant a nouveau que les parents de la receveuse avaient paye le rein a greffer 170000 florins (510000 francs, dont 240000 pour la donneuse), le negociant avait refuse de repondre a toute autre question : "J'ai d'autres problemes en ce moment", avait-il conclu. En 1988, dans une vingtaine de pays, " des dizaines de milliers de personnes ont ete tuees deliberement et en toute illegalite par des agents gouvernementaux ", indique Amnesty International dans son rapport annuel, rendu public mercredi 25 octobre (1). L'Organisation de defense des droits de l'homme consacre cette annee l'introduction du rapport - son point fort - au phenomene des " executions extra-judiciaires ". Elle revele que " les massacres et les assassinats cibles, commis par des agents des Etats operant en dehors du systeme judiciaire, ont atteint un niveau inegale en 1988 ". Dans la panoplie deja tres fournie de la terreur etatique, le recours a la " liquidation " physique, sans autre forme de proces, tend a devenir pour certains regimes la regle et non plus l'exception. Parmi les victimes des executions sommaires figurent des opposants politiques, des membres de groupes ethniques ou religieux et des civils vivant dans des zones d'operations militaires. Hommes, femmes et meme enfants sont assassines en plein jour, parfois devant leurs proches, ou dans le secret des cachots ; et par toutes sortes de moyens : balles, bombes, torture, poison, etc. " En Colombie, au Guatemala, au Salvador, en Syrie et aux Philippines, ces victimes ont souvent ete atrocement mutilees avant d'etre achevees ", precise Amnesty. Les situations de conflit servent souvent de pretexte, et le rapport cite toute une serie d'executions massives de civils commises par les militaires. - En BIRMANIE et au SRI-LANKA, ou il en est alle de meme dans le cadre de la lutte anti-insurrectionnelle. De nombreuses personnes ont d'autre part ete tuees par les forces gouvernementales pendant ou apres des manifestations : en Israel (ou 300 civils palestiniens ont ete tues en 1988), en Algerie (au moins 176 manifestants tues), au Tibet ou la police chinoise a tue des dizaines de manifestants independantistes. En Iran 1700 prisonniers politiques - dont une partie detenus sans jugement - ont ete executes dans les mois qui ont suivi le cessez-le-feu avec l'Irak. Dans plusieurs pays d'Amerique latine : Bresil, Colombie, Guatemala, Salvador, Haiti et egalement aux Philippines, des " escadrons de la mort ", lies aux forces armees, continuent a tuer opposants, suspects et defenseurs des droits de l'homme en toute impunite. Des morts sous la torture ont, par ailleurs, ete signales au Benin, en Guinee-Bissau, au Liberia, au Salvador, en Equateur, au Venezuela, en Chine, en Inde, en Indonesie, en Birmanie, en Syrie et en Turquie. " Les massacres de civils, qui ont eu lieu en Chine en juin 1989, ainsi que les massacres de centaines de civils par les forces de securite au Sri- Lanka au cours des derniers mois montrent clairement que les executions extra-judiciaires se poursuivent ", constate encore le rapport. Amnesty souligne que les Etats cherchent souvent a detruire ou a dissimuler les preuves des executions extra-judiciaires, en meme temps que celles de leur propre responsabilite. " Mais la communaute internationale a connaissance des assassinats politiques beaucoup plus vite qu'auparavant ", souligne l'organisation. - Enfin, cinquante-huit pays ont eu recours en 1988 a la peine de mort, note Amnesty, qui a lance en 1989 une vaste campagne internationale contre la peine capitale (le Monde du 26 avril). Au regard de ce tableau particulierement sombre, quand il n'est pas rouge sang, les ameliorations (URSS, Pologne, Hongrie, Tunisie, Coree du Sud, Pakistan) sont rares et paraissent fragiles. De facon generale, la situation s'est plutot aggravee en 1988, notamment au Proche-Orient et en Amerique latine. Revolution a l'americaine dans les pretoires italiens : la defense et l'accusation enfin sur un pied d'egalite, l'avocat transforme, s'il le desire, en detective a la recherche de preuves, ou en negociateur echangeant avec le ministere public une reduction de peine contre les aveux de son client. A Rome, mardi 24 octobre, pour la premiere journee d'existence legale de ce nouveau code de procedure penale - en chantier depuis plus de vingt ans - la presse a fait etat de ce qu'on appelle ici " le syndrome de Perry Mason ". Des lundi soir, minuit, dans tous les tribunaux italiens sont en effet tombees les estrades surelevees qui permettaient aux representants du ministere public de dominer physiquement leurs collegues de la defense. Comme le fameux avocat de l'interminable serie americaine, les defenseurs sont desormais au meme niveau que l'accusation et, autre innovation, ils peuvent aussi proceder en audience a des contre-interrogatoires. Comme disent les specialistes, l'Italie passe d'une procedure de type "inquisitorial " a une mise en accusation plus proche de ce qui se fait ailleurs en Occident. Fini le secret des instructions souvent interminables qui lesaient, parfois gravement, les interets des inculpes, finis aussi les celebres " maxi-proces ", toute chose naguere possible en vertu d'un code penal herite de la periode fascite (1931). Dorenavant, des qu'un accuse contestera certains faits qui lui sont reproches, s'ouvrira une enquete dite " preliminaire ", et ce sont le ministere public et la defense - ensemble - qui recueilleront les preuves avant de les presenter a un magistrat. Celui-ci decidera alors s'il y a lieu ou non d'inculper. En clair, la presomption d'innocence sort renforcee de la reforme. Le choc, en Italie est enorme et les reactions a chaud relativement partagees. S'ils sont, en grande majorite, d'accord avec les principes du nouveau code - " cela ne peut pas etre pire qu'avant ", - les juges, ainsi qu'une partie de la classe politique, en contestent fortement la mise en application " trop brutale " a leur gout. Au point que le ministre de la justice, Mr Giuliano Vassalli, quinze heures apres l'entree en vigueur de la procedure, a du preciser, mardi, qu'il n'etait " pas question " de la suspendre... Les sept cent quarante-six articles de ce qui est devenu pour tout le monde le "code Vassalli " visent evidemment a alleger les procedures et a desengorger un systeme qui figure parmi les plus malades du monde developpe. Et tout le probleme est la, precisement. Le remede de cheval ne risque-t-il pas d'achever le patient ? Le systeme croule deja sous pres de trois millions de procedures en retard par manque de juges, de personnel, de materiel, et meme de tribunaux. L'Etat italien consacre 0,78% du budget national a la justice. Nul doute que les justiciables prendront la reforme plus au serieux lorsqu'un effort aura ete fait de ce cote-la aussi, sinon d'abord. L'Union sovietique maintient des forces en Europe de l'Est, au titre du pacte de Varsovie, mais aussi dans des territoires autres, comme au Vietnam ou en republique populaire de Mongolie, et dans des pays du tiers monde ou servent des conseillers techniques aupres des armees locales. En Europe de l'Est, des forces sovietiques stationnent en Allemagne de l'Est (380 000 hommes, avec des missiles SCUD ou SS-21 et environ huit cents avions de combat), en Tchecoslovaquie (70 000 hommes, avec des missiles SCUD et une centaine d'avions), en Hongrie (65 000 hommes, avec trois cent soixante-dix avions) et en Pologne (40 000 hommes, avec des missiles SCUD). En decembre 1988, Mr Gorbatchev a annonce son intention de retirer, avant 1991, environ 50 000 hommes des territoires allies en Europe. Au Vietnam, l'URSS maintient environ 2 800 hommes et une trentaine d'avions de combat, et en republique populaire de Mongolie (ex-Mongolie exterieure) environ 60 000 hommes (dont le quart est en cours de retrait, selon Moscou). On recense enfin plusieurs milliers de conseillers techniques (de l'ordre de 25 000, selon des estimations de source occidentale) aupres de l'encadrement des armees locales en Amerique latine (notamment a Cuba, au Nicaragua et au Perou), en Afrique et au Proche-Orient (principalement en Algerie, en Angola, en Ethiopie, en Irak, en Libye, au Mali, au Mozambique, en Syrie ou au Yemen du Sud), en Asie (notamment en Afghanistan, en Inde, au Cambodge ou au Laos). Ces detachements sovietiques, outre leur mission de formation, controlent egalement les materiels militaires que l'URSS a fournis a ces pays. Quatre provinces du departement de Lima ont ete declarees, mardi 24 octobre, en etat d'urgence et seront donc, desormais, controlees par l'armee. Cette decision a ete prise trois semaines avant les elections municipales du 12 novembre. Le mouvement de guerilla maoiste Sentier lumineux, qui a decide de saboter cette consultation, ne cesse, en effet, d'accroitre son emprise sur les vallees qui relient les contreforts des Andes a la capitale. Lima vient d'ailleurs de connaitre une nouvelle vague d'attentats : une dizaine d'autobus ont ete dynamites ou incendies par les terroristes. Il s'agit la d'un premier geste d'intimidation envers la population de la capitale, afin qu'elle s'abstienne de participer au scrutin. Un peu plus du tiers du pays vit actuellement sous l'etat d'urgence. L'armee, cependant, ne parvient pas a controler ce vaste territoire. Deux attaques du Sentier lumineux, dans les departements andins d'Ayacucho et de Huancavelica, ont provoque, lundi, la mort de vingt-huit personnes : treize militaires ont ete tues lors d'une embuscade tendue par une centaine d'insurges ; six senderistas seraient egalement tombes au cours du combat ; enfin, neuf paysans membres du Groupe d'autodefense de la communaute de Sallally (Ayacucho) ont ete executes sur la place du village apres une parodie de justice populaire au cours de laquelle ils ont ete accuses de " soutenir le regime ". Face a cette escalade de violence, qui menace le processus electoral, le procureur general de la nation a convoque ministres, parlementaires, autorites politiques, chefs militaires et representants de l'Eglise catholique a coordonner "une strategie efficace, mobilisant toute la nation contre ceux qui pretendent saper l'Etat de droit et l'economie du pays". Cent soixante mille membres de la police et de l'armee sont a pied d'oeuvre, afin de dejouer le boycottage du Sentier lumineux, a annonce le president Alan Garcia, au cours d'une visite eclair a Ayacucho. Mais, dans ce bastion de la subversion, seule l'APRA (Alliance populaire revolutionnaire americaine), le parti au pouvoir, presentera un candidat : ceux des coalitions, respectivement de gauche et de droite, ont demissionne. L'enjeu des municipales est, en fait, capital : si le Sentier lumineux impose son boycottage dans de larges zones du pays, l'election presidentielle d'avril pourrait elle-meme etre remise en cause. Depuis vingt ans, les professeurs des ecoles d'architecture attendent un statut qui determine leurs missions et leurs carrieres. EN guise de gateau d'anniversaire, c'est une soupe a la grimace qui attend les responsables de l'enseignement de l'architecture, reunis les 30 et 31 octobre pour celebrer vingt ans de reformes. Les eleves et les jeunes diplomes se plaignent d'un enseignement inadapte. La profession en profite pour rappeler ses reserves a propos des contenus pedagogiques fixes en 1984. Les professeurs se revoltent contre l'absence de statut et de carriere. Les responsables d'ecoles pleurent misere. A l'ecole de Marseille-Luminy, les enseignants sont en greve depuis la rentree. Des mouvements de protestation agitent les ecoles parisiennes. Des motions de soutien sont votees ici et la. Quand une ecole ne bronche pas, le directeur n'en est que plus inquiet : " C'est pire, il y a de la desesperance. " Il n'y aura certes pas de manifestations monstres entre Bastille et Nation - la profession est trop petite (neuf cent seize enseignants contractuels et autant de vacataires), - mais on se mobilise pour le rendez-vous de La Villette. Alertes des le debut de l'ete par certains responsables des vingt-deux ecoles d'architecture francaises, les services du ministere auraient-ils sous-estime la fronde ? Fondee il y a moins d'un an, la conference des presidents des conseils d'administration des ecoles d'architecture (CPCAEA) reclamait en mars dernier des mesures d'urgence et une planification pluriannuelle " en sorte de rattraper un retard intrinseque et un retard relatif par rapport aux ecoles des pays europeens developpes ". Dans la dotation budgetaire de 1990, le budget de l'enseignement est en hausse de 7 %. C'est assez proche des mesures d'urgence demandees, mais on reconnait, au ministere de l'equipement qu'" il s'agit plus d'une actualisation que d'un rattrapage ". Toutes les ecoles ne sont pas comme Paris-Villemin, veritable ruine en plein coeur de la capitale. Mais la plupart ne peuvent offrir une place de travail par etudiant. Selon les estimations de Jacques Allegret, president de la CPCAEA, 12 a 13 metres carres sont necessaires pour chaque eleve. Pour que chacun des treize mille eleves dispose de sa table a dessin, il faudrait presque doubler les surfaces de plancher. Ou n'accepter que huit mille eleves a l'entree. Or, curieusement, les salles d'archives ne sont pas bondees. On ne rencontre que quelques groupes, carton sous le bras, dans les couloirs. Dans les conditions actuelles, les etudiants preferent en effet travailler leur projet chez eux. Et les ecoles se trouvent dans la situation paradoxale d'etre vides par manque de place. Le manque de moyens affectes a l'enseignement de l'architecture est au coeur du debat. Longtemps, les enseignants ont meprise ces questions triviales. Aujourd'hui, les syndicats et le conseil de l'ordre des architectes ne se privent pas de faire des comparaisons : l'Etat depenserait plus de 70 000 francs par an pour former un ingenieur des Ponts, contre a peine plus de 30 000 francs pour un eleve architecte. Jacques Allegret attend que d'ici a 1993 le cout annuel passe a 48 000 francs, a peu pres celui d'un etudiant d'IUT ou d'un eleve ingenieur. " Il faut donner a cet enseignement miserable les moyens de l'enseignement technique superieur ", plaide-t-il. Au ministere, on rappelle que les sommes affectees ont triple en vingt ans. " Cet enseignement vient de loin, explique-t-on. Les efforts budgetaires ont ete contrecarres par le developpement brutal des effectifs entre 1972 et 1985. Apres un palier du a la crise du batiment, nos ecoles redeviennent attirantes, ce qui pose a nouveau des problemes. " Les ecoles ne souffrent pas seulement de la pingrerie du ministere du budget, elles etouffent souvent dans un statut contraignant d'etablissement public a caractere administratif (EPA). " Je ne reclame pas plus d'argent a l'Etat, declare Jean-Marc Cailleau, directeur de l'ecole de Nantes. Je demande plus de liberte, pour attirer des fonds grace a un statut plus souple, celui d'etablissement a caractere industriel et commercial (EPIC), par exemple. Je revendique la responsabilite d'un chef d'entreprise. Sinon, les ecoles ne pourront jamais remplir les missions, notamment en matiere de recherche, que leur fixe la loi de 1984. " Ce chef d'etablissement n'hesite pas a aborder la question des droits d'inscription, uniformement fixes a 475 francs par an, et a rever a leur triplement. " Plus de 50 % de mes cinq cent quarante etudiants sont issus de familles aisees ", explique-t-il, persuade que ces dernieres accepteraient de payer plus pour un enseignement de meilleure qualite. Autre probleme qui preoccupe les chefs d'etablissement : le statut du corps enseignant. Les neuf cent seize enseignants sont tous contractuels. Ils ont ete recrutes depuis 1968 sur des contrats a indice bloque, sans aucune perspective de carriere, avec des situations differentes selon l'annee de leur entree en activite. Certains (les P1) beneficient d'un salaire de 18 000 francs ; mais pour 70 % de la profession les remunerations varient entre 7 000 et 10 000 francs. " L'organisation de la precarite etait une mesure de sagesse, en 1968, lors de la creation massive de postes, estime-t-on au ministere. Mais il est intolerable que, pendant vingt ans, des generations d'enseignants aient continue a pietiner. " " Statut ou pas, il faut surtout qu'ils soient payes pour ce qu'ils font ", avance Jacques Allegret. En effet, il n'y a pas de correlation entre le niveau de remuneration, les durees de service et les obligations pedagogiques des professeurs. " Le systeme actuel pourrit nos rapports ", regrette Jacques Allegret. C'est une foire d'empoigne chaque fois qu'un poste se libere. A cette loterie des carrieres, il y a beaucoup de perdants. " Les plus brillants chercheurs baissent les bras, dit un enseignant, lui-meme sur le point d'abandonner. En revanche, pour un architecte praticien, un salaire de 15 000 francs pour douze heures de cours hebdomadaires est une assurance contre les aleas de la conjoncture que peut connaitre son agence. C'est sa Securite sociale ou son argent de poche. " La conference des presidents de conseil d'administration reclame qu'on cree, pour ceux qui souhaitent s'investir dans l'enseignement, un corps de titulaires calque sur celui du superieur, qu'on organise le cumul, qu'on reflechisse a un statut de professeur associe pour les professionnels. Toutes ces hypotheses ont deja ete longuement evaluees, soupesees. En dix ans, une vingtaine de projets de statut ont ete enterres. Pourquoi ? Moins de mille enseignants a revaloriser, c'est une goutte d'eau dans le budget d'un pays soucieux d'education. Selon certains, l'enseignement de l'architecture ne serait " pas entierement integre dans la fibre de l'equipement ", son ministere de tutelle depuis 1978. Alors qu'il a de bons rapports avec ce ministere, Remi Lopez, president du conseil de l'ordre des architectes, confirme : " En matiere d'enseignement, nous parlons des langues differentes. " " Nous allons mettre les pieds dans le plat ", avertit cette fois le conseil national. " Nous ne pouvons pas tolerer une formation qui ne cesse de se degrader a l'approche de l'Europe de 1993 ", s'exclame Dominique Alet, son vice-president charge de l'enseignement. Pour Jean-Claude Ribaud, directeur de la Maison de l'architecture, la lecture du sondage IPSOS aupres des etudiants est edifiante : " Il y a lieu de doter le milieu enseignant d'un statut qui permette d'avoir les meilleurs, et surtout de restructurer les contenus des enseignements. " Le vieux debat sur la nature de l'enseignement est relance par les etudiants de 1989, nombreux a demander une formation plus proche des realites du metier. Longtemps aux antipodes, la profession et les enseignants se rejoignent aujourd'hui sur la necessite de lier plus etroitement la theorie a la pratique. Certes, les etudiants n'ont jamais cesse, pendant leurs etudes, de " faire la place " dans les agences. Negres, grouillots, betes a concours plutot que stagiaires : le benefice n'etait pas toujours equitablement partage. Desormais, le stage est devenu obligatoire, mais les professionnels regrettent qu'il soit trop court, reclamant un retour a des etudes en six ans au lieu de cinq et denoncant au passage " les freins psychologiques d'un monde enseignant sclerose ". Les ecoles, elles, ne veulent plus fournir " une main-d'oeuvre a bon marche " et souhaitent que ces stages soient organises et evalues pedagogiquement. Apres vingt ans de gueguerre, les points de vue se rapprochent. En Midi-Pyrenees, le conseil de l'ordre et l'ecole d'architecture de Toulouse ont lance a titre experimental un programme de stages a caractere pedagogique integres au cursus. A Nantes, Jean-Marc Cailleau envisage d'organiser la cinquieme annee d'etudes en alternance dans les entreprises des Pays de Loire. Enseignants et professionnels ayant esquisse ensemble un debut de reflexion, le ministere de l'equipement risque de devoir faire face a un front commun. Meme sur des sujets explosifs. Ainsi, bien qu'il rejette l'idee d'une selection, Jacques Allegret admet que, pour etre reconnus, les enseignants devront etre plus exigeants : " Delivrer deux mille diplomes par an n'est pas serieux. On a mis sur le marche des gens pas tres qualifies qui ont porte tort a notre enseignement. Si nous ne redevenons pas des gens serieux, donc qui selectionnent un peu plus, nous n'aurons pas un radis. " Un langage que devrait comprendre Michel Charasse. Reposant traditionnellement sur une relation personnelle entre des eleves et des " patrons ", charges de transmettre un savoir-faire et de preparer l'insertion professionnelle, l'enseignement de l'architecture a ete fortement attire par le modele universitaire, sous la pression des etudiants. La resistance des professionnels etait toutefois trop forte pour que cette voie puisse etre entierement suivie. Comment concilier les besoins de la profession et la necessite de donner aux etudiants une solide culture generale ? C'est ce compromis entre le " culturel " et le " technique ", l'" universitaire " et le " professionnel " qu'a tente de realiser la reforme de 1984. Avec quel succes ? Depuis plus d'un siecle, l'enseignement de l'architecture etait assure essentiellement au sein de l'Ecole nationale superieure des beaux-arts de Paris, dans des ateliers constitues par des architectes experimentes. L'acces a l'ecole etait limite par concours. La formation, essentiellement pratique, etait tres axee sur le dessin. Les ecoles regionales dependaient de celle de Paris. Seuls deux etablissements s'etaient constitues en dehors de ce systeme : l'Ecole speciale d'architecture (fondee en 1865 par Viollet-le-Duc et reconnue par l'Etat en 1934) et l'Ecole nationale d'ingenieurs de Strasbourg. Le monopole de l'Ecole des beaux-arts, la conception etroitement professionnelle de son enseignement, ont ete vivement critiques des le debut des annees 60. En 1962, l'enseignement est reorganise en deux cycles distincts. Une reflexion generale sur les contenus et les programmes est engagee par le directeur de l'architecture, Max Querrien. Une reforme est annoncee en fevrier 1968, prevoyant notamment l'eclatement de l'Ecole des beaux-arts et la creation de plusieurs ecoles nationales a Paris et en province. Ce projet de reforme est bouscule par la contestation etudiante, particulierement vive parmi les architectes. Les etudiants souhaitaient un rattachement pur et simple a l'universite, afin de soustraire l'enseignement a l'influence de la profession et de l'ouvrir aux grands courants de pensee contemporains. Sans aller jusque-la, la reforme Malraux de decembre 1968 s'efforce d'introduire dans l'organisation des etablissements les principes d'autonomie et de participation instaures dans les universites par la loi Edgar Faure, et de faire une plus grande place a la formation culturelle - et notamment aux sciences humaines - dans l'enseignement. Vingt et une unites pedagogiques sont creees, dont cinq a Paris, chacune de ces unites delivrant son diplome. Il n'y a plus de selection. Le prix de Rome, qui constituait le couronnement des etudes des beaux-arts et assurait un certain nombre de commandes de l'Etat, est supprime. Une " conference generale " des unites pedagogiques, dans laquelle siegent des eleves, est chargee de reflechir aux nouvelles structures a donner a l'enseignement. Des modifications partielles seront apportees par la suite. Mais elles ne prendront forme que dans le decret de septembre 1971 qui cree des " instituts d'architecture et d'urbanisme ". L'enseignement est reorganise en trois cycles de deux ans chacun, sur le modele universitaire, sanctionnes par des unites de valeur. La situation creee par la reforme Malraux est de plus en plus critiquee, dans les annees 70, par les milieux professionnels. Ceux-ci mettent en cause l'abandon de la selection qui a conduit a un triplement des effectifs en dix ans (passant de pres de cinq mille etudiants en 1968 a quinze mille en 1978), mais surtout l'orientation prise par les etudes, qui ont privilegie les sciences humaines, en particulier la sociologie, au detriment des disciplines techniques et du dessin. Ces inquietudes s'expriment notamment dans le rapport Narbonne (1977), extremement severe, qui propose un retour a la selection, une organisation et une sanction plus strictes des etudes, un renforcement des structures administratives des etablissements et une redefinition du statut des enseignants. Ces idees sont en partie reprises par la reforme d'Ornano de 1978. L'acces en deuxieme annee est limite par concours, en fonction des capacites d'accueil. Les vingt-trois unites pedagogiques (neuf a Paris, quatorze en province) auront un statut d'etablissement public a caractere administratif, ce qui renforce le pouvoir des directeurs, nommes par le ministere. La representation des enseignants diminue dans les nouveaux conseils d'administration, qui s'ouvrent a des personnalites exterieures. Le diplome de fin d'etudes comprend une partie graphique. Des stages dans les agences ou les entreprises de construction sont instaures dans le troisieme cycle. Les socialistes au pouvoir suppriment le numerus clausus en 1982. Une nouvelle reforme, en 1984, ramene la duree des etudes de six a cinq ans. Le troisieme cycle est supprime, mais est cree un " certificat d'etudes approfondies en architecture " (CEAA), qui doit permettre aux titulaires du DPLG de se specialiser au contact de la recherche. Celle-ci se developpe notamment autour de l'Institut francais d'architecture (IFA). Les stages deviennent obligatoire. Un " diplome d'etudes fondamentales en architecture " (DEFA) est cree a la fin du premier cycle de deux ans, consacre aux enseignements de base (architecture, dessin, sciences exactes et humaines). Parallele au DEUG, le DEFA doit permettre de rapprocher l'architecture des etudes universitaires. Pour donner plus de coherence aux etudes, celles-ci sont organisees en certificats (quatre par annee) et non plus en unites de valeur. La reforme remet au centre de l'enseignement l'etude du projet, mais s'efforce egalement de diversifier les contenus (urbanisme, gestion, legislation, informatique, langues) pour permettre un elargissement des debouches professionnels. Plusieurs problemes toutefois restent toujours en suspens, notamment ceux des statuts des etablissements et des enseignants, les textes qui devaient les regler n'ayant toujours pas ete publies. - Une exposition de travaux d'eleves. - Un colloque, les 30 et 31 octobre, avec la participation de Mr Michel Delebarre, ministre de l'equipement. - L'edition d'un fichier des ecoles d'architecture en Europe. - La publication d'un dossier comprenant notamment une consultation de jeunes architectes, dans le numero d'octobre de la revue Techniques et Architecture. Le systeme des indemnites contractuelles inquiete les enseignants du superieur Combien en beneficieront ? Comment choisir entre l'enseignement, la recherche et l'administration ? LA fievre monte dans les universites. Et, pour la premiere fois depuis longtemps, la grogne ne vient pas des etudiants, mais des enseignants. Dans les amphis et les couloirs, les universitaires ne parlent plus que d'une chose, ou presque : les primes (ou indemnites contractuelles) que le ministere de l'education a decide d'accorder a une partie des enseignants du superieur qui se consacrent plus particulierement a des taches d'enseignement, de gestion administrative ou de recherche et d'encadrement doctoral (le Monde du 11 juillet). Nouveau dans le monde universitaire, ce systeme de primes individuelles, optionnelles et differenciees avait fait l'objet, lors de la negociation du printemps dernier sur la revalorisation des carrieres, de reactions de principe des syndicats : positives pour les syndicats autonomes, qui y voyaient le moyen de reconnaitre le merite individuel ; negatives pour le SNESup et le SGEN-CFDT, qui denoncaient cette logique liberale et reclamaient davantage d'ameliorations statutaires et generales. Mais les uns et les autres avaient signe le releve de conclusions, et la communaute universitaire n'avait guere reagi. Mais, depuis quelques semaines, chaque enseignant est invite a postuler pour l'une des trois indemnites proposees. Et c'est l'ebullition. Insensibles aux autres mesures, moins spectaculaires, de revalorisation (voir encadre), les universitaires sont secoues par le systeme de primes individuelles comme par un electrochoc. " Ce systeme est un leurre ", estime Jean-Marie Pradier, maitre de conferences a Paris-VIII Saint-Denis. " Le remede des primes telles qu'elles sont proposees est pis que le mal des bas salaires ", reprend Remy Prud'homme, professeur a Paris-XII. " Le faible nombre des primes est scandaleux. On a l'impression d'avoir ete berne ", enchaine Michel Jarrety, de l'UFR de lettres de Toulouse le Mirail. " Cette revalorisation est une mystification. On se fiche de nous et on nous traite de facon indigne. Pour 95 % des enseignants du superieur, la revalorisation va se solder par 300 francs de plus par mois, resultant de l'augmentation de la prime generale de recherche ", conclut Pierre Osmo, philosophe a Nanterre. " Ces primes sont un cadeau empoisonne ", ajoute son collegue d'etudes theatrales, Jean-Pierre Sarrazac. Tandis que le directeur de l'UFR de physique de Paris-VII, Mr Dedonder, s'indigne : " La devalorisation de la fonction d'enseignant-chercheur, sous-jacente a ce regime indemnitaire, detournera encore plus les jeunes des carrieres universitaires. " Bref, nombre d'universitaires se disent " scandalises " ou " ecoeures ". Sentant monter cette vague de mecontentement, le SNESup appelle, pour le 7 novembre, a une journee nationale d'action et de greve, afin d'obtenir le retrait pur et simple du regime des primes et une veritable revalorisation fondee sur des mesures indiciaires. Les causes de cette amertume sont multiples. Elles resultent d'abord du principe meme des primes. " La logique du nouveau regime est telle que les enseignants-chercheurs doivent choisir une specialisation (pedagogie, ou recherche, ou administration). Malgre les declarations de principe reaffirmant l'unite des trois missions des universitaires, les candidats aux contrats indemnitaires doivent remplir de telles conditions pour les obtenir qu'ils ne peuvent s'adonner a l'activite choisie qu'en delaissant les autres ", souligne ainsi Jean-Pierre Durand, sociologue a Rouen. Pour beaucoup, une telle specialisation risque de conduire au demantelement du statut des enseignants-chercheurs du superieur. " Nous participons tous, a tour de role, aux taches administratives de notre UFR ou de notre universite, nous faisons tous de l'enseignement et nous menons tous des recherches, puisque nous sommes ici pour ca ", poursuit Francine Marcovitz, philosophe a Nanterre. " Donner une prime a tel ou tel, ajoute sa collegue Baldine Saint-Girons, va decourager les bonnes volontes. Ceux qui essaient d'assumer ces trois missions, a parts egales, vont etre demotives. " Plus nuance, Robert Ellrodt, president de l'universite Paris-III et de l'AUPEL (Association universitaire pour l'entente et la liberte), n'exprime pas moins son inquietude : " Un systeme de primes differenciees peut reparer certaines injustices : le caractere benevole de lourdes taches pedagogiques ou administratives, l'egale remuneration d'une qualite de travail parfois tres inegale... Le principe parait inattaquable. Mais l'application ne creera-t-elle pas de nouvelles injustices ? Ne provoquera-t-elle pas des tensions internes, prejudiciables a la collaboration de tous les universitaires ? " Dans le detail, chaque prime proposee suscite son lot de critiques. La prime administrative ? Pourquoi n'est-elle pas attachee a des fonctions precises (a l'exception des presidents d'universite), comme dans le reste de la fonction publique ? Ne risque-t-elle pas de demobiliser ceux, deja peu nombreux, qui n'en beneficieront pas ? La prime pedagogique ? S'agit-il vraiment d'une revalorisation puisque cette indemnite implique une sensible augmentation des obligations de service des enseignants (de 50 % pour les maitres de conferences et des deux tiers pour les professeurs) ? Ces primes pedagogiques ne vont-elles pas favoriser l'emergence d'une categorie d'enseignants coupes de la recherche, d'autant plus qu'un systeme particulier de promotion leur est reserve ? Quant a la prime d'encadrement doctoral et de recherche, attribuee par les groupes d'experts constitues aupres du directeur de la recherche du ministere de l'education, selon quels criteres sera-t-elle accordee ? Ne risque-t-elle pas d'accroitre les inegalites entre les grosses universites, qui disposent de laboratoires associes aux grands organismes de recherche, et les petits etablissements, depourvus de tels atouts ? Ne va-t-elle pas eliminer de fait les maitres de conferences, qui, contrairement aux professeurs, ne dirigent pas, ou peu, de theses de doctorat ? Enfin, comme le souligne Daniel Laurent, president de l'universite Paris-XII et premier vice-president de la conference des presidents, " on sera probablement capable de selectionner et de recompenser les bons chercheurs, mais pas forcement les universitaires qui font un bon travail d'animation et d'encadrement doctoral. On risque de privilegier les resultats, et non la pedagogie de la recherche ". Ce concert de critiques n'est toutefois pas unanime. Le ministere se defend, evidemment, de vouloir casser le statut des enseignants-chercheurs du superieur. La meilleure preuve, a ses yeux, est que les indemnites ne sont accordees que pour quatre ans et qu'elles sont renouvelables. Le systeme, insiste-t-il, n'est donc pas fige. En outre, plusieurs syndicats ou associations d'enseignants du superieur, que l'on n'avait pas l'habitude de retrouver aux cotes d'un ministre socialiste, restent favorables au principe meme des primes. C'est le cas des Cercles universitaires, ou de l'association Qualite de la science francaise, qui estime " pertinent que trois contrats de nature differente consacrent les efforts particuliers consentis par certains collegues dans le domaine de la gestion administrative, de l'encadrement pedagogique et de la recherche ". De meme, Alain Bienvenu, responsable des syndicats autonomes, ne sous-estime pas l'exasperation actuelle, y compris dans ses propres rangs, " mais cela ne va pas jusqu'a remettre en cause le regime des primes ". Quant a Daniel Laurent, il se veut realiste : " Il faut bien voir les choses. Les universitaires font effectivement trois metiers : ils sont enseignants, chercheurs et gestionnaires. Mais il est rare qu'ils assument ces taches simultanement. Le plus souvent, il y a des temps forts au cours de leur carriere, ou ils mettent davantage l'accent sur telle ou telle fonction. Il ne parait donc pas absurde d'avoir des contrats differencies." Mais le " president " des presidents exprime ses reserves sur un point essentiel : " Si on veut motiver les gens, il faut davantage de contrats. " Il resume la un sentiment general. Comme le dit le philosophe Georges Labica, " beaucoup de collegues ont accepte les primes, car ils avaient l'impression que tout le monde en aurait ". Mais ceux-la memes decouvrent, aujourd'hui, que tel n'est pas le cas et ils se sentent " floues ". Du coup, faute d'un affichage precis et rapide de la part du ministere, les rumeurs les plus alarmistes circulent sur le volume des primes qui vont etre distribuees : un enseignant sur sept seulement en beneficierait, soutiennent les uns ; un enseignant sur dix, voire sur vingt, s'indignent les autres. Mais, au-dela des chiffres, l'inquietude des universitaires a sans doute des racines plus profondes, tout simplement parce que ce regime indemnitaire bouscule brutalement le systeme. Celui-ci repose sur un postulat : les enseignants-chercheurs partagent leur temps entre leurs activites pedagogiques et leurs recherches. Le seul probleme, c'est que tous les universitaires ne font pas de la recherche pendant la totalite de leur carriere (voir ci-contre). Dans la situation actuelle, le seul fait d'enoncer publiquement cette verite releve, aux yeux des interesses, du scandale ou du proces d'intention. Pour une bonne raison, c'est qu'il est impossible d'en apporter la preuve : a l'exception de quelques grandes universites scientifiques, il n'existe pas de systeme d'evaluation reguliere et individuelle des universitaires. La vivacite des reactions a l'egard des primes est d'abord revelatrice de cette sourde angoisse que les choses soient desormais mises a plat. C'est particulierement vrai dans les disciplines litteraires ou de sciences humaines : " Comment voulez-vous que les evaluateurs valorisent des elucubrations sur Platon ? Ce n'est pas interessant au regard des criteres de rentabilite qui s'imposent aujourd'hui ! ", s'exclame un philosophe de Nanterre. Et un autre ajoute : " Nous sommes juges au moment de la these et des promotions. Pourquoi nous imposer une evaluation permanente ? " En decidant de mettre les pieds dans le plat, le ministre fait preuve d'une certaine audace. Mais il prend le risque de destabiliser la communaute universitaire. Les medecines de cheval ne sont pas toujours les meilleurs remedes pour les malades fragiles.